En direct de Gaza
Ma pauvre Gaza
Le retour parmi les siens dans un
cercueil
Marwa Abulaban
Lundi 5 octobre 2020
Marwa Abulaban – Gaza -
Comme c'est tragique de parler d'une
région du monde, privée de tout, et
regardons comme est si tragique, la
situation actuelle de cette terre et de
son peuple, pour qui tout est dévasté ;
son énergie, ses rêves et même ses
vies.
Depuis tant
d'années nous souffrons d'un blocus
meurtrier qui nous dénie le droit de
mener une vie normale, et en dépit de
longues années écoulées, la variable du
temps ne nous a guère permit de nous
habituer ; hormis affirmer simplement,
notre indéniable et inéluctable destinée
selon laquelle nous vivons dans la bande
de Gaza en Palestine.
Un monde sous Covid
19, et alors même que Gaza affronte les
conséquences d’une pandémie, c’est sous
un autre mal que son peuple y survit,
sous celui d’une occupation brutale et
d’un blocus immoral. La privation de la
vie dans les droits les plus
fondamentaux de ce peuple n'a jamais été
une réalité acceptable. Croyez-vous
qu’elle le sera d’autant plus avec le
contexte de cette épidémie ?
Durant les
multiples, quotidiennes agressions et
les crimes de guerre, nous nous
réfugions sans cesse à l’intérieur de
nos maisons en raison de la menace d’un
danger permanent, celui des
bombardements. Actuellement, nous sommes
à nouveau contraints de rester chez nous
en raison de la menace d’un danger
inédit et tout aussi permanent, celui
d’un mystérieux virus.
Pour autant, ne
croyez-pas qu'antérieurement à ce
coronavirus nous faisions le tour du
monde et traversions les points de
passages comme si ces derniers étaient
toujours ouverts des deux côtés d’une
terre isolée.
Ne croyez pas plus
que la liberté d'aller et venir était
celle qui était permise aux Palestiniens
de Gaza jusque-là. Nous vivons
désormais, le blocus dans le blocus, le
confinement dans le confinement. Je ne
sais point quand nous allons vraiment
nous libérer corps et âmes, sains et
saufs de cet enfermement succédant à
l’encerclement et enfin ouvrir nos
portes intérieures pour enfin élever
cette dignité qui nous est chère.
Environ 2,05
millions de personnes de Gaza doivent
rester enfermées chez elles en raison du
couvre-feu imposé chaque jour face au
risque de contamination par le
coronavirus qui règne autour d’eux. Ces
citoyens restent tout autant et au même
moment, entourés de chars, tout en
faisant l'objet d'attaques brutales,
sans distinction depuis des hélicoptères
de combat.
Le Coronavirus
aggrave ainsi la souffrance d'une
population aux conditions de vie déjà
extrêmement difficile du fait du siège
et de la crise humanitaire, qui ont tant
d’effets dévastateurs au terme de ce
qu’impose l'occupation israélienne
depuis de trop nombreuses années.
Certes, Gaza
souffre dans sa lutte contre la
propagation de coronavirus, et nous
craignons toujours le risque de
contamination par cette maladie, le
risque de l'infection fatale et sa
multiplication dramatique. Et pour
cause, nous connaissons parfaitement les
capacités sanitaires intérieures qui
s’avèrent très limitées dans la bande de
Gaza, et en particulier le manque de
médicaments et d'équipements pour faire
face au Covid 19.
En présence d'une
culture du silence trop souvent
manifestée autour de la question
palestinienne, la conséquence du blocus
s’accroît, ainsi que le risque de ne pas
pouvoir disposer des services médicaux
de base. Un contexte qui à terme
provoquera plus de morts au sein de ce
peuple et d’autant plus parmi ses
porteurs de virus en des milliers de
personnes victimes dans ce qui serait
annonciateur d’un drame sanitaire. Nous
vivons au plus fort des crises, et
encore et toujours face à ce qui est une
tyrannie d'Israël aux yeux du monde.
Ma journée est un
mélange d'inquiétude et de craintes : de
longues coupures d'électricité, des
coupures d'eau, le manque de nourriture,
l'arrêt du travail, la peur de
l'épidémie, le bruit incessant des
drones, l'isolement intérieur et
extérieur, ainsi que les bombardements
aériens qui avortent l’espoir de
réalisation de la plupart de nos rêves
imaginaires. Ces bombardements
tyranniques, semeurs de morts, sournois
et récurrents surviennent avec fracas
chaque nuit depuis l’immensité sombre du
ciel. Ces bombardements pour lesquels
nous n'avons aucun pouvoir d’opposer la
fin. En effet, nos esprits et nos cœurs
sont tiraillés sans arrêts, au point de
ne plus savoir quoi penser.
Ma pauvre
Palestine, ceux qui devaient te défendre
et défendre ta cause considérés comme
frères, deviennent l’un après l’autre,
tels des esclaves donnant allégeance en
faveur de ton ennemi. Ces esclaves voués
au stratagème d’un tyran, qui n'auront
dorénavant plus rien de bon en eux,
fût-ce le poids d’un atome puisqu’ils
ont atteint le comble du mal. Ces sans
dignité, ni honneur ne savent pas qu'ils
ne sont qu’un jeu et des pions entre les
mains d'Israël et que le jour viendra
sans doute où ils seront à jamais déçus.
Il faut qu'ils sachent que la Palestine
est la nôtre, elle n'est pas à vendre et
Jérusalem est sa capitale.
Que dire de ce
régime en Égypte et de son attitude
envers les palestiniens de Gaza
assiégés ? Que dire lorsque la marine
égyptienne tire le feu sur trois
pêcheurs, pendant qu'ils ne faisaient
que pêcher aux environs des frontières
maritimes palestino-égyptiennes à Gaza ?
Trois jeunes frères d'une même famille
qui perdent la vie et pourtant incapable
de faire le moindre mal, sauf à être
dévoués corps et âmes à leur famille,
cherchant à gagner leur vie, et à
fournir les médicaments à leur père
malade.
Des crises
d'angoisse, des cris de douleur pour
encore tant de morts innocents aux yeux
de parents tout aussi innocents. Ces
crises et ces cris qui s'élèvent à
travers les monts et les vallées après
avoir appris la tragique nouvelle de la
mort de leurs deux fils (Hassan et
Mahmoud) alors que le troisième (Yasser)
a été blessé et arrêté.
Il est à noter que
ce n'est pas la première fois, mais la
cinquième reprise que l’Égypte attaque
les pêcheurs palestiniens de Gaza et
ceux de sa ville assiégée ; auparavant,
Feras Meqdad (2015), Mostafa Abu Ouda
(2018) sont tant de victimes de cette
barbarie aveugle et inhumaine. Cette
barbarie aveugle et inhumaine qui
attristera toujours le cœur de voir
encore tant de nos frères subir le même
sort. N’y avait-t-il encore une fois de
plus, pas d'autres moyens pour les
sanctionner, les arrêter que celui de
sévir par l'homicide arbitraire, quand
bien même auraient-ils dépassés les
frontières ? Quelle horreur et quelle
indignité !
Nous n'oublions
jamais ce qui arriva en 2019 et qui
témoigne de l’ingratitude sournoise à ce
jour, quand la police maritime
palestinienne de Gaza avait secouru six
pêcheurs égyptiens au moment où leur
bateau s'est écrasé. Ce bateau qui fut
emporté par le vent vers les plages de
la Zone Centrale de la bande de Gaza.
L'hospitalité
fraternelle faisant partie de notre
tradition, nous les avons accueillis,
nous avons été compréhensifs et généreux
avec eux. Ces pêcheurs ont ressenti le
bonheur de revenir parmi leurs familles
munis de fleurs des retrouvailles. Ce
bonheur que ne ressentiront jamais les
nôtres dont le retour à leur terre et
vers leur famille ne fut que par celui
des cercueils.
C'est une même
situation mise en parallèle mais dont le
traitement est complètement différent.
Comble du destin ces deux âmes tuées de
sang-froid, faisaient partie de l'équipe
de secours maritime qui a participé fut
un temps à sauver les pêcheurs
égyptiens, et à faire ainsi le bonheur
de leurs familles. Dès lors, ici, la
tragédie est complète puisqu’elle
emporte en définitive le digne d’esprit
solidaire et le gentil. C’est pourtant
comme cela que les frères agissent entre
eux…
Sincèrement, je
voudrais cessez d'en appeler à
l’attention du monde sur notre sort car
en vérité personne ne vit et ne ressent
notre souffrance, notre peine ; et
d’ailleurs comment ce monde pourrait-il
les sentir ? Le seul moyen de sauver nos
vies est de résister, et de faire la
moindre des œuvres qui nous ait possible
de faire, si ce n’est prier, car nous
sommes croyants et nous croyons
fermement que notre Dieu est notre seul
protecteur, celui qui nous délivrera du
mal et de la tyrannie de tout ennemi.
Finalement, je ne
sais pas comment j'ai eu la force pour
recommencer à écrire, car en vérité
comme à chaque fois et sous l’empire
d’une profonde émotion, je ne sais pas
vraiment par où commencer. Toutefois,
tout ce dont je suis sûre, ce que je
sais et ce à quoi je crois, c’est que
nos vies sont précieuses…
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