Décodage
anthropologique de l'histoire
contemporaine
Les
offertoires de Jahvé
racontés aux enfants (2)
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 31 janvier 2014
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Présentation
1 - Les charcuteries sacrées
2 - Les masques moraux de
l'immoralité
3 - Le retour au meurtre sacré
4 - Calchas
5 - La balance à peser
l'assassinat cultuel
6 - La guerre des dieux
7 - Les barbares de la Liberté
8 - Soyez les civilisateurs de
la démocratie
9 - Les acteurs du comique
10 - Post-scriptum
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Présentation
Mes deux textes des
10 et 17 janvier (Mon
Panthéon 1 -
Mon Panthéon 2) illustraient un mode
d'interprétation de l'évolution de
l'intelligence humaine que mes lecteurs
connaissent bien : ils savent que
j'observe les germes spirituels que les
plus grands esprits ont semés parmi les
barbares de leur temps et qui
féconderont leur avenir intellectuel à
l'épreuve des siècles de leur postérité.
Mais pour opérer un choix parmi les
hommes de génie de ce calibre, il faut
disposer d'un embryon de philosophie de
la raison, donc d'un commencement de
regard de l'extérieur sur la course de
fond des évadés du règne animal. Or, ce
marathon ne se rend observable qu'au
spectacle des immolations les plus
payantes de leurs congénères que les
semi-évadés de la zoologie offraient
bien saignants à leurs premiers dieux.
Puis, le genre simiohumain s'est mis à
l'école de la substitution massive de
ses animaux domestiques aux sacrifices
de grand prix de ses ancêtres. Mais
comment rendre la viande de boucherie
aussi rémunératrice que la viande
humaine, comment tirer de la pingrerie
d'une soudaine parcimonie sacrificielle
le même profit cultuel que des
fournitures plus coûteuses sur les
autels de la mort rémunérée ? Un regard
nouveau sur les hommes de génie naîtra
nécessairement de la place qu'ils
occuperont sur le chemin d'une
anthropologie universelle de la chair
religieuse et d'un désensauvagement
progressif des mangeailles sacrées.
C'est pourquoi mes
textes sur un Panthéon idéal de
l'humanité - Homère, le Bouddha,
Socrate, Confucius, Sophocle, Tacite,
Cervantès, Swift, Shakespeare, Bergson -
devaient fatalement me conduire à
l'examen de l'endroit précis que la
guerre d'Israël en Palestine occupe dans
l'évolution transanimale de l'humanité.
Seule une spectrographie du devenir
cérébral de notre espèce permettra à
l'anthropologie moderne du sacré de
remonter à l'immolation d'Iphigénie et
de peser la nature et l'enjeu des
meurtres jugés rentables aujourd'hui.
Observons les auréoles verbales dont la
bête se couronne - l'inconscient
religieux des origines y palpite encore.
1 - Les
charcuteries sacrées
Au XVIIIe siècle,
vous couriez encore le danger de vous
trouver brûlés vifs sur les bûchers de
la foi des chrétiens si l'idée
malencontreuse vous avait traversé
l'esprit de nier le miracle de la
métamorphose des offrandes censées se
produire le dimanche sur les autels
sanglants de France et de Navarre. Au
XVIIe siècle, il était préférable, comme
Descartes s'y était résigné, de ne pas
évoquer la place centrale qu'occupe le
soleil dans la ronde des planètes - et
pourtant, l'héliocentrisme se trouvait
démontré depuis près d'un siècle.
Apprenez qu'à toutes les époques et en
tous lieux de la mappemonde, l'espèce à
laquelle vous appartenez est demeurée
semi animale et que c'est à ce titre que
vos congénères s'imposent des tabous
dont l'immoralité demeure cachée à leur
regard, ce qui les aide à ralentir
l'évolution de leur encéphale sans
seulement qu'ils s'en doutent. Vous
remarquerez, en outre, qu'à partir de la
fin du Moyen Age, c'étaient les
découvertes astronomiques, puis
biologiques qu'il était devenu immoral,
donc impie, d'imposer aux cervelles,
tandis que vous aurez à combattre une
interdiction dont l'immoralité secrète
vous demeurera cachée sous la cécité de
bonne foi de vos aînés, tellement
l'inconscience vertueuse des adultes de
votre temps semble remonter à la
préhistoire: on veut vous interdire tout
progrès moral, parce que l'interdit
qu'on vous impose émane d'une morale
chargée de légitimer à nouveaux frais
les dons de chair des premiers hommes à
leurs dieux.
Comment
ressusciterez-vous sans le savoir le
modèle des trucidations sacrées
d'autrefois, et cela au nom même des
idéalités désincarnées qui servent
d'étoiles idéologiques à la démocratie
mondiale?
2 - Les masques
moraux de l'immoralité
Prenez l'exemple
antique de l'assassinat d'Iphigénie sur
l'autel du dieu Eole. Ce sacrifice avait
provoqué l'indignation religieuse des
fidèles au spectacle de l'immoralité de
Clytemnestre, épouse de Ménélas, chef de
la flotte de guerre des Grecs, dont la
mécréance jugeait immorale, elle, la
pieuse immolation de sa fille, dont la
trucidation avait pourtant été demandée
le plus dévotement du monde par le devin
officiel de l'expédition, le renommné
Calchas. Comment mettre en doute
l'autorité de ce saint patenté si Eole
se refusait obstinément de souffler à
pleins poumons et de conduire toutes
voiles dehors les Achéens sous les murs
d'Ilion?
De même, les
Gaulois de bon aloi et respectueux des
valeurs de leur démocratie se
déchaînaient le plus sincèrement du
monde contre les hérétiques qui
prétendaient soudainement que les
maigres carcasses d'animaux de boucherie
qu'on offrait depuis peu sur les autels
traditionnellement sanglants des
ancêtres n'étaient pas moins
généreusement payées de retour par des
dieux devenus peu exigeants en un
tournemain. Comment pouvait-on
dévaloriser à ce point les Gaulois que
l'on égorgeait jusqu'alors sur des
offertoires richement achalandés, donc
bien dégoulinants, comment des impies
aussi entêtés qu'irréfléchis
pouvaient-ils soutenir l'absurdité selon
laquelle les Immortels se seraient
ravisés la nuit dernière et qu'ils
accorderaient désormais la même
rentabilité sacrificielle à
l'hémoglobine des deux charcuteries
sacrées?
3 - Le retour du
meurtre sacré
Vous voyez, les
enfants, que, d'une culture à l'autre,
la raison et la déraison qui commandent
l'éthique de l'humanité ne se pèsent pas
sur la même balance du juste et de
l'injuste, du vrai et du faux, de la
civilisation et de la barbarie. Sachez
que vous vous trouverez contraints, et
cela par la volonté des lois sauvages de
la République de votre siècle , de vous
présenter sur la scène du monde en
plaideurs éloquents et réputés sincères
de l'immoralité démocratique derechef
attachée par le Dieu d'Israël aux plus
vieux sacrifices de sang, sachez que
vous servirez, sur la scène d'une fausse
justice internationale, d'apôtres
réputés consentants des retrouvailles de
votre temps avec les immolations les
plus primitives du genre humain, sachez,
de surcroît, que ce sera au nom d'une
immoralité déguisée en morale que vous
serez appelés, par les Calchas
d'aujourd'hui, à servir de solennels
sacrificateurs à un dieu de l'Ancien
Testament attifé en serviteur de la
Liberté du monde. Car l'Etat d'Israël
exigera votre retour repentant au culte
du sacrificateur achéen qui accusait
Clytemnestre d'immoralité pour avoir
jugé sauvage le saint assassinat de sa
fille sur l'autel du dieu du vent.
4 - Calchas
Au nom de quelles
ordalies le peuple de Moïse exigera-t-il
que la démocratie mondiale remonte sur
les planches du meurtre rituel et qu'il
déclare pieuses les conquêtes auxquelles
le dieu sanglant d'Israël se livre de
nouveau au Moyen Orient? Vous savez
qu'il y a trois-quarts de siècle, cet
accoucheur mythique du cosmos est
retourné en Palestine, dont il s'était
absenté depuis deux millénaires et qu'il
s'est hâté de chasser de leurs terres un
premier lot de sept cent cinquante mille
habitants du pays. Vous savez également,
que, depuis lors, ce rude revenant étend
de nouveau ses conquêtes de sauvage,
mais que sa ruée, sabre au clair, a
néanmoins été jugée tellement barbare
par l'unanimité des nations civilisées
de notre temps qu'elles ont élevé les
martyrs du ciel de l'endroit au rang
d'un second Vatican, vous savez enfin
qu'à ce titre, la Palestine jouit
désormais du statut d'un Etat
métaphorique, donc réduit, à l'instar du
Saint Siège, au rang d'un observateur
symbolique de l'animalité du genre
humain.
Et pourtant, que
ferez-vous de l'immoralité attachée à
l'interdit nouveau qui vous étrangle,
celui de crier votre sainte fureur dans
les rues de vos cités et sur les places
de vos villages ? Au nom de quelle
morale vous interdira-t-on de condamner
les sacrifices humains de votre temps,
puisque la justice et le droit de la
démocratie mondiale ont décidé de faire
courir de nouveau le fléau de la balance
des dieux du côté de Calchas ? En un
mot, que ferez-vous non seulement de
l'interdiction immorale qui vous frappe
de condamner l'immoralité des crimes
actuels de Jahvé, mais de l'obligation
d'en confesser la sainteté?
5 - La balance à
peser les meurtres sacrés
Ecoutez ce que
répondait le vaillant amiral Ménélas aux
entêtés qui auraient voulu lui arracher
le couteau des mains: les Célestes,
disait l'illustre marin, ont la tête
solidement vissée sur les épaules, les
Célestes sont des logiciens de la
politique internationale, donc de l'art
de la guerre, les Célestes ne
s'appelleraient pas les Immortels s'ils
tombaient à chaque instant dans la
sottise de rémunérer au même prix les
trucidations sacrificielles les plus
précieuses sur leurs offertoires et les
offrandes bon marché qu'on achète tous
les jours sur l'agora et dont la
modicité ne vide votre escarcelle que de
trois sous."
Que réclame de vos
cervelles d'enfants la balance du dieu
des combats qui tient le destin d'Israël
entre ses mains? Que vous sacrifiiez sur
le vieil autel des Achéens rien moins
que la morale et la foi auxquelles la
Démocratie mondiale s'est convertie sur
tout notre astéroïde, rien moins que la
sainte immolation de la Palestine sur
l'offertoire du vieux Jahvé.
Mais si vous
refusez tout net de revêtir la chasuble
des nouveaux sacrificateurs d'Iphigénie,
sur quels arguments vous appuierez-vous
pour demander à Israël de renoncer au
sacrifice le plus payant, celui d'un
peuple entier sur les propitiatoires du
Vieux Testament? Ne pensez-vous pas que
vous manquez encore de la balance qui
vous permettrait de peser la raison
politique de l'humanité? Certes, il sera
difficile à fabriquer, l'appareil de
pesée des sacrifices dont le fléau vous
indiquera le prix comparé de quelques
animaux domestiques au dieu de la guerre
et le coût du sacrifice d'un peuple
entier d'innocents au dieu Jahvé.
6 - La guerre des
dieux
Et pourtant, votre
destin de moralistes et d'anthropologues
de la politique des démocraties
achéennes du monde entier vous appelle à
planter le dard de votre réflexion la
plus audacieuse dans le culte des
meurtres pieux dont la gloire
ensoleillait l'histoire universelle. Car
la guerre de Calchas vous pose une
question à laquelle vous ne pouvez vous
dérober: est-il vrai ou erroné qu'à long
terme, le peuple de David a raison de
fêter ses retrouvailles avec l'étal et
le couteau des devins antiques ou bien,
tout au contraire, paiera-t-il, le
moment venu, un prix tellement
exorbitant pour le meurtre de la
Palestine sur ses autels qu'il se rendra
insolvable à jamais? Car la véritable
balance à peser le sang de l'histoire
est aussi une horloge de haute
précision; et cette horloge-là fait
courir les aiguilles de la vie et de la
mort sur le cadran de la mémoire du
monde. Prêtez l'oreille à la parole de
Chronos. Qu'a-t-il glissé à l'oreille du
pape François?
"Si, en mai
prochain, tu salues la Palestine du
titre d'Etat souverain, cette audace
sémantique ne sera pas tellement
héroïque dans ta bouche, puisque toutes
les nations civilisées de la terre ont
fait, de cet Etat, le nouveau Saint
Siège de l'esprit de justice sur notre
planète. En revanche, si le successeur
de Pierre se transporte à Jérusalem, il
en oubliera qu'il s'agit d'une ville
conquise le glaive à la main et maison
par maison par un prédateur et qu'aucune
démocratie n'a hissé le drapeau du droit
international sur ce trophée.
Oublieras-tu que la Palestine est clouée
sur une potence et qu'à ce titre, elle
disqualifie de tout le poids de son sang
l'expansion territoriale ultérieure
d'Israël? Tu as le choix: ou bien tu
trahiras la mémoire spirituelle du
monde, ou bien tu feras basculer du côté
de la politique internationale au Moyen
Orient le fléau de la balance chrétienne
du ciel de la justice; et l'on verra,
deux cent vingt-cinq ans seulement après
la révolution de 1789, le Saint Siège
rappeler la France à se souvenir de ses
devoirs à l'égard des valeurs
ascensionnelles des républiques et de la
démocratie - et le monde entier tiendra
de nouveau entre ses mains une boussole
de la conscience morale commune à
l'église de la Liberté politique et au
christianisme."
7 - Les barbares
de la Liberté
Sachez donc, les
enfants, quel est l'enjeu caché du débat
de fond de notre temps, celui qui porte
sur le statut spirituel de la politique
et de la morale des démocraties. Au
XVIIIe siècle, l'Eglise catholique
qualifiait de "sacrilèges" les
plaisanteries religieuses minoritaires
des encyclopédistes - les superstitions
majoritaires de Rome faisaient
s'esclaffer les maigres phalanges de la
raison; et les rieurs répondaient
inlassablement, mais vainement aux
accusateurs de Curie qu'ils ne luttaient
pas dans l'arène de l'histoire du globe
terrestre afin d'exercer le droit de
proférer des blasphèmes insultants, mais
seulement de défendre une liberté
souffrante, celle de dire la vérité au
monde.
Que vous dit
Voltaire? Qu'on veut faire passer à vos
yeux pour des outrages à l'orthodoxie
jacobine et républicaine le récit exact
des exploits guerriers de Jahvé en
Palestine. Mais, songez qu'au XVIIIe
siècle, le combat cuirassé de logique
que vous meniez pour la défense des
droits communs à la raison et à la
morale, ce combat portait déjà sur le
pouvoir, profanateur par nature, que
vous exerciez de seulement tenter de
rendre majoritaire la vérité
rationnelle, donc minoritaire par nature
et de réfuter les prodiges de la
superstition populaire auxquels les
masses de l'époque se trouvaient
asservies.
Aujourd'hui, le
même combat contre l'erreur collective
se trouve qualifié de sacrilège par vos
tribunaux. Accepterez-vous qu'une
République fondée sur les droits de la
raison vous interdise l'exercice des
prérogatives de la raison - celles que
la science historique revendique depuis
Thucydide ? Retrouverez-vous votre
courage à l'heure où une inquisition
habillée en démocratie sous la toge des
juges du Conseil d'Etat de la République
étend son règne sur les droits de la
pensée critique? Protègerez-vous la
démocratie de Calchas du poids de votre
silence complice, ou bien vous
souviendrez-vous que la vérité est
toujours minoritaire au départ - sinon
elle n'aurait pas à quitter sa solitude?
Toutes les majorités du monde falsifient
la vérité du seul fait qu'elles ont le
poids du nombre pour elles.
Tel est l'appel à
l'hérésie qui définit le courage de la
pensée et qui élèvera la lucidité de
votre jugement au rang d'une balance
vaillante de la vie et de la mort de
votre intelligence, tel est le juge des
nations civilisées qui vous rendra
rieurs. Insufflez votre intrépidité à un
pape iconoclaste, donc minoritaire. Il
vous dira que ce sont les idéalités
carnassières de la démocratie mondiale
que vous aurez à combattre. Si vous
construisez la balance à peser la
déraison et l'injustice du dieu Eole
d'aujourd'hui, Athéna vous accueillera
dans son temple.
8 - Soyez les
civilisateurs de la démocratie
Mais quelle est la
balance à peser le rire des grands
délivreurs du genre humain? Sachez, les
enfants, que le rire de la raison est le
berceau de la vie socratique, sachez que
la philosophie est née avec le sourire
de la pensée, sachez que les plus grands
génies de la littérature mondiale sont,
eux aussi, des Titans du rire et qu'ils
s'appellent Aristophane, Molière,
Cervantès, Swift, sachez que si vous ne
devenez des spéléologues du Tartuffe
qu'on appelle la Démocratie mondiale,
vous n'aurez pas répondu à l'appel du
"Connais-toi" que vous adresse votre
siècle.
Soyez les
fécondateurs de l'intelligence nouvelle
qu'enfante le naufrage des
civilisations. Le génie satirique des
Anciens enfermait encore le rire dans
l'enceinte de la vie privée. A l'heure
où, aux côtés d'un conquérant,
l'humanité se blottit sous le parasol de
la démocratie afin de se protéger des
ardeurs du soleil de la vérité,
l'histoire des Etats s'ouvre enfin au
rire de la raison.
Ce sera l'Etat de
la France, les enfants, qui demandera à
votre fausse Liberté de digérer des
prodiges sur les autels de la
République, ce sera la mâchoire de ce
dieu-là qui croquera les péchés que vous
n'aurez pas encore commis, ce sera le
couteau de ce sacrificateur-là qui
immolera la voix de votre conscience au
plus profond de votre gorge, ce sera la
démocratie de Calchas qui vous châtiera
à titre préventif afin d'éviter vos
rechutes dans le péché - la justice de
votre propre pays vous appliquera le
même traitement qu'aux criminels
invétérés qu'on condamne à des peines
incompressibles, parce que le risque
qu'ils récidivent est inscrit dans leurs
gènes. Mais vous suivrez Jack Lang et
Pierre Tartakowsky: "Le juge n'a pas
fait prévaloir la liberté d'expression
sur l'interdit et c'est une décision qui
est lourde de périls" a déclaré le
Président de la Ligne des droits de
l'homme. Leur courage vous dit: "C'est
Iphigénie que vous assassinez sur
l'autel chaque fois que vous tuez la
liberté de la France".
9 - Les acteurs
du comique
A l'heure où le
glaive de Jahvé se proclame la lumière
de la démocratie mondiale, quels sont
les personnages de comédie qui secouent
d'un rire homérique l'histoire de la
mappemonde?
Ecoutez Alice
raconter au globe terrestre le
débarquement du grand Guignol et du
burlesque sur la planète des nations et
vous remarquerez que le royaume des
enchantements modernes fonctionne sur le
même modèle que celui de l'Eglise
auto-angélisée du Moyen Age. Quand vous
observiez à la loupe le vocabulaire dont
s'illuminait le ciel romain, vous
outragiez l'image stellaire d'elle-même
qui servait de miroir complaisant à
l'humanité narcissique de ce temps-là.
Dans quel miroir plus flatteur que le
précédent vous demande-t-on maintenant
de vous mirer? Si vous n'avez pas
d'anthropologie du rire, vous
n'observerez pas comment le monde se
réfléchit dans les idéalités en miroir
que sa scolastique lui fournit; et Alice
ne vous aura pas conduits comme par la
main dans l'atelier du rire où se
construit la balance à peser l'histoire
de la sophistique universelle de
l'humanité.
Mais sachez, les
enfants, que les Célestes sont devenus
sourcilleux au chapitre de leur
définition rieuse de la moralité et de
l'immoralité, du juste et de l'injuste,
de l'impiété et de la piété des Achéens.
Quelle longue mémoire que la leur! Ne
feignez pas d'ignorer que le sionisme
renvoie le monde entier à la question
fondatrice des civilisations, celle des
sacrifices humains; sinon, vous ne
connaîtrez jamais les crimes pieux que
les aventures d'Alice au pays des
merveilles de la démocratie mythologique
mondiale ont la charge de vous cacher,
et jamais vous ne rembourserez sur votre
escarcelle le montant de la dette de
sang que, vous aussi, vous aurez
contractée.
10 - Post
scriptum
Jean-Luc Pujo fait
savoir aux lecteurs de son
site qu'il ne comprend pas
mon texte du 24 janvier et que, par
conséquent, il ne le fera pas connaître
à son public: "Ce texte ne sera
pas diffusé sur notre portail car nous
n'avons pas compris le sens de ce texte."
Comme il se trouve
qu'aucun des grands portails qui
diffusent in extenso ma modeste
réflexion hebdomadaire - puis la
laissent en ligne toute la semaine - n'a
rencontré la moindre difficulté à
comprendre ce que j'ai écrit - tous les
mots que j'ai utilisés se trouvent dans
le Larousse - j'en conclus que cet ami
est tellement intelligent qu'il feint de
ne pas me comprendre et qu'il m'appelle
à lui expliquer gentiment les raisons
pour lesquelles il fait semblant de ne
pas m'entendre.
Mais, dans ce cas,
seule une brève psychanalyse
anthropologique peut expliquer à mes
lecteurs habituels pourquoi les pieux
professeurs protestants de l'Université
de Neuchâtel se sont écriés d'une seule
voix: "Sire, nous ne le comprenons
pas" en réponse à Napoléon qui
leur demandait ce qu'ils pensaient de
Kant.
En vérité,
l'ignorance simulée des savants
interlocuteurs neuchâtelois de
l'empereur résultait de ce que l'œuvre
de Kant est construite sur le modèle des
bombes à retardement dont j'ai tenté
d'observer les ressorts, les engrenages
et les rouages dans mon Panthéon (Panthéon
1, 10 janvier 2014,
Panthéon 2, 17 janvier 2014),
et notamment à propos de Socrate, de
Tacite, de Cervantès et de Bergson. En
effet, le philosophe de Königsberg a
découvert qu'il n'existe pas de dame
Causalité installée dans l'étendue et
que les petits cailloux qu'on appelle
des causes sont, eux aussi, des fruits
de l'encéphale simiohumain. C'était
réduire l'univers à la ruée aveugle et
incompréhensible de la matière, ce que
David Hume avait démontré avant la
Critique de la raison pure du
grand Allemand dans sa célèbre
Enquête sur l'entendement humain
de 1748.
Comment placer
devant ce gouffre un empereur qui vient
d'exorciser le néant et de réinstaller
Dieu dans ses apanages de grand
architecte de la monarchie, de ciseleur
de son propre sceptre et de gestionnaire
omnipotent de l'univers? Mais voyez
comme tout se tient dans la pesée des
prérogatives que le ciel exerce sur
cette terre: quand M. Netanyahou feint
de croire que la sécurité d'Israël
serait menacée par Téhéran et que
l'Europe entière se trouverait
pulvérisée si le pouvoir causatif d'une
bombe imaginaire tombait entre les mains
du Satan iranien, que fait-il d'autre
que de brandit le totem langagier dont
Kant a commencé le décorticage
anthropologique et dénonce le rôle de
masque verbal que les évadés partiels de
la zoologie lui font jouer dans leur
tête? De même que Kant a déconstruit le
vocabulaire enchanté dont l'humanité se
chapeaute, Israël brandit un exorcisme
langagier - son auréole démocratique -
afin de cacher au monde entier que Jahvé
poursuit sa ruée aveugle et inexorable
en Palestine. Si je disais à M.
Netanyahou: "Pourquoi fais-tu
semblant de croire ce que tu nous
racontes?", il me répondrait: "Je
ne vous comprends pas".
Voyez, cher
Jean-Luc Pujo, avec quelle habileté les
semi-évadés de la zoologie se cachent
sous leurs mythes sacrés et feignent de
ne pas comprendre ce qu'on leur dit le
plus clairement du monde. Comment se
fait-il que la rue, en revanche, se
montre tellement plus perspicace que
vous? Les manifestants en colère qui,
dimanche dernier, criaient dans Paris: "Vive
la liberté d'expression", ont
parfaitement compris, eux, que le
Conseil d'Etat in corpore de la
France brandit le chiffon rouge de la
répression pénale de l'antisémitisme et
du racisme afin de cacher aux citoyens
honnêtes que, sous les flambeaux et les
lampions de la vulgate démocratique, il
s'agit d'occulter, aux yeux des Français
de bonne foi, le spectacle des conquêtes
sionistes de Jahvé au Moyen Orient.
Cher ami, ne faites
pas semblant d'ignorer ce que tous les
Français patriotes voient clair comme le
jour. Réjouissez-vous, au contraire, de
ce que le Conseil d'Etat montre du doigt
- et à la lumière même de sa feinte
ignorance - les personnages en action
sur la scène internationale et les
tireurs de ficelles qui manient la
marionnette Démocratie sur les planches
de l'histoire du sang et de la mort. Les
gens simples ne se mettent pas sur les
yeux le bandeau de la cécité volontaire.
Penser la France,
c'est penser le monde, penser le monde,
c'est penser l'histoire, penser
l'histoire, c'est penser le naufrage
mondial de la raison historique. Quand
Bossuet racontait les croisades, il ne
se dérobait pas à la tâche de les
comprendre - il croiyait les expliquer à
la lumière de sa foi, il pensait
sincèrement qu'il fallait faire cesser
le scandale d'une profanation: un
sépulcre pourtant glorifié de se trouver
désert était tombé entre les mains des
infidèles. La raison moderne, elle,
n'ayant aucune science des mentalités
religieuses et de l'esprit d'orthodoxie,
remplace par un gigantesque trou noir le
sceptre d'un ciel qui a cessé de faire
cortège aux évènements. Remplacer la
pensée mythique par l'absentéisme
intellectuel coûtera cher à la
civilisation mondiale.
Reçu de l'auteur pour publication
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