Qu'est-ce que
philosopher ?
Le combat de la raison
IV - Le Dieu sanglant de la Liberté
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 30 janvier 2015
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1 - La terreur
religieuse
2 - Les fondements de notre
asservissement
3 - La piété romaine
4 - L'avènement du Dieu Liberté
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1 - La terreur
religieuse
La semaine dernière
je me demandais si notre future
anthropologie critique pèsera la raison
et la justice du XXIe siècle sur les
plateaux d'une balance plus exacte que
celle de Voltaire dans son Traité
de la Tolérance.
Car celui qui
daigne accorder à l'erreur le droit de
s'exprimer garde seul le sceptre de la
vérité entre ses mains. De plus, si la
Liberté d'expression n'est pas
une autorité philosophique, mais
seulement l'apanage d'une subjectivité
collective réservée soit à une société
tout entière, soit à une fraction de
celle-ci, la foi se trouvera aussi
légitimée à la rejeter que la
philosophie depuis Platon et Aristote;
mais si la pensée rationnelle est en
mesure de réfuter les cosmologies
mythiques et les représentations
magiques du cosmos, alors
l'anthropologie distanciatrice verra un
champ immense s'ouvrir au défrichage des
ruses politiques et intellectuelles des
sorciers de l'univers et la tolérance
se ranger parmi les clés gentillettes du
sacré - on ne décryptera rien à ranger
un Dieu arrimé à sa théologie parmi les
Rêveries d'un promeneur solitaire
de Rousseau ou les Confessions
d'un vicaire savoyard. Penser
n'est pas un exercice paroissial.
Quels sont la
nature et le poids de l'animalité
spécifique d'une espèce qui se forge des
dieux sanglants à l'image de ses codes
pénaux? L'examen de la schizoïdie du
Dieu des châtiments devant lequel les
simianthropes se prosterneront nous
éclairera-t-il sur la qualité et les
failles de son cerveau à lui et sur les
mérites du nôtre? Car le postulat selon
lequel nos multiples croyances
religieuses seraient universelles,
unifiables sous un seul ciel et
crédibles à ce titre nous renvoie à
l'examen de la boîte osseuse d'une
Europe agenouillée le front dans la
poussière et en adoration de son maître
d'ici-bas. Or, l'infirmité de l'embryon
d'encéphale dont dispose notre espèce
est censée nous enseigner à penser le
monde avec droiture. La Liberté que
brandit une divinité construite à notre
image est-elle une massue ou un
ostensoir, un glaive ou un bénitier, une
épée ou une noblesse en attente de son
épanouissement?
Toutes nos
théologies sont construites sur des
châtiments et des prières alternés,
toutes prétendent qu'il existerait, bien
campés dans le néant un gigantesque
acteur du cosmos et un protagoniste
résolu de sa propre éternité. Cet
Hercule se montrera-t-il soucieux
d'imposer ses directives ou ses ordres à
un animal en cours d'évasion des
ténèbres du monde? Un axiome césarien
fournit son assise métazoologique
prometteuse à nos sciences dites
"humaines"; et celles-ci sont devenues
ambitieuses de nous distancier des
mythes qui enivraient nos ancêtres mais
les enchaînaient, en retour, à leurs
élévations spirituelles faussées. Mais
seule la tyrannie d'un ciel mieux armé
que celui des titubants d'hier
terrassera le Dieu fallacieux de
l'occupant de l'Europe et l'expulsera de
ses cinq cents places fortes enracinées
depuis trois quarts de siècle sur notre
sol.
2 - Châtiments et
prières
Depuis des
millénaires, le personnage fabuleux,
mais invisible évoqué ci-dessus dispose,
hélas, de moyens de séduction massifs à
notre égard. Nous avons longtemps jugé
prestigieuses sa musculature et son
armure en raison de la carrure de leur
propriétaire. Le parfum de la Liberté,
par exemple, fleurait bon dans nos
esprits; mais sitôt que nous en ouvrions
le flacon, ses senteurs faisaient de
nous les fantoches, les pantins et les
marionnettes d'un empire lointain, mais
vorace; odoriférant, mais armé de pied
en cap, apostolique, mais carcéral,
messianique, mais auréolé de ses geôles.
Pouvons-nous dévisager un souverain de
cette dimension et prendre la mesure de
la putréfaction de ce maître?
Remarquez que la
méta-zoologie méditative en chemin sur
notre astéroïde nous rend de plus en
plus pensifs. Nos télescopent d'observer
l'allure et la bannière d'une science
nouvelle de nous-mêmes. Du coup, la
simiohumanité embarrassée dont nos
ancêtres faisaient flotter les
oriflammes nous laisse tout pantois.
L'observatoire de l'engluement de leur
cervelle dans leurs draperies et leurs
hochets nous montrent une bestiole en
cours de disparition. Mais la lunette de
notre astronomie la plus récente
enregistre également la nature et les
effets de l'effroi qui s'emparait de
nous à l'égard des souverains oniriques
que nous cachions craintivement dans les
nues afin de les soustraire à nos
regards apeurés.
Savez-vous que le
despote américain que nous avions armé
des foudres de son éthique politique
depuis 1945 nous permet maintenant de
fixer toute notre attention sur le
ressort international de l'épouvante et
de la vénération qui s'étaient emparées
de nos pères depuis le Moyen-Age? Car
notre terreur religieuse d'antan se
nourrissait des châtiments les plus
atroces dont nous nous croyions menacés
et dont la sauvagerie se révélait
proportionnée à l'auto-sanctification
dont notre souverain de là-haut se
glorifiait à nos dépens. Qu'en est-il
désormais des vengeances que perpétuait
autrefois sous la terre le tortionnaire
promotionnel de l'immortalité de nos
ossatures et que nous légitimions dans
nos faux ciels de l'époque? Nos
tremblements d'alors auraient-ils changé
seulement d'apparence? Dans ce cas
quelle est la chasuble nouvelle
qu'arbore désormais notre Dieu de la
torture?
3 - La piété
romaine
Décidément, la
fureur des dieux en chair et en os qui
épouvantaient nos ancêtres n'était pas
aussi effroyable qu'elle l'est devenue à
l'école des trois principaux
monothéismes du sanglant que nous leur
avons substitués. En ces temps reculés,
nous tentions seulement de calmer
quelque peu les accès de rage bruyants
et répétés de nos premiers Célestes -
mais leurs verdicts criards et
sporadiques demeuraient supportables à
nos oreilles. A leur exemple, la piété
modérée de nos Etats d'autrefois n'était
pas hurlante, leur dévotion raisonnable
nous ordonnait seulement des
supplicationes de plusieurs semaines
au besoin. Nous demeurions des
malheureux murmurants et des maltraités
rechignants, mais nos dieux nous
témoignaient de grands égards et ne
mettaient que rarement la main sur nous.
Aussi nos cerveaux
ronchonnants achetaient-ils leur ciel à
l'aide de cadeaux certes coûteux, mais
jamais colossaux; et nos grommellements
discrets suffisaient à alimenter le
marché bien achalandé sur lequel nos
Célestes venaient nous ravir de nos
bestiaux . Nous allions jusqu'à égorger
nos bœufs de trait (victimae),
nous raconte le chef de l'expédition des
Dix Mille, mais, le plus souvent - et
surtout en temps de paix - notre petit
bétail (hostiae) suffisait
largement à nos oblations. Nous offrions
en outre à nos implacabiles tapis
dans les nues des repas somptueux, les
lectisternes; et nous déposions
respectueusement leurs effigies sur de
riches coussins, les pulvinaria.
Mais rien ne garantissait le succès de
notre gastronomie rédemptrice. De plus,
nous ne cessions de réduire la cherté de
nos dissuasions cultuelles, comme si
l'épuisement des ferveurs alimentaires
de nos cités rendait nos concitoyens de
plus en plus impécunieux.
Quant à la pitance
exposée sur nos autels privés - arae
- ils ne donnaient pas encore dans le
fantastique et le verbifique
d'aujourd'hui. Nous ne comblions pas de
nos dévotions hurlées à pleine voix les
chefs de notre ciel de la Liberté et
leur stature n'était pas stellaire; car
nous nous gardions bien de les installer
dans un langage tonitruant du salut.
Quant à notre mythe actuel d'une Liberté
monopolisée et sotériologisée, nous
n'aménagions pas les temples d'une
Démocratie hypertrophiée à l'usage d'un
géniteur somptueux du cosmos. Les
cantiques mécanisés que nous adressons
désormais sans bourse déliée à notre
civisme américanisé sont dotés
d'ubiquité et échappent à la
domestication ancienne et modérée que
nos têtes se partageaient avec nos
poulets. Certes, nos prémices
d'autrefois s'échelonnaient tout au long
de nos rues et dans toutes nos demeures;
mais nos immolations au compte-goutte de
nos bœufs étaient devenues avaricieuses
sur nos minuscules atria.
Et maintenant,
notre Liberté d'expression réduit
notre Liberté de penser à une mascarade.
Nous constatons que le naufrage de notre
civilisation conduit toute notre classe
dirigeante à un rétrécissement
hallucinant de son champ de vision . Du
coup, on voit surgir sur nos pas des
dessinateurs et des caricaturistes
stupides, dont les crayons se prennent
pour des télescopes de leur génie, mais
dont l'univers mental se situe au niveau
de la préadolescence. Ces héros d'une
prétendue liberté de pensée n'ont jamais
aperçu les cinq cents bases américaines
qui occupent tout notre continent depuis
soixante quinze ans; et ces moutons de
Panurge entonnent les bêlements dont
leur propriétaire leur dicte la mélodie.
Au lieu de nous pencher sur nos
neurones, nous dessinons un Mohammad cul
nu. Quelle liberté de pensée que celle
qui nous interdit d'élaborer une
zoologie du langage simiohumain à
l'école de l'ignorance et de la sottise
des demeurés et des benêts de la
tolérance!
4 - L'avènement du
Dieu Liberté
En vérité c'est
dans les goussets de notre Liberté
pseudo démocratique que le pain de nos
piétés est devenu le plus amer. La radio
et la presse ont pris à pleines
pelletées le relais des oblations au
rabais et tristement maigrichonnes des
derniers Romains. Le roi américain du
cosmos et de nos escarcelles est tombé
dans l'obésité verbale; et le sang qui
coule sur nos autels n'est plus celui de
nos bœufs ou de nos poulets, mais celui
de nos peuples et de nos nations
vassalisées par l'étranger; et notre
grand sacrificateur venu d'au-delà des
mers, nous immole sur le gigantesque
offertoire de notre soumission à son
Verbe.
Mais voyez comme le
souverain de nos panerées de dévotions
pseudo démocratiques répond, lui aussi,
au modèle dichotomique et biblique des
cantates de nos ancêtres. Les geôles
américaines voient pourrir des centaines
d'innocents, leur paradis fait monter
dans l'azur des montgolfières gonflées à
l'hélium de nos idéalités sacrées. La
théologie de la Démocratie mondiale
n'est plus que celle de notre
vocabulaires messianisé - mais nos
litanies sont calquées sur les
sortilèges que nos pères appelaient leur
Verbe du ciel et dont le démiurge
omnipotent et omniscient leur tenait la
dragée haute. Nous avons seulement
changé de laisse et de propitiatoires.
Nous voici
condamnés à mettre en parallèle les
discours de notre créateur blanchi sous
le harnais et ceux de nos démocraties du
salut, tellement les deux messianismes
aux cheveux blancs sortent d'un seul et
même moule, celui de notre sénescence.
Mais quelle chance, pour notre embryon
de raison, de trouver dans la trousse de
notre ciel, l'instrument chirurgical
privilégié du Dieu des simianthropes et
l'interlocuteur naturel de notre
métazoologie: cet interlocuteur, vous
l'avez reconnu - il s'agit de la torture
sanctifiée dans un camp de concentration
universel et enfoui sous la terre.
Qu'en est-il
maintenant de nos assassinats sur l'étal
d'un empire étranger?
Le 30 janvier 2015
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