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d'actualité
Discours d'adieu de
Mme Angela Merkel au Bundestag
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 28 novembre 2014
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1 - Un conte pour
enfants
2 - La planète des images
3 - Henry Kissinger
4 - L'asservissement de
l'Allemagne
5 - La stratégie de l'esclave
6 - Le déclin des satellites
7 - La fierté des valets de
l'empire
8 - Où est passé l'échiquier ?
9 - L'Allemagne libérée de ses
chaînes
10 - La guerre des bons apôtres
11 - La guerre aux pauvres
Post sriptum
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1 - Un conte pour
enfants
Mesdames et
Messieurs les députés, mes chers amis et
compagnons de route,
A l'heure où je
dois vous demander de me libérer de la
charge la plus lourde qu'exercent les
Etats, celle de guider les nations sur
les planches d'un théâtre qu'on appelle
l'Histoire, mon devoir m'appelle à vous
faire connaître les grands enseignements
que j'ai retirés dans les tempêtes et
parmi les récifs d'un monde agité et
soumis à des soubresauts permanents.
L'Allemagne racontée par nos anciens
narrateurs a perdu la seconde guerre
mondiale; mais les nouveaux conteurs
observent des circonstances riches d'une
expérience nouvelle. Nous avons
découvert le césarisme masqué
qu'affichent les démocraties
planétarisées. C'est pourquoi les leçons
qui m'ont été enseignées ne sont pas les
miennes, mais celles que la mémoire
collective de notre pays a désormais le
devoir d'engranger.
Soixante-dix après
la signature d'une paix marquée du sceau
de l'évangélisme américain, nous ne
sommes plus seuls à dresser un constat
amer : l'Europe de la démocratie
triomphante se trouve encore quadrillée
- et sur toute son étendue - par des
centaines de camps militaires du
vainqueur de Hitler. Aussi sommes nous
chargés d'entretenir, jour après jour,
les bombes atomiques qu'un empire
protestant a vertueusement entreposées
sur notre territoire. Cette servitude
nous est imposée, par des traités
bilatéraux. C'est bel et bien notre
continent tout entier, de Ramstein à
Syracuse et de Mons au Kosovo c'est bel
et bien l'Europe libérée qui, de
génération en génération, paie un tribut
inépuisable pour la maintenance de notre
délivreur sur nos terres. Vous savez, de
surcroît, que, depuis 1989, le
protecteur et le garant de notre liberté
censée recouvrée prétend nous mettre à
l'abri des menaces d'un ennemi
imaginaire. La Russie est le loup-garou
dont Washington a besoin de brandir
l'effigie. Mais les mâchoires et les
griffes de ce lion renvoient toute la
politique internationale d'aujourd'hui à
un conte pour enfants.
2 - La planète
des images
A quel spectacle
avons-nous assisté à Brisbane en
Australie ? Ne nous a-t-on pas raconté
la fable du petit Poucet? Les satellites
de Washington jouaient les Blanche
Neige. Le mythe de la Liberté est tombé
dans le fantasmagorique. La fiction
politique fatiguée, mais qui grise
encore la "grand-mère Europe",
comme dit le pape François, devrait
ressortir à la littérature fantastique;
mais le conte des sept nains nous donne
le vertige. Comment se fait-il qu'une
politique mondiale puérile nous ait
transportés dans le funambulesque
démocratique, comment se fait-il que, de
jour en en jour, on nous raconte un
conte d'Andersen? (voir:
Le vichysme européen , 21
novembre 2014) Mais, hier encore, le
fabuleux de nos ossatures se nourrissait
de l'alliance du sacré avec notre sang:
nos théologies de la terreur nous
faisaient rôtir dans l'éternité. Et
maintenant, nous n'immortalisons plus
nos charpentes sous la terre. Mais
puisque nous avons changé le code de nos
dévotions, de nos épouvantes et de nos
délires posthumes, il nous faut faire le
tour de nos démences nouvelles, celles
d'Alice au pays des merveilles de la
Liberté.
C'est au berceau
que je me suis trouvé embarquée sur la
galère des songes en folie dont la
démocratie mondiale se nourrit depuis
1945. Mais, dans mon enfance, personne
n'imaginait que le naufrage du
messianisme marxiste dans le séraphisme
politique d'aujourd'hui couronnerait nos
têtes d'auréoles lexicales et que nos
tiares verbales, que nous appelons des
idéalités, nous placeraient sous le joug
d'un autre modèle de naufrage dans les
utopies rédemptrices; et pourtant, un
capitalisme branché sur notre mythe du
salut, est censé nous transporter plus
sûrement que le précédent dans un
paradis repeint à neuf, celui de la
Liberté, du commerce et des affaires.
Vous voyez, mes
amis et frères d'armes, que mon devoir
est seulement d'ordre pratique: je dois
quitter mes fonctions de la manière la
plus utile à une Allemagne bien
achalandée, mais qui piétine aux portes
de l'avenir radieux qu'on lui
promettait. Il est devenu nécessaire à
l'intelligence politique de la nation
que chaque chancelier fasse connaître à
son successeur les fruits de son
expérience des démocraties
sotériologiques et de leurs relations
avec l'histoire messianisée de notre
temps, puisque nous savons maintenant
que nous sommes demeurés des énigmes à
nous-mêmes. Il sera donc plus utile que
jamais que le peuple allemand conquière
une connaissance d'anthropologues de la
vie apostolique de l'humanité. Le
patriotisme allemand ne pourra limiter
son champ de vision au territoire du
pays. Du reste, si je devais encore
douter de mon devoir d'informer les
élites de l'Allemagne à venir de ce qui
les attend sur le théâtre du monde, M.
Henry Kissinger, prix Nobel de la paix
et acteur de légende sur les planches de
nos songes m'a fait connaître son
analyse de visionnaire de la vie
onirique de notre espèce.
3 - Henry
Kissinger
Les relations entre
la Russie et l'Ukraine concernent
exclusivement ces deux nations. Si
l'Europe, me dit ce grand diplomate, se
sentait concernée par ce conflit d'un
autre âge, nous ne saurions légitimer
notre présence militaire en Crimée et
encore moins sur le modèle de
l'intervention de Napoléon III à
Sébastopol en 1856, parce que le
véritable enjeu est devenu de savoir si
l'Europe du XXIe siècle consentira à se
réduire à une fraction de l'immensité
d'un empire américain, qui s'étendrait
de Brest à Vladivostok.
M. Henry Kissinger
objurgue l'Allemagne de prendre seule la
tête de l'Europe souveraine de demain.
Il déclare que notre pays est devenu le
plus puissant du Vieux Continent.
Pourquoi prétend-il que nous seuls
sommes appelés à redonner son identité
civilisatrice et son véritable destin
politique aux héritiers de la Grèce et
de Rome? M. Kissinger lutterait-il
contre l'expansion mondiale d'un mythe
irrationnel, celui de la "Liberté
démocratique"? Demeurerait-il, un
Germain de souche? Pourquoi semble-t-il
se donner la mission salvatrice d'un
Général de Gaulle allemand?
Croyez-moi, cet
éminent homme politique ne songe pas à
ruiner sa propre gloire aux yeux de la
postérité. Tout au contraire, il sait
qu'il sera bien impossible à Washington
de perpétuer sa présence
militaro-messianique dans le monde
entier et sur toutes les mers du globe.
L'heure sonnera fatalement où le Vieux
Continent secouera le joug du bon
apôtre. Seule la défense des véritables
intérêts de l'Amérique guide cet ancien
ministre des affaires étrangères; et
c'est également de sa postérité vivante
aux yeux des historiens du monde entier
qu'il se fait le meilleur avocat.
Mais, en Allemagne
même, que me rappelle M. Hans-Dietrich
Genscher, ancien Ministre des affaires
étrangères du chancelier Willy Brant?
Que le véritable avenir de l'Allemagne
et de l'Europe passera par une alliance
économique, politique et culturelle avec
la Russie de Tolstoï, de Dostoïevski et
de Soljenitsyne. Comment voulez-vous que
je ne me sente pas encouragée à passer
le relais à des chanceliers qui
bénéficieront d'une haute intelligence
de l'avenir de l'Allemagne et qui seront
en mesure de se mettre au service d'une
ambition de cette envergure?
4 -
L'asservissement de l'Allemagne
Car, avant la chute
du mur de Berlin, l'occupation militaire
américaine n'était pas encore une
sotériologie magique: il nous fallait
consacrer de longues années à seulement
reconstruire le pays, il nous fallait
retrouver une puissance industrielle à
l'échelle de nos futures ambitions, mais
également restaurer le prestige et le
rang de la nation de Goethe et de Kant.
Mais voici que l'occupation militaire
américaine étale aux yeux du monde
entier le spectacle de notre
avilissement politique et de l'agonie
d'une Europe ensorcelée, voici que notre
stratégie industrielle, agricole et
commerciale nous est dictée par notre
vassalité à l'égard de Washington, voici
que notre évangélisateur, notre
confesseur et notre convertisseur
proclame hérétique d'exporter nos
marchandises en direction de l'ex-empire
des Tsars. Croyez-vous que notre
docilité à nous soumettre aux volontés
pseudo-apostoliques de Washington aurait
été concevable si cinq cents garnisons
de guerriers de notre salut ne nous
mettaient pas le bâillon d'une
orthodoxie politique sur la bouche?
C'est pourquoi il est de mon devoir de
vous informer des conditions
asservissantes qui m'ont quelquefois mis
les fers aux pieds et qui m'ont
contrainte de sembler abaisser
momentanément le poids diplomatique de
l'Allemagne sur la scène du mythe
américain de la Délivrance.
Mais souvenez-vous
- et à ma décharge - de la composition
du Bundestag de 1963. Il avait suffi au
Président Kennedy de venir se faire
ovationner en toute hâte par un
Bundestag américanisé jusqu'à l'os pour
que le traité franco-allemand, qui
venait de se trouver conclu entre le
Général de Gaulle et Konrad Adenauer fût
vidé de sa substance et précipitamment
jeté aux oubliettes sous un tonnerre
d'applaudissements.
Telles sont les
décombres du biblisme politique dont
nous sommes demeurés les héritiers, tel
est le sépulcre des espérances dont nous
commençons seulement de briser le
cercueil. Mais, le 9 novembre 2014, vous
avez reproduit exactement le même
spectacle d'ombres asservies qu'en 1963.
Pourquoi avez-vous humilié le grand
Russe auquel nous devons la chute du mur
de Berlin et la réunification de
l'Allemagne? Et à quelle occasion
avez-vous solennellement souillé
l'honneur de l'Allemagne et entaché son
avenir? A l'occasion du vingt-cinquième
anniversaire de nos retrouvailles avec
la capitale de Frédéric II et de Kant !
5 - La stratégie
de l'esclave
Que venait nous
rappeler l'homme-clé des retrouvailles
de notre patrie avec son destin? Que
venait nous enseigner le magicien qui
nous a réinstallés dans l'histoire du
monde, M. Mikhael Gorbatchev? Il nous
criait: "Dévassalisez-vous,
désassujettissez-vous, désasservissez-vous,
sciez vos chaînes, coupez votre garrot,
retirez de votre bouche le bâillon de
votre servitude." Vous avez écouté votre
résurrecteur dans un silence d'esclaves;
et, le lendemain, notre presse, dont
vous savez tous que leurs rédactions
sont achetées par la CIA, passait sous
silence l'appel que ce grand homme
adressait aux vrais citoyens de notre
Allemagne. (Tumulte sur tous les
bancs)
C'est dans les
années de la vassalisation la plus
effrénée de notre pays que je me suis
initiée à intensifier les pouvoirs que
seuls peuvent prétendre exercer les
serfs d'un empire. De nos jours encore,
un Titan enserre le globe terrestre de
quelque mille soixante-quinze
forteresses, de nos jours encore, la
flotte de guerre de ce géant demeure la
maîtresse de tous les océans. Sachez
Mesdames et Messieurs les députés, que,
depuis l'origine du monde, l'esclave
dominant n'est jamais celui qui brandit
ostensiblement sa lance loin du tyran,
mais, hélas, celui qui se tient près du
colosse. Le plus redoutable des valets
de l'étranger se veut si bien le plus
glorieux serviteur du glaive de son
maître qu'il en devient le bras droit.
Voyez le sort de la
France: ce n'est ni la faiblesse
actuelle de son économie, ni la sclérose
administrative des démocraties vieillies
par deux siècles d'engraissement des
Républiques, ce n'est pas le tarissement
de l'élan d'une Liberté fatiguée sous le
harnais de son Histoire qui retire à la
France l'audace et l'ardeur de secouer
le joug de l'Amérique; ce sont, tout au
contraire, les onze années de sa
vaillance, qui, de 1958 à 1969, ont paru
réarmer un instant la France sous la
poigne du Général de Gaulle et qui, dès
1966, ont permis à notre voisin
valeureux de chasser les bases
militaires américaines de son
territoire.
Mais ce sont
précisément les exploits de la France
d'hier qui se retournent contre elle
aujourd'hui. Et nous, qui, depuis quatre
générations, comme je l'ai dit plus
haut, entretenons aux frais de nos
contribuables des centaines de bombes
nucléaires américaines sur notre
territoire, nous sommes devenus
provisoirement hégémoniques en Europe,
et cela à la faveur, si je puis dire, de
notre rôle de vassaux de premier rang et
de grande cuvée, tandis que la France
des sacrilèges d'hier paie le prix
d'être revenue se blottir sous le joug
de l'étranger. Elle s'est bien gardée,
la malheureuse, de faire revenir sur ses
terres les légions de son asservissement
- et pourtant elle se voit traitée en
valet de ferme du seul fait que ce sont
bel et bien les spectres d'une Europe
d'Etats-fantômes qui, depuis 1966, ont
fait figure de personnages censés réels
et présents en chair et en os dans
l'Histoire.
6 - Le déclin des
satellites
Vous savez que le
Secrétaire général de cette valetaille
présente le spectacle le plus ridicule
de toute la maisonnée. Cet homme de
paille est toujours choisi par
Washington seulement, qui détecte sa
minusculité dans un pays microscopique
du nord de l'Europe. M. Stoltenberg, un
Suédois, vient de succéder à M.
Rasmussen, un Danois - lequel avait
succédé à un petit Hollandais. Le 21
novembre, ce garde-chiourme a donné de
la voix: on l'a entendu mettre la France
en garde: si elle livrait le navire de
guerre Mistral au Gengis Khan que
vous savez, la démocratie mondiale se
trouverait livrée à un plus grand danger
que face à Hitler et Staline.
Mais le G20, qui
vient de s'achever à Brisbane en
Australie, a sonné le glas de ces
ballonnés. Ils feignaient de se trouver
tout subitement enflammés d'un
évangélisme planétaire, ils prétendaient
défendre tout soudainement une Ukraine
située à vingt mille kilomètres de leurs
affaires. Du coup, ils se sont empêtrés
dans les enfantillages qui leur étaient
dictés. Mais puisque les agitations des
satellites d'un empire ne leur
conquièrent plus les mêmes rubans qu'aux
vrais Etats, l'Allemagne retourne se
ranger parmi les adultes. L'âge des
balivernes et des forfanteries s'est
achevé à Brisbane.
Quand
prendrons-nous le relais de notre
courage d'autrefois, quand
relèverons-nous la tête? Vous vous
souvenez sans doute du 11 février 2014,
M. Barack Obama a dit à son hôte, M.
Hollande - et à l'occasion d'une visite
d'Etat apparemment somptueuse du
Président français à Washington - que si
le malheureux s'avisait de commercer
dans son dos avec l'Iran, donc de se
passer de l'autorisation expresse de
Washington, ce Tartarin verrait un
camion de briques se déverser sur sa
tête.
Pourquoi M.
Hollande n'a-t-il pas tourné les talons?
Et maintenant, l'Amérique se permet
d'aller plus loin encore: elle conteste
l'existence même d'un Président de la
République française. Un Premier
Ministre, dit la Maison Blanche suffira
aux Gaulois. Quant à l'Allemagne, voyez
comme nous étions mieux lotis que la
France avant que Washington eût ordonné
à ses satellites, Ottawa et Melbourne,
de promener un instant notre voisin en
laisse sur leur territoire et de lui
offrir la montgolfière planétaire du
réchauffement climatique pour jouet.
7 - La fierté des
valets de l'empire
Nous devons
apprendre à réfléchir au tarissement des
formes connues de l'abaissement et de la
vassalité des nations auxquelles, depuis
1945, le glaive démocratique américain a
conduit les peuples du Vieux Monde: car
cet Hercule juvénile a fort bien retenu
les leçons de l'empire romain. C'est à
l' exemple de ce géant qu'il a rendu ses
majordomes tout fiers d'afficher leur
souveraineté contrefaite. J'ai moi-même
reçu une leçon publique de ce type de
servage: le 2 mai 2014 M. Barack Obama
et moi avons tenu à Washington une
conférence de presse censée partagée;
mais, sans se soucier en rien de ma
présence à ses côtés, le Président s'est
d'abord exclusivement adressé au peuple
romain d'aujourd'hui. La presse
internationale s'en est montrée
naïvement stupéfaite.
Mais comment
voulez-vous que, de mon côté, je
m'adresse au peuple allemand asservi?
Les Germains ne sont-ils pas censés
vivre dans une démocratie égalitaire?
Quand M. Udo Ulfkotte, un ancien
rédacteur en chef de la
Frankfurter allgemeine Zeitung,
démissionne afin de publier sans
entraves un ouvrage dans lequel il
accuse, pièces en mains, toutes les
rédactions de presse de mon pays et tous
nos hommes politiques - y compris
moi-même - de se trouver achetés en
sous-main par la CIA, dois-je porter
plainte ou suis-je condamnée à me taire?
Vous avez constaté que Washington reste
de marbre quand je proteste de ce que
mon téléphone portable se trouve placé
sur écoutes par les services secrets de
notre souverain d'outre-Atlantique.
Mais, encore une fois, les évènements de
Brisbane ont changé la donne.
8 - Où est passé
l'échiquier ?
Vous savez que la
France s'est vu châtier d'une amende de
neuf milliards de dollars par un
tribunal américain devant lequel elle
n'était pas autorisée à plaider. Mais je
refuse d'avance de reconnaître la
légalité des verdicts d'un tribunal
invalidé d'avance et devant lequel il ne
nous sera pas permis de nous défendre à
armes égales. Sachez que la juridiction
du souverain jugera sans appel les
conflits commerciaux qui surgiront
nécessairement entre une Amérique
dominatrice et une Europe disloquée.
Vous savez également qu'un "pacte de
libre-échange", mais, en réalité,
d'échanges forcés, se prépare en
secret et que M. Juncker a demandé la
levée préalable d'un secret aussi
intéressé. Car un tribunal exclusivement
composé de patriotes de nationalité
américaine aura besoin d'imposer le
huis-clos entre une Thémis juge et
partie et des défenseurs minoritaires.
Mais voyez comme,
de son côté, la France héritière du
Général de Gaulle, n'a pas osé livrer un
navire de guerre à la Russie et voyez
quel spectacle elle présente de son
abaissement. Voyez en outre les
engrenages de la fatalité politique dont
la vassalité déclenche les ressorts. De
semaine en semaine, ce cancer se
ramifie; sans relâche, il étendra ses
cellules rongeuses - ce gigantesque
navire permettra, jour après jour, de
substantifier la servitude de la France
et, pour ainsi dire, de la toucher du
doigt. Dès le premier jour, les
adversaires de la démission du pays en
eux-mêmes se sont bien gardés de
rappeler que les "conditions" pour
l'exécution du contrat n'étaient pas
celles de Paris, mais celles que
Washington imposait à la France de
réclamer à la Russie, comme si le
véritable protagoniste de la pièce
pouvait se cacher longtemps derrière le
rideau. Le poids de la vassalité n'est
pas fixe, il ne cesse de s'alourdir sur
les épaules du serf.
Mais quand la plus
vieille loi de l'histoire refait surface
- celle qui enseigne aux nations de ne
jamais se mettre à l'écoute des
promesses de remboursement d'un maître -
l'heure des vassalisations bien
rétribuées est révolue. Pour cela, il
faudra que les démocraties apprennent à
porter au pouvoir des chefs d'Etat
capables de détecter les compensations
falsifiées. Ceux-là ne jouent pas
seulement mieux que les autres aux
échecs, ils disent que les nains ne
jouent pas aux échecs du tout et que les
pièces obéissent à d'autres mouvements
entre leurs mains. C'est le véritable
échiquier de la politique que nous avons
perdu en chemin.
9 - L'Allemagne
libérée de ses chaînes
Mesdames et
Messieurs les députés, j'ai eu à
Brisbane quatre heures d'entretien en
tête à tête avec M. Vladimir Poutine; et
c'est à l'issue de cet entretien que
j'ai demandé à notre Ministre des
Affaires étrangères de se précipiter à
Moscou. Car le G20 a mis en évidence -
et jusqu'à la caricature - la scission
de la planète des songes démocratiques
entre les satellites empressés d'un
puissant empire et les nations exténuées
par leur ascension dans les nuages. Mais
pourquoi M. Poutine a-t-il tout de suite
voulu rencontrer lui-même M. Steinmeier?
Parce que, tout au long de ma
conversation avec le chef du Kremlin,
nous ne nous sommes pas trouvés réduits
à un tête à tête entre deux Robinsons.
Qui se tenait aux côtés de M. Poutine?
Un personnage invisible - l'histoire du
monde. Et, à mes côtés, une ombre
d'Allemagne était redevenue vivante et
faisait ses premiers pas dans le temps
des vraies nations.
Jusqu'alors, nous
avions cru que nous étions seuls; et
soudain nous avons compris que
l'histoire était notre véritable
interlocuteur. C'est de force que le
temps des nations nous place sous son
regard, c'est de force que tout chef
d'Etat devient le témoin actif ou passif
de la mémoire de son pays. Alors, M.
Poutine m'a dit: "Qui serez-vous aux
yeux de ce témoin-là de l'Allemagne?
Quel portrait dressera-t-il de vous?
Voulez-vous que les aiguilles du temps
trottinent au ralenti sur le cadran où
qu'elles hâtent le pas? Que vous en
teniez l'allure en bride ou que vous les
laissiez courir à grandes enjambées,
croyez-vous qu'elles sauteront hors du
cadran? Sachez que l'horloge de
l'histoire ne s'est pas arrêtée en 1945,
en 1989, en 2013. A Kiev, c'est
l'Amérique qui a dépensé six milliards
de dollars afin de remettre en marche
une Clio devenue paresseuse. Et
maintenant, allez-vous suivre en Ukraine
la trace des aiguilles auxquelles
Washington a tenté de dicter leur
chemin? Dans ce cas, sachez, Mme Merkel,
que nous avons une longue expérience des
ressorts et des rouages de l'histoire du
monde. Les lois qui régissent l'ambition
des empires ne sont pas tombées de la
dernière pluie."
J'ai compris que
l'histoire de la planète tient notre
livre de bord et raconte notre voyage.
Et j'ai répondu à M. Poutine qu' il
n'était au pouvoir de personne
d'arracher au genre humain l'horloge
qu'il tient entre ses mains. Puis nous
nous sommes demandé quels étaient les
droits que la politique de nos nations
exerce sur la configuration de notre
astéroïde , et nous avons convenu que,
de tout temps, la politique a commandé
la géographie, parce que les Vikings ont
beau avoir conquis l'Amérique plusieurs
siècles avant Christophe Colomb, ils
n'étaient pas en mesure de métamorphoser
le Nouveau Monde en un acteur politique
du globe terrestre de leur temps.
Alors je lui ai dit
: "L'Allemagne n'occupe aucun territoire
dans le Pacifique, mais elle croisera un
jour en haute mer, comme vous l'avez
fait devant le port de Sydney." Et nous
avons convenu que la Russie nous
servirait de médiateur influent auprès
de la Chine, afin que nous entrions
ensemble dans la postérité de la route
de la soie. Et, à peine de retour, M.
Steinmeier a rappelé que l'Ukraine de
l'ouest ne deviendrait un Etat moderne
que dans plusieurs générations et que,
de toutes façons, l'Amérique n'entend
faire entrer l'Ukraine dans l'Europe
qu'aux fins de la placer sous son
sceptre militaire et de la loger dans la
caserne de ses vassaux européens. Voilà,
Mesdames et Messieurs les députés, les
premiers pas de la souveraineté de l'
Allemagne libérée de ses chaînes.
10 - La guerre
des bons apôtres
Je conjure le
peuple allemand de s'armer d'une
citoyenneté mieux informée que celle
dont quatre générations de vassalisation
de notre pays ont égaré le jugement.
Notre classe dirigeante devrait savoir
que, depuis Périclès, les démocraties
victorieuses d'autres nations
démocratiques se changent aussitôt en
empires et dominent les faibles et les
vaincus sur le même modèle que les
Spartiates. Mais c'est par la faim et
par la maladie, donc à l'aide des armes
d'une férocité pieuse - et condamnées
par leur propre droit international -
que les démocraties modernes écrasent
vertueusement les autres peuples et
obtiennent leur reddition dévote. Il
nous faut donc initier les nouvelles
générations allemandes à la connaissance
anthropologique de la psychophysiologie
des peuples pastoralement domestiqués
par les idéaux du vainqueur.
Ce n'est pas une
fuite apeurée devant des armées
américaines qui asservit les peuples
satellisés par les bons apôtres de leur
servitude, mais le prestige pseudo
évangélisateur des prêcheurs d'une
Liberté, d'une Justice et d'un Droit
contrefaits. Observez ce qui se passe en
Iran. Les démocraties "libératrices" y
mettent l'estomac de plusieurs dizaines
de millions d'habitants dans leurs
talons. La Liberté moderne change les
patries en camps de concentration
évangélisés par la torture et placés de
force sous l'auréole de la Liberté
sanctifiante qui leur est trompeusement
promise.
C'est pourquoi la
vraie arme de guerre de l'empire
américain se veut tout enrubannée des
idéalités carnassières de la démocratie
mondiale, c'est pourquoi l'Amérique
asservit une Europe ficelée aux
sucreries verbifiques dont le mythe de
la Liberté se nourrit. Mais quand Moscou
tombe entre les mains d'un envahisseur,
jamais l'Etat ne recourt aux confiseries
diplomatiques dont le conquérant s'est
coiffé, jamais vous ne verrez un Kremlin
en dentelles envoyer de gentils
plénipotentiaires aux fins de se faire
dicter une reddition rédigée en termes
sucrés et " dans l'honneur ", comme
disent les pâtissiers de l'histoire.
11 - La guerre
aux pauvres
Cessons donc de
nous vanter d'avoir soi-disant gagné la
"guerre froide", alors que nous sommes
les orphelins d'une gastronomie céleste.
La chute du mur de Berlin c'est aussi la
Bérézina d'un grand songe, c'est aussi
la chute d'une utopie sacrée. Un mythe
de sauvetage du monde nourrissait notre
espérance de biblistes de l'histoire.
Nous savons maintenant que le genre
humain appartient à une espèce bicéphale
et dont les spécimens témoignent de
capacités intellectuelles tellement
inégales que la masse des miséreux ne
cessera, hélas, de croître et nous
restera de plus en plus sur les bras. Et
maintenant, la guerre aux pauvres
supplée à l'impuissance de nos armes de
guerre. Nous sommes veufs de
l'apocalypse nucléaire, parce que le
suicide n'est pas un champ de bataille.
Mais que savons-nous de plus de
nous-mêmes que les Sophocle et les
Aristophane?
Certes, Luther nous
a enseigné à combattre l'esprit
d'orthodoxie; mais, croyez-moi, la clé
de la politique mondiale sera de
redonner au protestantisme une espérance
en la Justice; car ce sont les
descendants de Luther et de Calvin qui
ont conquis l'Amérique et qui ont
inventé une sauvagerie nouvelle, celle
des Etats modernes, ce sont les
héritiers de l'évangélisme du XVIe
siècle qui ont précipité le monde actuel
dans la barbarie d'affamer les nations
au nom d'un évangile de la Liberté -
nous portons le sceptre de la nouvelle
barbarie du monde. Rome brûlait les
hérétiques, ce qui accélérait leur chute
dans les rôtissoires du diable. Nous ,
les protestants, nous avons essaimé en
Amérique et nous nous exerçons à une
sauvagerie plus abstraite, plus
conceptualisée et plus séraphique - nous
nous attaquons au ventre des pauvres et
nous leur disons : "Cessez de vous armer
des mêmes foudres que nous et nous vous
redonnerons à manger". "Notre nouvelle
bombe atomique, c'est la guerre aux
pauvres."
Voyez nos machines
de séraphins retors se substituer aux
têtes inaptes à fournir un travail
inventif, voyez nos robots ensevelir les
derniers savoirs demeurés à la portée de
la classe ouvrière. Quel avenir de
l'espérance nous attendrait-il dans les
ruines du mur de Berlin si la Russie et
l'Allemagne ne reprenaient pas en mains
le flambeau de l'intelligence de
l'humanité? Mesdames et Messieurs les
députés, j'ai conduit notre barque parmi
les récifs de la servitude allemande. Je
crois rendre un dernier service à mon
pays par cette confession de mon
apprentissage des lois de l'Histoire. Le
XXe siècle et la moitié du XXIe siècle
auront fait de notre civilisation la
servante du Nouveau Monde. Mais les
heures de notre domestication
s'achèvent. Nous allons retrouver
l'histoire d'un peuple debout. Nous nous
allierons à une Russie et à une Asie qui
auront jeté leur livrée aux orties, nous
montrerons le chemin de leur destin aux
continents en devenir.
Et maintenant,
confiez à un Allemand de bonne trempe la
tâche qui nous attend, celle de retirer
de son tombeau une nation qui, il y a
deux millénaires, retardait de toutes
ses forces la chute au sépulcre de
l'empire romain.
........
Ist eine
Übersetzung erreichbar ? Es fehlt mir
leider Zeit dafür
..........
Post Scriptum
J'écrivais le 25
juillet:
"A partir de cette date, et
compte-tenu qu'on ne luttera
efficacement contre le naufrage de la
langue française que si le Président de
la République et le Premier Ministre se
voient nommément mis en cause, je
relèverai quelques-unes de leurs fautes."
- 1 - M. Valls dit:
On palliera au manque de
professeurs de mathématiques. Pallier
est un verbe transitif qui signifie
compenser, combler. On doit donc dire:
on palliera le manque de
professeurs...
- 2 - M. Hollande
dit: Les enfants débuteront
l'école le ........ alors qu'il faut
dire " Les enfants commenceront
l'école le .....
Le 28 novembre 2014
Reçu de l'auteur pour publication
Le sommaire de Manuel de Diéguez
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