Les défis de
l'Europe
La France parle à la Russie
Sur quelle balance de la raison peser le
destin politique de l'Europe de demain ?
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 28 mars 2014
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Présentation
1 - La civilisation russe et
l'Europe
2 - D'une retraite propice à la
réflexion cartésienne
3 - L'explosion de l'OTAN
4 - Apprenez qui vous êtes
5 - Les vasistas de la
politologie universitaire
6 - La politique du sens commun
7 - La Russie, la France et le
devenir de la pensée du monde
8 - Un patriotisme bicéphale
est-il possible ?
9 - Penser la France à l'école
du sionisme
10 - De combien d'années un
empire a-t-il besoin pour se
légitimer ?
11 - Le statut pénal des
collaborateurs de l'atlantisme
12 - Le droit international
public et le sionisme
13 - Aux atlantistes et aux
sionistes
14 - Futurologie
15 - Jacques Chirac
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Présentation
Ma réflexion de la
semaine dernière sur les fondements
anthropologiques du mythe démocratique
s'intitulait
Le regard de Machiavel sur la
vassalisation de l'Europe. Du
coup, une grêle de coïncidences a
illustré l'alliance entre le réalisme
politique et le cartésianisme qui
caractérise Le Prince du
grand Florentin. La planète semi
vaporisée par le vocabulaire surréel de
M. Hollande et de Mme Merkel a été
ridiculisée.
Puis, le 26 mars,
la Chancelière a purement et simplement
rayé la scolastique démocratique de la
syntaxe de Clio. Le jour précédent, M.
Helmut Schmidt, ancien chancelier
d'Allemagne, publiait dans Die
Zeit, dont il est l'éditeur, un
article dans lequel il explicitait non
seulement l'entière légitimité de la
politique réaliste, donc florentine, de
M. Vladimir Poutine en Crimée, mais
qualifiait en outre les sanctions
économiques de "machin stupide" (dummes
Zeug ) face au poids réel du G20.
La réflexion
anthropologique et grammaticale sur le
pacte que les idéalités abstraites
concluent avec la sotériologie
absentifiante et supra terrestre du
Moyen-Age s'est donc enrichie d'un
parallèle entre Machiavel, le réaliste,
dont Le Prince a paru en
1532 - cinq ans après la mort de
l'auteur - et Descartes,
l'expérimentateur dont le Discours
de la méthode, daté de 1636 dans
sa version latine, parut en français
l'année suivante.
Puis la visite
verbifique, de M. Barack Obama en Europe
s'est trouvée marginalisée, c'est-à-dire
réduite à la scolastique du concept de
Liberté qui l'inspire - la réception en
grande pompe du Président chinois, M. Li
Jinping, lui a ravi le sceptre de la
purification du monde. Du coup, le
bellicisme effectif d'une Maison Blanche
pseudo apostolique s'est volatilisé dans
le séraphisme du salut par la
démocratie, tandis que Tel-Aviv
rappelait aux rêveurs mondialistes que
seule la politologie réaliste conduit
l'histoire: pour la première fois, un
"Etat juif" a revendiqué son existence
chromosomique, ce qui a dressé
l'unanimité du monde musulman contre le
retour physique des juifs dans leur
patrie physiologique.
Le machiavélisme
est donc cartésien. Il exprime la
logique interne qui commande les rouages
de la politique et de l'histoire dans
leur universalité. Les Etats européens
défendront dorénavant les ressorts
vitaux liés à leur position géographique
inamovible. La scolastique qui fonde la
fameuse "défense militaire" imaginaire
contre Personne mise en scène
sous le sceptre américain de l'OTAN
renverra au Moyen-Age la géopolitique
actuellement fondée sur la
méconnaissance mondiale du génie commun
à Machiavel et à Descartes.
1 - La
civilisation russe et l'Europe
La France
cartésienne voudrait bien reconnaître la
loyauté de ses alliés, la vraie France
est désireuse de trouver des compagnons
d'armes courageux, la France de la
raison politique se réjouirait de
rencontrer à ses côtés de vaillants
combattants d'une Europe ennemie de la
scolastique pseudo démocratique, mais
tout cela ne se pourrait qu'à l'écoute
d'un apostolat philosophique, celui
d'insuffler une authentique vocation
cérébrale aux nations menacées par la
sophistique à la mode et de refuser jour
après jour l'abaissement des plus grands
peuples du Vieux Monde dans une
dissolution de leur fierté. Il se trouve
que le devoir de toute classe dirigeante
à la hauteur de sa fonction naturelle
l'appelle à sauvegarder la dignité
intellectuelle et morale de sa charge
sur la scène internationale. Le trésor
de l'alliance de l'éthique des nations
avec leur identité conduit les Etats
soucieux de leur honneur à de longues
périodes d'isolement diplomatique. Mais
les Anciens disaient vir forti animo,
fortior solus - expression dont
Corneille aurait pu traduire la tonalité
par un alexandrin: "La solitude sied
à la grandeur des rois".
Depuis 1945, même
la République durablement abaissée sur
la scène internationale par la défaite
de 1940, même la France humiliée depuis
cinq ans par l'occupation militaire de
son territoire a tenté de protéger le
pays des souillures nouvelles qui
allaient fatalement résulter de
l'asservissement de l'Europe aux
volontés hégémoniques de son libérateur,
même la IVe République, dis-je, a tenté
grosso modo de garder la tête haute dans
les ténèbres de la défaite. Comment les
mémorialistes de la gloire passée du
continent de Copernic raconteront-ils
trois quarts de siècle d'abaissement
atlantiste de la civilisation
occidentale?
Mais la France se
distingue des autres nations de ce bas
monde en ce que ses heures de carence la
font fulgurer des feux mêmes de son
silence. Il était, certes, pitoyable, il
y a soixante dix ans, de tomber à bras
raccourcis sur un vieillard autour
duquel la France vaincue se pelotonnait
dans l'attente de sa résurrection - ce
maréchal symbolique occupait avec
décence la place que le malheur de tous
lui avait assignée. Mais tout le monde
voyait clair comme le jour que la vraie
France ne se trouvait pas à Vichy. De
nos jours, tout le monde voit que la
vraie France ne se trouve pas à l'Elysée
et qu'un Ministre des affaires
étrangères qui reçoit l'ordre d'un Etat
d'au-delà des mers d'aller admonester la
Russie se place bien au-dessous du
gouvernement de Vichy.
C'est une France
momentanément en congé de l'arène du
monde, mais fulgens absentia -
étincelante par son absence, comme
disait Tacite - c'est une France
fulgurante par son effacement, c'est une
France d'incendiaires de la nuit du
monde qui s'adresse à l'Europe
agonisante.
2 - D'une
retraite propice à la réflexion
cartésienne
La France que la
médiocrité de son gouvernement a mise en
quarantaine observe que l'humanité
stagne le plus souvent dans le marécage
de l'insignifiance. Si vous lui montrez
clairement une direction à suivre, elle
découvre subitement que le sens du monde
est un fils naturel de l'action publique
et elle sort un instant de sa léthargie
pour comprendre les évènements à
l'écoute du récit qu'on lui en fait.
L'affaire ukrainienne reconduit donc
l'Europe à l'histoire narrative. Ce
carburant donnera au Vieux Continent
l'audace de se changer en une Crimée
universelle, celle d'une récitante des
mésaventures de la démocratie mondiale
dans le ciel de ses idéalités vaporeuses
et des abstractions vaines dont elle
s'auréolait.
Mais vous êtes
encore trop faibles sur vos jambes, dit
la France cartésienne, pour emprunter
seuls les chemins dangereux de
l'histoire véritable. Vous avez le plus
grand besoin du ferme secours de la
Chine, de l'Inde, de l'Amérique du Sud
afin de chasser les troupes américaines
incrustées sur vos arpents et dont vous
fêterez dans quelques mois les
soixante-dix ans de la salissure de leur
présence sur vos terres. Mais si vous ne
trouvez pas en vous-même un puissant
adjuvant de votre courage, comment vos
ossements d'enfants surmonteraient-ils
l'obstacle de la passivité de la masse
de vos concitoyens demeurés en bas âge
et avides de se vassaliser eux-mêmes?
Car ceux-là ne voient leur salut qu'à
demeurer grouillants sous le sceptre de
leur maître.
C'est pourquoi la
vraie France, celle que
l'assujettissement et la honte de son
Etat éclairent de tous les feux de son
absence au monde, la vraie France,
dis-je, demande à l'Europe de se tourner
vers une Russie ressuscitative. Songez,
dit Descartes, qu'il aura suffi d'un
quart de siècle à l'ex-empire des Tsars
pour se redresser ; songez, dit la
France de la pensée que le pays des
droits de la raison cartésienne devra
demander à Moscou d'aider les vassaux
actuels de l'Amérique à secouer le joug
que leur faux libérateur fait peser sur
leurs épaules depuis 1949.
3 - L'explosion
de l'OTAN
Puisse la France du
Discours de la méthode
observer au microscope les insectes mis
en caserne par le volet militaire de
l'Alliance de l'Atlantique Nord. Comment
une politique internationale rationnelle
répondrait-elle aux intérêts à long
terme des "hautes parties
contractantes", comme on dit en
droit diplomatique, si, d'un côté
l'Occident n'avait pas grand besoin de
la Russie, et si, en retour, la Russie
n'avait nul besoin de trouver en face
d'elle un Vieux Continent debout sur ses
propres jambes? Mais, pour cela, il
faudrait que la souveraineté du Vieux
Monde fût redevenue stable et clairement
définie. Que ferait Moscou du révulsif
d'une Europe sans voix, sans force et
sans unité, que ferait Moscou d'une
Europe agenouillée dans la fange? Il
sera donc de l'intérêt de la Russie de
remettre ce malade sur pied.
Qu' enseigne la
mémoire du monde au Kremlin? Que les
cités grecques ficelées à la ligue de
Délos s'étaient docilement placées sous
le sceptre de fer du roi Périclès, qu'à
l'image de l'OTAN, il s'agissait
d'escroquer l'argent des cités "
fluidifiées" et placées sous la poigne
de fer de l'empereur de la liberté du
monde de ce temps-là, parce qu'il était
de l'intérêt de tous, disait Pallas
Athéna, de partager les frais immenses
qu'entrainait la mise sur pied d'une
armée capable de combattre l'empire
perse avec un bel entrain. Mais un
gigantesque détournement de fonds avait
aussitôt fait couler dans les seules
caisses de la déesse les sommes
titanesques que coûtait la construction
d'un Parthénon pharaonique.
L'OTAN n'a pas
l'intention, loin de là, de dresser un
temple à la raison cartésienne sur
l'Acropole de la démocratie mondiale.
Son intérêt se réduit à exiger des
membres de la ligue de Délos des
modernes qu'ils n'achètent leurs armes
qu'aux industriels américains - afin que
le prix fabuleux des boucliers, des
lances et des javolets des alliés fît
déborder les caisses du Périclès de Wall
Street. La Turquie l'a compris à ses
dépens : le général américain qui
commande la piteuse Alliance de
l'Atlantique Nord lui a tapé sur les
doigts pour avoir tenté d'acheter des
armes moins coûteuses à Pékin.
4 - Apprenez qui
vous êtes
La France "fulgens
absentia" se demande donc quel
intérêt à long terme un Kremlin
cartésien trouverait à s'engager dans
des négociations profitables tant à
lui-même qu'à l'Europe s'il lui fallait
se résigner à négocier avec un
partenaire maculé, ridiculement instable
et tout tremblant devant cinq cents
intruses - les légions de l'Amérique du
Nord qui quadrillent, d'Oslo à Syracuse,
le territoire d'un si malheureux
partenaire.
La France de Jeanne
d'Arc s'adresse donc à l'Europe de
Descartes en ces termes: "Ne venez-vous
pas de vous ranger comme de petits
enfants aux côtés de votre maître de
là-bas afin d' expulser la Russie du G8?
Comment serez-vous jamais respectés sur
cette planète si vous demeurez les
valets obéissants d'un géant aux pieds
d'argile et si l'Allemagne s'imagine
mobiliser durablement tout le globe
terrestre pour une rédemption du monde
qui passerait par l'interdiction
adressée à Moscou de se retrouver chez
elle en Crimée, comme la France en
Alsace-Lorraine en 1918, l'Allemagne
dans la Ruhr en 1925, l'Egypte à Suez en
1956, l'Autriche en Autriche en 1945, la
Sicile en Sicile en 1945?"
Quelles sont les
lunettes avec lesquelles, depuis
Descartes, la vraie France enseigne au
monde à se regarder dans le miroir du
bon sens? Cette France-là dit qu'un
continent devenu erratique a précisément
besoin de changer le fruit blet de
l'Ukraine en un levier digne de conduire
la ligue de Délos de notre temps à une
putréfaction purifiante. On l'a bien vu
le jour même où, à peine désigné, le
nouveau gouvernement de Kiev a mis en
scène la lamentable mascarade de
demander sur un ton maladroitement
impérieux aussi bien à la Russie qu'à
l'Europe, aux Etats-Unis et au Fonds
monétaire international, de remplir tous
ensemble, en toute hâte et d'un seul
cœur le tonneau des Danaïdes qu'elle est
devenue à elle-même aux yeux du monde
entier. Puis on a vu le gnome de
Copenhague - M. Rasmussen le cocasse -
bondir précipitamment de la cage dorée
où Washington le salarie grassement.
Suivez à la course ce petit galonné de
la servitude atlantiste!
Qu'est-ce que
l'Europe, dit la vraie France, sinon un
peloton de sots chamarrés et tout fiers
de porter le képi de l'Amérique enfoncé
sur la tête? A qui une Russie vivante et
respirante s'adressera-t-elle sur
l'échiquier des nations efflanquées du
Vieux Monde? Quelle sottise de demander,
la bouche en cœur, au pays de Pierre le
Grand et de Catherine II de l'aider à
tirer l'Ukraine de la corruption et du
marasme économique dans lesquels
l'incompétence de sa classe politique
l'a fatalement précipitée! Quel
ridicule, dit la France de Descartes, de
demander à Moscou d'aider un continent
sans souffle à disloquer une Russie qui
a d'autres cartes à jouer ! Croyez-vous
que l'ex-empire des Tsars laissera
longtemps le sourire de la commisération
flotter sur ses lèvres si l'Europe lui
demande rien moins que d'aider les
Etats-Unis à placer encore davantage une
Ukraine pitoyable sous le sceptre de la
démocratie mondiale malodorante dont
Washington entend tenir seul le sceptre
entre ses mains? Ignorants sans mémoire,
lisez Andocine, Eschine et Lysias si
vous voulez apprendre qui vous êtes à
humer les odeurs que vous avez laissées
sur votre chemin dans l'histoire!
5 - Les vasistas
de la politologie universitaire
Revenons à
Descartes humant le parfum de son
Discours de la méthode dont le
fumet montait, disait-il, de son poêle
de Hollande. Il existe une différence de
nature entre les Hippocrate spécialisés
dans le traitement particulier
qu'appelle telle ou telle maladie bien
connue du corps médical et les prétendus
généralistes de la politique
internationale. Quand un ophtalmologue
ou un oto-rhino-laryngologue
diagnostiquent une pathologie des
organes qu'ils ont étudié à part et
pendant des années, il est inutile à
leur science médicale rendue toute
locale de connaître, de surcroît, le
système digestif et les voies
respiratoires de leurs patients. En
revanche, un connaisseur de la seule
Crimée qui se visserait la loupe à l'œil
et qui croirait profitable à la science
d'Esculape d'observer ce pays au
microscope se tromperait à la fois
d'échiquier et de problématique. Tout
correcteur d'une copie au bac lui
mettrait un zéro assorti d'un
commentaire lapidaire: "N'a pas traité
le sujet".
Quel est le champ
du savoir d'Hippocrate et de Gallien
qu'ignore le spécialiste de la Crimée?
Que le malade est couvert de pustules
d'Oslo à Naples et de Gibraltar au
Caire. Savez-vous, dit la vraie France,
que tout ce qui se passe sur le corps de
ce géant n'est observable que sur
l'échiquier d'une pathologie générale de
la géopolitique? Le "spécialiste de
la Crimée" a si peu la tête
politique qu'il disserte dans un vide
universitaire qui lui interdit de
radiographier le cancer généralisé dont
meurt une civilisation. Si vous n'avez
pas d'anthropologie universelle, comment
spectrographieriez-vous le
fonctionnement de la boîte osseuse d'une
planète en déroute ? Le Pygmée mollement
étendu sur les coussins du savoir
fractionné de son temps croit regarder
le monde par le vasistas qui lui
interdit de seulement lever l'œil sur le
soupirail dont sa science guichetière
reçoit une fausse lumière.
Décidément, si à
l'instar de Machiavel hier (Voir:
Le regard de Machiavel sur
l'auto-vassalisation de l'Europe,
21 mars 2014) Descartes revenait cogiter
parmi nous, il dirait, aux côtés de la
France du "je pense donc j'existe"
que la lucarne de la logique politique
n'est pas celle de la scolastique des
démocraties et que la philosophie
contemporaine doit dépasser la
sophistique des idéalités - et cela à
l'image, précisément, du Discours
de la méthode de 1637, qui a
planté là toute la métaphysique
religieuse que la théologie de Sorbonne
imposait alors aux esprits du monde
entier. Car c'est se tromper de planète,
donc de politique de se mettre à
l'écoute d'un vocabulaire étranger à
cette discipline. La France
d'aujourd'hui en appelle à une
révolution mondiale de la politologie
comme Descartes en appelait a une
révolution cartésienne des sciences
expérimentales de son temps.
6 - La politique
du sens commun
La Russie de Pierre
le Grand et de Catherine II a besoin de
savoir à quels paltoquets elle s'adresse
en Europe; et ce n'est pas le langage de
1789 qui lui apprendra à décrypter le
cogito qui dit: "Je n'existe que si je
pense le politique". Le Kremlin ne se
trouve nullement embarrassé par la
fausse victoire d'une démocratie de
bureaucrates ensauvagés en Ukraine,
c'est l'Europe qui l'a sur les bras, la
brebis galeuse que les anglo-saxons lui
font baptiser "mouton noir" -
c'est l'Europe qui ne sait comment tirer
de son gousset plein de toiles
d'araignée les sous que l'Ukraine lui
demande de jeter à fonds perdus dans son
sacellus, c'est l'Europe qui s'empêtre à
demander à la Russie de remplir
l'escarcelle de Kiev - mais c'est à bon
escient que la Russie répond aux
Européens qu'ils n'ont pas les pieds sur
terre, c'est la Russie qui dit fort
pertinemment au Vieux Monde qu'elle
attend des éclaircissements sur les
tonnes d'or de Kiev déjà cachées dans
les caves de la Federal Reserv System.
Pas de doute, dit
la France de Descartes, la Russie rit
sous cape de notre prétention d'accorder
à l'Ukraine une souveraineté aussi
frelatée que la nôtre. Et déjà le peuple
ukrainien jette tout autant aux orties
l'incompétence et la corruption de ses
nouveaux dirigeants que celles de ses
profiteurs d'hier soudainement
dépossédés de leur gibecière.
7 - La Russie, la
France et le devenir de la pensée du
monde
Que voudrait-elle
encore faire entendre, la vraie France,
à une Europe devenue la grande muette de
ce bas monde? Qu'elle n'est plus aussi
monacale qu'hier dans son poêle de
Hollande. Depuis plus d'un demi-siècle,
elle incarnait en ermite la dignité et
la droiture d'un continent asservi à une
puissance étrangère. L'Allemagne attifée
en valet de pied depuis soixante neuf
ans sort avec lenteur de la
domestication honteuse des Germains. Son
président, tout décoratif que le veuille
la Constitution monastique allemande,
est subitement sorti de son couvent pour
crier au monde ébahi que la nation des
poupées de l'OTAN est devenue trop
grande pour que Siegfried papote encore
longtemps dans le magasin de
fanfreluches de l'Europe.
M. Sarkozy, le
Tintin ignorant de l'histoire des
empires et des ressorts des grandes
nations avait cependant installé à la
tête du Fonds monétaire international
une Christine Lagarde qui voyait si
bien, elle, vers quel destin courrait
une Europe en chair et en os qu'elle a
appelé en toute hâte un Chinois à la
vice-présidence du FMI. Il est
impossible que les galipettes
diplomatiques d'une Allemagne de
plaisantins se prolonge longtemps
encore, impossible que, pour longtemps
encore, cet Etat demeure confiné dans un
burlesque de chancellerie, impossible
qu'il s'indigne en vain de ce que
l'étranger surveille le portable de Mme
Arioviste. Bientôt, Siegfried s'étonnera
bien davantage de ce que deux cents
légions romaines lui fassent la nique
sur le sol de la patrie - les Germains
de Tacite déchireront les langes de leur
vassalité.
Mais pour que le
Vieux Continent sorte des limbes, dit la
vraie France, il faudra que le peuple
russe se rassemble en masse autour de
son chef. Alors, seulement l'Europe des
fiertés retrouvées de ses nations verra
bien qu'elle ne saurait tenter
d'affubler la patrie des Tolstoï et des
Soljenitsyne des mêmes falbalas de la
servitude dont elle s'est elle-même
attifée, alors seulement l'Europe
asservie à son galimatias se trouvera
tellement au pied du mur que les peuples
déconfits et domestiqués depuis
soixante-dix ans reprendront le sceptre
de leur politique entre leurs mains - et
la Belle au bois dormant soudainement
réveillée dira à une Europe ahurie:
"Quelles sont ces vapeurs d'un bavardage
étranger, quels sont ces nuages de
l'abstrait qui flottent sur vos têtes
depuis 1949? "
Tout cela, la
France de Descartes le glisse encore à
l'oreille de la Russie; car Moscou
n'ignore pas que, pour l'instant, non
seulement la Gaule se trouve cruellement
scindée entre deux atlantismes de
Sorbonne, mais que son Discours de
la méthode n'est pas celui de
l'Eglise de la Liberté.
8 - Un
patriotisme bicéphale est-il possible ?
Le 4 mars 2014, le
Conseil représentatif des
institutions juives de France a reçu
le chef de l'Etat au dîner solennel
auquel il convie chaque année les huit
cents personnalités les plus influentes
de la classe dirigeante de la
République; et la France entière a vu le
plus puissant interlocuteur intérieur de
la nation, Israël, sortir des coulisses
pour communiquer ses directives les plus
impérieuses à l'intention de la France
d'aujourd'hui. La politique étrangère de
la Gaule, disaient les représentants
attitrés de la communauté juive du pays,
se consacrera dorénavant à la "défense
et illustration" du patriotisme
sioniste. Par conséquent, la loi Gayssot
du 13 juillet 1990 sur l'antisémitisme
et le racisme sera désormais plus
vigoureusement appliquée à châtier les
propos des antisionistes que ceux des
antisémites; car ces deux hérésies
capitales se trouveront désormais
indissolublement confondues dans la
défense de la nouvelle "cause nationale"
qu'on aura gravée dans l'airain de la
loi.
Que répondront les
juifs français à l'annonce de leur
relégation, par les soins de leurs
propres co-religionnaires et sur le sol
même de leur seconde patrie, au rang
d'adversaires à châtier durement ?
Comment condamner toute la population
française - y compris les Français de
confession juive - à porter les armes
communes autorisées, celles des
descendants d'un Abraham et d'un David
mythiques?
9 - Penser la
France à l'école du sionisme
De plus, le
Président de la République des stylites
de Judée s'est vu sommé en public et
avec la dernière énergie de reconnaître
Jérusalem pour la capitale d'Israël, et
cela bien qu'aucun Etat au monde n'ait
jamais légitimé la guerre de 1967, qui a
conduit à l'annexion de la moitié de la
ville par la force des armes de David.
On sait que, depuis près d'un
demi-siècle, Israël conquiert l'autre
moitié de la ville avec patience et
maison par maison,. Que les séparatistes
normands ou bretons ramènent la France
d'aujourd'hui à son éclatement
géographique antérieur à l'unification
du pays sous la poigne multiséculaire de
la monarchie de "droit divin" est une
chose, mais que la législation de la Ve
République actuelle jette en prison des
citoyens coupables de ne pas défendre,
les armes à la main et sur leurs propres
arpents la guerre des conquérants d'une
terre biblique située à des milliers de
kilomètres de Paris, quelle nouvelle
odoriférance de la République!
Comment
l'interpréter à l'écoute non seulement
de la démocratie, mais de la vraie
France, celle que sa raison conduit à
soumettre la géopolitique à une
révolution mondiale de ses méthodes
d'analyse et de réflexion? Hélas, la "bête
immonde est bien présente aujourd'hui en
France", a ajouté le chef d'un
sionisme subitement hissé au rang de "cause
nationale", puisque "le 26
janvier quelques milliers d'individus
ont crié dans la rue que la France
n'appartient pas au CRIF".
Pauvre Jean-Luc
Pujo, sur quelle balence va-t-il "penser
la France", lui dont la compassion
allait jusqu'à me reprocher de ne pas
séparer suffisamment l'hérésie de l'anti-sémitisme
d'un anti-sionisme qu'il qualifiait
d'orthodoxe! Le voici sur la liste des
damnés par un verdict du CRIF!
10 - De combien
d'années un empire a-t-il besoin pour se
légitimer?
A qui la Russie
doit-elle s'adresser si les minorités
fières de leur judéité au sein des
Républiques européennes ne savent plus
sur quel pied faire danser leur
démocratie? Que faire d'un Capitaine
Dreyfus condamné à donner libre cours au
patriotisme bicéphale ou tricéphale
qu'on attend subitement de la fidélité à
la discipline militaire qu'on lui
enseignait autrefois à Saint-Cyr ou à
l'école de guerre? Regardez-moi ce
malheureux bâillonné dans ses trois
patries - la française, l'israélienne et
l'américaine. Sur quelle balance peser
la loyauté des officiers français
plurinationaux?
Prenez le cas des
ministres des affaires étrangères qui,
de M. Bernard Kouchner à M. Laurent
Fabius, placent, au vu et au su de tout
le monde, les seuls intérêts des Hébreux
et la défense exclusive de leur
politique en Judée avant les intérêts de
la Gaule dans le monde. Cette semaine,
les Etats-Unis ont demandé à la France,
à l'Allemagne et à l'Angleterre de se
partager à leur place la lourde charge
de la politique des sanctions
économiques revendiquées par eux seuls à
l'égard de Moscou. Mais le quotidien le
plus lu d'Allemagne, le Spiegel
(Le Miroir), révèle que les
Allemands jugent légitime la politique
de défense de ses intérêts du Kremlin en
Crimée; et, de toutes façons, ils savent
qu'une politique conflictuelle de
l'Allemagne avec la Russie est une
impossibilité géo-stratégique. Quelle
figure vont faire les Ministres des
Affaires étrangères de Berlin et de
Paris vont-ils faire à la Haye s'ils
sont d'ores et déjà coupables du péché
de mensonge par omission à l'égard du
droit à l'information de leurs
populations respectives s'il leur est
demandé d'afficher plusieurs blasons et
de brandir des drapeaux étrangers?
La logique
cartésienne enseigne à un Quai d'Orsay à
un écusson incertain que la vraie France
de demain se trouvera contrainte dès
aujourd'hui, de préciser la notion
flottante de "collaboration" avec
une puissance étrangère en temps de paix
et en temps de guerre. Car le baudrier
de la trahison n'a été que partiellement
circonscrit au lendemain de l'occupation
allemande. Aujourd'hui, ce vocabulaire
demeure aussi superficiel et imprécis,
donc invalide en politique qu'en 1944.
On sait que des diplomates de haut rang
- les Giraudoux, les Claudel, les Paul
Morand - sont demeurés fidèles à leur
poste au sein de "l'Etat français"
schizoïde de 1940 à 1944 et qu'ils n'ont
évidemment en rien été accusés de
trahison à la Libération, parce que le
gouvernement de Vichy avait été
légalement constitué - la chambre des
députés de la IIIe République avait
confié les pleins pouvoirs au Maréchal
Pétain par un vote de cinq cent soixante
neuf députés, contre quatre-vingts et
vingt abstentions.
Certes, des
écrivains illustres ont cru devoir se
taire de crainte de légitimer le
gouvernement d'une nation occupée; mais
Gide et Valéry avaient respectivement
soixante-seize et soixante-quinze ans en
1945, de sorte que leur œuvre se
trouvait achevée. D'autres auteurs ont
jugé absurde de faire taire la
littérature de la France. Nietszche
avait rappelé que la victoire
d'Alexandre de Macédoine sur Athènes
n'était pas davantage une preuve de
civilisation que celle de Bismarck sur
la France. Non seulement Montherlant,
Simenon, Jouhandeau et d'autres ont
continué de se faire éditer à Paris.
Mais était-il naturel que Mauriac
dédicaçât La Pharisienne
au lieutenant Heller, qui dirigeait la
Propagandastaffel à Lutèce? On
sait que tous les ouvrages en langue
française et toute la production
cinématographique de l'époque passaient
par l'autorisation de l'agence allemande
Universal.
11 - Le statut
pénal des collaborateurs de l'atlantisme
La réponse
politique et anthropologique à cette
question passe par une réflexion des
historiens pensants de demain sur la
durée légitimante ou invalidante des
Etats vaincus, tant résignés
qu'indomptés. Un Fabre-Luce rédigeait
des ouvrages d'économie bien informés
sur la politique financière tantôt digne
d'éloges à ses yeux, tantôt critiquable
de Vichy. Il s'agissait, croyait-il,
d'un Etat dont il ne ressortissait pas à
ses compétences de spécialistes des
finances publiques de juger la
normalité, la légitimité et la
viabilité. Aujourd'hui, toute la classe
dirigeante de l'Europe vassalisée s'est
mise à l'école de Fabre-Luce; elle juge
que les démocraties actuelles, quoique
occupées par les forces militaires d'un
empire débarqué d'au-delà des mers il y
a trois quarts de siècles, auraient été
rendues légitimes aux yeux du droit
international présentement en vigueur,
et cela par un effet naturel de
l'écoulement du temps sous la botte de
l'étranger.
Cette situation
appelle une réflexion approfondissante
de la notion de servitude volontaire
formulée par La Boétie en 1549, que
Soljenitsyne a conduite le premier à une
problématique anthropologique et
politique dans Une journée d'Yvan
Denissovitch et Pierre Boulle
dans Le Pont de la rivière Kwai.
Faudra-t-il, le moment venu, faire
passer MM. Kouchner et Fabius en haute
cour? Leur sera-t-il reproché, au nom de
la vraie France, d'avoir mis leur talent
diplomatique au service exclusif des
intérêts nationaux d'Israël, même après
la déclaration du CRIF du 4 mars 2014, à
l'image de nombreux collaborateurs du
IIIe Reich qui ont persévéré dans leur
complicité avec le nazisme après le
franchissement de la ligne de
démarcation entre la France occupée et
la France libre le 11 novembre 1942?
Les héros des
quatre ouvrages cités ci-dessus ont
apporté jour après jour leur pierre à
l'édifice de leur vassalité: le héros de
Soljenitsyne perpétuait le Goulag
soviétique, l'ingénieur anglais
retardait la victoire alliée sur le
Japon, Fabre-Luce installait Vichy dans
ses meubles et le héros de La Boétie
faisait de sa passivité la clé de sa
servitude. De plus, les quatre héros
faisaient preuve d'une faiblesse
cérébrale inscrite dans le capital
psychobiologique du genre simiohumain:
on veut exécuter son travail le nez sur
l'établi, et cela d'autant plus que la
sanctification du retrait du monde et le
refuge dans la Thébaïde est passé de
mode. Comme disait Montesquieu, "c'est
une grande folie de vouloir être sage
tout seul".
Chacun sait que, le
jour venu, les archives du Quai d'Orsay
parleront haut et fort des atlantistes
d'aujourd'hui, chacun sait que, demain,
les historiens du monde entier se
demanderont comment, un siècle durant,
toute la classe dirigeante de la
démocratie et les peuples de la Liberté
se seront comportés sous le sceptre des
Etats-Unis, alors que La Boétie ignorait
la chute prochaine de la monarchie et
Soljenitsyne l'échec final du
messianisme marxiste.
On sait que les
complaisances coupables de M. Bernard
Kouchner à l'égard d'Israël ont fait
échouer l'Union des pays riverains de la
Méditerranée. Quant à M. Laurent Fabius,
tout le monde sait déjàen 1549qu'il
s'est soumis aux vœux les plus véhéments
et les plus démesurés de M. Netanyahou
dans les négociations sur l'Iran -
inutile d'attendre pour s'en trouver
dûment informé, puisque la presse
israélienne elle-même n'a pas manqué de
se féliciter de sa collaboration.
12 - Le droit
international public et le sionisme
Le 19 mars 2014, M
Asselineau publiait, dans un communiqué
de presse, un réquisitoire textes en
main contre M. Laurent Fabius. Au terme
de ses accusations et de son
argumentation point par point, il
demandait au Président de la République
rien moins que la destitution immédiate
de ce Ministre. L'ambiguïté politique
d'un débat aussi insolite dans une
démocratie même asservie, mais supposée
légitimée en droit internationale,
illustre l'opportunité de soulever la
question; car il saute aux yeux du
lecteur que tous les reproches de M.
Asselineau à M. Laurent Fabius
ressortissaient à des accusations
tacites, mais évidentes de collaboration
avec Israël.
Quand M. Netanyahou
déclarait qu'une future arme nucléaire
de Téhéran serait "cinquante fois
plus dangereuse que celle de la Corée du
Nord", il faut se demander si un
Ministre des affaires étrangères de la
France s'avoue le complice - au sens
pénal - d'une nation étrangère à en
soutenir la politique pour le seul motif
réel qu'Israël entend disposer à titre
exclusif du nucléaire militaire dans la
région. Tout diplomate professionnel
sait que le reste est seulement de la
gesticulation idéologique ou
parareligieuse. C'est pourquoi M.
Poutine évoque de façon inhabituelle la
politique "grossière, irresponsable
et amateuriste" de l'Europe dans son
discours du 18 mars 2014. Faut-il
revenir à la raison politique réelle,
celle de Machiavel et de Talleyrand, ou
feindre de valider une argumentation
messianique?
Quoi qu'il en soit,
l'heure de l'effondrement de la
domination mondiale des Etats-Unis
approche. Même si elle aura duré vingt
fois plus longtemps que celle du IIIe
Reich, il faudra bien se décider de
faire le tri entre les juifs inspirés
par l'esprit national et les juifs
sionistes. On sait que la communauté
juive américaine a contraint l'Aipac
(American Israel Public Affairs
Committee) à renoncer publiquement à
son ambition de dicter la loi de
Tel-Aviv au Département d'Etat, tandis
que CRIF (Conseil
représentatif des institutions juives de
France) est demeuré fidèle à sa
politique de vassalisation radicale du
Quai d'Orsay au profit d'Israël. Face à
dix mille juifs décidés à faire revenir
la Maison Blanche sur les accords de
droit public que la nation américaine en
tant que telle avait légalement conclus
à Genève avec l'Iran - cinquante neuf
membres sur soixante-sept que compte la
commission d'invalidation des décisions
pourtant souveraines du président Obama
sur les traités internationaux avaient
déjà été retournés en un tournemain en
faveur de Tel-Aviv - ce sont les juifs
américains nationalistes qui ont pris
l'affaire en mains et qui ont conduit la
fraction sioniste de la communauté juive
américaine à la capitulation pure et
simple face à l'autorité des décisions
diplomatiques qui engagent la
crédibilité de la signature du
département d'Etat sur la scène
internationale.
Selon que les juifs
nationalistes de France suivront
l'exemple des juifs nationalistes
américains ou qu'ils demeureront
silencieux face au CRIF israélien, le
patriotisme du législateur républicain
pèsera sa solitude politique sur une
balance fort différemment construite.
C'est pourquoi la France cartésienne ne
s'adresse encore à la Russie qu'en
catimini et quasiment en cachette.
13 - Aux
atlantistes et aux sionistes
L'abasourdissement
des historiens des premières années du
IIIe millénaire ne portera pas sur la
guerre de 2003, qui aura vu la planète
des démocraties de la raison se
précipiter sur l'Irak aux fins
d'exorciser une fiole magique brandie
par un sorcier galonné, mais sur le fait
que les armées de la Liberté se seront
ruées à travers l'Allemagne et l'Italie
avec le consentement actif ou passif des
gouvernements de ces deux républiques.
De même l'ahurissement des historiens de
2020 ne portera pas sur le silence
respectueux qui aura accueilli la
déclaration d'un empire selon lequel il
avait deux filles- la France et
l'Angleterre - mais sur le fait qu'en
2014, tous les peuples placés sous le
pavillon de la liberté universelle aient
tiré un sabre de bois de leur fourreau
et que la Russie ait renoncé à le
brandir à son tour, parce qu'il vaut
mieux rire des jouets d'enfants que de
paraître leur donner du sérieux à se
rendre sur le théâtre de leur jeu.
Mais l'ébahissement
le plus proportionné au cocasse de
l'histoire du monde aura été qu'en
février 2014 encore, le Président Barack
Obama promettait à son invité, le
Président de la République française, de
lui verser un tombereau de briques sur
la tête s'il se permettait de commercer
avec l'Iran. L'éberluement des
porte-plume de Clio sera donc un
révélateur du niveau cérébral du genre
humain ébaubi du début du IIIe
millénaire: quelques mois seulement
avant l'effondrement de l'empire
américain, personne n'aura vu que la
roche tarpéienne est proche du Capitale
et que les jours de l'empire américain
étaient comptés.
14 - Futurologie
Voici, du lundi 25
mars 2014 au vendredi 28 de cette
semaine-là, la chronologie de la chute
dans l'abîme de l'empire américain.
MM Lavrov et Kerry
se sont rencontrés à La Haye. M. Kerry
se disait en son for intérieur: "Si je
feins, ne serait-ce qu'un instant
d'entrer dans l'embryon d'entente et de
complicité qui semble se dessiner entre
l'Europe et la Russie à la Haye,
l'Amérique y perdra bien davantage que
si je persévère, même aveuglément, à
peindre Moscou en loup-garou et si je
demande à l'OTAN de renforcer de toute
urgence la barrière des missiles Patriot
censés protéger la civilisation mondiale
des assauts du Tamerlan des steppes.
Mais mon suicide à terme n'en sera
retardé que de fort peu de semaines ou
de mois, parce que les Européens liront
de près et la loupe à l'œil les mille
trois cent soixante dix-huit pages de
l'accord que nous voulons les
contraindre à signer avec le
gouvernement de Kiev, dont nous n'avons
obtenu, pour l'instant, qu'il en signe
vingt-deux. Du coup, les Européens
comprendront qu'on inclut d'avance le
poids mort de l'Ukraine dans l'OTAN et
qu'il s'agit de la continuation pure et
simple de la guerre que nous poursuivons
jour après jour depuis 1989 contre
l'ex-empire soviétique - mais ce sera
aux frais des seuls Européens. "
Puis, M. Lavrov
fera valoir ses armes à lui, celles
qu'ils a emmagasinées depuis belle
lurette dans ses arsenaux: la flotte de
guerre américaine est en bois, il
menacera de priver l'Occident du gaz
russe, il convertira l'achat du pétrole
iranien en un système de troc, ce qui
éliminera le dollar des moyens de
paiement internationaux dans la région,
il esquissera un basculement mondial du
centre de gravité politique de la
planète du côté de Moscou et de Pékin,
il refusera le passage par son
territoire des soldats et du matériel
américains qui voudront galoper hors de
l'Afghanistan.
Que restait-il à un
M. Kerry aux abois, sinon de brandir un
mythe démocratique au drapeau de plus en
plus déchiré et maculé, tellement
l'Europe flanquée de l'Ukraine sera tout
entière une copie en bois du
porte-avions Amiral Nimitz flottant par
dérision dans le détroit d'Ormuz. Alors,
comment l'empire américain se
maintiendra-t-il à flot, comment ne
tomberait-il pas dans le vide sur le
modèle d'un régime de Weimar mondialisé?
En 1919, aucun
parti démocratique ne se demandait si
l'Allemagne demeurerait vaincue à jamais
ou si elle renaîtrait un jour de ses
cendres, parce que les gouvernements
populaires ne sont ni de nature, ni de
force à voguer en haute mer. De même,
l'Europe vassalisée par le vainqueur de
Hitler cabote le long des côtes; et
jamais il ne tentera de redevenir le
centre de gravité de la planète.
Vers qui une
démocratie de la taille d'un continent
pouvait-elle se tourner, sinon vers
Moscou, la Chine, l'Amérique du Sud,
l'Inde et l'Afrique? Et qui la
conduisait à redresser la tête, sinon le
capitalisme lui-même, tellement le
système militaro-industriel américain ne
pouvait qu'étrangler l'Europe dans une
zone de libre-échange vassalisée?
15 - Jacques
Chirac
Ce rendez-vous de
la vraie France avec la Russie, un
saint-cyrien, le président Jacques
Chirac, l'avait fixé à M. Poutine le 30
mai 2006 - mais l'horloge de Clio avait
pris un si grand retard sur l'histoire
du monde qu'il a fallu attendre six ans
l'heure de l'explosion de l'Europe des
vassaux et de l'alliance de la France
avec la Russie. Car, pour son malheur,
le Kremlin avait cru possible de courir
un instant aux côtés des Etats-Unis
d'Amérique. Mais si M. Poutine a manqué
le coche en 2006, la France, hélas, y a
perdu bien davantage que Moscou: combien
de patriotes y ont perdu pour longtemps
tout espoir que l'empire américain
s'effondrerait rapidement! Et
maintenant, l'Ukraine se révèle le
détonateur décisif de la chute annoncée
de la statue aux pieds d'argile,
tellement l'histoire du monde s'apprête
à tracer clairement la frontière entre
les peuples libres et les peuples
vassalisés.
Comment cela? En
2009 un président de la République
atlantiste en diable avait cru
encaserner la France sous le
commandement de l'état-major de l'OTAN
installé à Mons depuis 1967. Mais voyez
comme la particularité de la
vassalisation propre à la France saute
maintenant aux yeux de tout le monde. En
1814, Talleyrand ne pouvait rejeter tout
net la Sainte Alliance encore présente
en armes sur le territoire national,
tandis que M. Laurent Fabius trahit
ouvertement le pays et trompe tous les
Français à leur dire: "Qu'y puis-je? Ne
savez-vous pas que nos armées sont
commandées par un général américain?"
Mais ce Ministre
homonyme d'un vainqueur d'Hannibal feint
d'oublier que nous ne sommes plus
physiquement occupés, ce Ministre feint
d'ignorer que les bases américaines ont
quitté la France avec armes et bagages
il y a quarante sept ans et qu'elles
sont aussitôt allées quadriller le
territoire des autres nations de
l'Europe. La France purifiée depuis près
d'un demi-siècle de la salissure de
l'occupant, dit à la Russie: "Les
traités que nos pères ont conclus au
sein de l'OTAN sont devenus à nos yeux
aussi impossibles à déchiffrer que les
hiéroglyphes de la Haute Egypte."
Le 28 mars 2014
Reçu de l'auteur pour publication
Le sommaire de Manuel de Diéguez
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