Decodage
anthropologique de l'histoire
contemporaine
Le quotidien
Le Monde, l'Amérique et l'Europe
Grandeur et servitude du journalisme
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 23 mai 2014
|
1 - "
Etre ou ne pas être "
(Shakespeare)
2 - L'ascension des
industriels de la presse
3 - La géopolitique et " Le
Monde "
4 - Une planète balzacienne
5 - La Maison Blanche et
Israël
6 - L'infirmité
anthropologique de l'humanisme
mondial
7 - L'Europe de Hamlet
8 - Les nouvelles cartes du
monde
9 - Grandeur et servitude du
journalisme international
|
1 - " Etre ou ne
pas être " (Shakespeare)
L'anthropologie
historique étend son champ d'analyse à
la pesée du rôle que jouent désormais
les journaux les plus prestigieux dans
le décodage de la vie internationale,
donc dans l'interprétation de la marche
du monde. Pour la première fois dans
l'histoire mouvementée de la presse
française, un grand quotidien, Le
Monde, se place au cœur de la
stratégie des empires de ce temps. Bien
plus, cette situation se révèle
paradigmatique en ce qu'elle conduit au
déchiffrement de l'évolution
rédactionnelle de la presse depuis la
Libération; car les tensions ne
cesseront de s'aggraver entre les
industriels, les hommes d'affaire et les
financiers devenus les propriétaires des
grands journaux, d'une part et, de
l'autre, des journalistes mis en alerte
en raison de leur initiation nécessaire
aux fondements interntionaux de
l'information pensante. Une rédaction de
plus en plus ambitieuse de jouer le rôle
d'une intelligentsia prospective à
l'échelle du monde annonce une
civilisation pilotée par quelques
phalanges de têtes chercheuses.
Comment ne pas
tenter de décrypter le coude à coude des
empires quand une direction chaotique de
la presse met sans cesse votre éthique
sur ses gardes? Les actionnaires
peuvent-ils jouer sur un autre échiquier
de la course de la planète que le vôtre?
Tel est le théâtre sur lequel il
convenait de placer la nomination, il y
a quinze mois seulement, de Mme Natalie
Nougayrède à la tête du quotidien, alors
qu'il s'agissait, pour la rédaction, de
se conformer aux directives évidentes de
ses trois nouveaux propriétaires, MM.
Bergé, Pigasse et Lévy. Mais, dès le 14
mai 2014, la démission forcée de cette
directrice a démontré que des tensions
professionnelles enracinées dans la
politique internationale jouent
désormais en sous-main un rôle central
au sein d'une rédaction déchirée entre
la démission d'une civilisation
atlantiste et le redressement
"séparatiste" de la politique
européenne. La question d'Hamlet: "Etre
ou ne pas être" était plus simple que
celle d'une Europe où il s'agit de
savoir quel sens politique donner au
verbe exister.
2 - L'ascension
des industriels de la presse
Afin de remonter
aux sources de cette problématique
shakespearienne et d'en saisir la
signification historique, il convient de
rappeler en quelques lignes l'histoire
secrète de la presse française depuis la
fin de la seconde guerre mondiale.
En 1945, les
propriétaires de journaux - Beuve-Méry
pour Le Monde, Lazareff
pour France Soir, Pierre
Brisson, puis Robert Hersant pour
Le Figaro - étaient également
les vrais directeurs de leurs journaux
donc, les chefs incontestés d'une
rédaction placée sous leur autorité
exclusive. Du seul fait qu'il s'agissait
d'une entreprise commerciale à mi-chemin
entre sa vocation marchande et son
assiette dans la politique de la nation,
les journalistes, même d'un grand renom,
demeuraient des salariés que leur
employeur engageait ou renvoyait à sa
guise. Mais sitôt que des signatures
prestigieuses ont trouvé un piédestal de
leur notoriété dans les grandes
rédactions, le statut intellectuel du
journaliste connu pour son œuvre
d'écrivain ou d'essayiste est devenu
incompatible avec son rang d'ouvrier
vissé à son établi. On imaginait de
moins en moins un Jean d'Ormesson ou un
Raymond Aron dans le rôle de salariés
aux gages sur un marché de l'opinion
publique.
Quand Joseph Kessel
ou Maurice Druon collaboraient à
France-Soir, la bancalité de
leur statut social soulevait avec un
demi-siècle d'avance la question
balzacienne du statut actuel de
l'intellectuel de haut vol dans la
civilisation de masse. Un collaborateur
raffiné du Monde pouvait
user du pseudonyme de Guermantes
- mais plus difficilement au
Figaro. Quand la propriété des
journaux eut entièrement passé entre les
mains d'industriels et d'hommes
d'affaire encore relativement lettrés,
mais étrangers au monde de la presse, le
centre de gravité de la dignité sociale
des hommes de plume s'est déplacé: les
magnats de l'actualité trouvaient dans
le journalisme bien davantage que des
gains - une influence politique directe
et souvent sans égale sur la politique
intérieure et jusque sur l'orientation
de la nation sur la scène
internationale.
Quand M. Smadja, un
riche industriel tunisien spécialisé
dans l'immobilier eut racheté
Combat, ce qui a contraint
Albert Camus à la démission, on vit,
pour la première fois, le propriétaire
d'un grand journal parisien jouer un
rôle secret, mais considérable dans les
relations de la France avec l'Afrique du
Nord. Mais il n'y avait plus de Balzac
pour porter la société française tout
entière à la température romanesque.
Quels intérêts à
long terme caractérisaient-ils les
nouveaux propriétaires de la presse, dès
lors que l'étroitesse de l'alliance
d'Israël avec les Etats-Unis devenait
l'axe central de l'histoire politique et
économique de la planète et que toute
l'élite industrielle et financière de la
France était appelée à se proclamer
sioniste?
3 - La
géopolitique et
Le Monde
Longtemps, la loi
Gayssot avait tracé une frontière
relativement sûre entre le monothéisme
local d'une religion messianisée par la
divinisation de son petit territoire et
la pratique des rites d'une foi encore
privée de ses arpents bibliques. Mais en
2013, le Conseil représentatif des
institutions juives de France
officialisait la sacralisation d'une
terre lointaine et couronnait une ethnie
de la tiare d'une orthodoxie
politico-religieuse hyper localisée: le
rejet de cette sotériologie et de son
corollaire, l'américanisation de la
planète, se trouvait pénalisé sous
l'inculpation redoutable d'antisémitisme.
De plus, le boycott des produits
israéliens devenait un délit passible de
peines d'emprisonnement aux yeux du
droit pénal français.
Tout le temps que
dura l'hégémonie qu'exerçait l'axe
Tel-Aviv-Washington sur la scène
internationale, la tension entre les
actionnaires sionistes du journal et la
rédaction était demeurée seulement
virtuelle. Mais sitôt que l'omnipotence
du sionisme s'est trouvée sérieusement
ébranlée à l'échelle de la planète, les
propriétaires se sont trouvés pris dans
l'étau d'une contradiction politique
tout subitement devenue focale aux yeux
du public: comment participer activement
d'une histoire mondiale qui scindait de
plus en plus le globe terrestre entre
les ambitions de l'empire américain,
d'un côté et, de l'autre, celles des
nations désireuses de retrouver leur
souveraineté d'autrefois, donc de plus
en plus hantées par ces retrouvailles.
Cette tension était
déjà omniprésente au sein de la
rédaction du Monde en
janvier 2013, à l'heure où MM. Bergé,
Pigasse et Lévy avaient compris depuis
longtemps qu'il leur fallait non
seulement imposer un directeur ou une
directrice sioniste à la tête du
quotidien, mais revenir entièrement sur
l'évolution des rapports de force qui
régnaient au début du siècle entre les
rédactions et les propriétaires des
journaux. Par conséquent, Mme Nathalie
Nougayrède disposerait d'une autorité
aussi effective sur la rédaction que
celle des Beuve-Méry et des Lazareff en
1950.
Toute la rédaction
de l'époque avait si bien compris le
véritable enjeu de la nomination des
deux rédacteurs sionistes antérieurs,
MM. Fottorino et Izraelewicz, qu'ils
avaient aussitôt demandé - et obtenu -
des propriétaires du journal l'assurance
catégorique qu'ils ne se mêleraient en
rien du contenu de leur journal.
Naturellement, un tel engagement était
condamné à demeurer de pure forme; car
la vie politique de la planète tout
entière mettait sans cesse davantage les
plumes indépendantes devant le choix de
rendre compte ou de passer sous silence,
tantôt les exactions d'Israël en
Cisjordanie et à Gaza, tantôt les
secrets des négociations sur l'Iran,
tantôt les causes véritables de la
guerre évitée de justesse des Etats-Unis
contre la Syrie, tantôt les pressions
des sionistes américains sur la Maison
Blanche, tantôt les arcanes de
l'offensive de la Maison Blanche sur
l'Ukraine de l'Ouest, tantôt les
véritables enjeux d'un conflit de
l'Amérique avec la Russie dont le
déroulement se poursuit jour après jour
sous nos yeux.
4 - Une planète
balzacienne
Au XIXe siècle, les
Nucingen, les Du Tillet, les Ravaillac
et même les Vidocq racontaient
l'histoire de la France vue de Paris.
Mais au XXe siècle déjà, la
Comédie humaine était devenue un
spectacle planétaire. Un journal qui
ignore que Clio est devenue balzacienne
dans le monde entier passe au large de
l'histoire réelle du globe terrestre.
Tourner les pages du livre des nations
avec les lunettes de Washington et de
Tel Aviv sur le nez, c'est substituer la
lecture de Ponson du Terrail à celle de
Balzac. La question posée à notre
astéroïde est simple et claire: un grand
quotidien français peut-il priver
purement et simplement le lecteur avisé
du récit que l'histoire du monde nous
raconte et envoyer son public s'informer
sur internet?
Un seul exemple: il
n'était jamais arrivé qu'un pape
mobilisât un milliard et demi de
chrétiens pour désamorcer une guerre sur
le point d'éclater à l'échelle de la
goutte de boue sur laquelle nous
sautillons; il n'était jamais arrivé que
le Vatican mobilisât l'armée entière de
ses Jésuites pour apostropher les
nations et pour admonester publiquement
la France et son Etat; il n'était jamais
arrivé que le Saint Siège ajoutât les
foudres d'un évangélisme de combat à la
précision des canons russes et aux
performances de ses missiles .
Que devient cet
évènement d'une portée politique immense
sous la plume d'une rédaction soumise de
force à l'autorité des propriétaires
sionistes du Monde? Se
pourrait-il que le public, même cultivé
des démocraties d'aujourd'hui fût tenu à
l'écart de la connaissance réelle de la
politique mondiale, et cela sur le
modèle de la théologie du XVIe siècle,
qui ignorait les fondements
anthropologiques du mythe de la
naissance virginale ou de la
transsubstantiation eucharistique?
Dans ce cas, quel
théâtre que celui d'une France revenue
au Concile de Trente et qui, dans la
bouche de M. Laurent Fabius, reproche
aux Etats-Unis de n'avoir pas déclenché
la guerre en Syrie en raison d'un manque
de fermeté déplorable de leur part.
Peut-on ignorer la marche du monde à ce
point? C'est main dans la main que
l'atlantisme et le sionisme passent au
large de la planète de Shakespeare, de
Cervantès et de Balzac - mais alors,
l'histoire du messianisme guerrier de la
démocratie mondiale ne deviendra
déchiffrable qu'à l'école d'une
connaissance simiantropologique des
Croisades.
5 - La Maison
Blanche et Israël
Pis que cela,
depuis la mort de Franklin Delano
Roosevelt en 1945, le Président des
Etats-Unis n'a plus rien à perdre au
cours de son second mandat, puisque la
Constitution américaine ne lui permet
plus d'en briguer un troisième ou un
quatrième. Aussi, consacre-t-il
l'essentiel de son temps à lutter de
toutes ses forces contre l'expansion
continue, irrépressible et interminable
d'Israël au Moyen-Orient. On se souvient
de l'échec de M. G.W. Bush sur ce
terrain - Annapolis avait fait grand
bruit, mais long feu. Avec M. Barack
Obama, la lutte contre un sionisme qui
ridiculise les idéaux de la démocratie
mondiale est devenue titanesque: le
ministre des affaires étrangères des
Etats-Unis, John Kerry en personne,
s'est rendu treize fois de suite, mais
toujours en vain à Tel-Aviv afin de
"négocier" un accord local - mais
obstinément hors sujet - puisque le
véritable enjeu demeure soustrait au
débat : une sotériologie n'est pas
discutable. Je rappelle seulement que,
depuis la mort de Kant en 1804, un
Occident fier de ses prétendues sciences
humaines ne dispose en rien d'un embryon
d'anthropologie critique et que notre
humanisme ignore l'histoire réelle du
monde, puisqu'il ignore les ressorts et
les rouages psychobiologiques des mythes
sacrés. (Je renvoie le lecteur aux
quelque six cents articles de ce
site depuis 2001).
Cette fois-ci, ne
pouvant déterrer la hache de guerre sur
le territoire des Etats-Unis, M. Barack
Obama a obtenu de Mme Merkel qu'elle
refuse d'accorder le rabais habituel
d'un tiers du montant de la facture sur
la vente de quatre canonnières
allemandes de plus à Israël - il s'agit,
pour l'Etat sioniste, de veiller sur les
gisements de gaz détectés dans les eaux
territoriales de Gaza. Jamais, depuis
1948, l'Allemagne n'avait élevé la voix
contre l'Etat d'Israël. Mais, dans le
même temps, l'Iran, l'Indonésie,
l'Argentine et le Mexique s'apprêtent à
se joindre aux autres Etats du Brics -
le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine,
l'Afrique du Sud. Face à l'ascension des
Etats émergents sur la scène
internationale, le temps presse, pour
l'empire américain, de reprendre le
combat de John, puis d'Edward Kennedy.
6 - L'infirmité
anthropologique de l'humanisme mondial
Le résultat le plus
clair de la guerre de la Maison Blanche
de demain avec Tel-Aviv est révélateur
du fond des choses: pour la première
fois, Israël s'est trouvé contraint de
reconnaitre à la face de la communauté
internationale tout entière que le
peuple messianique ne saurait ni se
proclamer une nation au sens tout
profane du terme, ni se chapeauter d'un
Etat immergé dans le temporel, puisqu'il
s'agit d'une ethnie dont, depuis plus de
trois mille ans, les gènes se sont
révélés inébranlablement apostoliques.
Comme il sera bien
impossible de jamais demander aux fils
de la Bible de remplacer leur identité
psychobiologique par une autre, qui
serait plus achetable sur le marché du
salut et d'abord sur celui de la
rédemption démocratique universelle,
Israël sera un "Etat sioniste" ou ne
sera pas; mais jamais le sens de
l'adjectif sioniste ne sera
clairement cerné, dès lors que ce ne
sera ni l'identité théologique de ce
singulier Etat qui permettra de préciser
les contours de sa personnalité, ni son
identité "sioniste", en raison de
l'impossibilité de légitimer ce
blasphème. On sait que la scène
internationale se trouve désormais
livrée tout entière au mythe opposé - et
rival - celui du sauvetage de l'humanité
par l'intercession non moins miraculeuse
d'une démocratie égalitariste.
C'est ainsi que,
depuis plus de quinze mois, Le
Monde boitait comme un damné
entre le nationalisme transcendantal
d'Israël et l'internationalisme non
moins salvifique de la religion de la
Liberté. Tantôt le journal rappelait
qu'Israël venait d'achever la
construction de quatorze mille cinq
cents logements supplémentaires à
l'usage des colons et que cet Etat
insatiable poursuivait sans relâche une
extension inachevable, tantôt que les
tentes des bédouins de la région avaient
été détruites pour la dixième fois,
tantôt que "les deux parties"
persévéraient à camper sur leur
légitimité respective. C'est cela, la
désinformation : on escamote le sujet,
on noie la question, on laisse le public
ignorer les carences du "connais-toi"
d'aujourd'hui.
7 - L'Europe de
Hamlet
Telle était la
configuration politique de la planète de
l'obscurantisme moderne, celui de la
superficialité d'esprit du journalisme
atlantiste et sioniste à l'heure où les
Etats-Unis ont décidé de consacrer, de
leur propre aveu, cinq milliards de
dollars à soulever l'Ukraine de l'Ouest
contre la Russie. On sait que cet
exploit a permis à Wladimir Poutine de
reconquérir une partie du territoire de
la nation perdu par M. Gorbatchev au
lendemain de la chute du mur de Berlin
en 1989. En quoi l'échec de soixante
douze ans d'une utopie politique
simpliste, mais généreuse du peuple
russe légitimerait-il à titre rétroactif
l'amputation brutale et définitive du
pays de Catherine II au profit d'une
puissance étrangère? La défaite de la
France de 1814 avait fait espérer à une
Sainte Alliance vertueusement intéressée
qu'elle châtierait durement une nation
doublement sacrilège pour avoir renversé
la monarchie de droit divin en 1789,
puis couronné un bandit corse. On sait
que Talleyrand s'est souvenu de son
passé d'évêque pour redresser une
théologie de la conscience universelle
par trop machiavélienne.
Mais, du coup, la
tension, confessionnelle à sa manière,
entre les propriétaires sionistes du
journal et une rédaction de plus en plus
consciente de l'évolution messianique de
la planète des démocraties face à un
empire américain déclinant, cette
tension salvifique, dis-je, a pris un
tour tellement paradigmatique que les
choix éditoriaux des deux parties sont
devenus exemplairement représentatifs
d'une planète scindée entre les
ambitions politiques et militaires d'un
empire et celles d'une Europe désireuse,
de son côté, de retrouver la
souveraineté dont elle jouissait
antérieurement à la seconde guerre
mondiale. L'empire du dollar tente
désespérément de renforcer son règne de
Brest au Caucase et l'Europe se trouve
de plus en plus empêchée de se dérober à
une pesée lucide de son destin: comment
accepter de céder aux pressions
qu'exerce Washington, donc s'en prendre
seule à la Russie? La Maison Blanche
avoue n'en avoir plus les moyens. Mais
comment une Europe encore acéphale se
saisirait-elle à bras le corps de son
nouvel avenir à l'Est?
8 - Les nouvelles
cartes du monde
Ne nous y trompons
pas, les jeux sont faits : la Russie est
d'ores et déjà devenue le moteur caché
de l'Europe dès lors que les échanges
commerciaux du Vieux Monde avec la
Russie s'élèvent chaque année à quatre
cent cinquante milliards de dollars,
tandis que ceux de Etats-Unis stagnent à
vingt-sept milliards. Même si la classe
dirigeante majoritairement sioniste de
l'Europe tentait pour quelques mois et,
pour ainsi dire de force, de maintenir
le Vieux Monde dans l'orbite d'une
alliance elle-même fort ébranlée de
Washington avec Tel-Aviv, il sera
impossible d'imposer durablement à des
Etats redevenus résolument capitalistes
de sacrifier leur système économique au
profit de l'hégémonie des Etats-Unis sur
le monde actuel.
Certes, même M
Sarkozy - qui appartient à une vieille
famille juive de Salonique - n'a pu
conserver plus de quarante huit heures
un ministre non sioniste, M. Védrine, à
la direction des affaires étrangères de
la France; certes encore, avant même de
se trouver élu, M. Hollande a nommé M.
Laurent Fabius à la tête du pilotage de
la France sur un globe terrestre rétréci
- l'envoi prématuré de cet ancien
premier Ministre de M. Mitterrand à
Pékin lui avait valu un fort mauvais
accueil de la part des dirigeants
chinois. Puis M. Fabius s'était
entièrement consacré à combattre les
vues de la Russie et de l'Iran au cours
des négociations de Genève, parce que la
guerre de Syrie, évitée de justesse,
comme il est rappelé plus haut, n'avait
d'autre objectif que de mettre un terme
à la livraison d'armes de l'ex-empire de
Darius au Hezbollah: il fallait
faciliter la diabolisation de Téhéran
que M. Netanyahou réclamait à cor et à
cris.
Aux dernières
nouvelles, M. Fabius vientd'achever une
tournée aux Etats-Unis entièrement
consacrée à ses relations, donc à celles
de la France, avec le "Comité
international des affaires
américano-israéliennes" (AIPAC).
Mais on remarquera que M. Laurent Fabius
a beau avoir obtenu de chapeauter le
Ministre de l'économie, le bon sens de
M. Montebourg tente de protéger Alstom
de son démantèlement au profit du géant
américain General Electric - il a fait
valoir que cette vente équivaudrait à
celle d'Airbus à Boeing.
Quant à la demande
de la Maison Blanche de rompre le
contrat de la France avec la Russie pour
la livraison de deux navires de guerre,
on a vu M. Fabius condamné à se livrer à
une danse diplomatique fort révélatrice:
d'un côté, il ne pouvait contrecarrer
ouvertement l'opposition résolue et même
irritée du chef de l'Etat à une demande
aussi saugrenue, de l'autre, il lui a
fallu soutenir du bout des lèvres que la
décision définitive n'était pas encore
prise et qu'elle ne le serait qu'en
automne.
Ces quelques
exemples suffisent à démontrer que les
tensions diplomatiques concernant
l'action de la France sur la scène
internationale trouvent un écho constant
et immédiat au sein de la rédaction du
Monde. D'un côté, les
ressources du génie sioniste sont
indispensables à la vitalité
intellectuelle, culturelle,
industrielle, bancaire et commerciale de
la France, de l'autre, Israël ne saurait
demeurer engagé dans une marche du monde
de plus en plus imaginaire. On ne
résiste que quelques mois à un
bouleversement irréversible de
l'équilibre des forces dans le monde.
Israël était demeuré globalement
européen jusqu'en 1956. Mais Moscou et
Washington avaient menacé Paris et
Londres de la bombe atomique. Aussitôt,
et d'un seul élan, tous les réseaux
d'influence du sionisme avaient émigré à
Washington. C'est dire que si l'Europe
retrouvait un destin politique à
l'échelle planétaire, Israël reviendrait
battre ses cartes en Europe et Le
Monde changerait radicalement
d'orientation rédactionnelle, tellement
le génie sioniste trouve ses racines en
Europe depuis Vespasien, le protecteur
de Flavius Josèphe.
9 - Grandeur et
servitude du journalisme international
Mais à quel point
l'orientation atlantiste et sioniste
actuellement imposée au journal Le
Monde par ses propriétaires
dépend exclusivement des relations de
l'Europe avec deux Etats entièrement
confusibles, l'Amérique et Israël, cette
orientation, dis-je, avait été illustrée
jusqu'à la caricature: aussitôt entrée
en fonctions, Mme Nougayrède avait tenu
à souligner que "le dernier char
d'assaut américain venait de quitter
l'Europe".
Voir :
- Le journal Le Monde et la
vassalisation de l'Europe, 4 mai
2013
J'avais alors
rappelé que, soixante-dix ans après la
fin de la seconde guerre mondiale,
l'Allemagne se trouve toujours occupée
par deux cents bases militaires
américaines et l'Italie par cent trente
sept. Je rappelais également que non
seulement M. Berlusconi avait arraché à
un Parlement de plus en plus hostile à
l'occupation de l'Italie par des troupes
étrangères l'extension du camp de
Vicenza et de celui de Sigonella en
Sicile, mais que le Cavalliere avait
envoyé la police contre une population
qui tentait d'arrêter à mains nues les
troupes américaines en provenance de
Ramstein en Allemagne et dont la ruée
sur l'Irak traversait la péninsule de
Milan à Syracuse. Puis Mme Nougayrède
était allée interviewer M. Maduro,
successeur du Président Hugo Chavez à la
tête du Venezuela, pour lui demander
froidement s'il se rangerait "de
notre côté" ou "du côté de la
Russie et de la Chine".
Voir : -
Le second départ du printemps arabe
, 15 juin 2013
Bien plus: pour la première fois dans son histoire, la direction du
Monde s'adressait à un
Président de la République tout juste
entré en fonctions pour lui demander
ouvertement d'infléchir la politique
étrangère de la France en faveur
d'Israël et des Etats-Unis. Il aura
suffi de quinze mois pour bouleverser
entièrement la carte de la planète -
mais, de Gibraltar au Caire, le mare
nostrum des Romains demeure un lac
américain. Décidément, jamais Le
Monde ne s'était trouvé à ce
point au cœur de l'histoire de la
planète: selon que la rédaction se
voudra une vigie de la réflexion
politique de la France sur la scène
internationale ou un satellite résigné à
la vassalisation américaine de l'Europe,
l'histoire de la presse nationale
illustrera à l'échelle mondiale la
grandeur et la servitude de la
profession de journaliste
Reçu de l'auteur pour publication
Le sommaire de Manuel de Diéguez
Les dernières mises à jour
|