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Thèmes d'actualité

Séance extraordinaire de l'Académie
des sciences morales et politiques
Intervention remarquée d'un revenant
qui aurait changé de tête

Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Vendredi 17 octobre 2014

"Interroger les grands philosophes, c'est transformer les questions qu'on leur pose en instruments d'approfondissement de la connaissance du genre humain."
Jaspers

Avertissement
1 - La laïcité, la science et la foi
2 - La foi et le meurtre sacré
3 - Deux questions de fond
4 - Dieu est-il un tueur ?
5 - La laïcité française dans l'histoire de l'évolution
6 - L'avenir de la vie spirituelle et la géopolitique
7 - Les visionnaires et les bâtisseurs
8 - L'avenir des nations
9 - Un petit serviteur …

Post scriptum

Avertissement

Que faut-il retenir du troisième discours imaginaire d'un revenant qui aurait changé de tête? Les fatalistes des ténèbres disent qu'on ne bâtira jamais des majorités de la raison sur un régime politique faussé d'avance par le principe irrationnel, selon lequel les élites éclairées se trouveront nécessairement marginalisées, puisque leur mode de sélection les mettra automatiquement en minorité. D'autres ennemis des miracles soutiennent, au contraire, que les vraies élites dirigeantes sont toujours nées des masses débêtifiées; et ils demandent à la pensée de les aider à percer le secret de ce prodige.

Exemple : un journaliste allemand - Udo Ulfkotte - vient de publier un ouvrage intitulé Gekaüfte Journalisten, Wie Geheimdienste und Hochfinanz Deutschlands Massenmedien lenken, Editions Kopp, dans lequel il raconte comment la CIA achète systématiquement la presse de son pays et notamment le quotidien le plus célèbre d'Allemagne, la Frankfurter Allgemeine Zeitung, où il a travaillé dix-sept ans au titre de rédacteur en chef.

Comment voulez-vous qu'une Europe dans laquelle les éditeurs n'hésitent pas à attaquer les journaux dont ils ont grand besoin, qu'une telle Europe, dis-je, résiste longtemps aux ambitions des peuples alphabétisés et désireux d'apprendre comment on tente de les domestiquer? Impossible de renvoyer à leur ignorance antérieure à 1789 des populations auxquelles on a appris à lire et à écrire! Bien plus, au XVIIIe siècle, seul un peloton d'éditeurs courageux demandaient à des imprimeurs hollandais d'imprimer Voltaire. Un Vieux Continent où l'on s'informe sur internet du degré de vassalisation atlantiste de l'Etat et de la presse officielle enfante d'ores et déjà une élite d'avant-garde, laquelle devient rapidement majoritaire au sein des instances qui pilotent et éclairent l'opinion publique.

Et maintenant, voici que la prestigieuse Académie des sciences morales et politiques va jusqu'à mettre sur le gril le cerveau des futurs candidats à la présidence de la République !

1 - La laïcité, la science et la foi

Mesdames et Messieurs,

Je remercie votre haute assemblée d'avoir bien voulu me faire connaître son souhait de m'entendre discrètement dans cette enceinte protégée, parce que l'invitation de l'Académie des sciences morales et politiques ne s'adresse pas au candidat d'une élection, fût-elle présidentielle, mais témoigne du vœu révolutionnaire que votre illustre autorité exprime publiquement et depuis plusieurs années, celui de soumettre les candidats à la Présidence de la République à un double examen de sa connaissance des secrets de l'espèce humaine et d'une pesée sévère de son expérience de la politique mondiale.

La preuve de ce que votre Académie mérite le titre d'examinatrice et de pédagogue de l'encéphale de l'Etat, la preuve, dis-je, de ce que le savoir guide le pouvoir dans toutes les grandes civilisations, vous me l'avez signifiée en me fixant d'autorité l'objet de votre pesée et le champ exact de votre haute écoute.

Vous voulez que je vous entretienne avec clarté et sans ambiguïté non seulement de l'avenir politique et culturel de la communauté musulmane de France, qui compte plus de cinq millions de fidèles du Coran, mais de l'avenir planétaire des sciences dites humaines, qui, dès la fin du XVIIIe siècle, ont commencé de se substituer à l'enseignement doctrinal et confessionnel de la théologie chrétienne.

Ce faisant, vous tenez à me rappeler d'emblée que si le siècle des Lumières a fait prendre à la France trois siècles d'avance sur une raison encore en attente de ses feux, les héritiers de Voltaire ont rapidement dilapidé leur crédit, puisqu'à l'heure même de son triomphe, en 1905, la raison logique a cessé de se présenter en moteur universel du "connais-toi". Car les législateurs intrépides qui ont imaginé de séparer l'Eglise de l'Etat d'un violent coup de hache se trouvaient fatalement contraints, dans le même temps, de valider, donc de pétrifier toutes les croyances religieuses reçues sur notre astéroïde, donc de cesser de les hiérarchiser afin d'en approfondir le décryptage anthropologique et d'en analyser les ressorts psycho-politiques.

Un siècle plus tard, nous constatons, hélas, qu'une paralysie irrémédiable des sciences humaines est d'ores et déjà résultée de cette contradiction radicale, puisque la connaissance expérimentale des secrets de l'évolution cérébrale de notre espèce ne saurait suivre un autre chemin de la méthode scientifique que celui qui nous fera connaître les causes véritables de toutes les religions du monde. Pourquoi l'accroissement tardif et relativement modeste du poids de notre boîte osseuse originelle nous a-t-elle seulement précipités dans des cosmologies mythiques, comme en témoigne, jusqu'à nos jours, l'ambiguïté mi-irénique, ni guerrière de nos diverses théologies du monothéisme?

C'est donc un très grand honneur pour moi que votre Académie daigne m'interroger sur l'avenir de la connaissance scientifique du cerveau délirant ou contrôlé du genre humain, parce qu'il serait absurde que l'ignorance des chefs d'Etat modernes sur un sujet aussi capital que celui des sources semi-animales du sacré demeurât la même, en ce début du IIIe millénaire, qu'au plus profond des ténèbres théologiques du Moyen-Age. En ce temps-là, le savoir moral et politique appartenait exclusivement à l'Eglise, et les hommes d'Etat les plus puissants demeuraient tout entiers les élèves du prêtre de leur paroisse. Aujourd'hui, nous avons perdu la gouvernance du Saint-Siège omniscient qui faisait, de nous tous, les disciples dociles de l'enseignement de nos villages. Il est temps, me dites-vous, de savoir si les chefs d'Etat réduits à piocher la rocaille du temporel ont remplacé l'omnipotence dont abusaient les savoirs mythologiques d'autrefois par les pelletées de terre de l'ignorance pure et simple que professe désormais une laïcité résolument butée sur ses coordonnées.

2 - La foi et le meurtre sacré

Votre invitation tombe d'autant plus à point nommé que l'égorgement sacré de l'un de nos guides de haute montagne les plus renommés a posé à la France laïque et au monde entier la question de la véritable nature de Jahvé, d'Allah et du Dieu en trois personnes. Ont-ils tous trois le couteau de la piété de leurs fidèles entre les dents? La réponse de la communauté musulmane a été unanime, éloquente et poignante: pas un seul fidèle d'Allah n'a reproché ses convictions religieuses à M. Hervé Gourdel. Tous ont réaffirmé avec force et avec une conviction entière que les trois monothéismes reposent sur le culte de la vie humaine et que les tueurs armés de leurs saintes écritures sont non seulement des hérétiques, mais des négateurs de leur foi. Bien plus: beaucoup d'orants des mosquées se sont indignés de la méfiance qu'on leur témoignait. Pourquoi osait-on leur demander de se laver bruyamment d'un soupçon insultant? Pourquoi, en raison de leur approbation précipitée et irréfléchie de cette lustration publique, leurs propres imams ont-ils paru légitimer sincèrement une purification absurde et qui ridiculisait la communauté musulmane tout entière?

Vous pensez bien que la France politique et l'Etat républicain saluent ce pas de géant de la pensée rationnelle et démocratique, vous pensez bien que le Président d'une nation souillée par la saint Barthelemy et l'affaire Calas ne peut que rappeler solennellement à quel point le monde moderne est l'héritier scientifique et laïc du siècle de la raison universelle qui a préparé notre Révolution de 1789 et qui faisait dire à Voltaire : " Apprenez à penser par vous-mêmes ". Fondée en 1795, dissoute dès 1803, resurgie en 1832 seulement, votre Académie ne cesse de rappeler aux Français que leur pays se veut la source mondiale de la pensée logique.

3 - Deux questions de fond

C'est dans cet esprit que deux questions de fond se posent désormais avec insistance aux croyants juifs, musulmans et chrétiens de bonne foi. Scientifique d'abord: comme vous le savez, après un voyage de dix ans à la vitesse de mille kilomètres à la minute, la sonde Rosetta vient de se poser sur la comète 67P/Tchourioumov-Guerassimenko, surnommée "Tchouri", qui virevolte aux confins du système solaire. Ce long voyage l'a conduite à six milliards de kilomètres seulement de notre habitat, c'est-à-dire à quarante unités astronomiques de la terre. Si cet engin poursuivait sa course jusqu'à l'étoile la plus proche, située à cinq années-lumière de Paris, il y mettrait soixante-douze mille ans; et comme la vitesse des rayons lumineux multiplie par dix-huit mille celle de la sonde, il faudrait deux cent cinquante mille milliards d'années à cette mécanique pour se rendre à la frontière de la matière cosmique où l'infini continuerait sans trêve ni repos d'ouvrir sa béance devant elle.

C'est dire qu'il vous faut brusquer la cadence des travaux d'un Dieu engourdi, car s'il existait - au sens biblique du terme - il ne saurait s'être attelé six jours durant à la fabrication paresseuse de notre astéroïde, puisqu'en ce début du troisième millénaire, ce bâtisseur ensommeillé n'aurait pas encore achevé de façonner un seul grain de sable dans le cosmos.

Il faut donc nous rendre à l'évidence: le calibre cérébral des dieux endormis d'autrefois a toujours répondu aux connaissances astronomiques rudimentaires de leur temps. Le cosmos traditionnel de Ptolémée se trouvait piloté par un Zeus dont Archimède et Euclide tenaient les rênes. Le Dieu qu'appelle l'infini n'est pas inscrit sur nos registres publics. Allons-nous rendre impossible tout progrès des sciences humaines sur les cinq continents à seule fin de ne pas offenser les fidèles d'un Olympe oublié?

4 - Dieu est-il un tueur ?

La seconde difficulté intellectuelle que rencontre une laïcité tombée en léthargie, mais dont l'étoile nous adresse des signes de moins en moins équivoques de son ambition de redevenir pensante, cette seconde difficulté, dis-je, naît de la définition nécessairement politique, donc punitive du petit dieu stellaire auquel notre époque a arraché des mains le timon de l'univers microscopique de nos ancêtres.

Vous savez que l'idée grandiose d'abolir la peine de mort n'est venue d'aucune de nos Eglises, mais de la République de la raison, donc des héritiers d'un siècle des Lumières qui féconde encore de nos jours l'éthique politique de tout le genre humain. Vous savez également que l'abolition de l'assassinat légalisé et sacralisé par la voix des Etats est un pari politique et civique tellement audacieux que le Vatican ne s'y est rallié que fort récemment et du bout des lèvres. Comme il se trouve qu' à l'instar de tout pouvoir de ce monde, le Dieu de la géométrie d'Euclide se divise entre des gâteries et des châtiments censés dissuasifs; et comme, de surcroît, le génocidaire du Déluge torture éternellement ses offenseurs sous la terre, ce qui dépasse mille fois la cruauté de la peine de mort par l'estrapade, la pendaison ou l'écartèlement, la question se pose de savoir comment les croyants actuels vont se mettre à combattre massivement leur ignorance des fondements pénaux et anachroniques de leur propre théologie. Qui leur enseignera à se procurer pieusement un Dieu plus civilisé que l'illuminé sanguinaire dont la sauvagerie éternelle est censée piloter le cosmos?

La République n'a pas de philosophes et l'anthropologues de l'histoire des théologies, aucune Eglise ne sécrète une classe de clercs suffisamment nombreuse pour servir de fer de lance à la raison du monde et l'Islam ne reprendra pas le chemin des encyclopédistes français. Que va-t-il se passer?

5 - La laïcité française dans l'histoire de l'évolution

Cinq siècles après la Renaissance largement manquée du XVIe siècle, cette question se situe désormais au cœur de la politique et de la science anthropologique dont un chef d'Etat moderne doit s'informer. Car l'expérience de l'histoire a enseigné à votre illustre Académie que le Dieu unique a changé de tête d'un siècle à l'autre et que la capacité de jugement de ces sosies grandioses et terribles de la créature a progressé par la voix des prophètes, qui ne cessent d'annoncer le Dieu civilisé de demain. Ou bien la Ve République se veut plus réflexive que la IVe et la IIIe, donc mieux connectée avec la course des sciences humaines depuis trois siècles et, dans ce cas, "Dieu" progressera parallèlement à l'évolution cérébrale de la civilisation mondiale, ou bien la France retournera tout droit au Moyen-Age; et elle proclamera haut et fort que la connaissance des arcanes du genre humain doit s'arrêter à la porte des Eglises. Dans ce cas, vous aussi, vous devriez renoncer à gravir les marches du temple de la connaissance, alors qu'à la suite de la Révolution de 1830, vous avez piétiné deux ans encore avant de retrouver les pouvoirs attachés à l'exercice des droits de la pensée rationnelle.

Vous voyez, Mesdames et Messieurs, que la politique moderne ne saurait ni perpétuer l'alliance des démocraties avec les progrès de la morale internationale, ni demeurer sur le chemin tracé par les sciences humaines en vue du bien commun si, par malheur, les hommes d'Etat de notre temps ne se posaient pas la question la plus décisive que soulève la nature humaine, celle de savoir comment une espèce supposée non seulement pensante, mais appelée à donner rendez-vous à sa propre cervelle, comment une telle espèce, dis-je, qui pilote en retour les chefs successifs du cosmos qu'elle se donne en décalque? Car, depuis près de trois millénaires, Jahvé, Allah et le Dieu des chrétiens demeurent des chefs de guerre chevronnés; et l'on n'a jamais vu le tranchant des glaives du ciel éviter de couper le cou des combattants. Mais la France se retrouve au carrefour de l'histoire morale et politique de l'Europe et du monde, tellement l'heure a sonné, pour les chefs d'Etat actuels, de conduire au naufrage scientifique la civilisation de la connaissance rationnelle du genre humain ou de prendre, comme sous Périclès, une avance intellectuelle de taille sur le cerveau théologique de leur temps.

Car non seulement les dieux primitifs sont nés du sang de l'histoire et de la politique, mais ils périssaient d'inanition si on ne les nourrissait pas de sang humain. Vous savez que les vrais personnages historiques sont les personnages mythologiques. Vous savez qu'un Abraham mythologique a substitué le sang d'un agneau immolé à celui d'Isaac. Vous savez que la religion musulmane a repris ce rituel à son compte. Vous savez que le catholicisme, comment le précisent les paroles de la messe, porte aux pieds du Dieu des chrétiens l'offrande sanglante du corps de son fils torturé à mort. Vous savez que la religion de la Croix est censée se fonder, comme les deux autres monothéismes, sur l'abolition des assassinats sacrés et qu'elle est pourtant la seule des trois qui ait réhabilité entièrement non seulement le sacrifice de sang, mais le sang d'un mort jugé rémunérateur, puisque l'offrande métazoologique du pain et du vin du sacrifice est réputée se métamorphoser en viande saignante et payante, afin de répondre aux exigences immolatoires que le sacré simiohumain réclame depuis le paléolithique.

Mais le Dieu chrétien demeurerait-il politiquement viable si on ne lui offrait plus d'hémoglobine? Le Concile de Trente a précisé le contraire. Il a répété que tout "vrai et réel" sacrifice exige que le sang coule à flots sur l'autel. Croyez-vous que vous vous racontez l'histoire réelle de l'humanité si vous détournez vos regards de la biographie des idoles que les semi-évadés du règne animal se sont forgées à l'école de leur propre atrocité, croyez-vous que l'homme d'Etat moderne peut demeurer un civilisateur et un vrai démocrate s'il renonce à décrypter l'histoire des sacrifices de sang dont s'abreuve l'histoire de l'humanité?

6 - L'avenir de la vie spirituelle et la géopolitique

L'étau anthropologique qui enserre notre époque exprime une aporie claire et évidente: nous ne disposons ni d'anthropologues capables de peser la vie ascensionnelle de notre espèce, ni d'hommes de foi en mesure de rendre compte des élévations intérieures des prophètes sans réciter les livres légalisés et psittacisés par le sacré sanglant de l'endroit qui ficelle officiellement la pensée visionnaire à une orthodoxie meurtrière et à des tueries rituelles héritées des âges primitifs.

Or, cet étau du traditionnel est celui qu'illustre toute la géopolitique contemporaine de la vertu, tellement la connaissance scientifique des arcanes para-religieux de l'atlantisme se révèlera la clé anthropologique de notre résurrection politique. Il nous faut donc tenter de favoriser l'apparition de quelques encéphales qui se mettront en mesure de peser la boîte osseuse de l'Europe vassalisée et de la France asservie au nom même de la démocratie. Mais les plus grands esprits de notre temps demeurent paralysés par l'interdiction pure et simple qui leur est discrètement imposée de scanner les idoles verbales qui campent sur l'Olympe du mythe pseudo démocratique américain.

Et pourtant, nous savons que nos anthropologues d'avant-garde observeront bientôt les neurones du simianthrope à la lumière du génie de la Russie. Car il se trouve que la domestication accélérée de notre continent conduit notre politique étrangère au grotesque, au burlesque et au funambulesque. Savez-vous que le nain suédois - censé neutre, mais atlantiste des pieds à la tête - délègue à Bruxelles une gentille citoyenne du pays négocier en secret et au nom de l'Europe entière, un traité intercontinental de libre échange entre le loup et l'agneau? Savez-vous que dans toutes les capitales du Vieux Continent, des peuples aux yeux encore lourds de sommeil commencent de descendre dans les rues afin de rejeter ce bât?

L'Académie sait qu'un homme d'Etat incapable de distinguer l'expérience aveugle des citoyens, d'un côté, de la compétence des anthropologues, de l'autre, ne saurait comprendre le sens profond de l'adage de Voltaire: "Les imbéciles n'apprennent que par l'expérience". Car la compétence se fonde sur la connaissance des paramètres cérébraux qui seuls permettent de donner à une question sa véritable signification politique - et vous savez tous que ce ne sera jamais l'expérience, mais seulement la réflexion éclairée qui fera progresser la compétence. Pour l'instant, l'Europe s'expérimente dans l'enceinte de sa propre cécité, celle d'une République de Weimar polyglotte - et c'est précisément cette problématique acéphale que vous avez voulu conjurer et dénoncer à mes côtés. L'Europe de la compétence politique ne se fera pas sans le secours de votre Académie, tellement votre vocation est de penser l'histoire, non de l'expérimenter les yeux fermés et à l'école de ses praticiens ou de ses hommes de main.

7 - Les visionnaires et les bâtisseurs

Le 11 février 2003, M. Vladimir Poutine est venu dans cette enceinte sur l'invitation du Président Jacques Chirac. Il y a été reçu par M. Jean-Claude Cluzel, Secrétaire perpétuel de votre Académie. Aujourd'hui, malgré son grand âge, M. Jean-Claude Cluzel a tenu à nous honorer de sa présence. Mais, en cette année 2014, M. Poutine a mieux compris qu'en 2003 que le vrai souffle de la civilisation russe passera par le réveil cérébral de l'Europe, parce que, depuis la Renaissance, la civilisation mondiale se demande en vain à quelle fontaine d'Aréthuse de la vie spirituelle l'esprit humain puise la vision qu'il est convenu d'appeler le génie humain.

Comme M. Jean-Claude Cluzel vous l'a rappelé dans cette enceinte en 2003, l'histoire du monde repose sur deux catégories d'hommes de génie, les visionnaires et les bâtisseurs. La Russie des âmes est celle des grands visionnaires, les Tolstoï, les Dostoïevski, les Pouchkine, les Soljenitsyne, tandis que, depuis plus d'un siècle, l'Europe des bâtisseurs renvoie aux audacieux qui ont construit la Tour Eiffel et donné un réseau ferré pour entrailles à une capitale de la pensée rationnelle, tandis que l'Exposition universelle de 1890 faisait, de la France, l' instrument pyramidal de son ubiquité.

Depuis lors, la Russie est devenue un géant de la technique, mais elle n'y a pas perdu ses visionnaires, comme M. Poutine a tenu à le rappeler à l'occasion des jeux d'hiver de Sotchi, qu'il a organisés à la gloire de la patrie des visionnaires. Car seule la Russie a bâti une littérature universelle sur la dimension visionnaire de la théologie chrétienne - celle que symbolise le Saint Esprit - alors que l'Europe de la théologie ambidextre du Père bâtisseur et du fils gestionnaire se laisse vassaliser par une utopie politique privée de philosophie de l'esprit - le mythe administratif d'une fausse religion de la Liberté.

Il n'y aura aucun progrès de la connaissance abyssale du cerveau des évadés de la zoologie si les Etats modernes refusent de briser le tabou politique et religieux qui les rend quadriplégiques et qui n'a pas changé depuis le Moyen-âge - le tabou qui a relégué le spirituel dans le rituel, le rituel dans le culte d'un maître sanglant du cosmos et ce maître dans l'univers des sacrifices ancestraux, qui depuis le paléolithique, se greffent sur le sang de l'histoire et qui sont jugés politiquement payants à ce titre.

8 - L'avenir des nations

Quel creuset du "connais-toi" que la rencontre prochaine de l'Islam de l'esprit et de la Russie des grands visionnaires, d'un côté, avec, de l'autre, une Europe que le génie transculturel et transsacrificiel des grands écrivains russes aura fécondée! L'avenir de la pensée mondiale réside tellement dans le destin de l'ascensionnel et du sommital qu'il faut nous demander pourquoi nous lisons davantage Dostoïevski que Cicéron et Tolstoï que Bossuet. Mais quand l'Europe et la Russie auront scellé une alliance qui ira au fondement de la connaissance du génie humain, il y faudra une philosophie de l'esprit de création, il y faudra une science de l'intelligence, il y faudra des explorateurs de la bête ascensionnelle que la zoologie a lancée parmi les "autres animaux", comme disaient les Romains.

Un philosophe français me disait récemment que les nations sont les "corps spirituels" que les peuples se sont façonnés tout au long de leur histoire. Mais ces corps-là s'exercent à une autarcie dont le rayonnement multiplie des milliers de fois l'énergie nécessaire à leur mise en service. Un morceau de glace manifeste une puissance de dilatation sans proportion avec la dépense d'énergie électrique qu'a nécessité sa congélation, la puissance d'expansion de la vapeur dégagée par l'évaporation de l'eau en ébullition dépasse des milliers de fois l'énergie qui a porté le liquide à la température requise. Il en est ainsi du "corps spirituel" des peuples: ils génèrent leur propre fécondation, ils se nourrissent de leur propre feu, ils sont à eux-mêmes le généreux combustible des grands donateurs.

9 - Un petit serviteur …

Le jour où cent trente sept camps militaires américains auront été expulsés d'Italie, le jour où les deux cents forteresses surarmées qui quadrillent l'Allemagne auront été évacuées - comme elles l'ont été du territoire français en 1966 - le jour où nous aurons retrouvé Naples et Syracuse au sud, Ramstein et Hambourg au nord, la Belgique à l'ouest, Moscou désentravé à l'est, le jour où le Japon, la Chine, l'Inde et l'Amérique du Sud marcheront à nos côtés, nous placerons sur orbite la planète des visionnaires et des bâtisseurs et nous vaincrons les légions de l'étranger qui, depuis trois quarts de siècle, ont construit leurs camps retranchés sur les décombres de notre mythe de la Liberté.

J'ai passé deux ans dans le désert politique qu'on appelle l'oisiveté. Vous savez que le poison du désœuvrement est mortel aux hommes d'action; mais vous savez également que la ciguë de la Liberté enseigne à observer les ressorts ultimes du genre humain. L'Académie des sciences morales et politiques est la gardienne de la France de la pensée et de la science. Quand nos anthropologues des cerveaux solitaires se collèteront avec le "connais-toi" qu'un Zeus érémitique nous aura aidés à connaître, quand la civilisation du vide et de l'immensité se posera à nouveaux frais la question: "Qui sommes-nous?", l'histoire se souviendra peut-être de ce que vous avez demandé à un petit serviteur de la France importé de l'étranger, mais de bonne volonté, de vous dire si l'islam d'avant-garde enfantera l'alliance de demain de l' Europe avec la Russie et si cette alliance fera lever le grain de la raison du monde.

Je vous remercie de votre attention.

Post Scriptum

J'écrivais le 25 juillet:
"A partir de cette date, et compte-tenu qu'on ne luttera efficacement contre le naufrage de la langue française que si le Président de la République et le Premier Ministre se voient nommément mis en cause, je relèverai quelques-unes de leurs fautes."

- 1 - M. Valls ignore que nominer n'est pas français.

- 2 - M. Hollande ignore qu'on dit après qu'ils furent partis et non après qu'ils sont partis ou après qu'ils soient partis.

A propos de mon texte:

"Séance extraordinaire de l'Académie des sciences morales et politiques

Intervention remarquée d'un revenant qui aurait changé de tête"

"Interroger les grands philosophes, c'est transformer les questions qu'on leur pose en instruments d'approfondissement de la connaissance du genre humain."

Jaspers

*

1 - Rappel
2 - J'ai reçu la lettre ci-dessous du Secrétaire général de l'Académie des sciences morales et politiques, M. Pierre Kerbrat.
3 - Voici ma réponse

*

1 - Rappel

Que faut-il retenir du troisième discours imaginaire d'un revenant qui aurait changé de tête?

Voir : Séance extraordinaire de l'Académie des sciences morales et politiques - Intervention remarquée d'un revenant qui aurait changé de tête , 17 octobre 2014

2 - J'ai reçu la lettre ci-dessous du Secrétaire général de l'Académie des sciences morales et politiques, M. Pierre Kerbrat.

Monsieur,

Le 17 octobre dernier, vous avez publié sur votre site internet (http://www.dieguez-philosophe.com), un article intitulé "Séance extraordinaire de l'Académie des Sciences morales et politiques - Intervention remarquée d'un revenant qui aurait changé de tête".

Dans cet article, vous vous mettez en scène comme étant invité à vous exprimer devant l'Académie (?), ce qui n'a jamais été, à ma connaissance, le cas.

Vous êtes libre - jusqu'à un certain point - d'utiliser un tel procédé littéraire, à la condition toutefois qu'il n'y ait aucune ambiguïté concernant la réalité - ce qui rendrait votre texte mensonger - et que vous ne vous arrogiez pas le droit d'engager l'Académie dans le soutien apporté à telle ou telle prise de position, quelle que celle-ci puisse être.

Je vous demande donc

- soit de retirer ce billet de la Toile,

- soit de le modifier et de ne pas y mentionner l'Académie des Sciences morales et politiques,

- soit d'indiquer de la manière la plus claire possible (en gras et en début d'article) qu'il s'agit d'une fiction qui n'engage en rien l'Académie des Sciences morales et politiques.

Si vous choisissez la 3e solution, je vous demande de bien vouloir me soumettre au préalable le texte de l'Avertissement que vous placerez en tête de votre article.

Chacun de ces choix doit entraîner des modifications non seulement sur votre site, mais également sur les sites qui reprennent vos billets (voir la liste en PJ des sites ayant relayé à ce jour votre texte)

En espérant une réaction adéquate de votre part pour un règlement amiable de ce problème.

Pierre Kerbrat Secrétaire général Académie des Sciences morales et politiques

3 - Voici ma réponse

Monsieur le Secrétaire général de l'Académie des sciences morales et politiques,

Je croyais que l'Académie des sciences morales et politiques se trouvait tellement proche de l'Académie française qu'elle aurait connaissance du règne de la fiction littéraire de Rabelais ou Villon à nos jours.

Je me permets de vous signaler que le lion devenu vieux de La Fontaine ne se cache pas dans la brousse, que les moutons de Panurge pâturent dans toutes les têtes, que les Yahous de Swift sont plus réels que nature précisément de camper dans l'imaginaire et que si les âmes mortes de Gogol trottaient dans les rues de Paris, elles y perdraient toute leur réalité.

C'est pourquoi je fais dire à un ancien Président de la République transporté dans l'imaginaire que les vrais personnages sont mythologiques et que seul un Abraham imaginaire a voulu retirer un Isaac en chair et en os d'un ciel sacrificateur.

Je formule l'espoir qu'une Académie des sciences morales et politiques élevée par la plume dans le monde ascensionnel qu'elle devrait habiter et où je l'ai colloquée un instant, s'initie au double langage des signes et des symboles.

De toute façon le double personnage que l'Académie des sciences morales et politiques met en scène se révèle un acteur divisé entre son corps et son effigie, comme tout le monde. Cet Hamlet à la fois naturel et surnaturel est bien à l'image du réel, celui d'une République qui se demande où se cache son esprit.

En espérant que ma réponse représente une réaction adéquate à votre missive , je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Secrétaire général de l'Académie des sciences morales et politiques, l'expression de ma considération très distinguée.

Reçu de l'auteur pour publication

 

 

   

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Source : Manuel de Diéguez
http://www.dieguez-philosophe.com/

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