Décodage
anthropologique de l'histoire
contemporaine
Esquisse d'une anthropologie de la
servitude idéalisée
III
L'Europe des vassaux
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 11 septembre 2015
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1 - La philosophie
politique de l'Europe des
vassaux
2 - Sous le joug du mythe de la
Liberté
3- La domestication des Gaulois
4 - Les langues et leurs
régulateurs
5 - Les bougies éteintes d'un
corps diplomatique domestiqué
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1 - La philosophie
politique de l'Europe des vassaux
Seule une violente
déflagration cérébrale, seule une
révolution intellectuelle foudroyante,
seule une mutation subite et brutale des
neurones de l'Europe déclenchera une
politologie aux paramètres prospectifs.
L'accouchement accéléré de la classe
dirigeante explosive qui en résulterait
accoucherait, parallèlement, de la
cervelle de l'avant-garde de ce siècle.
La connaissance psychobiologique de la
servitude idéalisée des modernes s'en
trouverait tellement approfondie que le
mythe tentaculaire de la Liberté
n'aurait plus de secrets pour nos
psychologues et nos politologues les
plus avertis. Cette anthropologie du
servage des modernes descendrait d'un
pas aussi alerte que résolu dans l'abîme
de nos concepts maladroitement
célestifiés. Devenus des spéléologues de
notre espèce, nos philosophes se
demanderaient enfin pourquoi les évadés
les plus récents des forêts se
nourrissent de mots de plus en plus
appétissants, mais trompeurs; et la
philosophie redeviendrait ce que Socrate
lui demandait: une connaissance des mets
délicieux, mais qui vous gâtent
l'estomac.
Aussi longtemps que
notre géopolitique ne disposera que
d'une connaissance mal désonorisée et
ânonnante de nos lexiques, notre
démocratie universalisante nous
promènera dans le jardin des Hespérides
du mythe de la Liberté - et le genre
simiohumain ne saura comment féconder le
terreau de ses abstractions vaporisées à
outrance. Comment les historiens d'un
animal cérébralisé à demi et égaré dans
le surréel à l'écoute de ses vocables,
comment les historiens d'une
civilisation devenue suicidaire à
l'école de son idéalisation téméraire du
monde, s'expliqueraient-ils l'absurdité
des sanctions auto-punitives que nous
avons édictées sur l'ordre d'une
puissance étrangère et à seule fin de
châtier la Russie?
2 - Sous le joug
du mythe de la Liberté
Quel était le
forfait de cet Etat? Il avait retrouvé
une Crimée, qui lui avait été
arbitrairement dérobée à la suite de
l'effondrement du précédent délire
langagier dont notre espèce s'était
voulue à la fois le protagoniste et la
victime, le délire marxiste; car nous
sommes une bête auto-sacrificielle et
qui s'immole sur les autels de sa
parole. A ce titre, nous montons d'un
siècle à l'autre sur le bûcher que notre
cerveau messianique nous apprête. Mais
notre masochisme commence de retourner
nos châtiments contre nous-mêmes.
Personne n'avait prévu que nos punitions
réputées vertueuses feraient
nécessairement descendre nos paysans
dans la rue et que nous nous trouverions
en butte à la fureur légitime de notre
propre population.
La France de cette
jacquerie, c'est-à-dire tout le monde,
savait pourtant, primo, que ces
auto-flagellations allaient
nécessairement se révéler illusoires et
secundo, que la fausse sainteté
des démocraties ne brandirait jamais que
le drapeau de notre vassalisation. Nous
nous fouettons nous-mêmes afin de mieux
nous démontrer que nous obéissons à
l'ordre impérieux que notre souverain de
là-bas a proféré à notre encontre. Mais
si nous n'avons pas encore conquis une
connaissance sérieuse, donc
philosophique et anthropologique, du
code génétique qui rend les verges de
notre mythe de la Liberté si efficace
sur nos fesses, comment
comprendrions-nous les raisons
psychobiologiques qui permettent à
l'Amérique de nous soumettre aux
flagellations cuisantes que nous
administre le dieu Liberté? Comment se
fait-il que nous nous soyons privés des
lumières de notre tête d'autrefois et
des maigres bougies dont nos ancêtres
éclairaient leurs chaumines enfumées?
3- La
domestication des Gaulois
Et puis, nos
politologues de la Liberté, qui ont fait
monter le pain bénit d'une démocratie de
l'abstrait, ont pris du retard dans
l'art de nous mettre en pénitence. Qu'en
est-il des étrivières que nous appelons
des idéalités? Comment se fait-il que
les phalanges de nos anthropologues du
salut politique ne disposent encore
d'aucune science prospective du type
d'auto-vassalisation qui paralyse les
neurones des civilisations les mieux
auréolées de leur verbe de la Liberté et
les plus lucides en apparence face aux
vassalisateurs de leur gosier? Si nous
allions regarder de plus près ce qui se
passe dans nos fours? Car nos colonies
ont mis des décennies à guérir de
l'asservissement de leur vocabulaire
sous notre trique. Observons au
microscope la lenteur de leur
apprentissage de l'hérésie politique de
peser par soi-même. Car la première
génération des élites de leur
désobéissance était encore d'une
maladresse pathologique.
Le 29 mai 2015, M.
Giscard d'Estaing a osé se rendre à
Moscou, où il a longuement expliqué à un
M. Vladimir Poutine, qui ne l'ignorait
évidemment en rien, l'évidence que
l'Europe du XXIe siècle n'est plus la
maîtresse des décisions géopolitiques
qu'elle présente pourtant sans relâche
et obstinément pour les siennes. Quant à
la Commission de Bruxelles, elle se rend
inaudible en raison du spectacle
ahurissant qu'elle présente de son
asservissement déguisé en hostie de sa
Liberté.
Depuis le 6 août
2015, cet affichage d'une forfanterie
psittaciste ne donne plus le change,
puisqu'à l'occasion de la commémoration
du génocide d'Hiroshima, la France et
l'Europe ont reçu sur la tête une
seconde bombe atomique de la politique,
celle du renoncement définitif de Paris
asservi de livrer deux navires de guerre
à la Russie. L'alliance génocidaire de
1945 de Washington et de Londres avait
provoqué un amoncellement de deux cent
cinquante mille cadavres au Japon.
Hiroshima II en fera des centaines de
milliers en Europe, mais cet
Hiroshima-là sera de type cérébral et
s'étendra sur un demi-siècle dans les
têtes parce que les historiens de notre
cervelle diront que, ce jour-là, non
seulement le rêve d'une Europe politique
a été définitivement carbonisé, mais que
les cendres de l'élan et de la volonté
de l'Europe ont été répandues parmi les
débris de ce grand songe. Pendant trois
générations, ces caissons d'acier
sillonneront les mers en orphelins de la
souveraineté de la France et en témoins
de la domestication effrénée des Gaulois
de ce temps.
Quel sort piteux
que celui des nations européennes
d'aujourd'hui. Vous les voyez privées de
leur fermeté d'âme comme de leur
ambition naturelle d'autrefois de
demeurer autonomes! Quel crève-cœur de
les voir subitement traîner la patte à
ce point! Avouons, avec un grand retard,
mais du moins au grand jour de notre
lucidité, que ces loqueteux de leur
propre déshonneur et ces clopinants de
leur histoire en lambeaux nous
présentent une galerie de servantes
court-vêtues. Que de rubans et de
dentelles d'une vassalité confite dans
son silence! Nous n'avons pas entendu de
régiments d'intellectuels et d'hommes
politiques avertis et de haut rang
exprimer, dans le sillage de M. Giscard
d'Estaing, leur stupéfaction ou leur
colère de ce qu'un Continent
d'hallucinés et de sourds-muets se
présentait garrottés sur les planches
par la volonté d'un empire étranger. La
Tunisie ou l'Algérie du XIXe siècle se
taisaient sur le théâtre du monde dans
le même ahurissement politique que
l'Europe des vassaux d'aujourd'hui.
Cela signifie que
le mutisme des serfs est à lui-même son
propre joug et que le bât de la
servitude autrement attifée de notre
temps est le même que celui de l'Afrique
d'autrefois - ce qui nous appelle à un
approfondissement de notre science des
fondements, toujours religieux, et au
plus profond de nous-mêmes, de toute
subordination politique des neurones
d'une espèce encore cérébralisée à titre
embryonnaire.
(voir -
L'avenir de la philosophie
européenne3 , 12 juin 2015
-
L'avenir de la philosophie
européenne2 , 5 juin 2015
-
L'avenir de la philosophie
européenne1 , 29 mai 2015
4 - Les langues et
leurs régulateurs
Nous ne
progresserons qu'à pas comptés dans la
connaissance des foucades passagères ou
des errements tenaces dont le cerveau
simiohumain semble le théâtre et
l'otage. Car, aussi longtemps que nous
négligerons de nous demander quelles
relations les débâcles prolongées des
civilisations ou les raffermissements
fragiles de notre langage entretiennent
avec la microcéphalie fainéante ou
foudroyante qui frappe nos écrits dans
les décadences, nous ne progresserons
jamais à grandes enjambées dans la
connaissance rationnelle de notre
vassalité, tellement une langue dont la
cohérence grammaticale et syntaxique
aura été restituée pourra donner
passagèrement le change sur sa santé
cérébrale quelque peu retrouvée, mais,
dans ses profondeurs, elle demeurera
gangrenée et apeurée à mort.
Exemple: au VIe
siècle de la chute de l'empire romain,
nous n'allions pas sertir de joyaux
inconnus une langue dont nous avions
accompagné la longue agonie de ses
dieux. C'était bien à tort,
disions-nous, que les Célestes enfin
enterrés des païens avaient bénéficié de
l'éclat solaire des Virgile et des
Horace . Et maintenant, quelle revanche
stellaire, aux yeux des chrétiens, que
le vocabulaire et la syntaxe du latin
des morts fussent donnés à mâchonner aux
envahisseurs barbares. De plus, les
langues se mettent respectueusement à
l'écoute et à l'école des succès
resplendissants et des revers humiliants
de la politique. Le grec classique était
né des victoires de Platée, de Salamine
et du défilé des Thermopyles, le latin
du siècle d'Auguste devait ses grandes
voix à la stabilisation de l'empire et
le français de Racine et de La Fontaine
a donné ses étoiles au siècle de Louis
XIV.
Mais, à chaque
fois, un régulateur de bon goût met
notre écriture en garde contre les
facilités de l'éloquence redondante des
patries. Platon se moque gentiment de
l'éloquence commémorative des tribuns de
la gloire militaire d'Athènes, et dans
son De Oratore,
Tacite sourit de quelques cadences de
convention de Cicéron. Quant à Boileau,
gageons que si le siècle l'avait permis,
l'auteur de L'Art poétique
aurait vertement reproché à Bossuet
d'armer le Jupiter trop solennel des
chrétiens des somptueux balancements
dont se berçait déjà l'éloquence
cicéronienne. Donnez à chaque divinité
le rythme qui lui appartient; ne faites
pas retentir le géniteur du cosmos dans
le grandiose: Jean de la Croix a fait
murmurer les cymbales tonitruantes de
l'Aigle de Meaux. Mais comment redonner
sa boussole à une langue française qui a
divorcé d'avec la parole sûre et
tranquille qui lui donnait son lest,
comment réarmer une langue allemande qui
a perdu son vocabulaire propre en cours
de route? Observons les trépas
politiques à l'écoute de l'agonie des
langues.
5 - Les bougies
éteintes d'un corps diplomatique
domestiqué
Supposons que la
France ait proclamé tout soudainement
son ambition de recouvrer la voix et la
musculature d'une République pensante et
parlante. Dans ce cas, de quelle
démocratie parlerions-nous? La nôtre
croyait avoir gravé son éternité sur le
fronton d'un Panthéon de ses grands
hommes, la nôtre avait prêté sa foi à
l'alliance des idéaux du genre humain
avec le culte d'une patrie immortelle.
Mais sitôt qu'il s'agira de donner un
contenu tangible à une nation hissée à
nouveaux frais sur l'échiquier de
l'impérissable, on verra les écoles du
redressement de l'esprit de la nation se
dérober l'une après l'autre à la tâche
d'appeler un chat un chat et Fréron un
fripon. Qui s'étonnera de la présence
ponctuelle ou prolongée de Washington en
Ukraine si personne n'ose seulement
manifester quelque surprise de la
puissance des armes de l'empire qui
s'est rué de Ramstein à Syracuse et à
Bagdad en 2003?
Les acéphalies
collectives se manifestent par de
titanesques dérobades mentales des
nations et de leurs dirigeants. En ce
début du IIIe millénaire, une seule
dramaturgie de la fuite des cervelles
occupe le centre de la géopolitique,
celle de savoir si Washington et ses
satellites parviendront à scinder la
civilisation occidentale entre la patrie
de Descartes, de Copernic ou de Newton
d'un côté et celle de Dostoïevski, de
Tolstoï ou de Rachmaninov de l'autre.
Or, tout le monde détourne le regard de
cette tragédie, tout le monde s'affaire
seulement à préparer les falbalas d'une
rencontre internationale protocolaire
sur le climat de la planète de demain,
et cela à seule fin de bien camoufler le
vrai spectacle, celui de la désertion
colossale des consciences: une
catastrophe ruineuse et dont les
conséquences s'étendront sur des
siècles, celle de détourner l'Occident
de lui-même se prépare dans les
pépiements et les vols d'étourneaux. On
exorcise l'angoisse et l'errance d'une
civilisation en promenade sur la
terrasse d'Elseneur de l'oubli - seules
quelques sentinelles font entendre la
solitude d'un siècle privé de prophètes
de son trépas.
Et pourtant
quelques juristes internationaux
éclairés de la lumière du plus simple
bon sens, avaient estimé que le
gouvernement en chair et en os de Vichy
n'était pas un personnage réel sur la
scène du droit international, parce que
les nations ne sont pas représentées par
leur corps, mais par le souffle qui les
inspire. Les vrais Etats, disaient-ils,
n'éclaire pas la souveraineté de leur
lumière d'une frêle bougie seulement, la
souveraineté d'une nation ne s'illumine
jamais à l'école de sa vassalité. Or, le
corps électoral vivant de l'Europe
asservie à un maître lointain n'est
nullement représenté par le corps
diplomatique éteint d'aujourd'hui, parce
que les vrais citoyens d'aujourd'hui se
voient agoniser dans la main de fer d'
un tyran du mythe de la Liberté.
Voici les
abaissements dont la vassalité de
l'Europe présente le spectacle. Un Etat
ne prend plus lui-même les décisions
qu'il affiche, mais étale seulement
celles que son maître lui a fait
prendre. Puis il proclame siennes les
décisions qu'un autre a prises à sa
place, parce que tout esclave cache sa
honte à soustraire ses chaînes aux
regards. Enfin, l'esclave se donne des
airs de liberté à bien obéir. L'Europe
fait le matamore de sa propre servitude.
La semaine
prochaine nous ferons quelques pas de
plus dans le décryptage des arcanes de
la vassalité placée sous le sceptre de
la Liberté.
Le 11 septembre
2015
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