Théopolitique
Allah et l'avenir de l'Europe de la
pensée rationnelle (1), le XXIe siècle
et les religions
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Samedi 8 février 2014
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1 -
Le potager des dieux
2 - Une cartographie de l'absolu
3 - D'où observer le cerveau
humain ?
4 - Brève histoire de la
cervelle simiohumaine
5 - Brève histoire de la
cervelle des chrétiens
6 - L'irruption de l'infini et
l'anthropologie des théologiens
7 - La théologie
post-einsteinienne
8 - Les dieux d'ailleurs sont de
retour
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1 - Le potager
des dieux
A l'heure des
guerres puniques, le Sénat du peuple
romain avait commencé de légiférer sur
les nombreuses pratiques cultuelles
alors en usage dans l'enceinte de la
cité, mais nullement aux fins de
préciser fermement la nature exacte, les
apanages reconnus et le rang des
divinités diverses dont l'empire s'était
peu à peu enrichi. Comme de nos jours,
il s'agissait exclusivement d'élucider
la question annexe de savoir si le
peloton des divinités tout juste
arrivées d'un Moyen Orient fécond en
rites et en liturgies devait jouir des
mêmes prérogatives que les statues qu'on
avait fait venir de Grèce quelques
siècles seulement plus tôt et qui
s'étaient si bien acclimatées au ciel de
l'endroit qu'on en avait négligé les
dieux lares.
Pourquoi, dans
l'interrogation théologique des
Sénateurs concernant les privilèges
respectifs des divinités d'ici et
d'ailleurs face à l'armée d'Hannibal,
chercherait-on en vain la plus
imperceptible lueur d'un questionnement
rationnel concernant l'existence ou
l'inexistence des Célestes légitimés
depuis belle lurette ou fraîchement
réceptionnés, sinon parce qu'aux yeux de
tout le monde antique, il était évident
que les Immortels accueillis avec leurs
rituels mouillaient désormais en
sécurité dans la rade réservée aux
Célestes, et cela du seul fait qu'on
honorait d'un culte public les cuirassés
de l'éternité. On s'imaginait que la
vérité religieuse parlait naturellement
dans sa substance. Du reste, la langue
latine soulignait qu'en tous lieux les
causes sont déposées dans les choses
mêmes - causae positae sunt in ipsis
rebus. Pendant des siècles, les
sciences exactes reposeront à leur tour
et dans le monde entier sur la croyance
en la loquacité légalisante de la
constance de l'univers physique; la
matière faisait entendre la voix
juridictionnelle qui la régissait, donc
la parole du signifiant civique qui la
commandait; et puisque la nature suit un
cours fiable aux yeux des législateurs
et des grammairiens du cosmos, cette
fiabilité était reçue pour le signal
d'un "sens rationnel" parallèle au
vocabulaire des cités.
De plus , le latin
ne cesse de souligner la primauté de
l'usage commun, donc de l'esprit
pratique dans la connaissance
rationnelle: la science des dieux était
pragmatique et se fondait sur
l'expérience de l'efficacité tangible
des cultes.
(Nelson Mandela et la guerre des
songes, 21 décembre 2013)
2 - Une
cartographie de l'absolu
La seule difficulté
épistémologique sérieuse, aux yeux du
Sénat de la République était donc de
nature politique et militaire: la
défense en armes du peuple de la Louve
et la solidité de l'Etat étaient-elles
équivalentes quelles que fussent les
pratiques religieuses des citoyens, ou
bien la scission des rites sacrificiels
entre les Immortels importés de
l'étranger et ceux du cru nuisait-elle à
l'efficacité des immolations coutumières
d'animaux à tous les Célestes
répertoriés? En tant que tels, les dieux
étaient-ils des fruits naturels,
légitimes et efficaces d'une géographie
de la théologie ou bien la consommation
de leurs liturgies se révélait-elle
inégalement performante selon
l'adéquation de ces légumes mentaux à
l'alimentation religieuse des peuples,
des nations et des climats? Cette
conviction a duré jusqu'au trépas des
monarchies catholiques aux yeux
desquelles les territoires exerçaient la
charge de légitimer leurs Olympes en
retour: Cujus regio, ejus religio, "Telle
région, telle religion".
Vingt-trois siècles
après les guerres puniques, le
simianthrope occidental est-il devenu
une espèce tellement pensante qu'il
aurait commencé de se demander
sérieusement comment les balances à
peser les dieux sont construites? La
réponse ne fait pas de doute: il faut
refuser à cet animal le titre de
"réfléchi", puisque son sommeil cérébral
lui interdit encore davantage que du
temps d'Hannibal de se poser la question
de l'existence des souverains
imaginaires censés piloter le cosmos.
Par chance, la question de la nature du
sommeil intellectuel qui frappe les
religions est devenue politique à
l'échelle de la planète tout entière.
Que se passe-t-il au sein d'une
civilisation endormie quand, dans le
monde entier, le fossé entre les
sciences et les cosmologies mythiques ne
cesse de se creuser, de sorte que
l'abîme entre les savoirs exacts et les
rêves sacrés devient de plus en plus
impossible à combler?
Julien Green,
écrivain catholique de langue française,
mais de nationalité américaine et qui
démissionna du Quai Conti disait qu'un
homme se trouve réellement assassiné sur
l'autel romain et que l'indifférence des
fidèles à une vérité de la foi aussi
évidente l'indignait. Sa colère ne
portait donc en rien sur la croyance des
fidèles assoupis par un prodige
théologique connu, coutumier et dont il
ne doutait pas un instant, mais sur la
stupéfiante légèreté d'esprit des
croyants, qui passent outre au miracle
avec un bel ensemble et sans se troubler
le moins du monde. Et pourtant, au début
du XVIe siècle, la vigilance des peuples
du nord de l'Europe a couru en sens
contraire: on les a vu nier comme un
seul homme un phénomène cultuel
fantastique. Puis leur hérésie est
devenue la nouvelle orthodoxie en
Angleterre et dans toute l'Amérique du
Nord.
3 - D'où observer
le cerveau humain ?
Depuis un
millénaire, une religion nouvelle,
l'islam, s'était fondée sur la
suppression pure et simple des autels du
sacrifice de sang. Mais pourquoi la
Chine, l'Inde et le Japon n'ont-ils
jamais offert de la viande ni animale,
ni humaine, ni crue, ni cuite au
prétendu créateur d'un univers pourtant
saignant à souhait? Seul l'échiquier
intellectuel nouveau d'une anthropologie
réellement scientifique peut se trouver
habilité à féconder la question de
savoir primo, pourquoi trois
milliards d'évadés de la zoologie sur
six installent un maître invisible à la
fois dans leur tête et dans le vide de
l'immensité et secundo, lui
offrent une victime torturée à mort pour
salaire et enfin, tertio, comment
ils légitiment en juristes la
gouvernance par l'assassinat qu'ils
concèdent à un guide sanctifié de tant
de nations et à un chef incontesté de
tant d'Etats.
Car les chrétiens
ne se risquent à réfuter leurs
offertoires qu'à partir de raisonnements
fondés sur la logique de leur potence:
Calvin rejetait le meurtre de l'autel
parce qu'il suffisait, disait-il, que la
victime de la croix eût été tuée une
seule fois pour qu'elle sauvât le monde.
La plateforme des théologies leur
interdit toute réflexion psychologique
et politique en provenance de
l'extérieur sur les véritables causes du
recommencement acharné d'un assassinat
inaugural et jugé insuffisant. De même,
une fervente catholique réprimandait
fermement sa voisine, qui prétendait
avoir aperçu la Sainte Vierge parmi les
légumes de son potager, alors qu'aucune
apparition de la déesse ne pouvait se
produire un vendredi: chacun sait que ce
jour-là, la mère de Dieu s'affaire du
matin au soir à recevoir dignement son
fils au paradis.
Une telle assiette
de l'irréflexion interdit à l'humanité
de jamais se poser la question
anthropologique de l'origine et de la
nature d'un Jupiter dédoublé entre le
cosmos et le cerveau de ses habitants.
Mais comment apprendre à observer du
dehors un animal devenu pluri-cérébral?
Les religions condamnent la philosophie
à se poser cette question-là ou à choir
dans le néant avant d'avoir seulement
fait le premier pas.
4 - Brève
histoire de la cervelle simiohumaine
Deux siècles avant
les guerres puniques, la question de
l'existence des Célestes avait pris à
Athènes un tour imperceptiblement plus
philosophique, donc plus réfléchi.
Socrate demandait gentiment au devin
Euthyphron ce qu'il pensait des dieux
gourmands de la chair crue dont on les
engraissait à grands frais :
soupesaient-ils le prix et la qualité
des viandes dont on les gavait ou se
moquaient-ils comme d'une guigne de la
succulence des victuailles et des
empifrements de la piété? C'était poser
aux poches stomachales des Célestes la
question soupçonneuse de l'achat sur
l'agora du culte comestible de l'époque;
et conjointement, c'était souligner le
parallélisme entre la pesée de la
compréhensibilité et celle de la
moralité des dieux les mieux achalandés,
donc les plus comblés d'animaux de
boucherie.
Mais alors,
pouvait-on décemment aller jusqu'à
reprocher aux Immortels non seulement
leurs ripailles de gros mangeurs, mais
leurs coucheries avec des mortelles?
Homère, Pindare, Hésiode avaient fait un
grand étalage de cette double
consommation. Et voici que Platon vous
conteste un coït de Zeus avec Héra à
même le sol! Du coup, la question de
l'existence ou de l'inexistence des
Immortels coûteux ou de vil prix a
commencé de dépendre de l'éthique qui
présidait parallèlement à leurs festins
de goulus et à leur vie sexuelle agitée.
Aristophane avait eu l'audace inouïe de
couvrir de ridicule les goinfres de
là-haut: il suffisait, disait-il, de les
affamer pour les affoler aux côtés de
leur garde-manger. Mais, non seulement
ce constat n'ébranlait pas davantage la
piété de leurs fournisseurs que
l'assassinat réputé réel de Jésus-Christ
sur tous ses autels n'étonnait
l'orthodoxie de Julien Green. Bien au
contraire, la familiarité des
plaisanteries qu'on échangeait avec les
Immortels les mettait davantage à la
portée des Athéniens et renforçait, aux
yeux du peuple, l'évidence qu'ils
existaient. Il faudra attendre Lucien de
Samosate (125 - 180), le Voltaire de
l'antiquité, pour troubler durablement
la digestion des Célestes.
5 - Brève
histoire de la cervelle des chrétiens
Mais,
paradoxalement, la question de
l'existence de Zeus, puis de trois dieux
aux catéchèses en bisbille entre elles
est demeurée éminemment morale jusqu'à
nos jours. Au XVIIIe siècle encore,
seuls les Diderot ou les Grimm allaient
jusqu'à mettre en doute l'objectivité de
la notion d'existence - même
vaporeuse - appliquée au trio des dieux
censés solitaires, donc localisés et qui
étaient parvenus à ravir à Zeus le
monopole de l'occupation corporelle de
l'espace. Fontenelle, notamment, a fait
basculer dans le comique les problèmes
culinaires que le paradis physique des
chrétiens s'efforce de résoudre depuis
deux millénaires, ainsi que la question
de l'âge auquel Dieu fait ressusciter
ses élus.
Mais ces
difficultés de la diététique céleste
occupaient déjà plusieurs chapitres dans
la Somme théologique
de Thomas d'Aquin - il était nécessaire,
disait l'Eglise, de leur accorder
l'honneur insigne de se montrer les uns
aux autres les cicatrices les plus
glorieuses de leurs blessures de guerre.
On sait que ce saint aristotélicien a
été élevé au rang de docteur officiel de
l'Eglise romaine et que ce titre ne lui
a pas été retiré. Mais le rire a si peu
triomphé de la gastronomie posthume que
le patriarche de Ferney confondait
encore l'univers avec une horloge de
haute précision et qui ne saurait
manquer à ses devoirs de piété envers
l'humanité ressuscitée. Les rouages et
les ressorts inusables de notre
astéroïde renvoient le XXIe siècle au
cerveau religieux des Romains à l'heure
des guerres puniques.
Et pourtant, le
XIXe et le début du XXe siècle avaient
commencé de se demander comment une
humanité encore sauvage et livrée aux
sorciers des premiers âges aurait pu non
seulement se faire communiquer les
ultimes secrets de l'univers, mais
recevoir toutes les informations
nécessaires concernant un Dieu
omniscient, omnipotent et demeuré si
longtemps caché à tout le monde. Cette
question était déjà en chemin chez les
Romains: alors que Cicéron soulignait
encore que même les peuples les plus
campagnards et les plus incultes croient
en l'existence des dieux, Tite-Live
retournait déjà cet éloge contre les
peuples les plus proches des bêtes
féroces et qui se révèlent également les
plus religiosi - superstitieux.
Il aura fallu
attendre la parution, sous l'occupation,
de L'être et le Néant de
Sartre pour vulgariser l'évidence que si
la divinité anthropomorphique des
chrétiens était censée avoir fabriqué la
montre Omega dont elle cachait les plans
dans ses neurones, c'était sur le modèle
naïf des artisans, qui vous fabriquent
une table ou une chaise à partir du
principe qui préside à la construction
des objets qu'ils ont dans la tête et
dont ils font débarquer "l'essence " et
la quintessence cérébrale sur la terre.
Hélas le cosmos démontre que les choses
sont déjà là et que nous ne les
soumettons à nos coordonnées et à nos
codes sacrés qu'après coup.
6 - L'irruption
de l'infini et l'anthropologie des
théologies
Aux yeux de la
raison religieuse, l'existence précède à
son tour "l'essence" et cela à tel point
qu'elle accorde, dans la foulée, à la
métaphore le pouvoir prodigieux de
réaliser les signes physiques qu'elle
demande à la nature de produire. Il lui
faut mettre en images les signifiants,
donc illustrer les symboles dont elle
entend faire écouter le message aux
fidèles. C'est pourquoi elle renvoie à
deux genres littéraires, la parabole et
l'allégorie, qui permettent à des
substances de charrier le message
subliminal du mythe. Mercure a
effectivement des ailes dans le dos,
puisque, sans leur secours, sa carcasse
ne pourrait traverser les airs avec la
célérité prodigieuse qu'exigeaient ses
trajectoires de voyageur de commerce de
l'Olympe. De même, Jésus multiplie des
pains de seigle et de froment, parce que
la "vie spirituelle" est un pain
immatériel et qu'à ce titre, il se
multiplie de lui-même dans les esprits
capables de goûter sa saveur. Le
prophète métamorphose l'eau plate en vin
de là-haut, parce que la parole de Dieu
est une liqueur de si grand prix qu'elle
change l'eau de la vie en vin de
l'immortalité. Jésus est ressuscité, dit
Saint Paul, parce que sans cela "notre
foi serait vaine".
Mais la métaphore
salvifique chargée de substantifier
l'intemporel et de rendre rédemptrice la
chosification du symbolique a subi un
déclassement irréparable à l'heure où
l'univers de la matière s'est révélé
illimité, ce qui a anéanti l'assise
spatiale du spirituel et réduit sa
signalétique ascensionnelle sur la terre
au grotesque. Du coup, l'interprétation
de la création physique du globe
terrestre en sept jours est devenue
matérialiste. Un mythe religieux dont la
symbolique ne monte plus dans le four de
la foi en appelle et une tout autre
imagerie de l'ascension intérieure de
l'humanité que celle dont le récit
biblique illustrait la machinerie.
7 - La théologie
post-einsteinienne
En vérité, le
gouffre sans fond que le monde moderne a
commencé de creuser à partir de la
Renaissance entre les savoirs plats et
la fable fécondatrice est devenu
insondable à l'heure où le temps et
l'espace classiques se sont révélés des
matières auto-coagulantes ou liquéfiées
au gré de la rapidité du mobile qui en
transporte l'horlogerie. Quant aux
quinze milliards d'années-lumière que
mesure environ l'étendue du cosmos
matériel des astronomes kantiens
d'aujourd'hui, elles ne font jamais que
cent cinquante mille milliards de
milliards de kilomètres - cette goutte
d'eau ne nous dit rien ni de l'infini
ouvert au-delà, ni des galaxies
volatiles qui pourraient y promener leur
poussière.
Einstein a dit
qu'il ignorait si l'univers est infini.
S'il s'était voulu un peseur du moule
dans lequel l'encéphale de notre espèce
est coulé, il aurait observé que ce
creuset contraint le cerveau simiohumain
de concevoir un dieu Chronos ligoté
d'avance à l'illimité, tellement il est
impossible d'assigner à l'espace-temps
une frontière au-delà de laquelle
l'espace et le temps auraient disparu.
Mais, du coup, toute théologie tombe
dans une insaisissabilité rebelle à la
conjugaison du verbe être et à
toute axiomatique doctrinale.
En vérité, le Jahvé
originel des Juifs et ses imitations
tardives se sont bien davantage
fossilisés que le Zeus des Grecs sous la
plume amusée d'Aristophane ou de Lucien
de Samosate, parce que les philosophes
grecs et les poètes de l'antiquité
disposaient du trésor inépuisable de
faire monter sur les planches du monde
une théâtralisation spirituelle de la
métaphore. L'allégorie et la parabole
permettaient de transporter le genre
humain dans un merveilleux et un
surnaturel poétiques, tandis que le
monde moderne se fabrique en vain une
échelle de Jacob appelée à ne conduire
nulle part. Le vide donne désormais la
réplique de son mutisme à la solitude
irrémédiable de la conscience
transanimale.
8 - Les dieux
d'ailleurs sont de retour
Dans une situation
aussi "existentielle", dirait Jean-Paul
Sartre, il est précieux d'observer à
nouveaux frais ce qu'il adviendra du
fossé qui ne cessera de se creuser entre
le savoir des astrophysiciens, qui ont
perdu en chemin le bâton de maréchal du
langage humain d'un côté et, de l'autre,
le récit, demeuré semi animal, des
mythes cosmologiques soudés à la
charpente des ancêtres. Du coup,
l'irréflexion et la cécité croissantes
de la classe dirigeante contemporaine
rejoignent l'acéphalie des sénateurs
romains évoqués plus haut: M. Copé
s'indigne de l'incohérence mentale dont
témoigne un rapport officiel sur
l'épuisement actuel du modèle
d'intégration aux valeurs de la
République laïque d'une masse de quatre
millions d'immigrés d'Allah installés
sur notre territoire.
Pourquoi ces
croyants persévèrent-ils, depuis trois
ou quatre générations, à se prosterner
jusque dans la rue devant une divinité
inconnue des Gaulois ? On sait que la
rédaction de ce rapport a été
expressément demandée par Matignon à une
commission censée "adéquate" de
cinquante huit prétendus "connaisseurs"
dont les patronymes ne renvoient à
aucune consonance française ou
européenne et dont la teneur se trouve
intégralement affichée sur le site
officiel du Premier Ministre. Mais c'est
occulter la vraie question de se
défausser sur le plurilinguisme.
Certes, on
s'étonnera d'apprendre que "les
langues de France sont la variété
dialectale de l'arabe (arabe maghrébin),
le berbère, le yiddish, l'arménien
occidental, le judéo-espagnol et le
romani"; certes on sera surpris de
découvrir qu'il faudra "valoriser"
un "enseignement de l'arabe"
que "l'Education nationale sera
chargée d'assurer, au même titre que les
autres langues" et qu'on
l'introduira impérieusement "sur tout
le territoire national". Certes, on
se frottera les yeux de ce que
"l'enseignement dès le collège d'une
langue africaine (..) par exemple le
bambara ou le dioula ou le lingala ou
même le swahili" soit sérieusement
préconisé. Où le français est-il passé?
Mais qu'adviendra-t-il des dieux de
multiples provenances ethniques et
géographiques qui se promèneront sur
notre territoire? C'est cela qu'il
faudrait élucider .
Puisque la France
républicaine est censée demeurer
cartésienne, le Premier Ministre a
aussitôt bondi comme un diable de sa
boîte: il allait de ce pas réfuter M.
Copé. Mais il s'est contenté de le
traiter publiquement de "menteur
invétéré". Comment faire grief au
gouvernement de cautionner un projet de
loi aussi farfelu si la République n'a
pas de science du sacré et ignore tout
des arrière-mondes oniriques de
l'humanité? Pour sa part, Matignon a
toujours lutté pour la raréfaction des
cultes, Matignon a toujours refusé aux
jeunes filles le port du voile islamique
dans les écoles vouées à l'initiation
des enfants de France à l'avarice dont
la pensée logicienne se fait une vertu
depuis la loi de séparation de l'Eglise
et de l'Etat de 1905. Mais si le pays
demeure officiellement fondé sur
l'alliance formelle de la raison
scientifique avec l' intelligence, on
voit, j'y reviens, que, sous le tricot
d'un seul et même bonnet phrygien,
l'encéphale schizoïde de ces deux
coloristes du ciel polychrome de leur
temps fonctionne exactement sur le
modèle biphasé du Sénat romain au IIIe
siècle avant notre ère, tellement on
chercherait vainement, sous des casaques
électorales coupées dans différents
tissus, la plus microscopique étincelle
d'un questionnement sérieux de
l'animalcule bipolarisé concernant la
prétention des dieux d'ici ou d'ailleurs
de s'inscrire à l'état-civil des nations
sur le territoire desquelles ils ont
planté leur tente.
Pourquoi n'est-il
nullement tenu pour énigmatique que,
depuis des millénaires, l'animal semi
cérébralisé persévère de sécréter des
personnages cosmiques de complexions
diverses et pourquoi n'est-il nullement
étrange que des acteurs cosmiques
promènent leur identité spécifique sous
l'os frontal de la bête, pourquoi ne
faut-il pas s'étonner de ce que des
Célestes nouveaux succèdent sans relâche
à ceux qu'un usage de leur immortalité
de quelques siècles seulement aura suffi
à porter en terre? La réponse se trouve
dans Nietzsche: on ne détecte pas un
seul être humain sur cent, écrit-il qui
se pose réellement la question de savoir
si une proposition est vraie ou fausse.
Mais voici que la question de la nature
des leurres universels qui assurent la
protection cérébrale de cet animal
débarque rantanplan sur tout notre
astéroïde.
Ce sera l'objet de
ma réflexion de la semaine prochaine.
le 8 février 2014
Reçu de l'auteur pour publication
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