Théopolitique
Le pape François et
l'avenir spirituel du christianisme 2
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 7 novembre 2014
" On ne peut
apprendre la philosophie, on ne peut
qu'apprendre à philosopher."
E Kant
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1 - Le baptême du feu
2 - Le Dieu des muets et des
sourds
3 - La théologie de la politique
4 - Les embarras du pape
5 - Un pape campé hors de
l'enceinte du sacré
6 - Le feu de l'esprit
7 - La crucifixion de la justice
Post sriptum
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1 - Le baptême du
feu
François a fait ses
premières armes à Damas, en 2013. Son
pontificat avait brisé dans l'œuf
l'assaut qu'Israël et ses alliés
projetaient contre le Président Assad:
il s'agissait d'interdire pour toujours
à la Syrie de livrer au Hezbollah des
armes en provenance d'un Iran adossé à
la Russie. Un exploit diplomatique de ce
calibre avait élevé en trois jours
l'ancien archevêque de Buenos Aires au
rang de l'homme politique le plus
puissant du monde aux yeux des plus
célèbres analystes de la géopolitique.
L'illustre revue Forbes elle-même avait
accordé au Saint Père un poids supérieur
à celui de M. Barack Obama sur la
balance dont les plateaux pèsent les
Césars de ce monde. Les chefs d'Etat les
plus colossaux avaient défilé à la queue
leu leu dans l'antichambre du successeur
de saint Pierre, à commencer par le
Président des Etats-Unis, précédé de M.
Vladimir Poutine et suivi de la reine
d'Angleterre, cheftaine d'une Eglise à
la fois parallèle et rivale de celle de
Rome - elle y avait entraîné son mari,
le duc d'Edimbourg, âgé de quatre-vingt
treize ans.
Et maintenant,
l'heure d'un autre baptême du feu avait
sonné. Depuis plus de neuf ans, Israël
encerclait la population d'une ville de
deux millions d'habitants. Six milliards
d'adeptes d'une religion fondée sur le
culte universel de la Liberté politique
demeuraient le nez dans leur bréviaire.
Le Créateur lui-même n'en menait pas
large sur son trône en or massif. Ses
momies séchaient sur les places
publiques, ses sarcophages étalaient les
totems d'un salut de bois sec, les
lauriers verbaux de la religion de la
démocratie mondiale ne décoraient plus
que les frontons noircis des temples
dressés à la gloire de la Révolution de
1789 - et les rhéteurs d'une Liberté de
paille faisaient sonner les timbales et
les tambours de l'abstrait; et les
logiciens de la Justice universelle
avaient si bien perdu leur inspiration
que le feu des prophètes s'était changé
en poussière et en cendre.
2 - Le Dieu des
muets et des sourds
Israël ne digérait
pas sa défaite de 2006 au Liban. En
juillet et août 2014, on avait récolté
plus de deux mille dépouilles mortelles
d'hommes de femmes et d'enfants dans les
rues de Gaza. Le ramassage de leurs
cadavres avait été couronné par leur
entassement malodorant dans des morgues
de fortune sans que le Vatican levât le
petit doigt et fît prononcer un seul mot
au Dieu empuanti des chrétiens. Quelques
croyants armés de leur seule bonne
volonté avaient loué une flottille et
tenté de secourir les assiégés, mais
leurs embarcations n'avaient pas réussi
à attirer l'attention d'une démocratie
en voie de putréfaction: le glaive de
Jahvé et de son complice, le ciel des
patenôtres de la Liberté, avaient eu
raison de la barque de saint Pierre: les
Démocraties du monde entier avaient
assisté au carnage bouche cousue et les
bras croisés sur leurs chapelets.
Le pape François
campait dans une forêt de cierges et de
statuettes et il se disait: "La terre
est devenue une Eglise figée dans ses
prières; mais si je garde un silence
animal à mon tour et si mon mutisme
clame la complaisance du Dieu des
bimanes à ce massacre, de quel désert
malodorant jaillira-t-il, le cri du
putréfié sommital dont les détoisonnés
des forêts ont fait le Dieu de leur
poussière? Ce Dieu puant serait-il cloué
sur toutes les potences, ce Dieu
pourrirait-il sous le soleil et la
cendre de Gaza?"
Entre une théologie
de la sainteté de la bête et la
politique rongée des vers dont les
évadés de la zoologie fleurissent leurs
cercueils s'étalait un mouroir dont les
effluves incommodaient les narines de
Jupiter. La question de la frontière à
tracer parmi les tombes, les amulettes
et le silence parfumé du "vrai Dieu" se
posait de manière tellement odoriférante
que François y jouait l'avenir olfactif
de l'Eglise romaine.
3 - La théologie
de la politique
Si l'expression "aucun
Dieu" lâchée, le pif au vent, par M.
Barack Obama, ((Le
pape François et l'avenir spirituel du
christianisme , 31 octobre 2014)
suppose qu'il en existerait un grand
nombre et que leurs encens respectifs
renverraient à des Olympe aux senteurs
différentes, mais tous empêtrés dans
leurs dissonances, le monde allait-il
retourner à la polyphonie religieuse du
polythéisme? Et le pape François passait
en revue les orchestrations du ciel des
prières auxquelles Adam s'était exercé
depuis son basculement dans le sonore.
Où situer les
pelotons de tueurs tout juste débarqués
du ciel d'Allah? Quelle théologie des
guerres immaculées désarmera-t-elle le
Dieu vieilli et racorni des chrétiens?
En 1572, Grégoire XIII avait fait graver
une médaille commémorative du pieux
massacre de la saint Barthelemy.
Fallait-il en conclure que chaque siècle
accouche seulement du Dieu des tueurs du
moment? Fallait-il se résigner à
s'agenouiller devant des monstres
célestes? Mais si le démiurge des
chrétiens inspirait l'épouvante, qu'en
était-il de la justice dont s'auréole le
seul animal dont la nature a chargé les
épaules des contrefaçons les plus
sanglantes de son géniteur? Et pourtant,
si l'on privait l'ogre du cosmos de
l'atrocité de ses châtiments, comment
exercerait-il efficacement ses fonctions
politiques sur la terre?
" Et puis, se
disait maintenant le disciple d'un
Poverello et d'un saint Ignace de plus
en plus difficiles à convoquer dans la
même abside, le Dieu de mes autels
n'a-t-il pas précipité sans relâche et
des siècles durant dans les flammes de
l'enfer les malheureux nourrissons
qu'une mort prématurée fauchait à la
naissance? Que voulez-vous, se disaient
les saints de l'époque, c'était de leur
faute si l'on n'avait pas eu le temps de
les précipiter dans l'eau salvifique du
baptême! Or, Erasme rappelait déjà que
la pestilence du Dieu des chrétiens et
les miasmes de son alliance avec la
souffrance et la mort des nouveau-nés
n'avait pas survécu davantage que le
Zeus d'Homère sous la plume de ses
pédagogues postérieurs. Mais un pape
a-t-il vocation de redresser l'échine
d'un Dieu pourri? Qui avait délogé à la
fourche le Dieu du ciel barbare des
premiers chrétiens? Au nom de quelle
divinité encore cachée à tous les
regards une majorité de croyants
avait-elle pris si soudainement la
responsabilité des déicides généreux et
féconds de l'idole?"
Il appartenait
décidément au dernier en date des
successeurs de Pierre de tirer les
conséquences théologiques de ce que les
dieux vieillissent mal et tombent peu à
peu en panne d'inspiration spirituelle.
Mais comment imposer cette évidence aux
théologiens fluets et inquiets d'une
Eglise agonisante? Une croyance
religieuse peut-elle fouetter son Dieu
sénescent? Et puis, comment redresser
les vertèbres de la foi s'il faut
prendre appui sur un Dieu demeuré dans
les langes? Et pourtant le Créateur à
naître demeurera bouche cousue aussi
longtemps que le Vatican ne se risquera
pas à commettre le saint sacrilège de
présenter l'Eglise romaine en
porte-parole de l'avenir spirituel de la
créature. Certes encore, la Curie
romaine se contentait de préciser que la
guerre baptisée de " juste" s'en
tiendrait à arrêter quelques égorgeurs
en Irak, non à les traquer jusque dans
leurs repaires en Syrie. Mais cette
prudence interdisait seulement aux Etats
de la région de poursuivre jusqu'à Damas
l'élan de leur sainteté suspecte.
Pouvait-on fonder une théologie
inébranlable de la paix et de la guerre
sur l'opportunité d'une conversion
toujours seulement momentanée et locale
de l'Eglise du Poverello? Toute
théologie obéirait-elle aux lois de la
géographie? Comment célestifier une
ligne de démarcation passagère entre le
ciel et la politique?
4 - Les embarras
du pape
J'écrivais, la
semaine dernière (Le
pape François et l'avenir spirituel du
christianisme , 31 octobre
2014), que si le Saint Siège condamnait
solennellement le massacre de Gaza et
s'il rappelait seulement que la maladie
n'avait même pas été identifiée, le
monde entier se remplirait les oreilles
de cire à seule fin de ne pas entendre
les clameurs de Cassandre. On
rappellerait aussitôt le massacre de la
shoah, lequel légitimerait à jamais les
massacres à venir de Jahvé au
Moyen-Orient. Mais une autre guerre
théologique se réveillait en secret,
celle qui faisait rage en tous lieux et
depuis deux mille ans. Car, depuis belle
lurette, les théologiens faisaient dire
à leur Jupiter: "Tu ne tueras pas",
tandis que les serviteurs de leurs
idoles passaient au large des potences
et le nez dans leurs bréviaires. Qu'en
était-il de l'alliance du glaive avec le
sacré à Gaza, qu'en était-il de
l'histoire d'une Eglise romaine qui
passait comme chat sur braise quand il
s'agissait d'évoquer les relations
incestueuses que les sacristies du monde
entier entretiennent avec les fourches
du Diable? Décidément se disait le pape
François, un Dieu des chrétiens qui n'a
pas de théologie sérieuse de la guerre
et de la paix n'a pas non plus de
théologie de l'histoire et de la
politique.
Mais l'Eglise de
Pierre ne faisait-elle pas naufrage
depuis vingt siècles parmi ses totems et
ses affûtiaux, n'avait-elle pas tenté
plusieurs fois, mais timidement et pour
quelques instants seulement, de se
débarrasser de sa quincaillerie céleste
et de revenir à l'incandescence des âmes
ascensionnelles? Si le Vatican espérait
seulement se donner des chances de se
faire entendre des grigris d'Israël, il
lui fallait réenfanter le Dieu d'une
autre justice que celle des rites
suintant le sang et la mort. Pourquoi le
monde entier détournait-il le regard de
Rome? Pourquoi le concile de 1962
avait-il pris le risque de changer le
peuple entier des croyants en la
personne morale du Christ, pourquoi le
monopole de la métaphore "le corps du
Christ" avait-il été retiré à un
corps sacerdotal ossifié? Mais, depuis
lors, l'Eglise n'avait formulé ni
science, ni théologie des corps
spirituels. La Curie aurait-elle perdu
sa vocation ascensionnelle parmi ses
cierges et ses missels ? Le bon
Samaritain, lui, n'avait pas de fétiches
dans les mains.
" Décidément, se
demandait maintenant le pape du corps
surréel de l'Eglise, quel est le verset
des saintes Ecritures du symbolique qui
permet de placer le Dieu de Justice d'un
côté et le Dieu des chapelets de
l'autre? Ces deux divinités ont-elles
tracé la frontière entre leur sainteté
flottante et leur politique biphasée?
Seule la force des armes et la puissance
des réseaux d'influence que tisse le
temporel ouvrent-ils les yeux de Dieu et
lui retirent-ils des oreilles la cire de
ses rituels?"
Tout récemment
encore, les magiciens de la foi
n'avaient-ils pas contraint le Saint
Siège de bénir en toute hâte et à
nouveaux frais les augures d'un Christ
de sorciers? La cohorte des magiciens
urgentistes ne campait-elle pas au cœur
de tous les diocèses, alors que les
évêques étaient censés désignés par un
ciel de justice?
5 - Un pape campé
hors de l'enceinte du sacré
Aussi la pire
souffrance intellectuelle du pape
François tenait-elle à la difficulté
théologique qui rongeait son sacerdoce
de préciser l'étendue de l'autorité
réputée infaillible qu'exerçait son
magistère. Sa Sainteté officiait en
public. Sa personne promenait une
théologie au bout de sa laisse, parce
qu'elle se trouvait nécessairement
attachée à l'exercice d'une fonction
doctrinale, donc inévitablement ligotée
aux exploits d'un personnage
semi-collectif.
Certes, François
était monté sur le théâtre du monde par
la volonté expresse d'une divinité mise
en scène par une Eglise. Celle-ci avait
pris soin de s'exprimer par la voix d'un
conclave. Mais le cahier des charges
d'un grand hiérarque de la foi le
contraint à mettre en scène les pouvoirs
politiques d'un Dieu responsable de sa
gestion du monde. Il y faut les
prérogatives et les apanages de la plus
puissante institution ecclésiale de la
planète. Comment le pape François se
serait-il dérobé à l'autorité
viscéralement ritualisée de sa fonction
terrestre coram populo, donc à
son devoir de soutenir sans relâche la
prétention selon laquelle telle ou telle
difficulté dogmatique aurait été
définitivement tranchée par la voix de
l'Eglise? A quel commandement spirituel
et seul souverain, obéissait-il à chaque
pas quand il condamnait sans l'ombre
d'une hésitation et avec une dureté de
ton exemplaire la voracité financière
des congrégations romaines les plus
illustres? "Vous n'obéissez à aucune
vocation", leur disait-il crûment.
Si la voie pastorale de la vérité
bousculait la voie apostolique jusqu'au
sommet de la hiérarchie ecclésiale,
comment imposer cette distorsion aussi
bien à la masse des fidèles rassemblés
sur la place Saint-Pierre qu'à un corps
sacerdotal ramifié sur les cinq
continents, donc bardé de privilèges mal
acquis et usés sur la meule du temporel?
6 - Le feu de
l'esprit
Vocation
renvoie à vocare, appeler et à
vox, la voix, mais aussi aux mots,
les voces. Quels vocables et quel
appel Dieu faisait-il écouter à son
vicaire quand le ciel des chrétiens lui
parlait au nom d'une Vérité
qualifiée de "divine" et lui faisait
connaître les jugements et les verdicts
d'une révélation miraculeuse?
Et le pape François
se demandait jour et nuit ce qu'il en
était du feu du ciel, ce qu'il en était
de l'élan ascensionnel qui tendait l'arc
de sa foi, ce qu'il en était du souffle
qui avait donné à l'humanité une âme
inconnue du monde antique et une
intelligence dont la lumière éclairait
les secrets les plus cachés de la bête
scindée entre ses meurtres et ses
prières. Et soudain il lui revint à
l'esprit que, sous Tibère,
l'effondrement d'un amphithéâtre
colossal avait précipité des milliers de
Romains à l'Hadès. L'empereur avait
secouru les familles des victimes sur sa
propre bourse et châtié l'entrepreneur
corrompu - il s'était servi de matériaux
fragiles et bon marché. Un grand élan de
l'esprit de charité et de justice
avait-il pour autant soulevé l'empire?
Et le disciple du
Poverello et d'Ignace se demandait avec
humilité quelle semence mystérieuse
avait germé au plus secret de sa foi
pour que la charité chrétienne se
révélât soudainement une mutation du
ciel de justice de l'humanité, un
tournant foudroyant de l'histoire des
âmes, une révolution dont l'Eglise
tentait en vain, depuis deux
millénaires, de demeurer le témoin. Car
la charité, se disait maintenant le
Saint Père, n'est ni un déclencheur
mécanique de la pitié plus puissant que
celui d'Achille devant Priam, ni une
forme plus généreuse et plus
spectaculaire de la solidarité, ni un
cri du cœur plus civilisé qu'autrefois,
ni le réveil d'une conscience
philosophique nouvelle au sein d'un
empire romain fatigué de ses cirques,
rassasié d'hémoglobine et fervent du
sang des gladiateurs. Ce lien
concernait-il l'administration
tatillonne de l'Eglise? Le Saint Siège
devait-il s'accuser de lâcheté
diplomatique à Gaza? Dans ce cas, la
charité ne serait qu'une ruse de
chancellerie plus performante que les
précédentes.
Mais Rome ne
pouvait s'en laver les mains à la même
école de l'indifférence et à la même
écoute de la légèreté d'esprit que
l'Eglise d'en face, celle de la Liberté
universelle, parce que la religion de la
croix portait la charge d'un secret des
cœurs ignoré du monde profane. Et le
disciple d'un guerrier se demandait avec
une ferveur croissante ce qui avait
inondé le christianisme et lui seul
d'une alliance fulgurante de la foi avec
la charité. Car, depuis lors, cette
étrange religion se voyait traquée et
taraudée de l'intérieur par un incendie
inconnu.
Et François se
disait sans relâche: "La charité est la
colonne de feu d'une Eglise
d'incendiaires, la charité est le
théâtre d'une transfiguration entière de
mon âme et de mon intelligence, la
charité se reconnaît à l'incandescence
dont elle fait don à tous les vivants,
la charité m'illumine d'une surréalité
brûlante, la charité me transporte
d'allégresse, la charité conduit mon
cœur et mon intelligence dans un monde
éclatant, la charité jette mon prochain
dans les flammes de la justice de Dieu.
La foudre de la charité est absente de
l'empire où la justice d'Etat de Tibère
ouvrait toute grande sa cassette à des
milliers d'orphelins. Je suis au service
du Dieu de la Justice sur la terre."
C'est ainsi que le
Saint Père nourrissait ses prières d'une
réflexion ardente sur la solitude d'un
monde déserté par le miracle de
l'alliance de la charité avec le feu de
la Justice; et il se disait que le
désensorcellement de son Eglise la
délivrerait sans doute quelque peu du
béton armé de son catéchisme en deux
mille huit cent soixante trois articles
bien alignés, mais ne la rapprocherait
en rien du feu spirituel de la charité
et de la justice. Gaza n'avait pas
encore pris rendez-vous avec l'âme de
son Eglise, le monde n'était pas
désencombré du fatras des doctrines.
7 - La
crucifixion de la justice
" Comment se
fait-il , se dirait le pape François,
que la fétichisation américaine du mythe
de la Liberté glorifie une machine
bureaucratique totémisée par le suffrage
universel? Les rites et les liturgies de
Rome se sont desséchés, mais une autre
mécanique verbifique, celle d'une
Démocratie pseudo apostolique, a pris le
relais des anciens tabernacles. Jamais
la charité et la justice ne se loveront
au cœur d'un électorat scolarisé par des
abstractions. Et pourtant, des milliers
de vivants sont descendus dans la rue
pour crier aux Etats et à mon Eglise de
sophistes: "Dieu est à Gaza". Qui est le
pendu de Gaza?"
" Le christianisme
romain, se disait le pape François,
escaladera-t-il une fois encore le Mont
Carmel de la charité? Luther qualifiait
l'épitre de Pierre "d'épitre de
paille", parce qu'elle enseignait
seulement que la foi ne met pas "de
lourds fardeaux sur les épaules d'autrui".
Mais si le christianisme n'était qu'un
allègement du poids de la vie, on n'en
aurait jamais parlé davantage que de la
générosité oubliée de Tibère, parce que
le détoisonné des forêts ne sait pas
encore que la bête ne quittera sa
fourrure que le jour où elle répondra à
l'appel de cette lumière."
Plus le pape
François se brûlait au feu de la charité
et de la Justice, plus il se disait que
le Galiléen portait sur ses disciples le
regard qu'il cherchait à Gaza. Le
prophète ne voyait-il pas clair comme le
jour que Pierre le renierait trois fois
avant que le coq eût chanté? Et pourtant
il lui dit: "Tu es Pierre et sur
cette pierre je bâtirai mon Eglise".
Mais comment la
charité fonderait-elle une Eglise?
Comment une Eglise ouvrirait-elle toutes
grandes les portes du temple de la
Justice? Sans la charité, la Justice est
de bois sec, sans la Justice, la charité
reste les bras croisés. "La charité
m'élève, se disait le successeur de
Pierre, la charité m'emplit de la
lumière de la Justice et cette lumière
est celle du Dieu nouveau. Mon tour
est-il venu de renier mon Eglise? Le
renierai-je trois fois avant le chant du
coq?"
Et le pape ne se
lassait pas de se laisser consumer par
sa crucifixion; et il se disait que tout
le fatras dont se grise le sacré dans
l'enceinte des églises ne mettrait pas
un terme à son clouage sur la croix du
monde. Ce feu-là de la charité
l'appelait en Galilée, ce feu-là
l'armait de sa potence à Gaza. Et le
successeur de Pierre se disait qu'il
mourrait dans la félicité d'une Eglise
crucifiée sur la croix de la charité.
" Décidément, se
disait maintenant le pape d'un blasphème
triomphal, le pape des suppliciés de la
charité et de la justice, le premier
pape que l'Eglise de Pierre ait
souverainement appelé à quitter les ors
et la pourpre du Saint Siège, le premier
pape d'une Eglise désireuse de retrouver
la souveraineté de sa lumière,
décidément, se disait ce pape-là, je
rappellerai au Dieu des icones et des
tueurs qu'un Dieu saignant sera
victorieusement cloué sur la potence du
monde à Gaza.
Post Scriptum
J'écrivais le 25
juillet:
"A partir de cette date, et
compte-tenu qu'on ne luttera
efficacement contre le naufrage de la
langue française que si le Président de
la République et le Premier Ministre se
voient nommément mis en cause, je
relèverai quelques-unes de leurs fautes."
- 1 - M. Valls dit:
On palliera au manque de
professeurs de mathématiques. Pallier
est un verbe transitif qui signifie
compenser, combler. On doit donc dire:
on palliera le manque de
professeurs...
- 2 - M. Hollande
dit: Les enfants débuteront
l'école le ........ alors qu'il faut
dire " Les enfants commenceront
l'école le .....
Reçu de l'auteur pour publication
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