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Decodage anthropologique de l'histoire contemporaine

La débilité politique des dirigeants européens
Esquisse de l'Europe post-américaine 2

Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Samedi 6 septembre 2014

Introduction
1 - L'évangélisme démocratique
2 - Le leurre d'un Secrétariat général
3 - On ne se suicide pas à plusieurs
4 - L'Europe et son cerveau
5 - Entre le trépas et la résurrection
6 - La débilité politique des dirigeants européens
7 - Une mutation de la cervelle de Zeus
8 - Notre retour sur la terre

Post scriptum

Introduction

Le 23 août, je diffusais un texte d'anthropologie critique un texte de réflexion sur la fragilité de l'échelle hiérarchique des grands Etats sur la scène internationale. Le 30 août, je rappelais que ce classement des nations subit des dégradations "à partir d'un furoncle, d'un chancre ou d'un abcès dont le poison s'insinue dans tous les organes des plus puissants acteurs sur le théâtre du monde". Le 3 septembre, les évènements se précipitaient et tournaient à la catastrophe: à la suite de l'humiliation du pays condamné, le pauvre, à verser aux Etats-Unis une "amende" de plusieurs milliards d'euros, l'Elysée acceptait que le respect des clauses d'un contrat conclu de longue date avec la Russie tînt à un fil. On ne livrerait pas deux navires de guerre, et cela bien que le marché fût dûment signé et payé afin de ne pas déplaire au maître d'outre-Atlantique - ce qui ruinait tragiquement le crédit de la France.

Il est intéressant d'observer les raisons qui pilotent les vassalisations acceptées ou désirées et qui rendront inexorable la course de l'Europe dans l'abîme de la servitude. Les nouveaux collaborateurs présentent leurs arguments d'esclaves sur le modèle suivant de l'assujettissement de leur tête: les serfs commencent par soustraire artificieusement aux yeux de l'interlocuteur l'échiquier réel sur lequel le dossier se présente. Puis ils feignent de peser "objectivement" les arguments des deux parties censées en débattre. Naturellement, le vrai sujet se trouvant retiré d'avance et subrepticement à l'examen, le rideau peut se lever sur un spectacle privé de logique et devenu tout imaginaire de ce fait. En l'espèce, le collabo fait semblant de croire qu'il s'agit d'une question localisée de toute évidence dans la problématique qu'il entend faire prévaloir - il serait question, dit-il de savoir si l'on suit les clous, pourtant bien visibles sur la chaussée ou si l'on s'éloigne du chemin des évidences du sens commun. Dans ce cas, on se trouvera fatalement dans son tort, à la manière d'un élève qui ne se sera pas plié à l'exercice clairement défini et légitimé par l'autorité de l'instituteur.

L'évacuation préalable du véritable objet du débat se place au fondement de la notion même de raison: l'Occident a mis des siècles à comprendre que si l'on ne pèse pas les prémisses d'une thèse ou d'une doctrine, on tombe dans une théologie. L'argumentation du collabo est demeurée de type religieux, en ce qu'elle repose sur des tabous sacralisés de l'inconscient. De quoi parle-t-on ? De la souveraineté des Etats. En tant que croyants en la sacralité du joug que la démocratie américaine fait peser sur ses "alliés", les "collaborateurs" usent exactement de la même dialectique que Vichy. Pierre Laval disait: "Oui, je souhaite la victoire de l'Allemagne". Le champ de vision dans lequel il situait la question ne prenait pas en compte l'englobant mondial dans lequel la guerre se déroulait, ce qui lui permettait de passer sous silence les relations réelles qui auraient régné entre l'Allemagne victorieuse et la France vaincue, mais censée mériter des gratifications substantielles pour les services éminents qu'elle aurait rendus au vainqueur tout au long des hostilités.

De même, les Pierre Laval de l'atlantisme d'aujourd'hui disent sans frémir: "Nous souhaitons la victoire de l'Amérique, donc d'une démocratie mondiale". Ce faisant, ils se situent dans une option stratégique aussi totalisante que la théologie, alors que la question est de savoir quelle sera la politique d'une France résiduelle et d'une Europe marginalisée sur la mappemonde quand les Etats-Unis seront parvenus à localiser le centre de gravité du globe terrestre au profit de la question pourtant subordonnée et toute locale des relations actuelles entre la Russie et l'Ukraine. Alors Washington trônera en maître au cœur du continent européen. On voit que le parallèle entre Vichy et notre temps est la clé de la géopolitique contemporaine.

Je n'ai pas cru devoir modifier le texte ci-dessous à la suite de l'accélération de la chute et l'Europe dans le gouffre ouvert le 3 septembre. Au contraire, un texte rédigé trois jours avant la catastrophe permet de dessiner les faux acteurs en traits plus précis. On verra les syndicats demeurer muets au chapitre du véritable théâtre des opérations, on verra MM. Raffarin, Juppé et Fillon manquer l'occasion de lancer un appel aux Français, on verra les "Verts" camper niaisement dans les bocages de Jean-Jacques Rousseau, on verra les derniers communistes se pencher sur le berceau des travailleurs infantilisés sur la scène du monde, on verra le peuple français manquer de la maturité civique qu'exige notre temps. L'électorat européen n'est pas encore au niveau de compétence des capitaines de vaisseau, qui savent qu'ils ne naviguent pas sur des lacs enchanteurs, mais sur l'Océan du monde.

1 - L'évangélisme démocratique

Les descendants vassalisés de Copernic appréhendent l'heure où l'occupation de leurs terres prendra fin, parce qu'ils ne sont pas près d'apprendre comment ils se placeront tout soudainement sous leur propre commandement. Certes, cent ans de servitude de l'Europe auront appris à ce continent à comprendre un peu mieux, mais à quel prix, que la mentalité insulaire de l'Angleterre rend cette nation viscéralement allogène à une politique unifiée, donc inspirée par une volonté de fer de se remettre debout. Il faudra retirer l'école laïque de l'ornière d'une pastorale domesticatrice et qui se garde bien d'initier les jeunes générations à une évidence criante depuis deux mille ans: à savoir qu'une île est une île.

Mais de là à imaginer une collaboration stratégique harmonieuse entre un futur état-major de la France et celui de l'Allemagne de Siegfried, jamais l'Italie et l'Espagne ne se résigneront à la marginalisation définitive de leurs armes. Depuis sept décennies, notre éducation nationale veut ignorer ce blocage, alors que c'est précisément la diversité linguistique, religieuse et culturelle des nations du Vieux Monde - diversité assortie de la disparité de leur étendue territoriale - qui a permis à l'Amérique de prendre le commandement solitaire d'un Continent disloqué et à la dérive. Il était à portée de main du vainqueur sans rival de 1945 d'installer, dès 1949 son quartier général à deux pas de Paris, à Rocquencourt, puis, à partir 1966, de s'incruster définitivement à Mons en Belgique à la suite des retrouvailles énergiques de la France avec sa souveraineté militaire. De plus, la Maison Blanche a bientôt appesanti son joug d'un afflux de satellites en provenance de tout le globe terrestre - le Canada, la Turquie, l'Australie, l'Islande, l'Albanie.

Du coup, la vassalisation intensive de l'Europe bénéficiait du régime de croisière des démocraties. Par temps calme, ce régime produit des élites dirigeantes tacticiennes et manœuvrières non seulement utiles, mais provisoirement indispensables, parce que le calme plat appelle les petits régisseurs. Mais sitôt que l'histoire retrouve un élan et un souffle, les gestionnaires et les administrateurs de la vie quotidienne révèlent leur inexistence dans l'ordre de la politique proprement dite - et le suffrage populaire se réveille bien plus rapidement dans l'ombre que la classe dirigeante blottie au fond de ses bureaux.

On l'a bien vu avec Mme Merkel, qui a fait illusion pendant les années de jardinage de l'Europe d'après la seconde guerre mondale, mais qui est apparue en tablier sitôt que la politique a exigé un regard perçant et une vision panoramique. Qu'elle se soit crue en face d'un élève turbulent, qu'elle lui ait donné une semaine pour se retirer de l'Ukraine, faute de quoi elle lui interdirait les glaces et les sucreries à la cantine, est un spectacle à vous donner le vertige, tellement l'impéritie d'un grand Etat démocratique sur la scène internationale fait comprendre combien le "peuple-roi" manque de moyens à la fois discrets et expéditifs de renvoyer les cuisinières à leurs fourneaux. Dans ce contexte, on comprend que Washington soit rapidement parvenu à subordonner l'admission de tout quémandeur à son asservissement au sein de l'Union européenne civile au placement préalable du candidat sous le commandement militaire de la bannière étoilée. Tout suzerain prévient le mûrissement, dans son orbite, d'un noyau d'Etats potentiellement rebelles à son képi. Les Etats extra-européens servent de joyaux à la couronne de l'empereur dont le sceptre est censé celui de la libération du monde.

2 - Le leurre d'un Secrétariat général

Autre précaution: il était indispensable au césarisme démocratique de mettre à son service un Secrétariat général qui paraîtrait grouper sous sa houlette une coalition de serfs tout fiers de leur bât et qui iraient jusqu'à donner le change à bien camoufler le pouvoir de leur maître sous le pavillon d'une apparence de leur souveraineté. Un ardent ambitieux est un fantoche facile à trouver dans un pays devenu minuscule et qui aura quitté l'arène des géants du monde depuis plus d'un siècle. Le déguisement sous la défroque d'un auxiliaire docile de César d'une vassalisation trop crûment étalée de l'Europe a servi de décor de théâtre à l'expansion d'un empire campé sur le territoire de son pseudo apostolat depuis 1783 et appliqué à s'étendre sans fin, à l'instar du christianisme des premiers siècles, c'est-à-dire sous les traits d'un libérateur de l'humanité.

Voir - La capitulation de BNP-Paribas et la géopolitique - L'âme de l'Europe et l'esprit de justice , 23 août 2014

C'est le sceptre d'un évangélisme auquel la démocratie mondiale sert de creuset qui permet aujourd'hui à la Maison Blanche de paraître légitimer la perpétuation de son universalité sous le drapeau d'une croisade vertueuse de la planète contre la Russie - mais, à chaque instant, un gnome sur ressorts, M. Rasmussen, jaillit de sa boîte pour demander à l'OTAN d'endosser la cuirasse, de hisser le heaume et l'aigrette et de courir au combat l'arme au poing et flamberge au vent. L' épopée du salut par la démocratie rédemptrice est censée au service des idéaux d'une politologie séraphique. Une bible du Beau, du Juste et du Bien lexicalisés montre à nouveau, s'il en était besoin, que si vous ne convertissez pas la politologie sotériologisée - donc pseudo scientifique de ce temps - à une connaissance anthropologique des rouages et des ressorts des théologies du langage et de leurs oriflammes depuis la Grèce antique, votre géopolitique se trouvera privée de radiographies des anges de la grammaire qui traversent à tire d'aile la "moyenne région de l'air", comme disait Renatus Cartésius.

3 - On ne se suicide pas à plusieurs

La guerre de l'Europe des vassaux pour la reconquête de leur souveraineté antérieure à 1939 ne passera en rien par un soulèvement spontané des populations, mais seulement par une révolution intellectuelle mûrie dans l'ombre. Ce ne sont pas les Maharadja trônant sur leurs éléphants qui ont arraché l'Inde dorée à la colonisation anglaise. De même, ce n'est pas le petit peuple algérien ou tunisien qui a chassé les Français, mais une intelligentsia culturelle et politique formée depuis des générations dans les écoles d'une France à la fois colonisatrice et laïque.

Le statut bilingue de la future classe dirigeante de l'Afrique du Nord a nourri des ambitions politiques inscrites d'avance dans une intelligentsia de pauvres nécessairement condamnée à la bancalité linguistique et culturelle, ce qui faisait dire à l'ancien président et libérateur de la Tunisie, M. Habib Bourguiba, un laïc militant, que la rechute du pays dans l'identité religieuse, donc auto-vassalisatrice des ancêtres - mais renforcée par le réveil meurtrier du fanatisme - reconduirait inexorablement le pays à une domestication seulement autrement habillée, parce que les peuples développés sont responsables de la colonisation de leur tête. De même, depuis 1789, l'Europe s'illusionnait à confier les espérances de sa souveraineté philosophique à un suffrage universel censé miraculé par les exploits cérébraux de la déesse "Liberté". Seule une élite nouvelle forgera l'encéphale des dirigeants neuronaux de la démocratie mondiale de demain. Il y faut l'enclume d'une pensée redevenue provocatrice.

4 - L'Europe et son cerveau

Comment une Europe en attente de son réveil socratique, mais réduite à un cortège de nations désorientées et amputées d'une vocation intellectuelle partagée de leur "connais-toi", comment une telle Europe, dis-je, trouverait-elle sa place sur la scène internationale si elle manque d'une anthropologie fermement guidée par un regard de métazoologue? Car la raison n'est jamais une instance hiératique et armée de verdicts statufiés. Si l'Europe d'aujourd'hui se laisse vassaliser par l'Amérique sur le même modèle que l'Algérie de 1830 - c'est-à-dire cérébralement - ce sera parce que nos élites scolaires se seront montrées aussi paralysées que l'islam nord africain du général Lyautey - à cette différence près que les christianismes démocratiques américain et européen auront partagé le même Moyen-Age mental. C'est dire que la renaissance des intelligences sera mondiale ou ne sera pas.

J'ai déjà rappelé (Voir - La capitulation de BNP-Paribas et la géopolitique - L'âme de l'Europe et l'esprit de justice , 23 août 2014 ) que les masses privées de guides issus de leurs propres rangs s'en donnent un tel en provenance de l'étranger plutôt que de se trouver décapitées par la sottise et l'ignorance des élites du cru. J'ai donné en outre une liste de nos dirigeants les plus en vue et qui ignorent avec un bel ensemble qu'ils se sont laissé vassaliser par une théologie de la démocratie américaine enracinée dans le messianisme monothéiste de l'Occident. Si la psychanalyse post-freudienne n'explorait pas l'inconscient du sacré chrétien, les sciences humaines manqueront la mutation cérébrale qu'attend le XXIe siècle.

Certes, pour l'instant, l'existence même de l'empire américain est censée se trouver validée et aller autant de soi que celle de l'empire romain aux yeux des Gaulois sous Tibère. Mais quel sera le rendez-vous de ce Continent avec la puissance retrouvée de ses armes dès lors que la guerre économique est devenue mondiale et qu'elle dictera nécessairement à la planète une stratégie de remplacement de la foudre nucléaire? Car, depuis 1945, la dissuasion par l'apocalypse se révèle obsolète sans qu'on en ait explicité les raisons anthropologiques et inconsciemment religieuses, tellement cette caducité repose sur un monde précérébralisé sur le modèle monopolaire de la législation d'un seul génocidaire, donc calqué sur la politique des théologies monothéistes. La dissuasion par le suicide nucléaire est nécessairement monophasée dans les souterrains d'un Zeus unique - elle ne saurait se partager entre plusieurs propriétaires du mythe le plus originel, celui de l'extermination de l'humanité par le saint Déluge, lequel se situe au cœur de l'anthropologie politique et scientifique de demain.

Je rappelle que si, au XVIIe siècle, la contestation de la sainteté du Déluge vous conduisait encore au bûcher, c'est que la justice de Dieu avait politiquement besoin de sacraliser ses châtiments. Le refus actuel de la sanctification de l'apocalypse nucléaire témoigne de l'affaiblissement des fondements religieux des châtiments - mais, dans le même temps, le réalisme politique contribue à l'émancipation cérébrale des détoisonnés.

5 - Entre le trépas et la résurrection

L'essai sur L'accélération de l'histoire, paru en 1947, a dépassé les attentes de son auteur: son génie d'anthropologue de la bête semi-cérébralisée a permis à M. Daniel Halévy de comprendre que l'évolution d'une espèce désormais empêtrée par la foudre qui lui est tombée entre les pattes a pris le relais d'une apocalypse biblique qui préfigurait les conquêtes de l'atome militaire Aussi l'axe Tel-Aviv-Washington, qui paraissait inébranlable il y a deux ans encore, se trouve brisé dans l'œuf dès lors que le mythe de la démocratie universelle, qui se veut irénique et pacificateur, ridiculise une civilisation dite des droits d'un homme idéal et supposé pensant, mais demeuré prisonnier de l'inconscient biblique du nucléaire et qui se cherche en vain une arche de Noé de sa connaissance traditionnelle de lui-même.

Du coup, l'empire américain s'est vu contraint de demander, lui aussi, la levée du blocus de Gaza - il faut donner des gages au nouvel Eden. Dès lors que l'accélération de l'histoire rend multipolaire la planète, et cela au sein même du mythe du salut par la démocratie universelle, il devient impossible à la Maison Blanche de plaider continument pour la vassalisation de l'Europe. Il aura suffi de quatre jours à la contre-offensive pourtant strictement économique, elle aussi, de la Russie pour réduire à quia une Union européenne rendue virtuellement rebelle à sa spoliation inlassable par son maître et prophète d'outre-Atlantique - et l'on a vu courir à bride abattue en direction du Kremlin des nations du Vieux Continent indignées de se voir amputées de leur souveraineté économique par les dernières ruades du cheval de Troie de Washington - une Commission de Bruxelles sur le départ.

Du coup, la politique militaire de l'Europe post américaine prendra nécessairement la forme d'une alliance stratégique provisoire avec le Kremlin. Mais, dans le même temps, la réflexion militaire française se trouve dans la même impasse anthropologique que celle du monde entier - laquelle illustre précisément la contradiction titanesque entre la domestication d'une Europe usée et fatiguée, d'un côté, et livrée, de l'autre, à la difficulté d'esquisser les contours de l'avenir inévitablement trans-nucléaire de la mappemonde.

6 - La débilité politique des dirigeants européens

Le 6 juin 2014, une France subitement campée à nouveau sur ses deux jambes saluait le rôle décisif de la Russie dans la défaite du nazisme et paraissait remettre, un instant l'histoire du monde d'aplomb; mais un mois seulement plus tard, l'Elysée se ruait en aveugle dans ses ultimes frasques collectives - celles d'une politique des sanctions économiques qualifiées de "punitives" - la Russie était un garnement à châtier de quelques coups de verge exigés en sous-main par la pédagogie scolaire de l'instituteur américain. Du coup, la coalition de BRICS, qui flottait dans le vide, (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) s'est placée en quelques jours au cœur d'une économie mondiale enfin armée d'une vocation politique clarifiée par le réalisme d'une métazoologie; et le Kremlin prendra en mains le timon d'une planète économique résolument et durablement scindée entre l'Occident et l'Asie. L'affaire des Mistral n'y changera rien.

Du coup, une Europe vassalisée par une sacralité bureaucratique qui l'a conduite, de surcroît, à la débilité mentale, se trouve contrainte de se poser la question de l'avenir de sa souveraineté politique et militaire. Il va falloir choisir, le canon sur la tempe, entre le trépas dans le messianisme pseudo démocratique et la résurrection cérébrale. Car il se trouve qu'une alliance militaire unilatéralisée avec la Russie et, par delà, avec la Chine, n'aurait pas de sens non plus sur le long terme, dès lors que la rivalité, devenue polymorphe, des empires actuels entre eux repose désormais et pour longtemps, sur la masse de leur population, l'étendue de leur territoire et leur santé économique, tandis que la puissance du glaive réduit à ses propres forces renvoie à la massue de Naoh dans La Guerre du feu. Le 28 août, l'accord commercial conclu en roubles et en yuan entre la Chine et la Russie entrait en vigueur sans que la presse atlantiste en pipât mot; mais les quelques experts américains, qui n'ont pas la bouche cousue, ont tous signalé que le premier clou avait été planté dans le cercueil du dollar.

C'est dire que la dislocation du mythe de l'ubiquité géographique et parareligieuse de la monnaie américaine inaugure les funérailles de l'ubiquité militaire et parareligieuse de ce moyen de paiement pseudo universelle; c'est dire également qu'à l'heure de l'effondrement de cette fausse sesterce, l'Amérique n'aura plus de sceptre sacré et financier confondus à brandir - le totem de l'or-papier ne survivra pas au naufrage de sa juridiction impériale. La postérité sépulcrale de l'amende titanesque qui a été infligée à la France par le roi d'un billet vert célestifié ne fait que commencer, parce que cette honte - et celles qui suivront - seront aussi impossibles à déglutir que le Déluge, dont on sait qu'il reste dans la gorge du Créateur depuis trois mille ans.

Mais n'est-ce pas un immense privilège cérébral , pour une civilisation née à Athènes avec les premiers pas de la pensée rationnelle mondiale, d'occuper à nouveau le carrefour le plus décisif de l'anthropologie scientifique de demain, celle qui mettra, une fois encore, le timon de la connaissance de l'évolution du cerveau simiohumain entre les mains de la nouvelle Europe trans-ptolémaïque?

7 - Une mutation de la cervelle de Zeus

Et pourtant, le monde moderne n'est pas près de renoncer, du moins verbalement à une apocalypse guerrière réduite à une mythologie militaire, donc devenue irrationnelle et inutilisable par nature et par définition sur un champ de bataille. Certes, la pesée de la puissance politique des nations a basculé dans une écoute de la simianthropologie et de la métazoologie. Mais la réflexion de l'Europe post-américaine sur son avenir militaire sera intimement liée à un approfondissement accéléré des sciences humaines, donc au destin intellectuel de la civilisation de la pensée critique - et les chemins de cette accélération sont encore hasardeux.

C'est dire que la philosophie moderne se voit contrainte d'entrer par la grande porte dans la postérité de Darwin et de Freud - sinon elle manquera d'une connaissance spéléologique du cerveau actuellement théologisé, donc encore en friche des semi évadés de la zoologie. Si l'Europe devait se marginaliser davantage, soit dans la méconnaissance de l'avenir du lion américain agonisant, soit aux côtés des Etats ascensionnels de demain et si elle renonçait à sa vocation des prendre la tête du "connais-toi" méta-zoologique moderne, qu'adviendrait-il de l'animal qui n'a pas encore vraiment appris à prendre la mesure exacte de la dimension de son corbillard dans le cosmos?

Savez-vous que la sonde Rosetta , qui a mis dix ans à seulement rejoindre la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko à la vitesse estimable de mille kilomètres environ à la minute, savez-vous, dis-je, que cette sonde paresseuse n'a franchi que six petits milliards de kilomètres, savez-vous que Rosetta mettrait soixante douze mille ans à tutoyer l'étoile la plus proche du système solaire, située à trente six mille milliards de kilomètres de nos tombes, parce que la lumière court dix-huit mille fois plus vite que Rosetta, savez-vous que notre sonde poussive mettrait deux cent cinquante mille milliards d'années pour se rendre aux confins du minuscule catafalque de la matière que nous appelons le cosmos ? Voilà un animal tellement borné et aveugle que ses pattes et ses antennes ignorent tout du mausolée de l'espace et du temps dans lequel il se trouve immergé et qui ne se demande même pas ce qu'il fera de la foudre microscopique qui l'alourdit, mais qui suffit d'ores et déjà à le vaporiser dans le vide de l'immensité ?

8 - Notre retour sur la terre

Si vous faites remarquer à nos astronomes des ténèbres que l'errance éternelle qui frappe notre espèce nous promène dans un silence noir et que l'étendue se mettrait en contradiction avec sa logique interne si elle s'interdisait de se colleter avec l'infini qui la dévore, vous verrez soudain nos rois des étoiles s'affoler derrière le miroir de leurs télescopes, tellement les yeux de l'astronomie actuelle ne capturent que de la matière en voyage et ne se mesurent jamais avec les mâchoires du temps. L'Europe dira-t-elle aux nations qu'il leur appartient de quitter le Moyen-âge de leur science de l'humain et de faire basculer l'Europe dans une Renaissance des cervelles, donc dans un nouveau Discours de la méthode, parce que le Dieu traînard des ancêtres n'aurait pas encore achevé la construction d'un seul grain de sable s'il travaillait au rythme qu'il nous raconte. Décidément, nous sommes à la veille d'un changement subit et vertigineux de la pesée de la boîte osseuse de la bête.

Mais l'heure n'est-elle pas propice à l'apprentissage d'un regard du dehors sur le chaudron en fusion dans lequel la classe politique mondiale fait bouillir notre histoire? Le polythéisme est mort sans que le monde antique eût conquis un regard sur la minusculité de ses dieux. Et maintenant, l'infini ridiculise nos marmites célestes. A nous, pourtant, de devenir un peu plus ascensionnels dans le vide que sous le sceptre du Jupiter qui traînait la patte dans le cosmos.

Regardez la cohorte d'éclopés qui se sont précipités à Berlin le 18 août 2014, puis à Minsk le 27 août pour affronter, aux côtés du ministre des affaires étrangères de Kiev, une Russie nullement intimidée par des gesticulations économiques anachroniques. Les Curiaces étaient fort embarrassés devant un seul Horace. Ils rêvaient de le contraindre à capituler dans le Donbass, puisque, dans ce cas, l'Europe retournait dare dare se blottir auprès d'un "prix Nobel de la paix" plus omniprésent que jamais et plus solidement campé au cœur du Continent. Puis, sous le parapluie des pucerons tout revigorés de l'OTAN, un continent plus ficelé à son maître que celui d'hier et d'avant-hier irait docilement bâtir des bases militaires américaines à l'est et au nord de la Crimée. Mais si l'Europe du Pont de la rivière Kwaï et d'Une journée d'Ivan Denissovitch se réveillait et laissait la Russie retrouver ses frontières de 1917, le monde entier proclamerait qu'Hitler serait ressuscité à Moscou, parce que les vassaux se ruent en aveugles sur l'ennemi dont leur maître leur montre du doigt la casaque - celui qui permet à leur vassalisateur d' étendre son sceptre sur leur tête.

Puisse la politologie pseudo scientifique de notre temps observer la ruine de son échiquier cosmique et se mettre à l'école de la sonde Rosetta de la philosophie. Alors nous visiterons le catafalque de notre géopolitique d'insectes et nous dirons à M. Poutine que, soixante douze ans d'égarement de la Russie sur les arpents de l'utopie marxiste ne sauraient priver son illustre nation de son étendue géographique naturelle - et que l'Europe pensante soutiendra de toutes ses forces le Kremlin de Pierre le Grand dans ses droits de propriétaire spolié de ses biens en 1991 par l'arbitraire du lion rugissant de la démocratie américaine.

Post Scriptum

J'écrivais le 25 juillet: "A partir de cette date, et compte-tenu qu'on ne luttera efficacement contre le naufrage de la langue française que si le Président de la République et le Premier Ministre se voient nommément mis en cause, je relèverai quelques-unes de leurs fautes."

M. Valls ignore qu'on part pour..., et non à...

M Hollande ignore qu'on ne circule pas en vélo, mais à vélo.

Reçu de l'auteur pour publication

 

 

   

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Source : Manuel de Diéguez
http://www.dieguez-philosophe.com/

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