Qu'est-ce que
philosopher ?
Le combat de la raison
V - Le Dieu Liberté en majesté
+
L'ombre géante de la Grèce
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 6 février 2015
Il est évident que
le petit humanisme étriqué, superficiel
et scolaire qui sert de toile de fond à
la culture mondiale d'aujourd'hui n'est
pas en mesure d'armer les sciences
humaines décérébrées, craintives et en
déroute de notre temps d'une
connaissance anthropologique de
l'histoire et de la politique. La
pauvreté d'esprit et l'infantilisme de
l'ordre donné par la République au
Ministère de l'éducation nationale de
réfléchir quelque peu au contenu de la
laïcité et au sens qu'il faut attribuer
aux adjectifs rationnel et
irrationnel me convainc de la
nécessité de poursuivre jusqu'à son
terme la publication des douze textes
plus brefs que de coutume que j'ai
annoncés le 9 janvier.
Mais un personnage
nouveau et inattendu a débarqué sur la
scène internationale, le génie de la
Grèce d'hier, celle qui a fondé la
politique internationale de la liberté
sur les victoires de Marathon et de
Salamine et qui se présente en arbitre
de la guerre de l' Europe d'aujourd'hui
contre la vassalité qui la guette.
C'est dans cet
esprit que j'ajoute à mon analyse
anthropologique de ce jour un bref
post-scriptum en hommage au retour de la
Grèce antique dans la réflexion
géopolitique.
|
1 - L'avènement d'un Dieu
solitaire
2 - Un Dieu à la fois physique
et divin
3 - Un simianthrope bancal
4 - Deux univers mentaux
5 - Un Dieu dématérialisé
6 - Les exploits sanglants du
Dieu Liberté
L'ombre
géante de la Grèce
|
1 -
L'avènement d'un Dieu solitaire
L'anthropologie
critique s'est d'abord montrée attentive
à ne décrire que les moyens de
corruption - expéditifs ou raffinés -
dont disposaient les maigres dévotions
de nos ancêtres. Mais la science
actuelle de nos ascèses et de nos
banquets se situe encore à des
années-lumière de toute science
authentiquement métazoologique des
piétés modernes et de leur obésité
verbale; car nos dévotions sont
désormais sonorisées et cérébralisées à
l'école de nos démocraties messianisées.
Les mythes cérébraux des vieux Romains
s'adressent maintenant à des bêtes
rendues malignes à l'école des autels
qu'elles dressent à leur grammaire du
salut.
Dans un premier
temps l'expérience qualifiée de
religieuse des primates parlants s'est
pseudo-intelligibilisée à l'école de
leurs médiations scientifiques; mais
leur oubli même de l'enracinement de
leurs haut-parleurs dans une zoologie du
sacré réactualise la recherche de leur
animalité sui generis, tellement
ils avaient oublié que leur
globalisation lexicale du cosmos ne
rendait pas d'un iota la matière plus
oraculaire qu'à l'âge des anthropoïdes
idolâtres. Observons de plus près la
texture langagière dont leur culte
effréné pour leur Liberté contrefaite et
trompeuse leur demande discrètement de
tondre la toison.
D'abord, il faut se
mettre dans la tête que jamais personne
n'a entendu un simianthrope à fourrure
que la nature aurait rendu tellement
réfléchi de naissance qu'il se
demanderait sérieusement de quelle
signification une science réellement
"explicative" du monde et de la bête en
promenade sur la terre se mettrait tout
soudainement à parler haut et clair et
de quel miracle cet animal serait
l'acteur et le bénéficiaire.
Et pourtant, les
descriptions les plus minutieuses de la
cervelle et des déambulations de ce
prodigieux évadé de la zoologie
demeureraient vaines si nous nous
contentions de raconter ses délires
durables ou passagers. Ce serait sous
les traits d'un pendu qu'un dieu réputé
unique - nous disent maintenant nos
sacrificateurs - se serait tout
subitement manifesté avec éclat sur
notre astéroïde - et le débarquement de
son ossature à la fois loquace et
sanglante, musclée et spectaculaire,
cruelle et pieuse aurait subitement
remplacé les totems non moins corporels
et saignants que vénéraient les premiers
spécimens de notre malheureuse espèce.
2 - Un Dieu à la
fois physique et divin
Mais pourquoi
l'hémoglobine d'un maître de l'univers
plus vocalisé que tous ses prédécesseurs
aurait-elle été substituée sans crier
gare aux squelettes géants, mais
invulnérables du Zeus ou de l'Arès
d'Homère? Les rassemblements de nos
Célestes bien charpentés sur leur
Olympes ont été décimés, mais jamais
anéantis. Sachez que le corps nos dieux
de type zoologique n'ont jamais été
physiquement exterminés qu'en apparence
et seulement à la suite d'une longue
résistance de leur anatomie. Enfin, le
christianisme a fait triompher derechef
un ciel tout ensemble éphémère et divin,
lequel aurait débarqué sur la terre par
la voie d'une embryogenèse normale.
Pourquoi ce Dieu-là n'est-il pas près de
se vaporiser dans nos têtes? Parce que
le sacré cutané ne saurait déambuler sur
la terre ni sous la forme d'un Zeus
exclusivement musculaire, ni sous la
forme d'un pur esprit. Nos dieux à la
fois vaporeux et chevelus sont donc
dichotomisés à l'école de notre cerveau
et de notre système pileux - mais nous
ne saurions mettre en scène tout à la
fois notre schizoïdie mentale et notre
crinière sans que les deux parties de
notre encéphales demeurent orphelines
l'une de l'autre.
Pourquoi cela?
Parce que le seul exposé de la
substantification têtue de leur corps à
laquelle les dieux poilus du
simianthrope demeurent viscéralement
livrés nous démontre que leur immersion
renouvelée dans la zoologie nous
fournira nécessairement une explication
psycho biologique non seulement du sacré
semi-animal qui nous pilote, mais
également du silence obstiné et du lent
accouchement d'une divinité condamnée à
s'auto-cuirasser de la solitude héroïque
qui va l'encapsuler dans le cosmos.
Certes, la solitude éternelle que le
Dieu des animaux s'accorde dans
l'immensité n'est qu'un luxe glorieux et
souverain; mais il y demeure fort
agrippé. Et pourtant, quelle aporie
révélatrice de notre propre déhanchement
que la bancalité de notre Zeus, puisque
nous habitons le même désert biphasé que
notre géniteur! A l'image de la sienne,
notre identité s'est plantée en ermite
dans une éternité scindée; mais cela
nous fait une belle jambe de partager le
vide biseauté d'Isis, d'Osiris, de
Jahvé, du Dieu de la Croix ou d'Allah!
Nous ne sommes pas mieux lotis dans
l'infini de nous trouver immergés dans
l'immensité aux côtés de nos Célestes
claudicants. Mais quelle anthropologie
hautement expérimentale de nous regarder
dans le miroir d'une gestuelle, celle
que notre Dieu boiteux met en scène,
quelle anthropologie enfin réellement
expérimentale que celle qui nous fournit
un échiquier mental hautement ancré dans
une anthropologie filmique et qui fixe
nos effigies sur la pellicule de nos
rois imaginaires du cosmos!
3 - Un
simianthrope bancal
L'examen de
l'assise anthropologique d'une science
métazoologique de l'encéphale des
taraudés du vide nous conduit maintenant
à la radiographie du quatrième
personnage du ciel de tous les animaux
monothéistes. Cet acteur-là place sa
béance et son trône sur le même chemin
que ses accompagnateurs vétéro et néo
testamentaires. Mais le champ
d'exploration et les coordonnées de
l'évolution cérébrale de la quatrième
divinité embrasseront toute l'histoire
d'un animal à jamais incapable de vivre
exclusivement sur la terre ferme.
Le dédoublement
natif de l'échiquier mental que nous
appelons notre boîte osseuse nous divise
non seulement entre nos songeries et
notre poussière, mais nous contraint de
nous redupliquer sans cesse davantage
dans les effigies célestifiées
qu'affichent les primates en folie. On
sait que ces animaux se construisent des
royaumes tantôt exagérément séraphiques,
donc inapplicables aux Etats - on les
appelle des utopies politiques - tantôt
exagérément réalistes. Le mammifère
démocratique mettra une assurance et une
loquacité sans égales à défendre son
rêve d'une Liberté et d'une Justice
insaisissables et parfaites. C'est à ce
titre qu'on entend ces inlassables de
leur dichotomie cérébrale chanter sans
relâche les louanges de leur dompteur et
le glorifier dans le silence de
l'infini.
On remarquera que
la connaissance généalogique et critique
de l'animalité de type démocratique fera
exploser tout l'édifice doctrinal de
l'humanisme pseudo irénique des
chrétiens - car si le simianthrope se
révèle divisé de naissance entre deux
empires du symbolique - un paradis et un
enfer - et si ces deux démiurgies
mentales se révèlent également
meurtrières, jamais encore on n'avait
assisté au spectacle de quelques
vaillants spécimens d'avant-garde de la
bête qui se sont mis la loupe à l'œil
pour observer de plus près les liens qui
se tissent dans leurs têtes entre des
châtiments concentrationnaires sous la
terre et des songes édéniques: car la
conque osseuse des fuyards de la nuit
animale se révèle un organe collectif à
décrypter de siècle en siècle et qui se
loge dans deux gigantesques laboratoires
de la mort - la politique et l'histoire.
4 - Deux univers
mentaux
L'étude au
microscope du réseau de connexions
ensorcelées qui se tissent entre deux
univers mentaux inégalement mêlés ou
séparés - celui de nos félicités
éternelles et celui de nos atrocités
infernales - suffirait à rendre abyssal
l'humanisme superficiel qui divise,
encore de nos jours, notre pauvre
science historique entre nos campements
magiques dans le surnaturel et nos
bivouacs dans la platitude des jours.
Mais toute notre enquête sur la
généalogie, le développement et le
dépérissement de nos signifiants
simiohumains se trouvera fécondée par la
connaissance des signes et des signaux à
l'aide desquels l'animal au cerveau
biphasé entend se mettre en
communication avec le monde extérieur,
avec lui-même et avec les ténèbres qui
l'enveloppent de toutes parts.
C'est pourquoi une
anthropologie ambitieuse d'observer du
dehors les ressorts théologiques de la
démocratie auto-sacrificielle mondiale -
donc les rouages propres à une espèce
déhanchée par son propre capital
psychogénétique - une telle
anthropologie, dis-je, se trouvera à son
tour empêtrée dans une mémoire
d'elle-même dichotomisée d'avance par l'
affolement originel de nos neurones.
Aussi la laine et le tricot du troupeau
ne trouveront-ils leur sens qu'à la
lumière d'un décryptage universel des
interconnexions bipolaires qui, de
siècle en siècle, assurent le
trottinement de cet animal entre deux
mondes différemment confondus et
inégalement dissociés. L'analyse et le
décodage de cet emmêlement du songe et
de l'événementiel au sein du fantastique
démocratique actuel permettra à la
méthode historique et à la géopolitique
de demain de conquérir un premier regard
de l'extérieur sur l'évolution
religieuse du mythe sacrificiel de type
atlantiste, donc d'inaugurer une
exploration entièrement nouvelle de la
bête dédoublée par les songes
fantastiques qu'elle enfante sur les
autels de son refus de la mort.
5 - Un Dieu
dématérialisé
Que va-t-il advenir
de nous dans un silence à jamais
inhabité? Nous cherchons maintenant un
Céleste digne de notre solitude. Mais
comment assumer la sauvagerie de notre
dieu actuel ? Ce barbare demeure si
spectaculairement branché sur le règne
animal qu'il nous faudra comparer ses
séductions cultuelles avec les ressorts
sacrificiels du dieu Démocratie - lequel
prétend précisément disposer, à l'instar
de son confrère chrétien, de la béquille
de son incarnation. Mais Jahvé et Allah
n'ont pas de poutre de soutènement, ils
s'arc-boutent seulement au vide, et tout
seuls. Et pourtant, la terreur que leurs
rôtissoires sacrées inspirent à nos
charpentes ne nous inspire que honte et
mépris. Ne méritons-nous pas mieux qu'un
Dieu des sauvages?
Et pourtant, l'ogre
sacré qui trône dans le ciel américain
nous éclaire d'avance sur notre
théologie de vassaux sanglants du Dieu
Liberté. Car la Démocratie
sacrificielle exige une divinité qui se
serait incarnée à l'échelle mondiale; et
ce sacrificateur géant fait de nous ses
otages et ses saints. Mais ce régime
politique exige également que nous nous
vaporisions dans son langage - celui
d'un "salut" et d'une "rédemption"
glorifiés par la sanctification de
l'assassinat de l'Europe. Car notre
continent répond idéalement aux
paramètres d'un Dieu Démocratie
construit sur le modèle des boucheries
sacrées de nos ancêtres. Quel paradigme
du Père meurtrier et du Fils vassalisé
que notre asservissement politique aux
idéaux sanglants de l'Amérique!
Nous observerons
donc que le ciel de l'Europe
américanisée n'est pas moins incarné
dans son Verbe de la Liberté que son
Fils divin. Ce cadavre nous restera-t-il
sur les bras? Mais pourquoi nos dieux
physiques s'étaient-ils rendus crédibles
et redoutables à la triple école de
leurs exploits musculaires, de leurs
prodiges matériels et de leurs exploits
cérébraux ? Cette question nous
préoccupe d'autant plus que nos dieux en
chair et en os d'autrefois ont bien vite
resurgi parmi nous - il y a suffi du
mythe de la substantification d'un seul
d'entre eux pour garantir leur
réapparition en force. De plus, et
depuis près de deux millénaires, toute
notre théologie de l'incarnation se
montre prise de panique devant la
difficulté insurmontable qu'elle éprouve
de préciser d'un siècle à l'autre et
sans relâche la structure mentale d'une
divinité non moins bancalisée que le
Zeus des Grecs et dotée, à l'instar de
nos dieux morts, de deux natures en
querelle l'une avec l'autre et
inconciliables entre elles, l'humaine et
la céleste. (Et l'homme créa son
Dieu, Fayard, 1984)
Quelle est la
construction mentale qui sous-tend ce
dédoublement douloureux de toute notre
politique ? Qu'en est-il de cette
déchirure au cœur même de notre
messianisme démocratique ?Il s'agit du
besoin impérieux de nos dévots de la
Liberté américaine de se fournir un
moyen permanent et tout physique de se
procurer jour et nuit la viande du
sacrifice sanglant qu'ils offrent à la
divinité cachée, qu'ils appellent leur
Histoire et qu'ils font descendre
d'un Olympe de la pseudo-démocratie
mondiale. Et voyez comme le dieu
Démocratie, le dieu Liberté,
en un mot, le dieu atlantiste nous
entraîne à sa suite: j'ai déjà rappelé
que notre apostolat nous a conduits en
Afghanistan, en Libye, en Irak, en
Syrie, en Ukraine. L'Europe a la corde
au cou, l'Europe court à sa potence,
l'Europe asservie cherche partout le
cadavre qu'elle est devenue à elle-même;
et sa descente au sépulcre l'a trop
ensevelie dans sa poussière pour qu'elle
ressuscite. Décidément, cette histoire
de corde, de pendu, de potence nous
raconte les aventures de notre Dieu
Démocratie.
6 - Les exploits
sanglants du Dieu Liberté
J'écrivais plus
haut que la démocratie dont les peuples
montent avec ardeur à l'assaut du trône
paternel - et qui se révèlent un
monothéisme du fils victorieux de son
géniteur - que ce type de démocraties,
dis-je, attend un décodage des succès et
des revers de sa théologie de l'histoire
; car la démocratie du fils ambitieux
n'y va pas par quatre chemins - elle
court à toute allure de naufrage en
naufrage.
On sait que ce
capitaine a conduit ses fidèles en
croisade à Kaboul, à Bagdad, à Tripoli à
Kiev. Certes, la Liberté est
demeurée aux portes de Damas, de
Téhéran, de Moscou - et les guerriers
européens placés sous le joug de
Washington commencent de se dire:
"Comment se fait-il que l'épicentre de
la géopolitique se déplace soudainement
d'un endroit du globe à un autre, mais
toujours au profit de notre Alexandre de
la Justice et du Droit dans tout
l'univers?
La semaine
prochaine, nous ferons un pas de plus
dans la connaissance des arcanes
anthropo-zoologiques du mythe de la
Liberté pseudo-démocratique.
L'ombre géante de la Grèce
La souveraineté des
nations exprime leur style - et puisque,
selon Buffon, le style c'est l'homme
même, une République qui ne vous
parlerait pas de l'identité de la France
ne vous parlerait pas de politique.
Aujourd'hui, le
pays a besoin du jugement le plus
réfléchi de tous ses citoyens. Quel doit
être, se demande-t-il, son comportement
sur le théâtre du monde? Lui faut-il
afficher et, au besoin dans la fierté
d'une haute solitude, l'autonomie de son
courage? Lui faut-il, au contraire,
composer et tergiverser avec des
partenaires ensommeillés, lui faut-il
prophétiser la marche du monde ou
seulement attendre que les pièces du jeu
se déplacent à son avantage sur
l'échiquier international?
En 1940, on a vu la
patrie scindée sous le tranchant du
glaive allemand. La proportion de son
territoire tombée aux mains de l'ennemi
n'était en rien un Etat. De son côté, la
surface demeurée à l'abri de l'occupant
n'était qu'un appareil administratif,
tellement les peuples non assurés de
leur statut et de leur rang de
souverains par la voix du droit
international, ou reconnus seulement du
bout des lèvres et à titre formel n'ont
pas la légitimité que leur confère
l'étiquette et le protocole.
Mais quand, en
1943, l'Allemagne a franchi la ligne de
démarcation entre les deux
administrations publiques, Vichy a
refusé à la fois de livrer à l'Allemagne
notre flotte de guerre réfugiée dans le
port de Toulon depuis 1940 et de la
mettre au service de la coalition
anglo-saxonne d'en face; et cette flotte
s'est loyalement sabordée, disait-elle,
croyant, la malheureuse, sauver
l'honneur de la marine de guerre de la
France à ne se mettre à la disposition
ni de l'un, ni de l'autre des
adversaires. Et c'est pour n'avoir pas
osé choisir vaillamment les ennemis de
ses agresseurs que les fils de Surcouf
de l'époque se sont disqualifiés sur
tous les océans.
Et pourtant, que de
différences entre ces deux tragédies.
Churchill avait fait bombarder l'autre
moitié de notre flotte de guerre à Mers
el Kébir; et de Gaulle s'était vu réduit
au silence par ses alliés anglo-saxons,
tandis qu'aujourd'hui, dans le
déséquilibre entre les continents, nous
avons à choisir entre l'agonie et la
résurrection de la civilisation
mondiale. Nous verrons-nous réduits à "l'extrémité
minuscule d'un continent" que
prévoyait Paul Valéry, ou bien un nouvel
élan de nos Christophe Colomb nous
donnera-t-il un destin nouveau? Telle
est la situation de la France et de
l'Europe face aux relations que
l'histoire entretient avec l'honneur des
nations.
Et voici qu'une
France hésitante et clopinante refuse,
sur l'ordre de son maître américain, de
livrer à Moscou un navire de guerre
commandé par la nation de Dostoïevski et
de Tolstoï aux chantiers navals de
Saint-Nazaire. C'est répéter à
quatre-vingts ans d'intervalle le
sabordage de la flotte de Toulon en
novembre 1942. Quelles sont, de nos
jours, les deux faces de la médaille
mondiale du déshonneur.
Comme en 1942, quel
abaissement de notre souveraineté,
quelle humiliation de ne pas respecter
les clauses d'un contrat signé entre
deux nations souveraines, quelle honte
de se présenter en vassale d'un empire
étranger!
Pendant ce temps la
Grèce de Marathon et de Salamine
apostrophe l'Europe asservie et elle
nous demande: "Les Perses se sont-ils
incrustés à jamais sur vos terres?"
Tous les Etats
reposent sur le principe qui commande
leur âme, leur cœur, leur tête et qu'on
appelle leur liberté. C'est redire que
l'identité réelle des Etats est celle de
leur souveraineté. Mais, la défense de
la souveraineté de la France et de
l'Europe n'a plus les Germains du siècle
dernier pour ennemis, mais les
Artaxerxès d'outre-Atlantique; et le
monde entier attend de l'ombre géante de
la Grèce retrouvée qu'elle remporte les
victoires de Marathon et de Salamine sur
les Perses de notre temps.
Le 6 février 2015
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