Opinion
Le tartuffisme des handicapés de la
politique
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 4 décembre 2015
"Interroger les grands philosophes,
c'est transformer les questions qu'on
leur pose en instruments
d'approfondissement de la connaissance
du genre humain."
Jaspers
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1 - Qu'est-ce qu'un
handicapé de la politique ?
2 - Le génie politique de
Tartuffe
3 - Le handicapé physique et le
handicapé cérébral
4 - Le fonctionnement
tartuffique du genre humain
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1 - Qu'est-ce
qu'un handicapé de la politique ?
La géopolitique est
un laboratoire dans lequel des mots
nouveaux ne cessent de se donner à
observer dans la richesse, la diversité
et la profondeur de leur contenu
anthropologique inconscient. Au cours
d'une émission télévisée le présentateur
a demandé au chanteur Pierre Pierret
s'il écrirait une chanson sur François
Hollande. Réponse: "J'ai jamais fait
de chansons sur les handicapés".
Qu'est-ce qu'un
handicapé de la politique, donc un
handicapé de la science des peuples et
des nations, un handicapé de l'histoire?
Prenez l'exemple de M. Del Cano, chef du
gouvernement de la République de Weimar,
qui regardait la politique avec les
lunettes d'un "économiste distingué" sur
le nez et qui s'imaginait que la France
occupait la Ruhr parce qu'elle en
retirait les bénéfices d'une entreprise
prospère. Par conséquent, se disait M.
Del Cano, il suffira de retirer à cette
entreprise commerciale son attrait
économique pour que les Français
quittent la Ruhr; je vais donc susciter
une grève des mineurs qui rendra
stérile, pour l'escarcelle de la France,
les mines de charbon de mon pays.
Naturellement, M.
Poincaré regardait l'histoire en homme
politique. A ce titre, il savait que la
Ruhr était une prise de guerre et que
les vainqueurs conservent leur butin. Il
lui a suffi de remplacer les grévistes
allemands par des citoyens français pour
conserver son trophée.
Mais, à ce compte,
les hommes politiques de l'Europe
actuelle ne sont-ils pas tous des
handicapés taillés sur le modèle de M.
Del Cano en ce qu'ils ne portent pas de
regard proprement politique sur les
Etats, les nations et l'histoire?
Figurez-vous qu'ils ne voient pas que
l'OTAN n'est autre que la main de fer de
l'Amérique sous le gant de velours du
mythe démocratique. Figurez-vous qu'ils
ne portent pas de regard sur les cinq
cents bases militaires qui, soixante-dix
ans après la paix de 1945, occupent
l'Europe du nord au sud et de l'est à
l'ouest.
Or, ces campements
d'une armée étrangère sur le sol de
l'Europe ne sont pas des stèles
commémoratives et seuls les handicapés
mentaux de la politique internationale y
voient des mausolées. Ces troupes
d'occupation se livrent continuellement
à des manœuvres. Elles ne cessent de se
déplacer - si elles se tenaient
immobiles, la main de fer évoquée plus
haut cesserait de veiller au grain sous
le coussinet trompeur d'un rêve de la
Liberté.
Mais il y a plus:
les handicapés mentaux que l'Union
européenne a placés à la tête des Etats
du Vieux Monde ont rédigé la seule
Constitution censée "démocratique et
républicaine" dont les statuts
précisent que des troupes étrangères s'y
trouveront lovées à titre perpétuel !
Mais pour que cette vassalisation
s'accomplisse sous le sceptre même de la
"démocratie" et pour que les peuples se
rendent complices de leur propre
vassalisation, il faut que le concept
d'handicap politique ait rendez-vous
avec une tout autre profondeur
anthropologique que celle d'une
politologie qui aurait déjà conquis la
connaissance de ses ultimes fondements.
2 - Le génie
politique de Tartuffe
Pour descendre de
quelques marches dans l'abîme d'une
simianthropologie de la politique et de
l'histoire, il faut observer la
profondeur du génie politique de
Tartuffe qui savait, lui, que les dévots
sont rivaux entre eux, au chapitre de
leur puissance et de leur rang, dans la
hiérarchie des émules du Créateur de
l'univers.
C'est la vanité
religieuse dont la piété de sa proie
s'enveloppe que Tartuffe s'applique à
flatter.
Orgon
Chaque jour à
l'église il venait d'un air doux,
Tout vis-à-vis de moi, se mettre à deux
genoux.
(…)
Et lorsque je sortais, il me devançait
vite,
Pour m'aller à la porte offrir de l'eau
bénite.
Molière, Le
Tartuffe ou l'Imposteur, Acte I,
Scène IV
On admirera la
sûreté de trait du psychanalyse avant la
lettre de 1664 qui dénude les ressorts
de la balourdise doctrinale d'un second
type de faux dévot, Orgon lui-même, qui
boit en benêt le nectar de
l'auto-sanctification à bas-prix.
Le démiurge du
cosmos a des favoris, comme tous les
rois de ce monde. Un favori n'a qu'un
seul objectif: celui de figurer en bonne
place dans le palmarès des plus proches
confidents du roi de l'univers. Mais le
terme favori renvoie à favere,
comblé de faveurs et derrière faveur
vous trouverez en embuscade fas
et nefas qui ont donné en
français faste et néfaste.
Mais fas signifie simplement
sacré en latin.
Or, le mythe
américain fonctionne exactement sur ce
modèle. Les dévots de Washington se
mettent une taie sur les yeux pour ne
pas voir un empire en expansion sous le
drapeau de son évangile et pour se
présenter en dévots rivaux entre eux au
chapitre des bienfaits et les faveurs de
cour que leur accorde le roi de
l'univers. Si vous ne plongez pas dans
les profondeurs inconsciemment
théologiques du mythe démocratique, vous
demeurerez des Del Cano de la politique
internationale. Car l'empire
démocratique athénien se proclamait le
guide du monde hellénique tout entier,
comme Washington se proclame le
pédagogue du mythe international de la
Justice, de la Liberté et des droits
séraphiques du simianthrope.
3 - Le handicapé
physique et le handicapé cérébral
C'est ici qu'il
convient d'observer la différence entre
le handicapé physique et le handicapé
mental. Le premier est un infirme ou un
invalide parfaitement informé de la
déficience corporelle qui le paralyse,
tandis que non seulement le handicapé
cérébral non ignore l'infirmité qui le
frappe, mais se montre loquace et même
volubile sur le modèle que Platon a
décrit, tellement l'ignorance se montre
sûre de son pas et nourrit d'arguments
l'erreur même dont elle croit armer sa
raison. Ce phénomène s'est rendu observ
able de la manière la plus démonstrative
et argumentée par le spectacle même d'un
langage de la vérité au service du faux
si efficacement illustrée par
l'occupation militaire de l'Europe de
1949 à nos jours.
Car dès 1949, de
nombreuses bases militaires portaient
une bombe atomique "démocratique"
construite sur le modèle de l'apocalypse
d'Hiroshima. Substituer des bombes de
type thermonucléaire aux bombes
d'Hiroshima devenues obsolètes, c'eût
été prendre le risque d'ouvrir les yeux
des handicapés cérébraux eux-mêmes sur
la dangerosité de se trouver surarmées
par une puissance apocalyptique capable
de faire exploser la planète plusieurs
fois. Cette année l'occupant a donc
imaginé de retrouver une armure plus
résolument onirique, qu'il a baptisée un
bouclier censé capturer en vol, si je
puis dire, une pluie de missiles
atomiques censés expédiés par un ennemi
imaginaire. Et comme il était difficile
d'imaginer une canonnade de ce genre en
provenance de la Russie, l'Iran a servi
d'arsenal potentiel, faute de mieux.
Mais du coup, le
handicap proprement cérébral s'est
révélé de nature à faire tomber la
vassalition pseudo démocratique dans le
délire mental pur et simple. Car cette
construction fantastique faisait
retourner le Pentagone à la démence de
substitution imaginée avant l'attentat
du 11 septembre 2001, à l'heure où
l'Amérique s'étant sentie à court
d'armure du symbolique et du
mythologique et avait dû recourir à une
forme nouvelle et inédite de
l'apocalyptique, à savoir une guerre
des étoiles.
On se souvient que
le 11 septembre 2001 a mis un terme à
cette carence du fantasmagorique en
fournissant derechef au vainqueur de
1945 une arme réelle et physique à
mythologiser à l'échelle de la planète
et à inscrire au palmarès de
l'évangélisme démocratique.
On voit que le
handicap cérébral actuel des dirigeants
européens précipite la politique dans le
thaumaturgique dont l'alliance avec le
saugrenu transfigure la géopolitique en
un asile de fous. Le handicapé politique
moderne vit dans un monde dont la
démence nous renvoie aux terreurs du
Moyen-Age
4 - Le
fonctionnement tartuffique du genre
humain
Ce qui se cache
derrière les handicapés de la raison
politique, c'est rien moins que le
fonctionnement tartuffique du genre
humain. Toutes les nations de la terre
se sont ruées en Irak sous le sceptre et
l'auréole confondus du roi de la
démocratie, sauf la France de Jacques
Chirac ; et ce n'est pas l'argumentation
rationnelle de la France qui a réfuté le
tartuffisme démocratique de la guerre en
Irak, mais seulement la défaite de
l'Amérique de Tartuffe à Bagdad. Puis
c'est bien en vain que M. Dominique de
Villepin s'est rendu auprès des
dirigeants arabes de l'époque, afin,
croyait-il, d'y recueillir les lauriers
de la victoire de la France cartésienne.
Il a pu constater que le sceptre et les
saintes Ecritures conjugués du démiurge
de Washington demeuraient intacts,
tellement le simianthrope scindé entre
le réel et le songe est un animal à la
cervelle schizoïde.
Or, le Dieu
originel qu'observe l'anthropologie
critique ne dort jamais que d'un œil et
à chaque soubresaut de l'histoire, il se
réveille armé de ses deux attributs
fondamentaux, le ciel et l'enfer. D'un
côté, Dieu est le monstre dont le
ridicule et la sottise arment d'un
prolongement fainéant l'ossature
posthume de sa créature, tandis que
l'autre pôle de son omnipotence n'est
autre qu'un gigantesque camp de
concentration souterrain où la sainteté
de la justice est celle d'un
tortionnaire de l'éternité. Le mythe
démocratique miniaturise ce modèle sans
parvenir à en égaler l'extravagance. Le
dédoublement tartuffique de la
démocratie mondiale est la clé de la
théologie et de la politique du
simianthrope.
Le 4 décembre 2015
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