Décodage
anthropologique de l'histoire
contemporaine
Esquisse d'une anthropologie de la
servitude idéalisée
II
Prosopopée de la France
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 4 septembre 2015
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Avant-propos
1 - Une définition de la
prosopopée
2 - Autobiographie de la France
3 - Le menu fretin de la France
d'en bas
4 - Pustules, lèpre, basse-cours
et poulaillers
5 - Soliloque de la France d'en
haut
6 - Le retour aux guerres
puniques
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Avant-propos
Le texte qui suit
tente de remonter aux sources du
processus qui conduit inexorablement
l'Occident tombé en léthargie à quitter
l'arène des Etats en mouvement, et cela
à la faveur, si je puis dire, de l'oubli
volontaire des prémisses de l'agonie de
notre continent.
Dans ce contexte je
dois rappeler que, la semaine dernière,
à l'occasion de la rentrée automnale,
mon analyse anthropologique hebdomadaire
d'une géopolitique contemporaine
sacerdolatisée en sous main par le
messianisme démocratique exposait la
problématique générale dans laquelle je
tente depuis 2001, d'expliciter les
chemins de la vassalisation, en
catimini, d'un Vieux Monde placé sous le
joug d'une rédemption verbifique. Mais,
cette fois-ci, il faut espérer que la
double servitude des sanctions
économiques prises à l'encontre de la
Russie par un continent soumis à son
maître d'au-delà de l'Océan, puis le
spectacle de la servitude non moins
docilement déglutie, d'une France peu
fâchée, à l'entendre, de conserver
"librement" les Mistral dans la rade de
Saint-Nazaire - mais résignée à se plier
à l'interdiction catégorique qui lui a
été signifiée de les livrer à leur
acheteur - il faut espérer, dis-je, que
quelques députés commenceront de
comprendre que les explications de
surface de leur salut par la servitude
sont plus néfastes que les explications
résolument mythologiques des
asservissement religieux d'autrefois:
car la mince pellicule de la catéchèse
démocratique censée rendre compte d'un
évènement aussi immense que la mort
politique de l'Europe falsifie jusqu'au
roman rose hâtivement collé sur une
plaie bien saignante.
En l'espèce, c'est
tout le système éducatif sur lequel
repose l'enseignement public des
démocraties du Vieux Monde qui interdit
le plus officiellement du monde à la
jeunesse d'acquérir un jour une
connaissance anthropologique, donc
psychobiologique, de l'histoire et de la
politique réelles d'Homère à nos jours.
Savez-vous que,
chaque année, les ministres de
l'éducation nationale des vingt-huit
Etats membre de l'Union européenne se
réunissent à seule fin de convenir de la
manière pacifiante dont le récit
scolaire des évènements se trouvera
lénifié, donc neutralisé, c'est-à-dire
édulcoré, chloroformé, maltraité,
falsifié, tronqué et angélisé: il s'agit
de présenter de génération en génération
aux enfants des écoles abusivement
baptisées de laïques l'histoire
délibérément en dentelles que
connaissaient déjà les pédagogues d'une
monarchie capétienne enjolivée, puisque,
sous Louis XIV, l'expression était
devenue proverbiale de rédiger
l'histoire de la France ad usum
Delphini. En ce temps-là, le
sanctificateur officiel des Etats était
la religion catholique; aujourd'hui
l'apostolat éducatif suprême appartient
au seul mythe de la Liberté et aux
idéaux d'une démocratie de sermonnaires
et d'évangélisateurs. Quels sont les
nouveaux habillages de la grâce divine?
Les révélations cosmologiques ont
seulement changé de ciboires et de
liturgies, mais non de prêtrise.
Mais l'heure du
tragique des bénédictions verbales a
sonné: dès lors que la nécessité
d'instruire les peuples de l'agonie
inexorable de la civilisation du Vieux
Monde s'impose comme la condition
sine qua non de la survie
claudicante d'un continent fatigué de
son sacerdoce politique. Si les classes
dirigeantes des cités grecques avaient
compris ce qui allait nécessairement
leur arriver à la suite de la feinte
bénévolence de l'empire romain de
laisser leur trésor confessionnel le
plus précieux entre leurs mains, la
châsse de leur Liberté, l'histoire de la
cervelle du monde en aurait sans doute
été modifiée. Aujourd'hui, les enfants
de chœur de la vérité politique ignorent
que l'indépendance accordée au Vieux
Monde par l'empire américain est
fidèlement copiée sur le modèle du
glaive pseudo pacificateur des Romains,
mais aggravée à l'école de la candeur
qui fait flotter le drapeau d'une pseudo
délivrance du monde au vent des zéphyrs
verbaux de la démocratie mondiale.
Le 15 septembre, on
verra le parti des Républicains et le
Front national sceller une entente
tacite dans l'enceinte de l'Assemblée
nationale. Il s'agira de raconter aux
Français un conte pour enfants :
personne ne dira que le refus de vendre
les Mistral à la Russie est
inconstitutionnel, parce qu'imposé à la
France par un gouvernement dépendant des
volontés d'une puissance étrangère, ce
qui relève de la Haute Cour de Justice;
et aucun des députés ne rappellera au
peuple français les mâchoires de la
servitude qui voudraient le broyer la
nation, l'Alliance atlantique, l'OTAN,
le traité de Lisbonne et le traité de
libre-échange entre le tigre et l'agneau
sur lequel Washington est parvenu à
imposer un silence absolu à tous les
organes de la République et à toute la
presse.
Il se trouve que
les empires sont des mille-pattes
mécaniques. Il n'est pas en leur pouvoir
d'arrêter la marche de leur sceptre
vocalisé. Si l'Europe vassalisée doit
profiter d'une science de la mort des
Etats pour se forger une lucidité
politique transzoologique, cette agonie
pourrait se révéler résurrectionnelle.
Mais, pour cela, il
faudra que les sciences humaines de ce
siècle apprennent à cerner l'animalité
spécifique d'une espèce cérébralisée à
l'école de ses songes. Un vivant qui,
pendant plus de deux mille ans, aura vu
des personnages à l'ossature gigantesque
se promener dans le cosmos et banqueter
au sommet d'une montagne, puis qui aura
cru qu'il existait un seul Zeus, lequel
se serait répandu dans l'infini, d'où il
aurait pris l'initiative d'accoucher des
plaines et des océans d'un animal
microscopique, tout cela appelle les
sciences humaines au décryptage de la
spécificité de notre démence, puisque la
démocratie a seulement fait changer de
politique du rêve à une espèce
auto-vassalisée à l'écoute d'elle-même.
1 - Une définition
de la prosopopée
Prosopopée
: Figure de rhétorique qui permet à
l'écrivain et au philosophe d'emprunter
les traits des principaux acteurs vocaux
du monde et de les mettre en scène sur
les planches du théâtre qu'on appelle
l'Histoire.
Dans Platon, l'art
oratoire autorise un mot abstrait à
s'adresser au public à haute et
intelligible voix: les lois deviennent
des acteurs éloquents et exercés à
l'écriture. A ce titre, elles demandent
instamment aux auditeurs de garder en
mémoire les services immenses qu'elles
ont rendus à la République d'Athènes au
cours des siècles écoulés. Que les
citoyens, disent-elles, se gardent
d'ébranler l'autorité de ces Cassandres
- elles ne sont pour rien, les
malheureuses, dans la décision
déshonorante prise par l'Agora en leur
nom, celle de condamner Socrate à mort;
car cet homme était une "abeille
emportant son miel".
Depuis des siècles,
la France est à l'école du miel de ses
lois; et cette abeille-là demeure hors
des ruches. Dans le texte ci-dessous, la
France d'en haut demande aux Français de
ne pas butiner ses fleurs à l'écoute de
la France d'en bas.
En grec,
prosopopée signifie "créer une
personne". Aux apiculteurs de la
nation de donner une voix et un visage
au pays dont Michelet disait qu'elle
était une personne.
(La langue
française racontée par elle-même,
ouvrage en préparation.)
2 - Autobiographie
de la France
On m'appelle la
France. Les flots de l'Atlantique me
bercent à l'ouest, les eaux de la
Méditerranée au sud, les Alpes, le Jura
et les Vosges m'arment de remparts et de
donjons sur mon flanc droit. Seule ma
frontière du nord porte une cicatrice
mal refermée et qui, quelquefois, saigne
encore.
Depuis longtemps,
je me tiens debout au cœur d'une Europe
quadrillée à jamais de piques et de
bombardes. Tout autour de moi, force
campements militaires en provenance du
Nouveau Monde me montrent leurs
mâchoires de fer et leurs crocs d'acier.
Un empire du mythe de la Liberté s'est
incrusté sur tout le globe terrestre. Il
y dispose d'un millier de citadelles
atomiques; mais, à lui seul, le Vieux
Monde demeure occupé par cinq cents
garnisons nucléaires. Ces forteresses,
châteaux-forts et camps retranchés se
présentent en sentinelles et en gardiens
de leurs vassaux. Dès 1966, j'avais
arraché mes arpents à leurs piques et à
leurs hallebardes, mais le monstre à
tête de Chimère a secoué sa crinière -
depuis lors, la planète entière regarde
le lion du salut du monde faire trembler
en douce ses protégés asservis.
Il y a quelques
mois seulement, ce géant aux idéalités
carnassières et à la fourrure titanesque
m'a infligé une amende herculéenne de
neuf milliards de sesterces; puis il m'a
interdit, de surcroît , de persévérer un
instant de plus à tenter de livrer mes
produits industriels, mes récoltes de
fruits et de légumes et mon cheptel à ma
grande amie, la Russie, parce que le
tyran du ciel de la démocratie se trouve
en froid avec la patrie de Tolstoï et de
Pouchkine; et il ne cesse, depuis lors,
de me menacer des foudres de ses saintes
Ecritures: "Garde-toi, me dit-ce Messie,
de braver mes interdits, malheur à toi,
si ton audace et ton effronterie
honoraient la commande de deux navires
de guerre que tu as osé faire construire
sous mes yeux à Saint-Nazaire, gare à
toi si tu les livres clés en mains à cet
ennemi de mes prophéties."
C'est pourquoi
l'alliance avec la Russie est la seule
voie du salut pour l'Europe; c'est
pourquoi je demande aux Français d'en
haut de n'écouter d'autre interlocuteur
et d'autre pédagogue de leur histoire
que ma longue mémoire du destin des
peuples et des nations.
3 - Le menu fretin
de la France d'en bas
On me dit que la
France d'en bas vient de capituler en
rase campagne, on m'informe à l'instant
de ce que la France d'en bas a trahi mon
alliance d'en haut avec Moscou; mais la
vraie France vous parle de plus haut et
de plus loin. La vraie France est
l'abeille de l'esprit qui vous fait
bouillonner de siècle en siècle.
Qu'ai-je à faire du menu fretin de la
France d'en bas?
Certes, il se
trouve que le Pentagone règne désormais
sur tout le temporel de leur France à
eux, certes, le fauve de là-bas a pris
possession de la chair et du squelette
de la France d'en bas. On m'apprend que
le pays des sorbonagres et des
sorbonicoles de la démocratie a reçu
l'ordre de garder ces tonnes d'acier au
mouillage ou de tenter de les vendre
honteusement au plus offrant. Pourquoi
porterai-je sur toutes les mers du globe
le pavillon en berne de la France d'en
bas?
Mais, encore une
fois, il s'agit "seulement" de
distinguer la France d'en haut de la
France du déshonneur, il s'agit
"seulement" de séparer la France de la
raison et de la fierté de la France des
petits séminaristes de la politique
américaine, il s'agit "seulement" de
distinguer la France de la royauté et de
la loyauté de ses hauts logiciens et de
la séparer aux yeux de tout le monde de
la France des bedeaux et des
sacristains, il s'agit "seulement" de
savoir comment la France d'en haut ne se
laissera pas ficeler à la France d'en
bas.
Vous me direz qu'il
s'agit de bien peu de chose, vous me
direz qu'une petite "synthèse" -
mais concoctée selon les règles - fera
de la rue de Solférino le Saint Siège de
la France. Mais toute mon histoire
véritable est celle de mon souffle; et
rien de sommital en ce monde ne m'est
étranger. Car il y a près de cinq
siècles, j'ai fait, du bon sens dans
tous les ordres de la connaissance, le
trésor de la pensée méthodique et l'aire
d'envol du génie de l'humanité . Depuis
lors, je juge le destin des nations sur
la balance de l'ascensionnel, depuis
lors, je demande de siècle en siècle à
l'histoire du monde quelle est la nature
de l'agonie et de la résurrection des
peuples de l'esprit.
Jamais je
n'expliquerais à mes Français d'en haut
l'étendue de leur honte et de leur
humiliation si, sur toute la terre
habitée, le peuple de mes oracles ne
m'apostrophait sur l'honneur et la
dignité de la nation. Or, le monde
entier me demande sans relâche comment
il se fait, qu'en 1966, j'aie accompli
l'exploit patriotique d'expulser
l'intrus de toute la surface de mon
territoire, et cela sans coup férir, me
semble-t-il.
Or, mes fidèles me
demandent maintenant comment il se fait
que mon statut soit subitement redevenu
aussi ambigu et flottant qu'en 1945. Mes
Français d'en haut se montrent
stupéfaits, ahuris, ébaubis, de ce que
l'occupant autrefois agrippé à mes
terres comme le lierre à un vieux chêne
ait décampé sur mon ordre, la queue
entre les jambes et avec tout son
attirail de bombes et de canons et qu'il
soit revenu occuper toute l'Europe.
Souvenez-vous qu'il y a plus de six
décennies, le loup des nuées s'était
enfui avec tout son chargement
piteusement entassé dans ses fourgons.
Et maintenant, je parais à nouveau
ficelé aux gredins de leur démocratie et
aux filous de la France d'en bas!
4 - Pustules,
lèpre, basse-cours et poulaillers
En 1966, les
Français d'en haut se frottaient les
mains, les Français d'en bas se
montraient atterrés. Hélas, depuis lors,
mes disciples paient chaque année un
tribut exorbitant à leur audace et à
leur courage d'il y a un demi-siècle.
Quelle souillure que la leur! Comment se
fait-il que l'étranger qui avait
déguerpi sur un claquement de doigts de
la France d'en haut se soit insinué
d'une pichenette dans toutes les pièces
de mon logis? Avec quelle facilité le
fauve aux ailes de séraphin a convaincu
les Pygmées de la France d'en bas de
placer derechef mes forces à peine
retrouvées sous le commandement des
képis de là-bas!
Je pensais que mes
voisins corsetés, ligotés, bâillonnés,
mais soudainement déficelés par mon
effronterie s'enhardiraient, eux aussi.
Il n'en a rien été. L'expulsé d'hier a
conclu en un clin d'œil des accords
bilatéraux en acier trempé avec tous les
Etats qui m'entourent ; et la pieuvre
s'est si bien réincrustée dans les
étables et dans les basses-cours de mon
domaine que je ne suis plus que le
Robinson désemparé de ma résistance
héroïque d'autrefois. Alors que leurs
terres demeurent enchaînées depuis 1945
à une valetaille de l'étranger, leurs
propres citoyens se sont massivement
rabaissés, au plus profond de leur
esprit et de leur cœur, au rang de
vassaux perpétuels et de valets
tellement contents de leur conversion,
qu'ils s'en font désormais une fierté.
Quels descendants de Copernic et de
Newton, de Goethe et de Molière, de
Shakespeare et de Cervantès que des
pantins revêtus du riche baudrier de
Porthos, dont Alexandre Dumas nous
rappelle qu'il ne couvrait que le devant
de la poitrine du héros!
Que dirai-je aux
Français contrefaits, que dirai-je aux
Français couverts des rubans d'une
Liberté truquée? Certes, les serviteurs
décorés des dentelles de là bas
n'encerclent pas encore de tous côtés
leur petit gibier de Français - mais ces
lilliputiens sont devenus diablement
ambidextres. Voyez comme ces béatifiés
par leur propre traîtrise s'imaginent
servir à la fois la France d'en haut et
leur maître lointain, voyez comme ces
bienheureux mettent un seul et même élan
à glorifier leur double râtelier. C'est
cela, la vassalité: elle croit consommer
le miel de la Liberté, elle ne voit même
pas qu'elle se trouve dans les fers.
Décidément, je
n'aurais pas dû autoriser une fraction
naïve de ma maisonnée se confiturer de
la tête aux pieds. Une trahison chasse
l'autre: il était prévisible que la race
de Vichy se jetterait tout entière dans
les bras du vainqueur couronné et se
donnerait un propitiatoire écussonné par
l'étranger. L'aliénation nationale est
le grigri de la France d'en bas. La
candeur est le poison des démocraties
aux couleurs du vainqueur. Certes, je me
suis délivré des pustules et de la lèpre
qui gangrènent les vieux canassons de
l'Europe des basses-cours et des
poulaillers. Mais, pauvre France d'en
bas, le cancer d'un genre nouveau qui
ronge ta carcasse fait désormais autant
de ravages au cœur de la civilisation
mondiale des cous pelés que la
putréfaction qui ronge la carcasse de
tous mes voisins européens.
Comment ai-je pu
laisser les vassaux de leurs propres
artifices remplir la nasse de leur
servitude? Et pourtant, la France des
rois de la raison met le monde en garde
contre les râteliers du langage
contrefait et flétri dont la servitude
mâchonne les slogans. Me voici assailli
par ces terrassiers d'un vocabulaire et
d'un lexique censés incarner le Beau, le
Juste et le Bien sur toute la terre
grisée par de leurs songeries.
5 - Soliloque de
la France d'en haut
Car enfin, me
dis-je, c'est un ennemi artificiel qu'on
vous montre du doigt, c'est une fleur
déclarée vénéneuse par un charlatan de
la géopolitique que j'ai vu grandir sous
votre os frontal. On vous demande de
haïr une nation imaginaire, on vous
demande de prendre pour un ennemi réel
une effigie jaillie des mains d'un
magicien et d'un falsificateur de
l'histoire de la planète, on vous
demande de vouer aux gémonies un
pestiféré fabriqué de toutes pièces dans
l'atelier d'un artificier de la pseudo
démocratie mondiale. Suis-je responsable
des songes nés sur l'établi d'un sorcier
qui fourmillent dans vos têtes
d'enfants?
- C'est moi qui
décide de ce qui est imaginaire et de ce
qui ne l'est pas en ce bas monde, me
répond le roi de la Liberté.
Sans doute ce
barbare ignore-t-il que, depuis près de
quatre siècles je ne cesse de fortifier
une frontière plus sûre entre le réel et
le songe que celle dont le Moyen-Age
avait imaginé le tracé. Il se trouve, de
surcroît, que le monde civilisé tout
entier s'est mis à l'écoute de la ligne
de démarcation fiable dont j'ai creusé
pour longtemps le sillon entre la terre
et le ciel. Qui a rédigé le discours de
la pensée rationnelle à l'usage des
évadés de la zoologie d'hier et de
demain, qui vous raconte encore de nos
jours les balivernes et les billevesées
de la sophistique et de la scolastique
dans lesquelles le monde de la politique
s'est à nouveau égaré?
Inutile d'expliquer
à l'étranger de là-bas que ma mémoire
n'est pas celle des mortels, inutile
d'expliquer au gouverneur d'une Liberté
contrefaite que la lumière et la mort
des nations sont mes interlocuteurs
naturels, inutile d'expliquer aux
nouveaux venus sur la scène du monde que
la mer et la terre, je les traite en
partenaires de mes oracles. Je suis le
guide des Etats et de leurs lumières.
Savez-vous, M.
Obama, ce que les Perses venaient
chercher à Salamine, à Platée, aux
Thermopiles? Rien d'autre que le sceptre
de Neptune. Quand le fils de Philippe de
Macédoine a pris le relais de la guerre
entre les océans et la terre, qu'a-t-il
donné à toute la civilisation grecque
enfin rassemblée sous son glaive, sinon
le royaume des mers de l'époque?
Quelques siècles plus tard, l'empire du
Milieu a tenté de s'étendre jusqu'au Cap
de Bonne Espérance et d'explorer les
côtes de l'Afrique; et si le destin de
la Chine a pris un autre cours que celui
de la conquête de l'Afrique, c'est
seulement parce qu'il lui a fallu tout
subitement interrompre sa course et
construire à toute allure l'immense
muraille à travers l'Himalaya qui
protègerait le monde de l'assaut des
Tamerlan et les Gengis Khan.
Ma science de la
guerre s'éclaire des feux des peuples et
des nations aux prises avec les périls
alternés de la durée et ceux de
l'urgence. C'est à Trafalgar que j'ai
perdu le sceptre de Neptune en un
instant et à jamais, c'est en 1898, face
à la flotte de guerre du Nouveau Monde,
que l'Espagne a perdu pour toujours son
rang d'empire à l'échelle du monde,
c'est en 1945 que l'Angleterre a remis
de force l'empire des océans aux
Etats-Unis d'Amérique, c'est en 1956 que
l'Egypte, aidée par Washington et par
Moscou a arraché le canal de Suez des
mains de la France et de l'Angleterre.
Mais la guerre
entre les océans et les continent
s'achève à l'heure où la Chine, la
Russie et l'ex-empire des Indes, ont mis
les porte-avions du Nouveau Monde et
leur cortège de cuirassés à la portée de
leurs bombes volantes à ras des flots et
propulsées à la vitesse de six cents
kilomètres à la minute: il suffit aux
rivages d'appuyer sur la touche d'un
ordinateur pour les pulvériser en un
instant où qu'ils se trouvent sur le
vaste empire des eaux.
Françaises et
Français d'en haut, tels sont mes
entretiens avec la nuit et la lumière
des peuples et des nations. Je regarde
une Russie en droit, depuis des siècles,
de conquérir son accès à la Mer Noire,
je contemple de loin l'humanité égarée
soixante dix ans durant dans le rêve et
le délire d'une utopie
politico-religieuse. Voyez comment cet
Etat a quitté l'empire trépassé de Karl
Marx pour patrouiller, aux côtés de la
Chine, en Méditerranée et sous le nez du
nouveau dompteur de la mer que
l'Amérique voudrait incarner à
perpétuité. Dans ma longue mémoire du
destin des peuples et des nations, je
vois l'histoire se placer à une croisée
des chemins inconnue des ancêtres : pour
quelque temps seulement, les flottes de
guerre rendues vulnérables à partir de
tous les rivages demeureront des
symboles d'un passé révolu .
6 - Le retour aux
guerres puniques
Je vois la Chine et
la Russie donner la main aux nations
émergentes sur le continent asiatique et
en Amérique du Sud, je vois l'alliance
de l'électronique et des missiles
apocalyptiques changer la face du monde,
je vois les Etats occuper l'aire d'envol
d'une rencontre nouvelle de Neptune avec
le sceptre des nations, je vois la plus
vieille loi de l'histoire perpétuer sa
vocation d'éducatrice des peuples en
devenir; car si la Rome antique n'a
régné que d'avoir ravi le sceptre de
l'empire de la mer à Carthage et si le
monstre américain n'a terrassé son
prédécesseur, l'Angleterre, que de
sillonner pour la première fois, tous
les océans de la planète, alors, mon
devoir est de dire à mes Français d'en
haut qu'ils ne me retrouveront qu'à
chasser non seulement les forteresses
implantées sur le territoire de l'Europe
depuis trois-quarts de siècle, mais à
vaincre, de surcroît l'immense flotte de
guerre qui seule permet aux Atlantes
d'enserrer la planète tout entière.
Le royaume de
Neptune de ce temps, Jacques Chirac l'a
combattu trois ans durant et en vain.
Comment retirer Naples de la gueule du
loup? Mais pas un seul homme politique
d'Italie, par un seul parti du pays des
Césars n'a compris que le nœud de la
puissance américaine se trouve en
Méditerranée. Et l'on a vu les fils de
Cavour et de Garibaldi remettre, en
plus, à l'empire américain Sigonella en
Sicile - puis Washington a étendu ses
griffes à Vicensa, et cela dans la
cécité voulue et dans le mutisme
consenti d'une démocratie occupée à
jamais par cent trente sept places
fortes de l'étranger institutionnalisées
par le traité de Lisbonne.
Que seraient le
demi-millier de bases américaines sur le
sol de l'Europe si la flotte de guerre
de l'empire du Nouveau Monde ne montait
la garde dans votre dos? Caton est de
retour: il dit à tous les Parlements de
l'Europe Cartago delenda est. La
France d'en haut regarde le monde avec
des yeux grands ouverts. Peuple de
France, suis ce guide, prête l'oreille à
ses conseils.
Mon vrai corps est
celui d'un peuple de souverains et
d'hommes d'armes, ma vraie charpente est
celle d'une nation de croisés et de
guerriers, mon ossature est une phalange
de peseurs des lois et de décrypteurs du
monde. Ne laissez pas l'Europe à sa
docilité de brebis sous la tonte. Sachez
que tout empire ne rêve que d'engranger
la toison de ses moutons. Mais sachez
également qu'on n'arrête pas l'aiguille
de l'histoire. La France est le peuple
de saint Louis et de la Révolution.
Mes textes des
11, 17, 25 septembre et du 2 octobre
démontreront comment les nations perdent
leur âme avec leur voix et leur tête
avec leur langue. Le 9 octobre, je
reprendrai la prosopopée, mais la France
aura prêté sa voix à votre souveraineté
perdue et à retrouver.
Le sommaire de Manuel de Diéguez
Les dernières mises à jour
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