L’art de la guerre
Occident : la réécriture du passé
Manlio Dinucci
Vignette de
Mauro
Biani,
édition de mardi 27 décembre de
il
manifesto
Mardi 27 décembre 2016
« Massacre de Berlin, pourquoi le
terroriste a-t-il laissé ses papiers ? »
: se demande le Corriere della Sera,
en parlant d’ « étrangetés ». Pour avoir
la réponse il suffit de regarder le
passé récent, mais de celui-là il n’y a
plus de mémoire.
Il a été réécrit par le « Ministère de la Vérité » qui -imaginé par
George Orwell dans son roman de
politique-fiction 1984, critique
du « totalitarisme stalinien » - est
devenu réalité dans les « démocraties
occidentales ». Ainsi a été effacée
l’histoire documentée des dernières
années.
Celle de la guerre USA/Otan contre la Libye, décidée -comme le
prouvent les emails de la Clinton- pour
bloquer le plan Kadhafi de créer une
monnaie africaine alternative au dollar
et au franc Cfa. Guerre initiée par une
opération secrète autorisée par le
président Obama, en finançant et armant
des groupes islamistes d’abord
classifiés comme terroristes, parmi
lesquels les noyaux du futur Isis.
Ensuite approvisionnés en armes à
travers un réseau Cia (documenté par le
New York Times en mars 2013)
quand, après avoir contribué à renverser
Kadhafi, ils sont passés en 2011 en
Syrie pour renverser Assad et attaquer
ensuite l’Irak (au moment où le
gouvernement al-Maliki s’éloignait de
l’Occident, en se rapprochant de Pékin
et de Moscou). Effacé le document de
l’Agence de renseignement du Pentagone
(daté du 12 août 2012, déclassifié le 18
mai 2015), dans lequel on affirme que
« les pays occidentaux, les états du
Golfe et la Turquie soutiennent en Syrie
les forces qui tentent de contrôler les
zones orientales » et qu’il y a, dans ce
but, « la possibilité d’établir une
principauté salafiste en Syrie
orientale ».
Effacée la documentation photographique du sénateur McCain qui, en
mission en Syrie pour le compte de la
Maison Blanche, rencontre en mai 2013
Ibrahim al-Badri, le « calife » à la
tête de l’Isis. En même temps,
s’inspirant de la « novlangue »
orwellienne, on adapte au cas par cas le
langage politico-médiatique : les
terroristes, ainsi définis seulement
quand ils servent à terroriser l’opinion
publique occidentale pour qu’elle
soutienne la stratégie USA/Otan, se
trouvent qualifiés d’ « opposants » ou
de « rebelles » lorsqu’ils perpètrent
des massacres de civils en Syrie.
Utilisant la « novlangue » des images,
on cache pendant des années la condition
dramatique de la population d’Alep,
occupée par les formations terroristes
soutenues par l’Occident, mais, quand
les forces syriennes soutenues par la
Russie commencent à libérer la ville, on
montre chaque jour le « martyre
d’Alep ».
On dissimule par contre la capture par les forces gouvernementales, le 16
décembre, d’un commando de la
« Coalition pour la Syrie » -formé de 14
officiers des Etats-Unis, Israël, Arabie
Saoudite, Qatar, Turquie, Jordanie,
Maroc, - qui, d’un bunker dans Alep-Est,
coordonnait les terroristes d’Al Nosra
et autres.
On peut, sur ce fond, répondre à la question du Corriere della
Sera : comme il est déjà arrivé dans
le massacre de Charlie Hebdo et dans
d’autres, les terroristes oublient ou
laissent volontairement une carte
d’identité pour être immédiatement
identifiés et tués. A Berlin d’autres
« étrangetés » ont été constatées : en
perquisitionnant le camion immédiatement
après le massacre, la police et les
services secrets ne s’aperçoivent pas
que sous le siège du conducteur se
trouve la carte d’identité du Tunisien,
avec un tas de photos. Ils arrêtent donc
un Pakistanais, qu’ils relâchent un jour
après pour insuffisance de preuves.
C’est alors qu’un agent particulièrement
expert va regarder sous le siège du
conducteur, où il découvre les papiers
du terroriste. Intercepté par hasard en
pleine nuit et tué par une patrouille
vers la gare de Sesto San Giovanni
(Milan), à un kilomètre de l’endroit
d’où était parti le camion polonais
utilisé pour le massacre. Tout cela
documenté par le « Ministère de la
Vérité ».
Edition de mardi 27 décembre 2016 de
il manifesto
http://ilmanifesto.info/occidente-la-riscrittura-del-passato/
traduit de l’italien par
Marie-Ange Patrizio
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