L'art de la guerre
L’OTAN à la barre de la politique
étrangère italienne
Manlio Dinucci

Manlio
Dinucci. DR
Mardi 23 juin 2020
Les ministres de la Défense de
l’OTAN (pour l’Italie Lorenzo Guerini,
Pd)) réunis en vidéoconférence les 17/18
juin, ont pris une série de “décisions
pour renforcer la dissuasion de
l’Alliance”. Mais personne
en Italie n’en parle, ni
dans les médias (réseaux sociaux
compris) ni dans le monde politique, où
sur tout cela règne un silence
multi-partisan.
Pourtant ces décisions,
dictées fondamentalement par Washington
et souscrites pour l’Italie par le
ministre Guerini, tracent les lignes
conductrices non seulement de notre
politique militaire, mais aussi de notre
politique étrangère. Avant tout -annonce
le secrétaire général Jens Stoltenberg-
“l’OTAN est en train de se préparer à
une possible seconde vague du Covid-19”,
contre lequel elle a déjà mobilisé en
Europe plus d’un demi million de
soldats.
Stoltenberg ne clarifie pas comment l’OTAN peut prévoir une
possible seconde pandémie du virus avec
un nouveau confinement. Mais il est
clair sur un point : cela “ne signifie
pas que d’autres défis aient disparu”.
Le plus grand -soulignent les ministres
de la Défense- provient du “comportement
déstabilisant et dangereux de la
Russie”, en particulier de son
“irresponsable réthorique nucléaire,
visant à intimider et menacer les Alliés
OTAN”. Ce faisant ils renversent la
réalité, effaçant le fait que c’est
l’OTAN, la Guerre froide finie, qui
s’est étendue au bord de la Russie avec
ses forces et ses bases nucléaires,
surtout étasuniennes. On a
méthodiquement opéré, sous la régie de
Washington, une stratégie visant à créer
en Europe des tensions croissantes avec
la Russie.
Pour décider de
nouvelles mesures militaires contre la
Russie les ministres de la Défense se
sont réunis dans le Groupe de
planification nucléaire, présidé par les
États-Unis. On ne sait pas quelles
décisions en matière nucléaire a
souscrites le ministre Guerini pour le
compte de l’Italie. Mais il est clair
qu’en participant au Groupe et en
hébergeant des armes nucléaires USA
(utilisables aussi par notre
aéronautique) l’Italie viole de Traité
de non-prolifération et rejette le
Traité ONU pour l’interdiction des armes
nucléaires. Stoltenberg se borne à dire
: “Aujourd’hui nous avons décidé de
nouvelles étapes pour que la dissuasion
nucléaire OTAN en Europe demeure sûre et
efficiente”. Parmi ces étapes se trouve
sûrement la prochaine arrivée, y compris
en Italie, des nouvelles bombes
nucléaires USA B61-12.
L’autre “défi” croissant, dont ont parlé les ministres de la Défense, est
celui concernant la Chine, qui pour la
première fois est “au sommet de l’agenda
de l’OTAN”. La Chine est le partenaire
commercial de nombreux alliés, mais en
même temps “elle investit lourdement
dans de nouveaux systèmes de missiles
qui peuvent atteindre tous les pays
OTAN”, explique Stoltenberg. L’OTAN
commence ainsi à présenter la Chine
comme militairement menaçante.
Simultanément elle présente comme
dangereux les investissements chinois
dans les pays de l’Alliance. Sur ces
prémisses les ministres de la Défense
ont actualisé les lignes conductrices
pour la “résilience nationale”, visant à
empêcher que l’énergie, les transports
et les télécommunications, notamment la
5G, ne finissent sous “propriété et
contrôle étrangers” (lire “chinois”).
Voilà les décisions souscrites par l’Italie à la réunion OTAN des
ministres de la Défense. Elles aliènent
notre pays à une stratégie d’hostilité
croissante envers surtout la Russie et
la Chine, en nous exposant à des risques
de plus en plus graves et en
déstabilisant le terrain sur
lequel reposent les accords économiques
mêmes.
C’est une stratégie à
long terme, comme le montre le lancement
du projet “OTAN 2030”, fait par le
secrétaire général Stoltenberg le 8 juin
pour “renforcer l’Alliance militairement
et politiquement” en incluant des pays
comme l’Australie (déjà invitée à la
réunion des ministres de la Défense), la
Nouvelle-Zélande, le Japon et d’autres
pays asiatiques, dans une fonction
clairement anti-chinoise.
Pour le projet de la Grande OTAN Mondiale 2030 a été formé un groupe de
10 conseillers, parmi lesquels Marta
Dassù, ancienne conseillère de politique
étrangère dans le gouvernement D’Alema
avant et pendant la guerre OTAN contre
la Yougoslavie, à laquelle l’Italie
participa en 1999, sous commandement
USA, avec ses bases et ses bombardiers.
Édition de mardi 23 juin 2020 d’il
manifesto
https://ilmanifesto.it/la-nato-al-timone-della-politica-estera-italiana/
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