L'art de la guerre
Trump
serial violeur de traités
Manlio Dinucci

© Manlio
Dinucci - Capture
d'écran PalSol
Samedi 23 mai 2020
Le président
Trump a annoncé le retrait des
États-Unis du Traité Open Skies (Ciel
ouvert).
Signé en 1992 immédiatement après la fin
la Guerre Froide et entré en vigueur en
2002, il permet à chacun des 34
États-partie de survoler les territoires
des autres avec des avions de
reconnaissance (non armés), dotés de
senseurs pour le recueil de données sur
des forces et activités militaires.
Chaque État-partie doit accepter chaque
année un certain nombre de survols de
son propre territoire et a le droit d’en
effectuer autant sur les territoires de
ceux qui ont accompli ces survols.
Sur la base
de ce Traité, depuis 2002, ont été
effectués au total plus de 1.500
survols, y compris ceux réciproques
entre États-Unis et Russie. Même si les
satellites peuvent aujourd’hui fournir
des informations plus détaillées que
celles recueillies par les avions, le
Traité garde son utilité technique
puisque tous les États-Partie ne
disposent pas de capacités
satellitaires. Reste importante la
signification politique du Traité, comme
acte de distension.
C’est
justement ce que cible la décision de
l’administration Trump de se retirer du
Traité, dans le but évident d’accroître
la tension avec la Russie. À cette fin a
été adopté le même scénario que le 1er
février 2019, quand le secrétaire d’Etat
Mike Pompeo annonça que, après six mois
de suspension, les États-Unis se
retireraient du Traité sur les Forces
Nucléaires Intermédiaires (FNI), comme
en effet il advint en juillet de la même
année. En annonçant que les États-Unis
se retireront dans les six mois du
Traité Ciel Ouvert, Mike Pompeo emploie
pratiquement les mêmes mots : il déclare
que “la seule Russie porte la
responsabilité de ces développements”,
il l’accuse de “continuelle érosion de
l’architecture de contrôle des
armements”, la qualifie de “serial
violeur de nombreux engagements pris”.
Cette fois aussi aucune réelle preuve
n’est apportée pour ces accusations.
En
déclarant que “cette histoire ne se
réfère pas exclusivement au Traité Open
Skies” le secrétaire d’État pré-annonce
d’autres décisions de l’administration
Trump dans la même direction. Depuis
plus d’une année le président Trump
répète qu’il ne renouvellera pas le
nouveau Traité Start, conclu en 2010 par
États-Unis et Russie. Ce traité, comme
nous le mîmes en évidence en 2010 sur
il manifesto, a de nombreuses
limites : il n’établit qu’un plafond
pour les “têtes nucléaires déployées”,
c’est-à-dire prêtes au lancement par des
vecteurs stratégiques de portée
supérieure à 5.500 km, prévu à 1.550 par
partie ; il ne prévoit en outre aucun
contrôle effectif sur la montée en
puissance qualitative des forces
nucléaires. Malgré cela, le retrait des
États-Unis y compris du nouveau Traité
Start rendrait la confrontation
nucléaire encore plus dangereuse. Le
président Trump a dit qu’il ne pourrait
renouveler le nouveau Traité Start que
si la Chine aussi y participait,
possibilité jusqu’à présent refusée par
Pékin. Mais quand bien même elle y
participât, la Chine, sur la base des
termes actuels, pourrait accroître le
nombre de ses têtes nucléaires d’environ
300 à plus de 1.500 (en excluant
l’hypothèse que Washington et Moscou
fussent disposés à diminuer les leurs à
300).
Un autre traité dont les États-Unis
pourraient se retirer est celui sur la
totale mise au ban des essais
nucléaires, que Washington a signé en
1996 mais jamais ratifié, alors que
Moscou l’a ratifié en 2000.
Sur un
tel fond, le retrait annoncé des
États-Unis du Traité Ciel Ouvert
constitue le pas ultérieur d’une
véritable stratégie de la tension. Étant
donné qu’adhèrent au Traité 23 pays
européens de l’OTAN, parmi lesquels
l’Italie (et la France, ndt), le
retrait des États-Unis, en augmentant la
tension avec la Russie, implique
automatiquement l’OTAN. C’est exactement
ce qu’on veut à Washington. Dans un
communiqué conjoint publié hier, huit
pays OTAN (Belgique, France, Allemagne,
Italie, Luxembourg, Pays-Bas, République
Tchèque et Espagne), plus la Finlande et
la Suède, expriment leur “regret” sur
l’intention du Gouvernement USA de se
retirer du Traité Ciel Ouvert, “bien que
nous partagions ses préoccupations
relatives à la mise en oeuvre des
dispositions du Traité par la Fédération
de Russie”. Ils déclarent toutefois que
“nous continuerons à mettre en œuvre le
Traité Ciel
Ouvert”. Prudent mais
appréciable signal d’ouverture, tandis
que l’ombre menaçante de la guerre
nucléaire s’étend de plus en plus dans
les cieux.
Édition de
samedi 23 mai 2020 d’il manifesto
https://ilmanifesto.it/trump-stracciatore-di-trattati-la-strategia-della-tensione-usa/
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