L'art de la guerre
Commémoration de l’Article 11
Manlio Dinucci
Mardi 19 janvier 2016
Un important anniversaire doit être
rappelé dans le cadre du 25ème de la
première guerre du Golfe : c’est la
première guerre à laquelle participe la
République italienne, en violant le
principe, affirmé dans l’Article 11 de
la Constitution, que « l’Italie répudie
la guerre comme instrument d’offense à
la liberté des autres peuples et comme
moyen de résolution des controverses
internationales».
En septembre 1990, sur décision du
sixième gouvernement Andreotti, l’Italie
envoie dans la base de Al Dhafra aux
Emirats Arabes Unis une composante
aérienne de chasseurs bombardiers
Tornado. Dans la nuit du 17 au 18
janvier 1991, 8 Tornado italiens
décollent pour bombarder des objectifs
irakiens définis par le commandement
étasunien, dans ce que l’Aéronautique
rappelle officiellement comme « la
première mission de guerre accomplie par
l’Aéronautique italienne, 46 ans après
la fin de la Seconde guerre mondiale ».
A cette mission (durant laquelle un
Tornado va être abattu et ses deux
pilotes faits prisonniers) succèdent
d’autres missions de bombardement
toujours sous commandement USA, pour un
total de 226 sorties, toutes «
couronnées d’un plein succès ». S’y
ajoutent 224 missions italiennes de
vélivoles de transport et 384 de
vélivoles de reconnaissance, « opérant
en Turquie dans le cadre de la Ace
Mobile Force Nato » (confirmant que
l’Otan, tout en n’intervenant pas
officiellement, participe en réalité à
la guerre avec ses force et ses bases).
Cette « première mission de guerre »
est décisive pour le lancement du «
nouveau modèle de défense »
immédiatement après la guerre du Golfe,
dans le sillage de la réorientation
stratégique USA/Otan. En octobre 1991 le
Ministère de la défense publie le
rapport « Modèle de Défense / Lignes de
développements des FF. AA dans les
années ’90 ». Le document reconfigure la
position de l’Italie, en la définissant
comme « un élément central de l’aire
géostratégique qui s’étend de façon
unitaire du Détroit de Gibraltar jusqu’à
la Mer Noire, en se reliant, à travers
le Canal de Suez, avec la Mer Rouge, la
Corne d’Afrique et le Golfe Persique».
Il établit ainsi que « les objectifs
permanents de la politique de sécurité
italienne se configurent dans la tutelle
des intérêts nationaux, dans la plus
vaste acception de ces termes, partout
où c’est nécessaire », en particulier de
ces intérêts qui « ont une incidence sur
le système économique et sur le
développement du système productif ».
Le « nouveau modèle de défense »
passe ensuite d’un gouvernement à
l’autre, sans que le parlement le
discute jamais en tant que tel. En 1993
-alors que l’Italie participe à
l’opération militaire lancée par les USA
en Somalie, et qu’au gouvernement Amato
succède celui de Ciampi- l’Etat-major de
la défense déclare qu’« il faut être
prêts à se projeter dans une longue
portée » pour défendre partout les «
intérêts vitaux ». En 1995, pendant le
gouvernement Dini, il affirme que « la
fonction des forces armées transcende le
strict cadre militaire pour s’élever à
la mesure du statut du pays dans le
contexte international ». En 1996,
pendant le gouvernement Prodi, on
réaffirme que « la politique de la
défense est l’instrument de la politique
étrangère ». En 2005, pendant le
gouvernement Berlusconi, on précise que
les forces armées doivent « sauvegarder
les intérêts du pays dans les zones
d’intérêt stratégique », lesquelles
comprennent, outre les zones Otan et Ue,
les Balkans, l’Europe orientale, le
Caucase, l’Afrique septentrionale, la
Corne d’Afrique, le Moyen-Orient et le
Golfe Persique. A travers ces passages
et ceux qui leur succèdent, on démolit
un pilier fondamental de la République
italienne, par la main des gouvernements
de toutes couleurs et avec la complicité
d’un parlement qui, dans son écrasante
majorité, consent ou reste inerte.
Tandis que l’Italie, toujours sous
commandement étasunien directement ou
dans le cadre Otan, passe de guerre en
guerre.
Edition de mardi 19 janvier 2016 de il
manifesto
http://ilmanifesto.info/commemorazione-dellarticolo-11/
Traduit de l'italien par
Marie-Ange Patrizio
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