L'art de la guerre
La course à la domination de
l’Espace
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Mardi 16 juillet 2019
“L’homme volant envoute Paris au
défilé du 14 juillet” : avec des titres
comme celui-ci a été décrit le défilé
des forces armées françaises le long de
l’avenue des Champs Élysées. Comme
d’habitude, on a l’impression d’être
informé sur tout dans le moindre détail.
La “grande
information” nous cache cependant ce
qu’il serait par contre essentiel de
savoir. Par exemple, que deux jours
avant le défilé le président Emmanuel
Macron a assisté, dans le port de
Cherbourg, au lancement d’un sous-marin
nucléaire d’attaque, le Suffren, premier
de la nouvelle série Baracuda, réalisé
avec un programme décennal d’un coût de
9 milliards d’euros. Le sous-marin, armé
de missiles de croisière à longue portée
à double capacité conventionnelle et
nucléaire et doté d’un mini-sub pour les
opérations des forces spéciales, a été
décrit par l’amiral Christophe Prazuck
comme “un chasseur né pour combattre les
ennemis”.
Parmi les 700 invités
internationaux à la cérémonie de
lancement se trouvait la ministre
australienne de la Défense, Linda
Reynolds, qui en février a signé un
contrat pour l’achat de 12 sous-marins
d’attaque français. En Australie, en ce
moment, se discute la possibilité pour
le pays, sortant du Traité de
non-prolifération, de se doter de son
propre arsenal nucléaire. L’Australie,
partenaire de l’OTAN, est contraire au
Traité sur l’interdiction des
armes nucléaires, approuvé en juillet
2017 par l’Assemblée Générale des
Nations Unies avec 122 voix pour. Il a
jusqu’à présent été signé par 70 pays
mais ratifié seulement par 23 (dont
Autriche, Cuba, Mexique,
Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud et
Venezuela), moins de la moitié des 50
nécessaires pour son entrée en vigueur.
La Suède, qui en 2017 l’approuva, a annoncé qu’elle ne le signera pas non
plus : décision derrière laquelle se
trouve l’influence de l’OTAN, ennemie
jurée du Traité sur l’interdiction des
armes nucléaires.
Tandis que le désarmement
nucléaire reste sur le papier, augmente
la possibilité de prolifération et la
course aux armements se joue de plus en
plus sur le plan qualitatif. Comme le
confirme l’annonce faite, à la veille du
défilé du 14 juillet, par le président
Macron même : la France créera en
septembre un nouveau commandement
national de la Force militaire spatiale,
avec un premier financement de 3,6
milliards d’euros. «La nouvelle doctrine
spatiale et militaire qui m'a été
proposée par la ministre et que j'ai
approuvée, permettra d'assurer notre
défense de l'espace et par l’espace»
(voir NdT en bas de page), a déclaré le
président Macron.
Ainsi s’intensifie la militarisation de l’Espace, aire d’importance
stratégique croissante étant donné que
les principaux systèmes d’armes, à
commencer par les nucléaires, dépendant
de systèmes spatiaux.
Avec son nouveau
commandement spatial la France se place
dans le sillage des États-Unis. Le
président Trump a signé en février une
directive qui institue la US Space
Force, force spécifique pour les
opérations militaires dans l’Espace,
dirigée avant tout contre la Russie et
la Chine. Le Comité sénatorial pour les
services armés, en attribuant à
l’Aéronautique le commandement de la
nouvelle Force, a défini l’Espace comme
“aire de conduite de la guerre”. Les
rencontres promues par les Nations Unies
en mars pour empêcher une course aux
armements dans l’Espace, ont échoué à
cause de l’opposition des États-Unis.
Ceux-ci refusent d’ouvrir une table de
négociation pour discuter l’ébauche de
traité, présentée par Chine et Russie,
qui interdit de placer des armes dans
l’Espace et stipule une série de limites
légales à son usage à des fins
militaires.
Pendant que l’attention médiatique se concentre sur l’”homme volant” qui
virevolte sur les Champs-Élysées, on
ignore le fait que sous peu il y aura
des armes nucléaires volantes en orbite
autour de la Terre au-dessus de nos
têtes.
Édition de mardi 16 juillet 2019
de il manifesto
https://ilmanifesto.it/la-corsa-al-dominio-dello-spazio/
Traduit de l’italien par M-A P
NdT : “La
nouvelle doctrine spatiale militaire,
qui m’a été proposée par la ministre et
que j’ai approuvée, permettra d’assurer
notre défense de l’espace et par
l’espace. Nous renforcerons notre
connaissance de la situation spatiale,
nous protégerons mieux nos satellites, y
compris de manière active. Et pour
donner corps à cette doctrine, pour
assurer le développement et le
renforcement de nos capacités spatiales,
un grand commandement de l’espace sera
créé en septembre prochain au sein de
l’armée de l’air. Celle-ci deviendra, à
terme, l’armée de l’air et de l’espace.
Les nouveaux investissements
indispensables seront décidés”.
https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/07/13/discours-aux-armees-a-lhotel-de-brienne
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