L'art de la guerre
Généraux étasuniens : la Bombe
pour la paix
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Mardi 16 mai 2017
Deux jours avant le test de
missiles nord-coréen qui a déclenché
l’alarme nucléaire dans le monde entier,
est paru sur la revue Politico (12 mai)
un article intitulé « Pourquoi les USA
ont bien fait d’investir dans les armes
nucléaires ». Signé non pas par un
opinioniste, mais par les deux généraux
qui sont au commandement des trois
quarts des forces nucléaires
étasuniennes : le chef d’état-major de
l’Aéronautique, Dave Goldfein, et le
chef du Commandement aérien pour
l’attaque globale, Robin Rand.
Ils affirment que, « bien que cela puisse paraître illogique, les armes
nucléaires sont un instrument
fondamental de la paix mondiale ». C’est
ce que démontre, d’après eux, le fait
que, depuis qu’a commencé l’ère
nucléaire, il n’y a plus eu de grandes
guerres. Il est pour cela
essentiel, soutiennent-ils, que nos
bombardiers et missiles nucléaires
soient maintenus en totale efficience.
Aujourd’hui les Etats-Unis doivent procéder à la modernisation de leurs
propres forces nucléaires, parce qu’ils
ont face à eux « des potentiels
adversaires qui sont agressivement en
train de moderniser et de répandre leurs
forces nucléaires et qui veulent de plus
en plus s’imposer». Les généraux nomment
« les menaces ouvertes de la Corée du
Nord », mais il est clair qu’ils se
réfèrent implicitement à la Russie et à
la Chine. «Nos ennemis potentiels
-préviennent-ils sur un ton menaçant-
doivent savoir que notre direction
nationale prendra toujours les dures
décisions nécessaires pour protéger et
assurer la survie du peuple américain et
de ses alliés » : c’est-à-dire qu’elle
est prête à faire la troisième guerre
mondiale, la guerre nucléaire, à
laquelle en réalité personne ne
survivrait. Ils adressent ensuite une
requête péremptoire à l’administration
Trump : « Les Etats-Unis doivent
maintenir leur engagement de
recapitaliser nos forces nucléaires ».
L’engagement auquel ils se réfèrent n’a
pas été pris par le belliqueux Trump,
mais par le Prix Nobel de la Paix Obama
récompensé en 2009 pour « sa vision d’un
monde libéré des armes nucléaires et le
travail qu’il a mené dans ce sens ».
C’est l’administration Obama qui a lancé
le plus grand programme de réarmement
nucléaire depuis la fin de la guerre
froide, d’un coût d’environ 1000
milliards de dollars, qui prévoit la
construction de 12 nouveaux sous-marins
d’attaque nucléaire (chacun avec 24
missiles pouvant lancer jusqu’à presque
200 têtes nucléaires), 100 autres
bombardiers stratégiques (chacun armé
d’environ 20 missiles ou bombes
nucléaires) et 400 missiles balistiques
intercontinentaux avec base à terre
(chacun avec une puissante tête
nucléaire).
En même temps a été lancée avec des technologies révolutionnaires la
modernisation des forces nucléaires
actuelles qui -documente Hans Kristensen
de la Fédération des scientifiques
américains (Bulletin of Atomic
Scientifists, 1er mars 2017)- « triple
la puissance destructive des missiles
balistiques US existants », comme si on
était en train de planifier d’avoir « la
capacité de combattre et gagner une
guerre nucléaire en désarmant les
ennemis par un first strike par
surprise ». Capacité qui comprend
aussi le « bouclier anti-missiles » pour
neutraliser les représailles ennemies,
comme celui déployé par les Etats-Unis
en Europe contre la Russie et en Corée
du Sud contre la Chine.
On est donc en train d’accélérer la course aux armements
nucléaires. Significative est la
décision russe de déployer en 2018 un
nouveau missile balistique
intercontinental, RS-28 Sarmat, d’une
portée pouvant atteindre 18 000 km,
capable de transporter 10-15 têtes
nucléaires qui, en rentrant dans
l'atmosphère à vitesse hypersonique
(plus de 10 fois celle du son),
manoeuvrent pour échapper aux missiles
intercepteurs en perçant le
« bouclier ».
Mais nous pouvons dormir tranquilles, confiants puisque « les armes
nucléaires sont un instrument
fondamental de la paix mondiale ».
Edition de mardi 16 mai 2017 de
il manifesto
https://ilmanifesto.it/generali-usa-la-bomba-per-la-pace/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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