L'art de la guerre
Que fait l’Italie pour le
désarmement nucléaire ?
Manlio Dinucci

Manlio
Dinucci. DR
Mardi 11août 2020
Pour le 75ème
anniversaire du bombardement atomique
d’Hiroshima et Nagasaki, le président de
la République Sergio Mattarella a
réaffirmé que “l’Italie soutient avec
force l’objectif d’un monde libre
d’armes nucléaires”. Le président de la
Commission Défense de la Chambre,
Gianluca Rizzo (M5S) a repris en écho :
“Je fais miennes les paroles du
président de la République pour une
politique qui tende à un monde libre
d’armes nucléaires”. Engagement
institutionnel maximal donc, mais dans
quelle direction ? Faisons parler les
faits.
L’Italie a ratifié en
1975 le Traité de non-prolifération des
armes nucléaires (TNP), qui stipule :
“Tout État non
doté d’armes nucléaires
qui est Partie au Traité s’engage à
n’accepter de qui que ce soit, ni
directement ni indirectement, le
transfert d’armes nucléaires ou autres
dispositifs explosifs nucléaires ou du
contrôle de telles armes ou de tels
dispositifs explosifs”. Violant le TNP,
l’Italie a concédé ses propres bases
pour recevoir des armes nucléaires USA :
actuellement des bombes B61, dont le
nombre est estimé à plusieurs dizaines
mais n’est pas vérifiable. Elles sont
installées dans les bases d’Aviano, avec
des chasseurs USA F-16C/D, et à Ghedi-Torre
où des Tornado PA-200 de l’Aéronautique
italienne sont prêts à l’attaque
nucléaire sous commandement USA.
L’Italie, confirme l’OTAN, fait
partie des pays qui “fournissent à
l’Alliance des avions équipés pour
transporter des bombes nucléaires, sur
lesquels les États-Unis gardent le
contrôle absolu, et du personnel
entraîné pour cet objectif”. La B61 sera
remplacée sous peu par la B62-12 : une
nouvelle bombe nucléaire, avec une
puissance sélectionnable au moment du
lancement, qui se dirige avec précision
sur l’objectif et a la capacité de
pénétrer dans le sous-sol pour détruire
les bunkers des centres de commandement.
Le programme du Pentagone prévoit
la construction de 500 B61-12, avec une
dépense de 10 milliards de dollars. Le
programme est dans la phase finale :
dans les polygones du Nevada sont en
cours des tests de lancement de la
nouvelle bombe (sans tête nucléaire).
Parmi les avions qui sont certifiés pour
son utilisation se trouvent le Tornado
PA-200 et le nouveau F-35A, en dotation
à l’Aéronautique italienne. On ne sait
pas combien de B61-12 seront stockées en
Italie et dans d’autres pays européens.
Elles pourraient être plus nombreuses
que les précédentes B-61 et être
installées dans d’autres bases. Celle de
Ghedi, restructurée, peut accueillir
jusqu’à 30 chasseurs F-35A avec 60
B61-12. Aux nouvelles bombes s’ajoutent
les armes nucléaires de la Sixième
Flotte basée en Italie, dont le type et
le nombre sont secrets. En outre, le
Traité FNI ayant été balayé, les USA
sont en train de développer des missiles
nucléaires à portée intermédiaire avec
base à terre, qui, comme les
euromissiles des années Quatre-vingt,
pourraient être installés aussi dans des
bases italiennes.
L’Italie, officiellement
État non-nucléaire, joue ainsi la
toujours plus périlleuse fonction de
base avancée de la stratégie nucléaire
USA/OTAN contre la Russie et d’autres
pays. En tant que membre du Conseil
Atlantique-Nord, l’Italie a rejeté en
2017 le Traité ONU sur l’abolition des
armes nucléaires. Au cours de cette même
année plus de 240 parlementaires
italiens -en majorité du Pd et M5S, les
partis actuellement au gouvernement- se
sont engagés, en signant l’Appel Ican, à
promouvoir l’adhésion de l’Italie au
Traité ONU. Au premier rang l’actuel
président de la Commission Défense,
Gianluca Rizzo, et l’actuel ministre des
Affaires Étrangères Luigi Di Maio. Trois
ans après, à l’épreuve des faits, leur
solennel engagement se révèle un
expédient démagogique pour recueillir
des voix.
Pour réaliser en Italie “une
politique qui
tende à un monde libre
d’armes nucléaires”, comme déclame
Gianluca Rizzo, il n’y a qu’un moyen :
libérer l’Italie des armes nucléaires,
comme le prescrit le TNP, et adhérer au
Traité ONU, en opérant ce qu’il stipule
: “(…) chaque État Partie qui dispose
d’une arme nucléaire ou autre
dispositif explosif nucléaire sur son
territoire ou en tout lieu placé sous
sa juridiction ou son contrôle dont un
autre État est propriétaire ou
détenteur ou qu’il
contrôle veille au retrait
rapide de ces armes dans les meilleurs
délais”.
Les signataires de
l’Engagement ICAN demandent ainsi aux
État-Unis de retirer toute arme
nucléaire de l’Italie. Si au Parlement
il y a quelqu’un qui veut un monde libre
d’armes nucléaires, qu’il le montre non
pas en paroles mais avec les faits.
Édition de mardi 11 août 2020 d’il
manifesto
https://ilmanifesto.it/cosa-fa-litalia-per-il-disarmo-nucleare/
Traduit de l’italien par M-A P.
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