L'art de la guerre
Ombres et lumières du Traité ONU
sur les armes nucléaires
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Dimanche 9 juillet 2017
Le Traité sur la prohibition des
armes nucléaires, adopté avec une grande
majorité par les Nations Unies le 7
juillet, constitue une pierre angulaire
dans la prise de conscience qu’une
guerre nucléaire aurait des conséquences
catastrophiques pour l’humanité toute
entière. Sur la base de cette
conscience, les 122 états qui l’ont voté
s’engagent à ne pas produire ni posséder
des armes nucléaires, à ne pas les
utiliser ni menacer de les utiliser, à
ne pas les transférer ni les recevoir
directement ou indirectement. Ceci est
le point de force fondamental du Traité
qui vise à créer «un instrument
juridiquement contraignant pour la
prohibition des armes nucléaires, qui
conduise vers leur élimination totale ».
Sans préjudice de la grande validité du Traité -qui entrera en
vigueur quand, à partir du 20 septembre,
il aura été signé et ratifié par 50
états- il faut prendre acte de ses
limites. Le Traité, juridiquement
contraignant seulement pour les états
qui y adhèrent, ne leur interdit pas de
faire partie d’alliances militaires avec
des états en possession d’armes
nucléaires. En outre, chacun des états
adhérents «a le droit de se retirer du
Traité s’il décide que d’extraordinaires
événements relatifs à la matière du
Traité aient mis en danger les suprêmes
intérêts de son pays ». Formule vague
qui permet à tout moment à chaque état
adhérent de déchirer l’accord, en se
dotant d’armes nucléaires.
La limite majeure consiste dans le fait que n’adhère au Traité aucun des
états en possession d’armes nucléaires :
les Etats-Unis et les deux autres
puissances nucléaires de l’Otan, France
et Grande-Bretagne, qui possèdent au
total environ 8000 têtes nucléaires ; la
Russie qui en possède autant ; Chine,
Israël, Inde, Pakistan et Corée du Nord,
avec des arsenaux mineurs mais non
négligeables pour autant. N’adhèrent pas
non plus au Traité les autres membres de
l’Otan, en particulier Italie,
Allemagne, Belgique, Hollande et Turquie
qui hébergent des bombes nucléaires
étasuniennes. La Hollande, après avoir
participé aux négociations, a exprimé un
avis contraire au moment du vote.
N’adhèrent pas au Traité au total 73
membres des Nations Unies, parmi
lesquels émergent les principaux
partenaires USA/Otan : Ukraine, Japon et
Australie.
Le Traité n’est donc pas en mesure, en l’état actuel, de ralentir la
course aux armements nucléaires, qui
devient de plus en plus dangereuse
surtout sous l’aspect qualitatif.
En tête se trouvent les Etats-Unis qui ont lancé, avec des techniques
révolutionnaires, la modernisation de
leurs forces nucléaires : comme le
documente Hans Kristensen de la
Fédération des scientifiques américains
(Fas), celle-ci « triple la puissance
destructrice des missiles balistiques
USA existants » : comme si l’on était en
train de planifier d’avoir « la capacité
de combattre et vaincre une guerre
nucléaire en désarmant les ennemis avec
un first strike par surprise ».
Capacité qui comprend aussi le
« bouclier anti-missiles » pour
neutraliser les représailles ennemies,
comme celui déployé par les Etats-Unis
en Europe contre la Russie et en Corée
du Sud contre la Chine.
La Russie et la Chine sont elles aussi engagées dans la modernisation de
leurs propres arsenaux nucléaires. En
2018 la Russie déploiera un nouveau
missile balistique intercontinental, le
Sarmat, d’une portée allant jusqu’à
18000 Km, pouvant transporter 10-15
têtes nucléaires qui, en revenant dans
l’atmosphère à vitesse hypersonique
(plus de 10 fois celle du son),
manœuvrent pour échapper aux missiles
intercepteurs en perçant le
« bouclier ».
Parmi les pays qui n’adhèrent pas au Traité, dans le sillage des
Etats-Unis, il y a l’Italie. La
raison est claire : en adhérant au
Traité, l’Italie devrait se défaire des
bombes nucléaires USA déployées sur son
territoire. Le gouvernement Gentiloni,
définissant le Traité comme « un élément
fortement diviseur », dit cependant être
engagé pour la « pleine application du
Traité de non-prolifération (Tnp),
pilier du désarmement ». Traité en
réalité violé par l’Italie, qui l’a
ratifié en 1975, puisqu’il engage les
Etats militairement non-nucléaires à
« ne pas recevoir de quiconque des armes
nucléaires, ni le contrôle sur ces
armes, directement ou indirectement ».
L’Italie a au contraire mis à
disposition des Etats-Unis son propre
territoire pour l’installation d’au
moins 50 bombes nucléaires B-61 à Aviano
et 20 à Ghedi Torre (toutes deux au
nord-est de l’Italie, ndt), où des
pilotes italiens aussi sont entraînés à
les utiliser.
A partir de 2020 sera stockée en Italie la B61-12 : une nouvelle arme USA
de first strike nucléaire. Ainsi
l’Italie, formellement pays
non-nucléaire, se trouvera transformée
en première ligne d’une encore plus
dangereuse confrontation nucléaire entre
USA/Otan et Russie.
Pour que le Traité adopté par les Nations Unies (mais ignoré par
l’Italie) ne reste pas sur le papier, on
doit exiger que l’Italie observe le Tnp,
défini par le gouvernement comme
« pilier du désarmement », c’est-à-dire
exiger la complète dénucléarisation de
notre territoire national.
Edition de dimanche 9 juillet 2017
de il manifesto
https://ilmanifesto.it/luci-e-ombre-sulle-armi-nucleari/
Traduit de l’italien par M-A
Patrizio
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