L'art de la guerre
Pas de souveraineté économique
sans souveraineté politique
Manlio Dinucci

© Manlio
Dinucci - Capture
d'écran PalSol
Mardi 9 juin 2020
On discute en ce moment sur
combien et quels financements l’Italie
recevra de l’Union européenne et à
quelles conditions.
De Bruxelles arrivent des
messages tranquillisants. Mais comme ces
financements seront fournis en majorité
sous forme de prêts, divers économistes
avertissent : danger d’un fort
endettement et d’une ultérieure perte de
souveraineté économique.
L’attention
politico-médiatique se concentre ainsi
sur les rapports entre Italie et Union
européenne. Thème important, qui
cependant ne peut pas être séparé de
celui des rapports entre Italie et
États-Unis, dont au parlement et dans
les grands médias personne ne discute.
Ainsi continue-t-on à
ignorer les implications du plan
d’”assistance” à l’Italie lancé le 10
avril par le président Trump (il
manifesto, 14 avril 2020). Et
pourtant l’ambassadeur USA en Italie,
Lewis Eisenberg, le définit comme “la
plus grande aide financière que les
États-Unis aient jamais donné à un pays
d’Europe occidentale depuis 1948, à
l’époque du Plan Marshall”.
En soutien aux activités
sanitaires anti-Covid déjà “des dizaines
de millions de dollars sont allés et
iront à la Croix-Rouge et à certaines
organisations non-gouvernementales” (pas
plus précisées). En plus de cela le plan
prévoit une série d’interventions pour
“soutenir la reprise de l’économie
italienne”.
À cet effet le président
Trump a ordonné aux secrétaires du
Trésor et du Commerce, au président de
la Banque d’Export-Import, à
l’administrateur de l’Agence USA pour le
développement international, au
directeur de l’United States
International Development Finance
Corporation (agence gouvernementale qui
finance des projets de développement
privés) d’utiliser leurs outils pour
“soutenir les entreprises italiennes “.
On ne dit pas quelles entreprises sont
et seront financées dans le cadre de ce
plan, ni à quelles conditions sont liés
ces financements.
L’ambassadeur Eisenberg
parle de façon générale des excellents
rapports entre États-Unis et Italie,
démontrés par d’”importants indicateurs
de type économique et stratégique”,
parmi lesquels “un des plus grands
accords militaires avec Fincantieri”,
qui en mai dernier a obtenu
l’adjudication d’un contrat d’environ 6
milliards de dollars pour la
construction de dix frégates multi-rôles
de l’US Navy.
Le groupe italien, contrôlé
à 70% par le Ministère de l’économie et
des finances, a aux USA trois chantiers,
dans lesquels sont aussi en construction
quatre navires de guerre analogues pour
l’Arabie Saoudite.
Un autre important indicateur de
type économique et stratégique est la
croissante intégration de la société
Leonardo, la plus grande industrie
militaire italienne, dans le complexe
militaro-industriel USA surtout par
l’intermédiaire de Lockheed Martin, la
plus grande industrie militaire
étasunienne. Leonardo, dont le Ministère
de l’économie et des finances est le
principal actionnaire, fournit aux USA
des produits et services aux forces
armées et aux agences de renseignement,
et en Italie gère le site de Cameri des
chasseurs F-35 de Lockheed Martin.
Voilà, avec d’autres, les
puissants intérêts -en particulier ceux
des grands groupes financiers- qui
aliènent l’Italie aux États-Unis. Non
seulement la politique étrangère et
militaire, mais celle aussi de
l’économie de l’Italie se trouve ainsi
subordonnée à la stratégie des
États-Unis, marquée de façon de plus en
plus aigüe par une confrontation
politique, économique et militaire avec
la Russie et la Chine.
Le plan de Washington est
clair : exploiter la crise et les
fractures dans l’Ue pour renforcer
l’influence USA en Italie. Les
conséquences sont évidentes. Tandis par
exemple que ce serait notre intérêt
national de supprimer les sanctions
contre Moscou, afin de relancer l’export
italien en Russie pour redonner de
l’oxygène surtout aux petites et
moyennes entreprises, ce choix est rendu
impossible par notre dépendance aux
choix de Washington et de Bruxelles. En
même temps sont en mis danger les
accords de l’Italie avec la Chine dans
le cadre de la Nouvelle Route de la
Soie, peu appréciés à Washington.
Le manque de réelle
souveraineté politique empêche ces choix
et d’autres, tous de vitale importance
pour sortir de la crise. Mais de tout
cela, dans le
talk show de la politique, on
ne dit mot.
Édition de mardi 9 juin 2020 d’il
manifesto
https://ilmanifesto.it/niente-sovranita-economica-senza-quella-politica/
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