L'art de la guerre
Les F-35
étaient dans l’agenda secret
de Pompeo à Rome
Manlio Dinucci
Mike Pompeo, au symposium au
Vatican (1er
octobre), fait une communication sur
“Dignité Humaine et Foi dans les
Sociétés Libres”
Mardi 8 octobre 201
Le chasseur
furtif (stealth) F-35 se rend
invisible non seulement aux radars mais
aussi à la politique : dans les
communiqués des rencontres du secrétaire
d’état étasunien Mike Pompeo à Rome on
n’en trouve pas trace. Le Corriere
della Sera révèle cependant que
Pompeo a demandé à l’Italie de payer les
arriérés sur les chasseurs acquis et de
débloquer l’ordre pour un achat
ultérieur, recevant de Conte l’assurance
que “nous serons fidèles à nos pactes”.
L’Italie a acheté jusqu’à présent
14 chasseurs F-35 de la société
étasunienne Lockheed Martin, dont 13,
déjà livrés, sont “complètement
financés”. La précision a été faite au
Sénat le 3 juin dernier par la ministre
de la Défense de l’époque, Elisabetta
Trenta (M5S), annonçant d’autres achats
qui porteront le total à 28 chasseurs
d’ici 2022. L’Italie s’est engagée à en
acheter 90, avec une dépense prévue à
environ 14 milliards d’euros. À cette
dépense s’ajoute celle de la mise à jour
continuelle du software
(l’ensemble des programmes
opérationnels) du chasseur sur lequel
Lockheed Martin garde l’exclusivité :
rien que pour celui des aéronefs
jusqu’ici achetés l’Italie doit déjà
dépenser environ un demi milliard
d’euros. L’Italie n’est pas seulement
acquéreur mais aussi fabriquant du F-35,
en tant que partenaire de second niveau.
La société Leonardo (ex-Finmeccanica) -
la plus grande industrie militaire
italienne, dont le Ministère de
l’économie et des finances est le
principal actionnaire avec un
pourcentage d’environ 30% -gère la ligne
d’assemblage et essai des F-35 sur le
site de Faco di Cameri (Piémont), d’où
sortent les chasseurs destinés à
l’Italie et aux Pays-Bas.
Leonardo produit aussi les ailes
complètes pour des avions assemblés aux
USA, en utilisant des matériaux produits
dans les établissements de Foggia
(Pouilles), Nola (Campanie) et Venegono
(Lombardie). Le gouvernement étasunien a
sélectionné l’établissement de Cameri
comme centre régional européen pour
l’entretien et la mise à jour du
fuselage.
L’emploi à l’usine de Faco est d’environ
un millier de travailleurs, dont de
nombreux précaires, soit un sixième de
celui prévu. Les dépenses pour la
réalisation de l’établissement et
l’achat des chasseurs sont de très loin
supérieures au montant des contrats
stipulés par des société italiennes pour
la production du F-35. Et on n’oubliera
pas que, tandis que les gains vont
presque entièrement dans les caisses de
sociétés privées, les dépenses sortent
des caisses publiques, faisant gonfler
la dépense militaire italienne qui a
atteint les 70 millions d’euros par
jour.
Le secrétaire d’état Mike Pompeo, dans les rencontres avec le
président Mattarella et le Premier
ministre Conte, a souligné la nécessité
pour l’Italie et d’autres pays
européens, d’”augmenter leurs
investissements dans la défense
collective de l’Otan”. Certainement,
dans les rencontres réservées, cette
requête a-t-elle été faite par Pompeo
sur des tons non pas diplomatiques mais
péremptoires. Certainement, tandis que
le Département d’état encense l’Italie
parce que “elle accueille plus de 30
mille militaires et salariés du
Pentagone dans cinq grandes bases et
plus de 50 sous-installations”, Mike
Pompeo a-t-il demandé, dans les
rencontres réservées, de pouvoir
installer en Italie d’autres bases
militaires (peut-être en échange de
quelque allègement des taxes USA sur le
parmesan italien).
Certainement, dans l’agenda secret de
Pompeo, entrait aussi la mise au point
de la prochaine arrivée en Italie des
nouvelles bombes nucléaires étasuniennes
B61-12, qui remplaceront les actuelles
B-61.
Une
nouvelle arme nucléaire projetée en
particulier pour les
chasseurs-bombardiers F-35A, dont six,
appartenant à l’Aéronautique italienne,
ont reçu en octobre l’attestation OTAN
de totale capacité opérationnelle.
Mike
Pompeo à Rome ne s’est pas occupé
seulement de choses matérielles, comme
le F-35 et le parmesan. Dans un
symposium au Vatican il a tenu le 1er
octobre une oraison sur “Dignité Humaine
et Foi dans les Sociétés Libres” : il a
affirmé que “les États-Unis sont arrivés
un peu après Saint Pierre, mais ont
depuis toujours protégé la liberté
religieuse” et, avec elle, la “dignité
humaine” ; il a accusé Chine, Cuba, Iran
et Syrie de réprimer ces libertés.
Paroles prononcées, sur fond de grande
croix, par un saint homme qui, au moment
de devenir chef de la Cia, déclarait au
Congrès qu’il allait considérer “la
réintroduction du waterboarding
(simulacre de noyade, supplice par
l’eau) et d’autres mesures
d’interrogatoire poussé”, c’est-à-dire
de la torture.
Édition de
mardi 8 octobre 2019 de il manifesto
https://ilmanifesto.it/nellagenda-segreta-di-pompeo-a-roma-cerano-gli-f-35/
Traduit de
l’italien par M-A P.
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