L'art de la guerre
Pourquoi l’Italie déploie
ses chasseurs bombardiers
en Lituanie
Manlio Dinucci
Manlio
Dinucci. DR
Mardi 1er septembre 2020
On estime que le trafic aérien
civil en Europe chutera cette année de
60% par rapport à 2019, à cause des
restrictions pour le Covid-19, mettant
en péril plus de 7 millions d’emplois.
En compensation le trafic aérien
militaire s’accroit. Vendredi 28 août,
six bombardiers stratégiques B-52 de
l’US Air Force ont survolé en une seule
journée tous les 30 pays de l’OTAN en
Amérique du Nord et Europe, flanqués
dans les divers segments par 80
chasseurs bombardiers des pays alliés.
Cette grande manoeuvre appelée “Ciel
Allié” -a déclaré le secrétaire général
de l’OTAN Jens Stoltenberg- prouve ”le
puissant engagement des États-Unis
envers les Alliés et confirme que nous
sommes en mesure de décourager
agression”.
Évidente l’allusion à
l’”agression russe” en Europe. Les B-52,
transférés le 22 août de la base
aérienne Minot au Nord Dakota à celle de
Fairford en Grande-Bretagne, ne sont pas
de vieux avions de la Guerre froide
utilisés désormais seulement pour les
parades. Continuellement mis à jour, ils
ont conservé leur rôle de bombardiers
stratégiques à longue portée. Ils sont
maintenant ultérieurement potentialisés.
L’US Air Force, avec une dépense de 20
milliards de dollars, dotera sous peu 76
B-52 de nouveaux moteurs, qui
permettront aux bombardiers de voler
pendant 8.000 Km sans approvisionnement
en vol, en transportant chacun 35 tonnes
de bombes et missiles à tête
conventionnelle ou nucléaire.
L’US Air Force, en avril dernier, a confié à la société Raytheon Co. la
construction d’un nouveau missile de
croisière à longue portée, armé de tête
nucléaire, pour les bombardiers B-52.
Avec ces bombardiers et d’autres, tous
stratégiques d’attaque nucléaire, y
compris les B-52 Spirit, l’US Air Force
a effectué sur l’Europe depuis 2018 plus
de 200 sorties, surtout sur la Baltique
et la Mer Noire au bord de l’espace
aérien russe. À ces exercices
participent les pays européens de
l’OTAN, en particulier l’Italie.
Quand le 28 août un
B-52 a survolé notre pays, il avait à
ses côtés des chasseurs italiens pour
simuler une mission conjointe d’attaque.
Immédiatement après des chasseurs
bombardiers Eurofighter Typhoon de
l’Aéronautique italienne sont partis
pour se ranger dans la base de Siauliai
en Lituanie, accompagnés d’une centaine
de militaires spécialisés. À partir du 1er
septembre ils y resteront pendant 8
mois, jusqu’en avril 2021, pour
“défendre “ l’espace aérien de la
Baltique. C’est la quatrième mission
OTAN de “police aérienne” effectuée dans
la Baltique par notre Aéronautique. Les
chasseurs italiens sont prêts 24 heures
sur 24 au
scramble, décollement sur
alarme pour intercepter des avions
“inconnus”, qui sont toujours des avions
russes volant entre quelque aéroport
intérieur et l’enclave russe de
Kaliningrad à travers l’espace aérien
international sur la Baltique.
La base lituanienne
de Siauliai, où ils sont basés, a été
potentialisée par les États-Unis, qui en
ont triplé la capacité en y investissant
24 millions d’euros. La raison en est
claire : la base aérienne est distante
d’à peine 220 Km de Kaliningrad et de
600 de Saint Petersburg, distance qu’un
chasseur comme l’Eurofighter Typhoon
parcourt en quelques minutes.
Pourquoi l’OTAN
déploie-t-elle au bord de la Russie ces
avions à double capacité conventionnelle
et nucléaire ? Certainement pas pour
défendre les pays baltes d’une attaque
russe qui, si elle advenait,
signifierait le début de la guerre
mondiale thermonucléaire.
La même chose
arriverait si les avions OTAN
attaquaient depuis la Baltique les
villes russes limitrophes. La véritable
raison de ce déploiement est d’accroître
la tension, en fabriquant l’image d’un
dangereux ennemi, la Russie, se
préparant à attaquer l’Europe.
C’est la stratégie de la tension mise en oeuvre par Washington, avec la
complicité des gouvernements et des
parlements européens et de l’Union
européenne même. Cette stratégie
comporte une augmentation croissante de
la dépense militaire au détriment de la
dépense sociale.
Exemple : le coût
d’une heure de vol d’un chasseur
Eurofighter a été calculé, par
l’Aéronautique même, à 66.000 euros
(amortissement de l’avion compris).
Somme, en argent public, supérieure à
deux salaires moyens annuels bruts.
Chaque fois qu’un Eurofighter décolle
pour “défendre” l’espace aérien de la
Baltique, il brûle en une heure, en
Italie, deux emplois.
Édition de mardi 1er
septembre 2020 d’il
manifesto
https://ilmanifesto.it/perche-litalia-schiera-i-suoi-caccia-in-lituania/
Traduit de l’italien par M-A P.
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