LUC MICHEL’S
GEOPOLITICAL DAILY
Syrie : la bataille pour Afrin. Le
basculement de la Turquie contre Damas
et face à la Russie
Luc Michel
Mercredi 24 janvier 2018
LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE/
Luc MICHEL pour EODE/
Quotidien géopolitique – Geopolitical
Daily/
2018 01 22/
« « Il existe des groupes terroristes
qui nous prennent pour cible depuis les
territoires irakien et syrien. Il relève
donc de notre droit de se défendre en
lançant des opérations militaires en
plein sol d’Irak et de Syrie d’autant
plus que les régions où l’armée turque
mène ses opérations militaires
appartenaient jadis à l’Empire ottoman »
- Erdogan (le 10 novembre 2017 ».
Alors que le
gouvernement syrien a mis en garde la
Turquie contre le lancement d'une
opération militaire dans la province
syrienne d'Afrin, affirmant être «prêt à
détruire les avions turcs», la Turquie a
commencé à envoyer les "rebelles armés"
dans le nord de la Syrie. La bataillke
d’Afrin commence. « Ankara est plutôt
soucieuse de cette avancée de l’armée
syrienne et la question de la menace
kurde n’est qu’un prétexte », dit un
expert syrien.
La Russie, qui voit le « processus
d’Astana » se lézarder, s'est dite «
préoccupée » par cette annonce et a
appelé à la retenue ». Le ministère des
Affaires étrangères a tenu à rappeler
que « la Russie restera fidèle à sa
position concernant la recherche des
issues [au conflit] en Syrie, qui se
base sur le maintien de l'intégrité
territoriale et le respect de la
souveraineté de ce pays » …
Au cœur du conflit
en Syrie, de cette guerre commencée en
2011, qui se termine, et va déjà vers
une seconde guerre, la position
opportuniste et ambigüe d'Erdogan,
partagé entre son projet géopolitique
néo-ottoman (qui suppose l'alliance
américaine et la défaite de Damas) et
les exigences stratégiques immédiates du
"containment" des kurdes.
* Lire aussi :
LUC MICHEL EN DEBAT SUR LE WEBSITE ‘LES
7 DU QUEBEC’ :
‘SYRIE, D’UNE GUERRE À L’AUTRE
L’AGRESSION NE CESSE PAS!’ …
sur
http://www.lucmichel.net/2018/01/15/lucmichel-net-luc-michel-en-debat-sur-le-website-les-7-du-quebec-syrie-dune-guerre-a-lautre-lagression-ne-cesse-pas/
I-
CE QUE CHERCHE ET
RISQUE LA TURQUIE A AFRIN ?
Pour Heitham
Hassoun, expert militaire syrien et
général de brigade à la retraite syrien,
« la stratégie des États-Unis et de la
Turquie en Syrie a changé et les deux
pays sont arrivés à la même conclusion:
le groupe terroriste Daech ne peut
désormais plus rien faire pour eux,
c’est pourquoi ils cherchent chacun à
avoir une présence militaire directe en
Syrie ». « Quant à la Turquie, dit
l’intéressé, ce n’est pas les forces
démocratiques kurdes (FDS) qui posent
problème, car ces forces étaient déjà
présentes sur le terrain depuis le début
de la guerre en Syrie ».
Cet expert averti
nous rappelle que « la Turquie avait
même des coopérations avec certains
membres de FDS, engagés dans le Bouclier
de l’Euphrate, mais aujourd’hui Ankara
se soucie d’autres choses ».
« La Turquie est
confrontée actuellement à trois défis
récemment déclenchés », note l’analyste
militaire :
1- Tout d’abord, «
ce sont les opérations militaires des
forces syriennes dans la province
d’Idlib visant à mettre fin à toute
présence terroriste et militaire dans la
région et plus précisément les forces du
« Bouclier de l’Euphrate » qui sont en
réalité le bras militaire de l’armée
turque dans cette zone, qui ont inquiété
Ankara. « Les Turcs savent bien que
l’armée syrienne arrivera bientôt dans
la région d’Afrin, dans le nord-ouest de
la Syrie et le sort qui attend ces
forces armées à la solde d’Ankara est
bien claire. C’est pourquoi la Turquie
est plutôt soucieuse de cette avancée de
l’armée syrienne et la question de la
menace kurde n’est qu’un prétexte ».
2- Pour l’analyste
militaire syrien, « l'autre chose qui
préoccupe aujourd’hui les Turcs, c’est
perdre l’initiative dans les évolutions
syriennes ».
3- À cela
s’ajoutent d’autres préoccupations liées
aux futures négociations pour la paix
syrienne à Sotchi, auxquelles sont
invitées plus de 33 organisations et
près de 1.700 personnalités politiques.
« Le voisin turc sait bien qu’avec
l’avancement vers un règlement politique
en Syrie, il va perdre l’initiative dans
ces évolutions et que son rôle et son
influence dans les négociations seront
affaiblis, ce qui est aussi le cas pour
les États-Unis qui se sont récemment
activés en Syrie au moment où Daech
s’est effondré sur le terrain ». « Ce
n’est donc pas étonnant si Ankara
cherche à suspendre ou saper les
pourparlers pour la paix en Syrie »,
précise le spécialiste militaire syrien.
Autre problème
auquel se heurte Ankara, c’est, selon
l’expert, « la présence militaire russe
dans la région d’Afrin, une présence qui
neutralise tout plan turc visant à
pénétrer dans le territoire syrien, car
tout accès des militaires turcs dans
cette zone signifie l’affrontement avec
les forces russes ». « La Turquie
cherche aujourd’hui, répète-t-il, à
adopter la même stratégie en Syrie que
celle des Etats-Unis ». « On sait bien
que pour assurer leurs intérêts, les
États-Unis ont créé les forces
démocratiques syriennes (FDS) dans le
nord-est de la Syrie. Les mêmes
ambitions chez les Turcs avec leurs
forces du bouclier de l’Euphrate et les
tentatives de rester dans la province
frontalière d’Idlib au nord-est de la
Syrie », conclut-il enfin.
LA TURQUIE DEPLOIE
SES MERCENAIRES « REBELLES SYRIENS » A
AFRIN
Les premières
images diffusées par la chaîne
d’information britannique ‘Sky News’
montrent que l’armée turque a lancé dans
la nuit de vendredi à samedi des
attaques à l’artillerie contre la ville
syrienne d'Afrin. Selon le ministre turc
de la Défense, Nurettin Canikli, les
batteries d’artillerie turques ont
commencé à pilonner des positions des
éléments kurdes du YPG (Unités de
protection du peuple) à Afrin.
Il a prétendu « que la Turquie
poursuit ses coordinations avec la
Russie pour cette opération ».
Selon les sources
turques, les éléments armés d’Ankara
sont partis depuis Hatay pour se diriger
vers Afrin. Des sources d’information
syriennes ont annoncé que « les
terroristes formés par les services
secrets turcs (en turc MİT) sont arrivés
aux frontières communes entre la Turquie
et la Syrie pour affronter les YPG ». «
Des bus à bord desquels se trouvaient
des centaines de terroristes, des
dizaines de chars, de véhicules blindés,
des mortiers et des batteries
d’artillerie ont été dépêchés sur les
frontières turco-syriennes pour occuper
Afrin », selon les sources syriennes.
Selon la chaîne
arabophone iranienne ‘Al-Alam’, ce qui
se produit à Afrin « est lié aux
victoires de l’armée syrienne et ses
alliés sur le champ de bataille ».
« L’opération militaire a commencé,
depuis quelques jours, dans la banlieue
sud d’Idlib et elle se poursuivra », a
expliqué le reporter d'Al-Alam, avant
d’indiquer que « L’armée syrienne
appuyée par ses alliés a sécurisé
plusieurs districts et collines dans la
périphérie des provinces de Hama, Idlib
et Alep. »
L’armée syrienne a
progressé dans la périphérie du sud-est
d’Alep et libéré le village d’Um Sanabil
et ses hauteurs stratégiques. Les
effectifs de l’armée syrienne ont
également coupé les lignes
d’approvisionnement des groupes
terroristes dans la banlieue du nord-est
de Hama et ils sont arrivés à 6
kilomètres de l’aéroport militaire d’Abu
al-Duhur.
LE PRETEXTE DES YPG
KURDES
Après deux jours de
bombardements, la Turquie a donc lancé
une opération militaire terrestre dans
le nord de la Syrie, a annoncé samedi le
président Erdogan. Les chasseurs F-15
turcs ont visé des abris et des caches
utilisés par les miliciens kurdes des
Unités de protection du peuple (YPG), le
Parti kurde de l’Union démocratique
(PYD) et le Parti des travailleurs du
Kurdistan (PKK).
Les forces armées
opposées au gouvernement syrien les
soi-disant « rebelles » de l’ASL) ont
rejoint l’armée turque pour participer à
l’intervention militaire d’Ankara dans
le nord de la Syrie. Les opposants
syriens, soutenus par la Turquie, ont
pris part à l’opération d’Afrin. Des
sources locales dans le Rif
septentrional d’Alep ont rapporté, ce
samedi 20 janvier, « qu’environ 400
éléments de l’opération « Bouclier de
l’Euphrate » étaient entrés vendredi en
Turquie pour assister l’armée turque
dans son intervention terrestre à Afrin
».
Dans ce droit fil,
la chaîne qatarie ‘Al-Jazeera’ vient
d’annoncer que « la Turquie a convoqué
les ambassadeurs iranien et russe pour
des consultations sur l’opération turque
à Afrin ». Selon ce rapport,
simultanément au lancement de
l’opération militaire d’Ankara contre
les miliciens kurdes dans le nord de la
Syrie, la Turquie aurait « informé ses
alliés iranien et russe. La diplomatie
turque affirme avoir informé Damas de
son opération à Afrin ».
II-
WASHINGTON LACHE
LES KURDES A AFRIN:p>
La coalition
américaine a annoncé, ce mardi 16
janvier, que la ville syrienne d’Afrin,
contrôlée par les Kurdes de Syrie, « ne
faisait pas partie du champ d’action des
Américains ».
Autrement dit, et comme nous
l’annoncions dans une précédente
analyse, Washington va sacrifier ses «
alliés » kurdes à l’alliance
fondamentale stratégique avec la Turquie
!
ERDOGAN EN LIAISON
AVEC TILLERSON
Par ailleurs, les
ministres turc et américain des Affaires
étrangères se sont entretenus au
téléphone, après le lancement de
l’opération turque à Afrin. Le chef de
la diplomatie turque Mevlüt Çavusoglu et
son homologue américain Rex Tillerson
ont passé en revue les dernières
évolutions dans la région, simultanément
au début des attaques terrestres et
aériennes de la Turquie à Afrin.
Pour rappel, Ankara
est toujours un membre important de
l’OTAN et abrite ses forces …
« AFRIN NE FAIT PAS
PARTIE DE NOTRE CHAMP D’ACTION »
(COALITION US)
Selon l’agence de
presse iranienne ‘Fars’, « en réponse à
la question sur le soutien éventuel de
la coalition américaine aux éléments
kurdes des Unités de protection du
peuple, YPG, à Afrin, en cas
d’intervention de l’armée turque », le
porte-parole de la coalition US, le
colonel Ryan Dillon, a déclaré : « Afrin
ne fait pas partie de notre champ
d’action. Nous continuons à soutenir nos
alliés (sic) dans le but de conquérir
les poches de Daech, le long de la
vallée du Moyen-Euphrate, et surtout
dans le nord d’Abou Kamal ainsi que dans
l’est de l’Euphrate.. Lui qui assistera
les 17 et 18 janvier à la réunion du
comité militaire de l’OTAN à Bruxelles a
encore déclaré que « l’examen de la
situation militaire aux frontières
syro-turques serait à l’ordre du jour ».
Auparavant, le chef
d’état-major de l’armée turque Hulusi
Akar qui se trouve à Bruxelles pour la
réunion des chefs de la défense des pays
membres de l’OTAN, avait déjà averti que
son pays » ne permettrait pas que les
éléments des YPG en Syrie soient armés
», car « ils sont liés au groupe
terroriste du PKK ».
Ce dimanche 14
janvier, les États-Unis ont annoncé
avoir l’intention de former une nouvelle
armée kurde, composée de 30.000 éléments
au nord-est de la Syrie. Plus tôt dans
la journée, le président turc, Recep
Tayyip Erdogan, a indiqué, lors de la
réunion du groupe parlementaire de son
Parti pour la Justice et le
Développement (AKP), que son pays «
détruira prochainement les repaires des
terroristes en Syrie, commençant par les
villes d’Afrin et de Manbij, dans le Rif
du nord de la province d’Idlib ».
Erdogan avait prévenu « d’une opération
imminente ciblant Afrin », après que la
coalition US a annoncé qu’elle
coopérerait avec «les Forces
démocratiques syriennes (FDS)», pour
former une nouvelle force frontalière
dans le nord de la Syrie formée de
30.000 hommes.
II-
LE GOUVERNEMENT
SYRIEN CONTRE L’INTERVENTION TURQUE EN
SYRIE
« Nous avons
informé toutes les parties de ce que
nous faisons. Nous informons même le
régime syrien par écrit », a déclaré le
ministre turc des Affaires étrangères,
Mevlut Cavusoglu. « La Syrie nie
complètement les allégations du régime
turc selon lesquelles il l'a informée de
cette opération militaire », a rétorqué
le ministère syrien des Affaires
étrangères !
DAMAS A ANKARA : «
LES CHASSEURS TURCS A AFRIN SERONT PRIS
POUR CIBLE »
Le journal ‘Al-Binaa’
a écrit que « l’avertissement adressé
par la Syrie à la Turquie va faire
disparaître des jeux politiques
étrangers la controverse sur la prise de
contrôle de la Syrie et dire à tous que
la souveraineté syrienne n’est pas
négociable ». Selon l’article d’Al-Binaa,
la Syrie a mis en garde « contre toute
atteinte à son intégrité territoriale,
sa souveraineté et son espace aérien » :
les avions de chasse turcs attaquant la
ville d’Afrin sous prétexte de lutter
contre les séparatistes kurdes « seront
visés par les systèmes de défense
aérienne syriens ».
Le journal ‘Al-Binaa’
a écrit dans cet article, rédigé par
Nasser Qandil, que « l’absence de
réaction des médias turcs aux
déclarations de Fayçal Meqdad, le
vice-ministre syrien des Affaires
étrangères, n’enlève rien à l’importance
et à la justesse des propos de ce
dernier ». Meqdad a annoncé que «
l’armée syrienne était déterminée à
attaquer les chasseurs turcs qui se
lanceraient dans une attaque de la ville
d’Afrin sous prétexte de lutter contre
les séparatistes kurdes ».
Mais ce discours a
suffi pour que des membres des services
secrets turcs se rendent à Moscou pour
rencontrer leurs homologues russes. Les
Turcs savent bien qu’il faut prendre au
sérieux les déclarations des
responsables syriens. « Les Turcs savent
aussi que si les discours des
responsables syriens et ceux des
responsables russes n’ont pas été
coordonnés à l’avance, les relations
existant entre la Syrie et la Russie ne
permettront jamais à la Turquie de
pouvoir s’interposer entre ces deux
alliés ».
Il n’est pas non
plus dans l’intérêt de Moscou de fermer
les yeux sur les demandes syriennes, «
car cela affaiblirait la légitimité de
leur présence en Syrie ». La Syrie,
elle, sait bien que « certains essaient
de mettre ses alliés dans une position
délicate ».
Les Turcs ont à
maintes reprises tenté de faire la
sourde oreille à la demande de Damas et
de ses alliés, qui exigeaient un retrait
de leurs troupes du sol syrien. « Et là,
une fois de plus, les Turcs agissent par
orgueil. La Syrie est responsable devant
son peuple de protéger son territoire et
sa souveraineté. Elle veut dire par là
aussi à ses alliés qu’il y a des choses
à régler tout de suite et pas une fois
que ce sera trop tard. En effet, si
jamais les chasseurs turcs entrent à
Afrin, ce sera non seulement au
détriment de la Syrie, mais également
des forces russes ».
(Sources : SANA –
Fars – CNN - EODE Think-Tank)
LUC MICHEL (ЛЮК
МИШЕЛЬ) & EODE
* Avec le
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