Opinion
La Russie et l’Islam, partie 4 :
l' « Islam » en tant que menace
Le Saqr
Mercredi 13 novembre 2013
Le premier point sur lequel je voudrais
attirer votre attention est que dans le
titre La Russie et l’Islam, partie 4
: l’ « Islam » en tant que menace,
j’ai mis le mot « Islam » entre
guillemets. Ceci est très important, car
la plupart des questions dont je vais
parler aujourd’hui ne sont en aucune
façon liées directement à l’Islam.
Cependant, dans l’esprit de beaucoup
de Russes, ces questions sont de
fait liées à l’Islam et il est donc
impossible d’analyser le sujet de « la
Russie et l’Islam » sans regarder de
très près les liens que tissent de
nombreux Russes entre certains problèmes
(qui n’ont pas de rapport direct avec
l’Islam) et l’Islam lui-même.
L’emploi de certains termes peut prêter
à confusion dans ce contexte. Prenez le
mot « Musulman », que signifie-t-il
vraiment ? En Bosnie, le mot
« Musulman » était en réalité utilisé
pour désigner tout « Bosnien
non-orthodoxe et non-catholique »
puisque à la fois les Croates et les
Serbes étaient souvent originaires de
Bosnie et que les Bosniens-Croates, les
Bosniens-Serbes et les
Bosniens-Musulmans proviennent tous
exactement du même groupe ethnique
(c’est pourquoi il est absolument faux
de parler de « purification ethnique »
dans le contexte bosnien). Plus tard, le
terme inepte de « Bosniaque » a été
forgé, par opposition au terme
« Bosnien », parce qu’employer le terme
de « Musulman » ou de « Bosnien »
n’avait tout simplement aucun sens.
Malgré tout, par le décret de quelques
politiciens, ce que l’on avait
l’habitude de désigner comme
« Musulman » est devenu « Bosniaque » du
jour au lendemain.
De même, en Irlande, les « troubles »
opposaient soi-disant les Catholiques
aux Protestants, mais est-ce que
l’IRA ou les
Volontaires d’Ulster se souciaient
vraiment de la Papauté ou de
Martin Luther ? Ces appellations
jouaient-elles vraiment un rôle
pertinent dans ce conflit ?
Ce n’est pas du tout un problème
nouveau. Dans le passé, l’Empire russe
et l’Empire ottoman assimilaient les
groupes religieux aux minorités
ethniques, et c’est pourquoi les
Karaïtes en Russie n’étaient pas
considérés comme des Juifs tandis que le
Patriarche Orthodoxe de Constantinople
était désigné par les Ottomans comme « Millet-Bâchi »
ou « ethnarque ».
Dans la France d’aujourd’hui, il y a un
« problème » avec l’immigration
musulmane et ses conséquences dans les
banlieues de beaucoup de villes
françaises. Mais en observant ces
immigrants (la plupart algériens) de
plus près, on peut légitimement se
demander à quel degré ceci est un
problème « Islamique ». Cette confusion
entre les termes « Islam » (en tant que
foi, religion) et « Musulman » (terme
employé à la fois en tant que
signe d’affiliation religieuse et,
souvent, ethnique) est aussi fréquente
dans la Russie d’aujourd’hui qu’en
France. En gardant tous ces
avertissements à l’esprit, considérons
les différents problèmes qui amènent
beaucoup de Russes à considérer l’
« Islam » (entre guillemets) comme une
menace.
a) Immigration et criminalité
Depuis la dissolution de l’ancienne
Union soviétique, il y a eu un flot
d’immigration continu venant des
anciennes républiques soviétiques
(Azerbaïdjan, Tadjikistan, etc.) vers
les grandes villes russes. En parallèle
à cela, un grand nombre d’immigrants
provenant du Caucase (Tchétchènes,
Daghestanais, etc.) émigrèrent également
vers les régions centrales de la Russie.
La combinaison de ces deux flux
migratoires a abouti à une vaste
augmentation du nombre des immigrés dans
toutes les grandes villes de Russie.
Comme c’est si souvent le cas, tandis
que certains de ces immigrés venaient
pour trouver du travail, il y avait
assez d’éléments criminels parmi eux
pour que les questions de l’immigration
et du crime se retrouvent fortement
liées entre elles. Typiquement, ces
immigrants du sud étaient composés d’un
mélange de quatre groupes
a) Des travailleurs respectueux de la
loi et travaillant dur, souvent
impitoyablement exploités et traités
comme des quasi-esclaves par leurs
employeurs locaux.
b) Des jeunes hommes arrogants et très
peu instruits qui, bien que n’étant pas
nécessairement des criminels, agissent
de manière très provocatrice et
agressive.
c) Les petits voyous qui combinent un
travail officiel avec des petites
activités criminelles.
d) Les criminels endurcis qui sont
profondément impliqués dans la drogue,
la prostitution, les casinos illégaux,
etc.
Voyous Tchétchènes types
Le premier groupe est plus grand que le
deuxième qui, à son tour, est plus grand
que le troisième, tandis que le
quatrième groupe est le plus petit de
tous. Et pourtant, cette combinaison
explosive entraîne en Russie exactement
le même effet qu’en France : elle
associe crime et immigration dans
l’esprit de beaucoup de gens, sinon la
plupart.
De plus, puisque la plupart de ces
immigrés viennent de pays historiquement
musulmans et puisque beaucoup d’entre
eux se considèrent musulmans, beaucoup
de Russes ont leur première interaction
(ou l’interaction la plus fréquente)
avec ces musulmans présumés dans une
situation criminelle. Quant au fait que
dans la majorité des cas, ces « voyous
musulmans » ne connaissent absolument
rien à l’Islam, cela n’est pas du tout
mis en évidence, en particulier d’un
point de vue russe.
L’auteur et philosophe français Alain
Soral, qui est très activement engagé
dans des efforts de réconciliation et
d’unification de tous les citoyens
français contre le Nouvel Ordre mondial,
chrétiens et musulmans inclus, parle
d’« Islamo-racaille » pour désigner de
jeunes voyous gueulards, portant des
vêtements typiques de « gangsta-rap »,
avec des casquettes New York City, et
qui parlent d’Allah et de Kouffars
(mécréants) en se baladant dans des
voitures de sport – souvent défoncés ou
saouls – à la recherche de quelqu’un à
voler, violer ou agresser. Comme Soral
le souligne, ces gens ne sont pas du
tout le type de personnes que vous
verriez sortir d’une mosquée, et le même
phénomène se produit en Russie.
Cependant, il est indéniable que
beaucoup de Russes font toujours
l’association entre « Islam » et
criminalité.
b) Wahhabisme – interne
Les guerres en Tchétchénie et le
terrorisme Islamique dans le
Daghestan et beaucoup d’autres
parties de la Russie ont eu un impact
énorme sur l’opinion publique russe. Les
deux guerres en Tchétchénie, en
particulier, ont entraîné une aversion
profonde pour les insurgés Tchétchènes
et tous autres groupes terroristes
islamiques qui pourraient être décrits
comme « Wahhabites ». Initialement, le
tsunami de propagande venant des médias
occidentaux combiné à celui des médias
libéraux russes laissèrent les gens
confus sur ce qui se passait vraiment,
mais bientôt les événements horribles
sur le terrain devinrent impossibles à
occulter : les insurgés Tchétchènes
joignaient le pire du pire de
l’extrémisme wahhabite avec le pire de
la brutalité tchétchène. Des milliers de
personnes étaient sommairement exécutés,
des femmes
violées, des soldats russes et
même des civils étaient torturés à mort,
crucifiés, écorchés vifs, violés et
décapités. Des otages étaient enlevés
dans toute la Russie du sud et un marché
d’esclaves avait lieu chaque jour dans
le centre-ville de Grozny. Et toutes ces
horreurs étaient commises par des hommes
barbus, brandissant des drapeaux verts
et noirs brodés de sourates du Coran, et
aux cris constants d’Allahu Akbar
(Dieu est le plus Grand). Et puisque
les insurgés Tchétchènes aimaient
utiliser leurs téléphones portables pour
filmer leurs atrocités, un flot constant
de vidéos à glacer le sang était diffusé
sur la télévision russe et sur internet.
En 2000, l’opinion publique russe était
favorable à une répression impitoyable
contre tous les terroristes islamiques
et quiconque les soutenant.
Pour empirer les choses, l’insurrection
tchétchène avait le soutien de la grande
majorité du monde musulman qui, tout
comme en Bosnie et au Kosovo, se
rangeait automatiquement du côté des
musulmans, quoi qu’il arrive (j’appelle
ça la position « Ma Oumma, à tort ou à
raison »). Ce soutien automatique au
côté musulman, même quand il est en
grande partie composé de terroristes
wahhabites et de criminels, a gravement
entaché l’image de l’Islam en Russie et
a donné un grand poids au paradigme du
« choc des civilisations » que
l’Occident et ses partisans en Russie
voulaient imposer à l’opinion publique
russe. (En réalité, la Russie a dû
faire face à exactement la même
internationale terroriste Wahhabite que
la Syrie aujourd'hui, et à l'époque, il
y avait la même proportion de
Tchétchènes anti-Wahhabites que de
Syriens anti-Wahhabites aujourd'hui.)
Si sous Eltsine l’Etat russe se révéla
complètement incapable de prendre la
moindre mesure pour faire face à cette
situation, sous Poutine, les choses
changèrent très rapidement comme le
montra la
Seconde Guerre de Tchétchénie qui a
littéralement écrasé l’insurrection. Par
la suite, les efforts combinés d’un
appareil de sécurité russe complètement
réorganisé, et l’arrivée au pouvoir d’Akhmad
et, plus tard, de
Ramzan Kadyrov ont complètement
changé la situation. Grozny fut
reconstruite en un temps record et la
Tchétchénie devint l’une des républiques
les plus sûres de tout le Caucase (au
détriment du Daghestan où la situation
empira). Le coût en vies humaines et en
souffrance fut absolument affreux, à la
fois pour les Russes (presque tous ceux
qui ont survécu quittèrent la
Tchétchénie) et pour les Tchétchènes qui
périrent en très grand nombre. La
cicatrice principale laissée par cette
guerre est que la Russie est devenue une
société de tolérance zéro vis-à-vis de
toute forme de Wahhabisme et que le
peuple russe a entièrement validé ce que
j’appelle la « doctrine Poutine » de
négociation avec les Wahhabites :
« changez vos mœurs ou préparez-vous à
être annihilés ». Ceci, à propos,
s’applique à la fois aux individus et
aux groupes ethniques : contre un ennemi
wahhabite, le peuple russe soutiendra
les méthodes de guerre les plus
radicales possibles, ce dont beaucoup de
communautés musulmanes sont très
conscientes (je reviendrai sur ce
point).
Forces d’intervention Spetsnaz GRU
avec un prisonnier Arabe
En Tchétchénie même, Ramzan Kadyrov a
institué une politique anti-wahhabite
encore plus sévère que dans le reste de
la Russie. Pendant la Seconde Guerre de
Tchétchénie, des mercenaires étrangers
et des prédicateurs étaient interrogés
puis sommairement exécutés par les
forces russes et tchétchènes, et depuis
ce conflit, les prédicateurs saoudiens,
yéménites ou pakistanais se voient tout
simplement interdire l’accès en
Tchétchénie.
Contrairement aux prédictions de la
plupart des « experts », le Kremlin a
fait face avec succès à la situation en
Tchétchénie, mais l’une des conséquences
inévitables de ce succès a été que
beaucoup d’extrémistes wahhabites de
Tchétchénie ont reflué vers le Daghestan
voisin et même dans le reste de la
Russie. Et ce deuxième problème est loin
d’être résolu. Tandis que les Etats-Unis
et le Royaume-Uni ont maintenant adouci
leur rhétorique pro-tchétchène, les
Saoudiens propagent toujours l’Islam
wahhabite en Russie, bien que d’une
façon plus discrète.
D’abord, ils forment des prédicateurs en
Arabie Saoudite et les renvoient en
Russie. Ensuite, ces prédicateurs
forment de petites communautés, souvent
à l’intérieur des mosquées, où les
fidèles sont recrutés pour des activités
sociales et religieuses. Pendant cette
phase, les candidats à la prochaine
étape sont soigneusement étudiés,
examinés et sélectionnés pour la phase
suivante : l’établissement de caches
d’armes, de planques, de terrains
d’entraînement et d’autres choses de ce
genre. Finalement, les nouvelles recrues
sont utilisées pour attaquer des
commissariats de police, des banques,
assassiner des religieux
traditionnalistes (anti-wahhabites) et
confronter les gangs mafieux. Les
services de sécurité russes ont observé
ce type de séquence au Daghestan, au
Kazan ou à
Stavropol (des régions avec
d’importantes minorités musulmanes),
mais aussi à Saint-Pétersbourg, une
ville avec une population musulmane très
faible et très traditionaliste. Jusqu’à
présent, les services de sécurité ont
toujours eu un coup d’avance mais ceci
est loin d’être terminé et ce genre
d’efforts de pénétration peut durer très
longtemps.
Un des aspects cruciaux de cette
dynamique est la réaction des leaders
spirituels musulmans locaux et
traditionalistes. D’abord, comme je l’ai
mentionné précédemment, aucun musulman
russe ne veut avoir une « Seconde Guerre
de Tchétchénie » dans sa propre ville ou
région, parce qu’ils n’ont absolument
aucun doute sur le résultat d’une telle
guerre. Deuxièmement, les leaders
spirituels musulmans traditionalistes
sont eux-mêmes les premières victimes
des infiltrés wahhabites qui commencent
souvent leur phase d’opérations
« active » en assassinant les imams
locaux. Troisièmement, les musulmans en
Russie sont souvent très rapidement
désillusionnés vis-à-vis de la version
saoudienne de l’Islam qui déclare comme
« non-islamiques » un certain nombre de
coutumes et traditions qui sont au cœur
de l’identité culturelle de beaucoup de
groupes musulmans en Russie.
Quatrièmement, malgré tous les voyous du
Caucase qui se comportent de manière
obscène et vulgaire en Russie centrale,
le fait est que les communautés
musulmanes dont ils proviennent sont
souvent très conservatrices et paisibles
et que la vieille génération condamne
clairement ces types de comportements
qui, à leur avis, sont une honte pour
leur peuple. Cinquièmement, on ne
devrait pas sous-estimer l’héritage de
la période soviétique qui a promu à la
fois la laïcité et le modernisme,
laissant un impact profond sur les
élites locales. Ces élites sont à la
fois outragées et horrifiées quand des
prédicateurs wahhabites leur disent
qu’ils doivent complètement abandonner
leur mode de vie et commencer à vivre
selon des préceptes médiévaux.
Finalement, il y a une tension inhérente
entre toute forme de nationalisme et le
style saoudien wahhabite importé en
Russie. Cette tension est un des
éléments clés qui ont retourné le clan
Kadyrov contre les divers chefs
militaires wahhabites en Tchétchénie,
qui étaient considérés par les leaders
tchétchènes plus nationalistes comme des
étrangers arrogants, ennemis des
traditions tchétchènes ancestrales. Pour
toutes ces raisons, il y a une forte
opposition de la part des communautés
musulmanes locales et des leaders
musulmans contre le type d’Islam
wahhabite que les Saoudiens essayent
d’exporter en Russie.
c) Wahhabisme – externe
Le Wahhabisme est non seulement une
menace interne pour la Russie, mais
c’est aussi une menace extérieure
majeure. Selon des analystes russes,
l’administration Obama a conçu un
ensemble de politiques impérialistes
fondamentalement nouvelles qui sont
maintenant mises en œuvre. Pendant l’ère
Bush, les Etats-Unis ont exercé un
contrôle direct sur le Moyen-Orient et
l’Afrique, surtout au moyen
d’interventions militaires. Cette
approche « directe » est la manière dont
le lobby juif et les Néoconservateurs
ont cru que les Etats-Unis devaient
maintenir leur empire mondial. Obama
représente un type très différent
d’électeurs (le vieil argent
« Anglo-saxon ») qui s’oppose avec
véhémence aux Néoconservateurs et qui
consentira à soutenir verbalement les
inconditionnels d’Israël, mais qui, en
réalité, place les intérêts stratégiques
américains loin devant toutes priorités
sionistes. Dans les faits, cela signifie
que l’administration Obama retirera
autant de troupes américaines que
possible et abandonnera le contrôle
direct de régions contestées, et qu’elle
assurera sa domination sur un pays ou
une région au moyen du chaos. C’est
une politique de contrôle impérial
indirect.
Après tout, pourquoi envahir et occuper
un pays, perdant ainsi du sang et de
l’argent américains, quand on peut
utiliser des intermédiaires pour créer
une situation de chaos absolu à
l’intérieur de ce pays ? Dans le
meilleur des cas, le chaos mène à un
« changement de régime » de style
libyen, et dans le pire des cas, à une
guerre civile comme celle qui se déroule
en Syrie. Mais dans les deux cas, les
chefs d’État indésirables comme Kadhafi
ou Assad ont « perdu leurs crocs » (sont
rendus inoffensifs) et leurs pays ont
été écartés de toute éventuelle alliance
anti-américaine. Quant aux « braves
types » du jour (comme
Abdallah en Jordanie ou
Hamad au Bahreïn), ils sont protégés
du chaos environnant à des coûts très
limités.
Selon des analystes russes, le
Wahhabisme et Al-Qaeda sont les
fantassins de cette nouvelle politique
impériale américaine. Les Etats-Unis
les « injectent » simplement dans toute
société qu’ils veulent subvertir et
ensuite ils restent en retrait avec rien
d’autre à faire que d’envoyer des forces
spéciales en soutien ici ou là, selon
les besoins du moment. Dans cette
situation, l’agent de la CIA est le
marionnettiste et le Wahhabite forcené
est la marionnette, qu’il en soit
conscient ou pas.
La grande crainte des analystes russes
est que cette stratégie américaine soit
utilisée pour renverser Assad et qu’elle
soit ensuite utilisée contre l’Iran. Il
est vrai que la Syrie compte une large
majorité sunnite, tandis que l’Iran est
principalement chiite, et les wahhabites
haïssent le chiisme de manière
viscérale. Cependant, l’Iran possède de
petites minorités kurdes, turkmènes et
baloutches (sunnites) qui, associées
avec les « révolutionnaires Gucci »
pro-occidentaux des classes supérieures,
pourraient faire peser un risque réel
pour le régime. Et sinon, il y a
toujours la possibilité de déclencher
une guerre entre l’Iran et un pays
sunnite. La plupart des analystes russes
estiment que l’Iran est assez fort pour
résister à de telles tentatives de
déstabilisation, mais ils restent très
attentifs à la situation parce qu’ils
considèrent que si l’Iran devait sombrer
dans une forme de chaos orchestré par
les États-Unis, cela affecterait
directement les régions du sud de la
Russie.
Certains analystes voient aussi cette
stratégie américaine dite « indirecte »
ou de « contrôle par le chaos » comme
une situation « gagnant-gagnant » pour
les Etats-Unis même si leurs
intermédiaires wahhabites sont vaincus.
Ils posent une question simple : que se
passerait-il si Assad remporte
définitivement la guerre en Syrie ?
Où les Wahhabites iront-t-ils ensuite ?
Retourneront-ils au Mali, qu’ils ont
quitté temporairement pour éviter de
combattre les Français ? Ou en Algérie,
pour y fomenter une guerre civile ? Ou
peut-être au Kosovo ou même dans le sud
de la France ? Et si ces wahhabites
décidaient de « sonder le terrain » au
Kazakhstan ?
Ce type de préoccupations amène quelques
spécialistes de sécurité russes à voir
un aspect positif à la guerre en Syrie.
En termes simples, Assad tue beaucoup
d’éléments d’Al-Qaïda, et chaque forcené
wahhabite tué en Syrie est un candidat
de moins à la guerre sainte dans une
autre partie du monde.
Nous pouvons maintenant clairement
saisir le raisonnement derrière la
politique russe de ne pas menacer de
bloquer les lignes de ravitaillement de
l’OTAN traversant la Russie,
indépendamment des déclarations et
actions malveillantes et hostiles
provenant du camp américain : les Russes
veulent que les Américains restent en
Afghanistan aussi longtemps que possible
pour donner le temps à la Russie et à
ses alliés tel que le Tadjikistan de se
préparer à un retour du régime taliban à
Kaboul. En attendant, la Russie renforce
sa puissante Base Militaire Russe 201
(ancienne
Division Motor-Rifle 201) au
Tadjikistan et apporte une assistance
technique aux gardes-frontières tadjiks.
Commandements militaires régionaux de
Russie
Dans le cadre des réformes récentes des
Forces armées de la Fédération de Russie,
toute l’armée russe a été réorganisée en
quatre Commandements Stratégiques,
chacun capable de mener indépendamment
une guerre défensive régionale en
prenant directement le contrôle de
presque toutes les forces militaires et
les ressources de sa zone. Il est
intéressant de noter que tandis que le
centre de commande stratégique du Sud
est le plus petit de tous en superficie,
c’est de loin le plus prêt au combat.
S’il y a quelque chose que la
guerre de Géorgie du 08.08.08 a
clairement démontré, c’est la vitesse
éclair à laquelle la
58ème armée et la
Flotte de la Mer Noire étaient
prêtes à entrer en guerre (et ceci
malgré le fait que le Kremlin ait mis un
certain temps pour finalement réagir).
Il est tout à fait clair qu’après les
succès russes en Tchétchénie et en
Géorgie, Moscou ne baisse pas sa garde,
et restera prête à
s’engager dans un large spectre
d’opérations militaires s’étendant de
heurts locaux à une guerre régionale
totale.
d) L’Islam à travers le prisme du
« choc des civilisations »
Cet aspect de la « menace Islamique »
diffère fondamentalement de tous les
autres puisqu’il est basé sur une thèse
qui n’est jamais vraiment mise à
l’épreuve, mais seulement proclamée : à
savoir qu’il y aurait un « choc
des civilisations » entre,
schématiquement, « l’Europe chrétienne »
d’un côté et l’Islam « Oriental » ou
« Arabe » de l’autre. Peu importe que
l’Europe ait perdu presque tout signe de
Chrétienté depuis bien des années, peu
importe si l’Islam n’est ni
principalement « Oriental », ni
principalement « Arabe », peu importe le
fait que l’Islam inclue des
civilisations très différentes (du Maroc
à l’Indonésie) et peu importe qu’aucune
« civilisation » musulmane ou Islamique
n’ait attaqué l’Occident depuis très
longtemps. Et soit dit en passant, les
partisans de cette théorie mettraient un
pays théocratique et raciste comme
Israël dans le camp « Occidental »,
sinon « Chrétien et Européen », en
ignorant le rôle clé joué par la Turquie
musulmane dans l’OTAN. En d’autres
termes, cette vision est 100 %
idéologique, les faits n’y comptent pas.
Et pourtant, il y a un certain nombre de
groupes en Russie qui sont heureux de
promouvoir cette vision du monde :
a) Les communistes. Dans la vieille et
mauvaise mentalité soviétique, l’Islam
est, comme toute autre religion, un
ennemi idéologique. Si
Ziouganov et sa bande ne parlent pas
d’ « opium du peuple », c’est parce
qu’ils ont peur de contrarier leurs
membres chrétiens orthodoxes, d’autant
plus que de nos jours, être
« orthodoxe » vous donne une légitimité
patriotique. Mais être musulman vous
donne exactement une légitimité *zéro*
auprès des communistes. Ils seraient
plutôt enclins à voir l’Islam et les
musulmans comme des agents à la solde
d’intérêts étrangers.
b) Les sionistes : contrairement à la
croyance populaire, il y a encore
beaucoup de sionistes en Russie, y
compris dans les médias, et ils ne
manquent jamais l’occasion d’attiser les
flammes de l’islamophobie. Un de leurs
tours préférés est de toujours et
délibérément amalgamer toutes les formes
d’Islam avec les actes de n’importe quel
« musulman », qu’il soit religieux ou
pas, et de tirer la conclusion que
« l’Islam est notre ennemi moral
commun ». Pour ces gens, la Russie et
Israël sont des alliés naturels contre
l’adversaire islamique commun, et même
l’Iran ne mérite aucune confiance.
Inutile de dire que les israéliens
s’efforcent par tous les moyens de
courtiser ces cercles et de promouvoir
l’image
suivante : « vous avez eu les
Tchétchènes, nous avons les
Palestiniens ».
c) Les néonazis russes : Ce n’est qu’un
tout petit groupe, mais qui se
manifestent avec force. Ce sont les
fameux skinheads russes qui estiment
défendre la Race Blanche lorsqu’ils
tabassent un Tadjik dans le métro.
Certains d’entre eux prétendent être
Orthodoxes, quoiqu’une majorité aime
chercher leurs racines dans une distante
« Russie païenne » peuplée de guerriers
blancs aux yeux bleus. Ces groupes
existent surtout sur Internet, mais ils
se réunissent parfois dans des lieux
isolés pour « s’entrainer » pour le
« conflit à venir ».
Récemment un groupe de patriotes Russes
véritables s’est réuni et a commencé à
enquêter discrètement sur ces groupes.
Il s’est avéré que les plus virulents et
racistes d’entre eux possédaient tous
une adresse IP aux Etats-Unis, au Canada
et en Israël. Les services de sécurité
russes soupçonnent fortement que ces
groupes reçoivent le soutien des
services secrets américains et d’autres
services Occidentaux pour susciter des
tensions ethniques en Russie. Sans
surprise, depuis que Poutine est arrivé
au pouvoir, la plupart des leaders de
ces groupes ont atterri en prison, ou se
cachent à l’étranger.
d) Les Catholiques Romains et les
Orthodoxes Œcuménistes : ces deux
groupes partagent une croyance commune :
quelles que soient les différences
« mineures » qu’ils ont « pu » avoir
dans le passé, la Russie Orthodoxe
appartient à l’Occident chrétien, ne
serait-ce que parce qu’ils sont tous
deux « menacés » par un « ennemi
commun ». Ces gens évitent soigneusement
de mentionner le fait indéniable que la
Russie a toujours choisi l’Asie plutôt
que l’Europe et
l’Islam plutôt que la Papauté, ne
serait-ce qu’à cause de toutes les
guerres de conquête menées par
l’Occident contre la Russie. Ce groupe
n’a aucune emprise sur le peuple, mais
il a des partisans au sein des cercles
pro-américains dans les grandes villes.
Individuellement, ces groupes ne sont
pas très puissants, à l’exception
notable du groupe sioniste. Et ils ne
travaillent pas officiellement ensemble.
Mais s’il n’y a aucun signe de
conspiration, il y a une collusion
objective entre ces groupes lorsqu’il
s’agit de diaboliser l’Islam dans toutes
ses formes, même les plus modérées. Cela
signifie donc qu’il y a une minorité de
la population russe qui considèrera
toujours l’Islam comme une menace,
quelle que soit la situation.
La bonne nouvelle est que ces groupes
sont contrebalancés par des forces bien
plus influentes qui voient en l’Islam un
allié naturel potentiel (voire même
réel) de la Russie. Ceci sera le sujet
du prochain article.
Le Saqr
Article original :
http://vineyardsaker.blogspot.fr/...
Traduction :
http://www.sayed7asan.blogspot.fr
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