Opinion
Déclaration de Genève :
de la fin de l'Ukraine à la fin de
l'Empire ?
Le Saqr
Photo :
D.R.
Vendredi 2 mai 2014
Article original :
http://vineyardsaker.blogspot.fr/2014/04/full-text-of-geneva-statement-of-april.html
Traduction :
http://www.sayed7asan.blogspot.fr
Le
Guardian [et
La Croix] ont publié le texte
intégral de la Déclaration de Genève du
17 avril 2014. Voilà ce que huit heures
de négociations ont produit :
« La réunion de
Genève sur la situation en Ukraine a
convenu d’étapes initiales concrètes
pour désamorcer les tensions et rétablir
la sécurité pour tous les citoyens.
Toutes les
parties doivent s’abstenir de toute
violence, intimidation ou actes de
provocation. Les participants ont
fermement condamné et rejeté toutes les
expressions d’extrémisme, de racisme et
d’intolérance religieuse, y compris
l’antisémitisme.
Tous les
groupes armés illégaux doivent être
désarmés; tous les bâtiments occupés
illégalement doivent être restitués à
leurs propriétaires légitimes; toutes
les rues, places et autres lieux publics
occupés illégalement dans les villes et
villages ukrainiens doivent être évacués.
Une amnistie
sera accordée aux manifestants et à ceux
qui ont quitté les bâtiments et autres
lieux publics et remis leurs armes aux
autorités, à l’exception des personnes
reconnues coupables de crimes capitaux.
Il a été convenu
que la mission spéciale de
surveillance de l’OSCE devrait jouer
un rôle de premier plan dans le soutien
des autorités ukrainiennes et des
collectivités locales pour la mise en
œuvre immédiate de ces mesures de
désescalade partout où elles sont le
plus requises, en commençant dès les
prochains jours. Les USA, l’Union
européenne et la Russie s’engagent à
soutenir cette mission, y compris en
fournissant des observateurs.
Le processus
constitutionnel annoncé sera inclusif,
transparent et soumis à inspection.
Il comprendra l’établissement immédiat
d’un large dialogue national, qui
s’étendra à toutes les régions de
l’Ukraine et à tous les groupes
politiques, et permettra la prise en
compte des commentaires du public et des
amendements proposés.
Les participants
ont souligné l’importance de la
stabilité économique et financière en
Ukraine et seront prêts à envisager
d’autres mesures d’assistances au fur et
à mesure que les étapes ci-dessus seront
mises en œuvre. »
C’est tout. C’est
une bonne chose qu’ils aient caractérisé
cette déclaration comme « initiale »,
car elle ne contient en réalité que de
vagues truismes bien intentionnés. Ils
auraient tout aussi bien pu avoir écrit
quelque chose du style « Donnons une
chance à la paix » ou « Nous
sommes le monde, nous sommes les
enfants, Nous sommes ceux qui rendent
les jours plus radieux » [Chanson de
Michaël Jackson, We Are the World].
Eh bien, s’il n’y a rien de substantiel
là-dedans, quelle est donc l’importance
de cette déclaration ? Pourquoi a-t-il
fallu si longtemps pour y parvenir ?
Le point capital est que l’Oncle Sam a
dû accepter la Russie en tant que
partenaire égal dans la résolution de
cette situation de chaos.
Le point capital est que Kiev a dû
accepter l’Est en tant que partenaire
égal dans la résolution de cette
situation de chaos.
Le
Secrétaire d’Etat US John Kerry examine
un projet de déclaration avec le chef de
cabinet adjoint Jon Finer, la Secrétaire
adjointe aux Affaires européennes et
eurasiennes Toria Nuland et la
porte-parole Jen Psaki, avant le début
des réunions sur l’Ukraine à Genève, en
Suisse, le 17 Avril 2014, avec des
représentants russes, ukrainiens et de
l’Union européenne - Photo: D.R.
Cela peut sembler
aller de soi pour toute personne saine
d’esprit, mais pour des impérialistes
farouches qui croient en l’illusion de
leur propre démesure et pour des bandits
néo-nazis qui pensaient qu’ils pouvaient
construire leur
Banderastan et éliminer radicalement
l’Est de l’Ukraine d’une manière ou
d’une autre, c’est une concession très
douloureuse, qu’ils vont en fait essayer
autant que possible de renier.
En outre, cette « déclaration » (ce
n’est même pas un accord) a un énorme
défaut qui se manifeste déjà de plus en
plus clairement : elle a été signée par
« l’Ukraine », comme s’il existait une
telle entité en premier lieu. Bien sûr,
c’est une fiction. Les deux plus grandes
forces qui importent vraiment sont le
Secteur Droit et les russophones de
l’Est, aucun d’entre eux n’ayant été
invité. A leur place, c’est ce régime
fictif et totalement illégitime
d’oligarques et d’agents de la CIA qui y
a apposé sa signature au nom de tous les
Ukrainiens. Le problème est que ce
régime est à peu près aussi
représentatif du peuple ukrainien que le
régime de Kerenski l’était pour la
Russie en 1917 : il ne représentait que
lui-même.
En ce qui concerne le Secteur Droit et
les russophones de l’Est, ils ne sont
pas liés par cet accord et ces derniers
l’ont déjà déclaré. Quant au Secteur
Droit, il y a un terme dans la
déclaration qui se réfère directement à
eux, le mot « places » : « toutes
les rues, places et autres lieux publics
occupés illégalement dans les villes et
villages ukrainiens doivent être évacués. »
Voilà qui ne va pas du tout leur
plaire. Bien sûr, tout ce que la junte
révolutionnaire doit faire est de
délivrer au « Maïdan » un permis de
manifestation publique, et voilà, ils
seront « légaux », sauf que le Maïdan
est une menace beaucoup plus grande pour
le régime que pour n’importe qui
d’autre. Donc une telle action pourrait
être très dangereuse.
La ligne de fond est la suivante : cette
« déclaration » est seulement une «
acceptation partielle de la réalité »
par les USA et leurs marionnettes à
Kiev, rien de plus. Ce qui les a
contraints à céder est l’échec absolu de
la soi-disant « opération
anti-terroriste » qui, loin d’écraser
l’Est, a vu plusieurs cas d’unités de
combat changer de côté, comme la 24e
brigade aéroportée, où la plupart de ces
défections ont eu lieu, et qui serait
actuellement en cours de dissolution :
ainsi, Kiev est tout simplement en train
de se débarrasser de ce qui est
probablement l’unité de combat la mieux
entraînée et la plus capable de toute
l’armée ukrainienne.
Le
Secrétaire d’Etat US John Kerry serre la
main du ministre ukrainien des Affaires
étrangères Andrey Deshchytsia avant les
pourparlers quadripartites sur l’Ukraine
à Genève, le 17 Avril 201 - Photo: D.R.
La chose la plus
importante à comprendre à ce stade est
que l’avenir de l’Ukraine ne sera pas
décidé par ce document, mais
seulement par le rapport des
forces sur le terrain. C’est la
seule chose à laquelle l’Empire Anglo-Sioniste
réponde : la force. Avec l’Empire, les
accords écrits, les traités, les
promesses et les engagements ne valent
pas le papier sur lequel ils sont
écrits, et les Russes le savent mieux
que quiconque.
Poutine a donné aux Ukrainiens un mois
pour, à tout le moins, reprendre le
règlement de leur facture d’électricité
et négocier un plan de paiement, faute
de quoi la Russie passera à une option
de prépaiement mensuel dans laquelle les Ukies n’obtiendront que l’énergie qu’ils
ont payée d’avance. L’effet de cette
mesure ne sera rien d’autre qu’une
explosion économique nucléaire, en
particulier dans le contexte de
l’élection présidentielle promise. Et
même si par un mélange de demi-mesures
(prêts, livraisons de gaz, etc.),
l’Occident réussissait à faire
fonctionner quelques lampadaires à Kiev
pendant l’été, dès Septembre, la gravité
de la pénurie sera rien moins
qu’apocalyptique.
Quant aux russophones de l’Est, personne
n’a actuellement les moyens de les
désarmer et de les écraser par la force.
Je ne vois pas comment cette situation
pourrait changer dans un avenir proche.
Ce que l’Est fera pendant l’été est tout
simplement mieux s’organiser et se
préparer à toute tentative d’écrasement
de son peuple par Kiev. Quant à la
Russie, elle a maintenant tout le temps
dont elle a besoin pour aider en
sous-main le Donbass sur les plans
financier, organisationnel et même
militaire.
Le
Secrétaire d’Etat US John Kerry parle
lors d’une conférence de presse après la
réunion de Genève - Photo: D.R.
Le temps n’est très
certainement pas du côté des USA, et au
fil des semaines, la position du régime
oligarchique actuel deviendra de plus en
plus faible, ce qui l’obligera à faire
de plus en plus de concessions.
Franchement, une bien meilleure solution
à ce stade serait d’avoir des
négociations directes entre le Secteur
Droit et les russophones. Je sais que
cela semble improbable, et ça l’est,
mais du moins ces deux partis ont-elles
très certainement du pouvoir et de la
légitimité (j’entends auprès de leur
propre peuple).
Une dernière chose : certains ont
exprimé des préoccupations au sujet de
la mission planifiée des observateurs de
l’OSCE. Il faut comprendre que tout cela
n’est qu’une feuille de vigne
s’évertuant à donner l’impression que
toutes les parties veulent désamorcer la
violence. En outre, et je vous assure
que c’est vrai, personne sur la planète
ne connaît l’OSCE mieux que les Russes,
en particulier Poutine, car ils ont vu
comment ces « observateurs » ont
« observé » la situation en Tchétchénie
! Par conséquent, si et lorsque ces
soi-disant « observateurs »
apparaîtront en Ukraine orientale, ils
pourraient tout aussi bien porter des
T-shirts estampillés « CIA », « MI6 »,
« DGSE » ou « KSI » en grosses lettres.
La ligne de fond est la suivante: cette
déclaration est d’abord et avant tout
une concession symbolique des Anglo-Sionistes
et rien d’autre. Elle n’aura absolument
aucun impact réel sur le terrain. Il ne
faut pas se laisser distraire par toutes
les bouffées d’air chaud qui émanent
actuellement des médias dominants et de
la blogosphère parce que les mots ne
sont que cela – de l’air chaud, des
flatulences politiques. Une seule chose
va décider de la future évolution de
cette crise : le rapport des forces sur
le terrain, qui indique sans ambiguïté
que « l’expérience ukrainienne » est
terminée. Ce n’est maintenant qu’une
question de temps.
Le Saqr
Bye
bye America
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