Le Saker
Comment le coronavirus a tué
l’industrie
du pétrole de schiste américain
Moon of Alabama
Lundi 13 avril 2020 Par
Moon of Alabama − Le 11 avril 2020
La réponse à la
question que nous avons
posée récemment dans l’article
OPEP ++ ou mort de l’industrie du
pétrole de schistes ? est désormais
connue. L’industrie du pétrole de
schiste va mourir. Elle reviendra
peut-être dans le futur, mais ce sera
dans plusieurs années.
La pandémie de
coronavirus a réduit la demande de
pétrole de 100 millions de barils par
jour à environ 75 Mbpj. Les prix du
pétrole sont passés de $60 le baril à
$20.
Jeudi, l’OPEP +, le
cartel des producteurs de pétrole
d’origine, plus la Russie, a
officiellement accepté de réduire la
production de 10 millions de barils par
jour. Les réductions réelles promises
auraient été
plus faibles. Mais l’accord
dépendait de l’engagement de tous les
membres de l’OPEP.
Le Mexique n’a pas
accepté sa quote part de réduction. Le
pays s’étant financièrement
couvert [engagé] pour presque toutes
ses exportations de pétrole :
Le Mexique, 12e
producteur mondial de pétrole, a couvert
une grande partie de sa production de
2020 - c'est-à-dire est convenu à
l'avance d'un prix fixe, soit environ 49
dollars le baril. Cela élimine
pratiquement toute incitation pour le
Mexique à accepter des réductions de
production cette année.
À $1,3 milliard, la
couverture était chère pour le Mexique.
Mais elle garantit que son budget pour
cette année est entièrement couvert. Le
Mexique a également réorienté une partie
de ses exportations vers ses
propres raffineries pour produire de
l’essence qu’il aurait autrement
importée.
L’OPEP
+ s’attendait également à ce que
d’autres producteurs, les États-Unis, le
Canada et le Brésil, acceptent de
réduire leur production de 5 Mb/j. Avec,
en plus, les 10 Mb/j de l’OPEP +, cela
aurait contribué à empêcher le prix du
pétrole de continuer à baisser. Hier,
une réunion des pays du G20 a eu lieu
pour discuter de la question. Aucun
d’entre eux ne s’est engagé dans des
coupes fermes ou des quotas. Le Canada a
démenti les affirmations de la
Russie selon lesquelles il réduirait de
1 Mbpj. Les États-Unis ont refusé de
diminuer au-delà de ce qui avait déjà
baissé naturellement à cause de la
baisse de la demande sur le marché. Il
n’y aura pas d’OPEP ++.
Hier, Trump a de
nouveau parlé avec Poutine. Ce dernier
lui a dit qu’il n’y aura pas d’accord
sans engagement du Mexique et des autres
producteurs américains. Trump a ensuite
promis qu’il trouverait un
arrangement avec le Mexique :
Vendredi
après-midi, Trump a suggéré que la
baisse américaine automatique [liée à
la baisse de la demande] était
également suffisante pour couvrir le
fardeau du Mexique - apparemment sans
aucune sorte de décret présidentiel, ou
de quota, décidé par Washington.
Il est douteux que
l’OPEP + accepte l’affirmation de Trump
comme étant équivalente à une réduction
officielle de la production mexicaine.
Il n’y aura donc aucun accord. Les pays
de l’OPEP prétendront s’en tenir à leurs
quotas officiels pour éviter les
pressions américaines, tout le monde
trichera et essaiera de vendre autant
que possible.
La Russie, l’Arabie
saoudite et d’autres pays du Golfe
pourraient encore réduire leur
production. Mais la raison de cela ne
sera pas l’accord de l’OPEP + de jeudi,
mais un manque de demande et de place
pour stocker le surplus de pétrole.
Cela signifie que
le prix du pétrole passera en dessous de
$20 le baril jusqu’à ce que la demande
revienne de son niveau actuel de 75 Mb/j
à plus de 90 Mb/j. Cela ne pourra se
produire que lorsque la pandémie de
coronavirus aura reflué, lorsque les
quarantaines sont terminées et que le
trafic aérien reprendra à un rythme
suffisant. Ce moment viendra
probablement dans deux ans. Mais les
effets de la dépression mondiale
provoquée par la pandémie mettront
encore plus de temps à disparaître.
Lorsque la demande reviendra enfin aux
niveaux précédents, la hausse des prix
du pétrole sera encore beaucoup retardée
car tout les stocks sont maintenant
pleins et devront être vendus avant que
la production de brut ne puisse
reprendre.
Le pétrole de
schiste américain était légèrement
rentable au-dessus de $45 le baril. Ce
prix est hors de portée pour les trois à
cinq prochaines années. C’est
beaucoup trop long pour les capacité de
financement des compagnies pétrolières
de schiste. Les banques américaines, qui
ont prêté des milliards à ces
entreprises, se préparent déjà à
saisir leurs actifs. Les banques
perdront la majeure partie des 100
milliards de dollars et plus qu’elles
ont investis dans les entreprises de
schiste.
La production
onéreuse de sables bitumineux du Canada
n’est pas non plus viable aux prix
actuels.
L’industrie du
pétrole de schiste en Amérique du Nord a
bien profité des accords précédents de
l’OPEP +, qui limitaient la production
dans les pays qui peuvent produire à des
coûts bien inférieurs. Les prix
maintenus artificiellement par le cartel
se sont effondrés et il n’y a aucun
moyen qu’ils reviennent de si tôt.
Il s’agit d’une
catastrophe pour le marché du travail
dans le secteur pétrolier américain.
D’autant plus que les pertes d’emplois
viendront s’ajouter à celles des autres
services et industries.
C’est également
catastrophique pour les pays du golfe
Persique qui dépendent des ventes de
pétrole pour financer leurs budgets.
L’Irak sera très durement touché et le
manque d’argent risque de mettre le pays
en faillite. Les « royals »
saoudiens ne pourront plus financer
l’État providence qui avait sérieusement
limité tout défi à leur pouvoir.
Les producteurs
d’énergie alternative peuvent également
devenir les victimes de la baisse des
prix du pétrole car ils ne sont plus
compétitifs. Avec des prix de l’essence
bas, les voitures électriques perdront
l’avantage d’une électricité bon marché.
Trump avait plaidé
pour un désengagement des États-Unis du
Moyen-Orient lorsque son pays
était devenu indépendant de sources
d’énergie étrangère. Avec l’industrie du
pétrole de schiste qui agonise, les
États-Unis devront à nouveau importer du
pétrole du Moyen-Orient. Bien que le
désengagement de Trump n’ait jamais été
entièrement réalisé, la nouvelle
situation pourrait le conduire à
changer de stratégie.
Moon of Alabama
Traduit par jj,
relu par Wayan pour le Saker Francophone
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