Dans son récent
article intitulé «Le chemin de
Damas : comment la guerre en Syrie a été
gagnée», Pepe Escobar a résumé le
résultat de la guerre en Syrie de la
manière suivante :
C’est une quadruple
victoire. Les États-Unis procèdent à un
retrait salvateur que Trump peut vendre
à son opinion publique comme un moyen
d'éviter un conflit avec la Turquie,
alliée de l'OTAN. La Turquie a la
garantie - de la part des Russes - que
l'armée syrienne contrôlera la frontière
turco-syrienne. La Russie empêche
l'escalade de la guerre et maintient en
vie le processus de paix
Russie-Iran-Turquie. Et la Syrie finira
par reprendre le contrôle de tout le
nord-est."
Ce résumé, par
ailleurs excellent, néglige deux des
trois membres de «l’axe du Bien»,
dont Israël et le RSA [Royaume
d’Arabie Saoudite]. Bien sûr, plus
loin dans son analyse, Pepe s’adresse à
ces acteurs et inclut également le
Koweït. En outre, une discussion
approfondie sur ce qui s’est
passé devrait aussi inclure la Chine, le
Hezbollah, le Yémen et l’UE – enfin,
ceux qui comptent, le Royaume-Uni et la
France, les autres n’étant que des
colonies aphones des États-Unis.
La plupart des
analyses de ce qui vient de se passer se
sont concentrées sur le «quoi».
Je vais essayer de comprendre le
« pourquoi » et le « comment »
de ce qui vient de se passer en
Syrie. Néanmoins, je ne propose pas de
faire une analyse aussi détaillée, mais
je souhaite reclasser les acteurs d’une
manière quelque peu différente, par leur
force relative.
Assad et ses
commandants
L’Axe du Bien
: États-Unis + CENTCOM + OTAN + Israël +
RSA
De loin l'acteur le
plus puissant presque à tous égards :
une force militaire plus grande que tous
les autres acteurs combinés - du moins
au niveau régional - une puissance
économique énorme - le dollar est
toujours LA monnaie n°1 sur la
planète - le contrôle total de région
(via CENTCOM) et un soutien quasi
inconditionnel de la part de l’Europe
(via l’OTAN). Enfin, Israël a un
puissant bras militaire. Cet acteur n'a
qu'une seule faiblesse, mais nous
en parlerons plus tard.
Iran + Hezbollah
+ Houthi + Forces chiites en Irak
Au niveau régional,
l’Iran est la superpuissance locale qui
peut même défier avec succès les forces
de l’Axe du Bien - et ce, depuis
la révolution islamique de 1979.
Russie + Syrie
J'ai placé la
Russie et la Syrie dans le même groupe
et j'aurais pu ajouter l'Iran, mais
puisque je crois que la Russie a
objectivement plus de pouvoir sur le
gouvernement syrien que l'Iran, je pense
qu'il est important de réunir la Russie
et la Syrie simplement parce que Damas
ne peut pas dire «non» à Moscou,
mais pourrait le dire, du moins en
théorie, à Téhéran. Enfin, la Russie et
l’Iran sont d’accord sur les questions
principales, mais ont des visions
différentes pour l’avenir du
Moyen-Orient. C’est donc une autre
raison de les examiner séparément, même
s’ils ne s’opposent pas nécessairement.
Sur le plan militaire, la Russie est
très forte, puis très vulnérable, puis
très forte à nouveau, tout dépend du
niveau d'analyse (voir ci-dessous).
Turquie +
factions pro-turques en Syrie
C’est difficile à
classer. D'un côté, la Turquie n'a aucun
allié régional - l'empire ottoman n'a
laissé que de la haine et un profond
ressentiment dans ses anciennes
colonies. Pendant un certain temps, les
États-Unis et le RSA ont arrosé
généreusement les factions pro-turques
d'armes, d'argent, de formation, de
soutien logistique, etc. Mais finalement
ces factions sont devenues de plus en
plus faibles jusqu'à ce qu'elles
atteignent un état d'impuissance avancé
laissant la Turquie plutôt seule - nous
examinerons également la question
ci-dessous.
Les Kurdes
Pendant un certain
temps, ils semblaient potentiellement
puissants : non seulement les Kurdes
disposaient d'un pouvoir militaire assez
important - la plupart du temps limité à
l'infanterie - mais ils bénéficiaient du
soutien de l'Axe du Bien, en
particulier d'Israël qui voit dans un
Kurdistan indépendant un excellent outil
pour affaiblir et même menacer l'Irak,
la Turquie, l'Iran et la Syrie. En
outre, les Kurdes contrôlaient de
nombreuses régions riches en pétrole et
pouvaient toujours se retirer dans les
régions montagneuses si nécessaire.
Les Takfiris
: c’est-à-dire les franchises
nombreuses, qui changent constamment de
nom de ce qu’on appelait autrefois «al-Qaïda».
En réalité, les
Takfiris devraient vraiment être classés
avec l'Axe du Bien
puisqu'ils
sont de la chair à canon pour les anglo-sionistes
depuis les années 1980, de l'Afghanistan
à la Syrie moderne. Néanmoins, nous les
considérerons comme distincts du reste
des forces de l'Axe du Bien.
Bien sûr, et comme
toute autre taxonomie, celle-ci est
nécessairement quelque peu subjective et
d’autres peuvent utiliser des critères
ou des catégories différentes. Voyons
maintenant ce que j’estime être la clé
du contrôle de toute la région, la
capacité de placer des «bottes sur le
terrain» ou l’absence d’une telle
capacité.
L’Axe du Bien :
États-Unis + CENTCOM + OTAN + Israël +
RSA
C’est la seule
grande faiblesse des membres de l’Axe
de Bien : bien qu’ils disposent
d’énormes forces armées, et même d’armes
nucléaires, ils peuvent déployer des
forces numériquement très importantes
tout en pouvant (sans doute) atteindre
la suprématie / supériorité aérienne et
navale un peu partout dans la région,
ils ne peuvent suivre aucune de ces
options avec une force terrestre
crédible. Bien que cela soit
toujours soigneusement dissimulé par
l'héritage de la propagande anglo-sioniste,
les forces terrestres américaines,
israéliennes et de la RSA ne sont
capables que d'assassiner en masse
des civils ou des forces de résistance
primitives. Mais dès que ces forces
militaires rencontrent une opposition
à peu près décente qui est disposée à se
battre sur le terrain, elles sont
vaincues - nommez-moi UNE seule victoire
significative de ces forces de l'Axe
du Bien au cours des deux dernières
décennies ou plus !
Iran + Hezbollah
+ Houthi + Forces chiites en Irak
Les Iraniens et
leurs alliés locaux - les qualifier de
«supplétives» omet complètement
la nature réelle des relations entre
l’Iran et ces forces régionales qui sont
tous capables de déployer des forces
terrestres très compétentes. En
fait, ils l’ont tous fait avec un succès
retentissant (surtout le Hezbollah). Ce
que l’Iran fournit à cette alliance
informelle, c’est la capacité
de l'augmenter avec des nouvelles armes
modernes et sophistiquées, notamment des
missiles anti-navires, des défenses
anti-aériennes, des moyens de
communication, des drones, etc. En
termes de forces terrestres, cette
alliance domine dans la région.
Russie + Syrie
La Russie et la
Syrie ont déployé des forces très
compétentes et bien équilibrées en
Syrie. Cependant, à vrai dire, je pense
que le Hezbollah + l'Iran ont
actuellement encore plus de poids
militaire, du moins en termes de forces
terrestres en Syrie. La chose à garder à
l'esprit est la suivante : si seules des
forces russes existaient en Syrie à
Tartous, Khmeimin, ainsi que diverses
unités spéciales réparties dans toute la
Syrie, la Russie serait nettement plus
faible que l'Axe du Bien. Mais si
nous supposons que les forces russes en
dehors de la Syrie pouvaient - et le
feraient probablement - défendre les
forces russes en Syrie, il faudrait
alors inverser une grande partie de
cette équation et qualifier la Russie de
plus puissante que l'Axe du Bien -
j'expliquerai plus en détail pourquoi et
comment ci-dessous.
Turquie +
factions pro-turques en Syrie
Il ne fait aucun
doute que lors du déclenchement de
l'agression internationale contre la
Syrie, la Turquie disposait d'une armée
crédible et puissante. Ensuite, quelque
chose a très mal tourné et à chaque
nouveau développement - à commencer par
la tentative de coup d'État contre
Erdogan - la Turquie ne faisait que
s'affaiblir. Le pays qui a osé abattre
un Su-24 russe s'est finalement retrouvé
dans la position humiliante de devoir
demander de l'aide russe non pas une
seule fois, mais encore et encore. La
dernière invasion turque du nord de la
Syrie a prouvé que, même si les Turcs
peuvent toujours battre les Kurdes,
c’est à peu près tout ce qu’ils peuvent
faire, et même pas très bien.
Les Kurdes
Franchement, je
n’ai jamais cru aux chances des Kurdes
de rassembler un Kurdistan indépendant.
Bien sûr, mes sympathies étaient souvent
avec les Kurdes - du moins dans leur
lutte contre la Turquie - mais j'ai
toujours su que l'idée d'imposer un État
nouveau - et très artificiel - contre la
volonté de toutes
les puissances
régionales était à la fois naïve et
auto-destructrice. La vérité est que les
États-Unis et Israël ont simplement
utilisé les Kurdes, si nécessaire,
et les ont abandonnés dès qu'il est
devenu évident qu'ils avaient perdu leur
utilité. Le meilleur pour les Kurdes
sera une autonomie régionale en Iran, en
Irak et en Syrie. Tout le reste est un
rêve dangereux.
Les Takfiris : c’est-à-dire
les franchises nombreuses, qui changent
constamment de nom de ce qu’on appelait
autrefois «al-Qaïda».
Tout comme les
Turcs, les divers Takfiris sont apparus
comme une force formidable lors du
déclenchement de l'agression contre la
Syrie. Et si la GWOT US [Grande
guerre contre la terreur] semblait
être une véritable bénédiction pour les
«bons terroristes» - c’est-à-dire
bien sûr tous les terroristes de cette
région - c’est parce que c’était la cas.
Ensuite, quelque chose a très très mal
tourné, et ils ont maintenant l’air
aussi faibles et démunis que les Kurdes.
Maintenant,
résumons cela. Voici comment la force
relative de ces acteurs régionaux a
changé depuis le début de l’agression
anglo-sioniste contre la Syrie.
L’Axe du Bien :
États-Unis + CENTCOM + OTAN + Israël +
RSA
MOINS :
passant du plus fort au plus faible de
la région
Iran + Hezbollah
+ Houthi + Forces chiites en Irak
PLUS : la
force militaire sans doute la plus
équilibrée de la région
Russie + Syrie
PLUS : dans
un processus qui ne ressemblait qu'à une
"pure chance", la Russie et la
Syrie devenaient de plus en plus fortes
chaque année.
Turquie +
factions pro-turques en Syrie
MOINS : en
contraste frappant avec la Russie, par
un processus étrange
ressemblant à un «mauvais sort»
absolu, la Turquie et ses alliés en
Syrie semblaient de plus en plus
s'affaiblir d'année en année.
Les Kurdes
MOINS : les
Kurdes ont commis l'immense erreur de
croire toutes les promesses - souvent
appelées «plan B», «plan C», «plan D»,
etc. - faites par les Anglo-sionistes.
Maintenant, tous leurs rêves sont
terminés et ils devront se contenter
d'une autonomie à l'intérieur de l'Irak
et de la Syrie.
Les Takfiris : c’est-à-dire
les franchises nombreuses, qui changent
constamment de nom de ce qu’on appelait
autrefois «al-Qaïda».
MOINS : leur
situation est presque aussi mauvaise que
celle des Kurdes. Leur seul avantage est
qu’ils ne sont pas liés à un terrain
particulier, ils peuvent essayer de se
regrouper ailleurs dans la région - ou
même dans le monde - il ne faut jamais
dire jamais, mais il me semble que cela
ne se produira pas dans un avenir
prévisible.
Il est maintenant
temps d’essayer de comprendre tout cela
et de répondre à la question de savoir
pourquoi un groupe d’acteurs
relativement puissants a eu tant de
malchance au point de devenir de plus en
plus faible, alors que les plus faibles
sont devenus de plus en plus forts.
La première chose
dont nous devons convenir est que,
indépendamment de la posture publique,
tout le monde parle et a toujours
parlé à tous les autres. Cette
«conversation» peut être officielle
et/ou publique, ou à huis clos, ou même
par le biais d’intermédiaires et, enfin,
par une version officielle du
«langage corporel» : au moyen
d’actions qui envoient un message à la
partie adverse ou aux autres parties.
Pourtant, si cela est certainement vrai,
c’est la qualité des communications
entre les différentes parties qui a fait
toute la différence. Lorsque,
disons, Netanyahou ou Trump proclament
publiquement qu’ils se moquent de tout –
y compris du droit international – et
qu’ils se réservent le droit de menacer
ou même d’attaquer qui que ce soit, à
tout moment, pour quelque raison que ce
soit, c’est un message très clair aux
Iraniens, par exemple. Mais quel est ce
message, vraiment ? Il dit plusieurs
choses : la résistance est futile parce
que nous sommes tellement plus forts que
vous, donc nous nous foutons de vous et
de vos intérêts nationaux, par
conséquent, nous ne sommes pas
intéressés à négocier avec vous – ou
avec qui que ce soit d’autre – votre
seule option est de vous soumettre.
C’est vraiment
crucial. Les États-Unis et Israël ont
proclamé leur supériorité totale sur la
planète entière et, en particulier, sur
tous les acteurs du Moyen-Orient. En
outre, leur vision du monde et leur
idéologie reposent sur ce très fort
sentiment de supériorité militaire.
Demandez à un Israélien ou à un
Américain ce que feront leurs pays si
une coalition de pouvoirs locaux
réussissait à les attaquer : ils
répondraient en disant quelque chose du
genre « nous allons simplement
détruire tous les fous stupides
enturbannés et les nègres des sables –
on les enc..le ». Cette réponse est
toujours livrée avec un ton de finalité
absolue, une certitude totale et
l’équivalent mental de «C’est comme
ça ! ».
Hélas, pour l’Axe
du Bien c’est une croyance
totalement contre-productive.
Pourquoi ?
Premièrement, le
recours rapide aux armes nucléaires est
un aveu implicite qu’il y a quelque
chose qui ne va pas avec le reste des
forces armées de l’Axe du Bien.
En outre, les véritables puissances
régionales comprennent toutes qu’il
n’est pas dans leur intérêt de donner
aux États-Unis ou à Israël un prétexte
pour utiliser des armes nucléaires.
Ainsi, bien que les Iraniens aient
certainement les moyens de frapper
Israël ou l’un des nombreux centres du
CENTCOM au Moyen-Orient, ils se sont
efforcés de maintenir leurs
contre-attaques au-dessous du seuil
dangereux à partir duquel les médias
anglo-sioniste seraient incapables de
dissimuler l’ampleur du désastre et
d’exiger l’utilisation des armes
nucléaires – et oui, les médias
israéliens et américains exigeront des
frappes nucléaires tout comme ils ont
applaudi à chaque guerre d’agression
commise par les États-Unis et Israël.
Deuxièmement,
précisément parce que les États-Unis et
Israël ne peuvent pas avoir de
véritables alliés – ils ne possèdent que
des colonies gérées par des élites
prédatrices – ils ne peuvent pas
fonctionner avec succès dans le cadre
d’une relation multilatérale avec
d’autres acteurs. Le contraste entre les
États-Unis et Israël, d’une part, et la
Russie et l’Iran, d’autre part, ne
pourrait être plus grand. La Russie et
l’Iran comprennent qu’avoir de vrais
alliés est beaucoup plus avantageux que
de disposer de marionnettes. Pourquoi ?
Parce que pour convaincre quelqu’un de
devenir votre allié, vous devez
absolument offrir à ce parti quelque
chose de concret dans le cadre d’un
compromis. Lorsque cela est fait,
l’allié le plus faible a le sentiment de
défendre ses propres intérêts et non
ceux d’un client qui pourrait ne pas
être fiable ou qui pourrait même vous
poignarder dans le dos.
Troisièmement, le
professeur William Zartman, l’un des
meilleurs experts américains en matière
de théorie des négociations, a écrit
dans son livre fondateur The
Practical Negotiator :
L’un des paradoxes
éternels des négociations est qu’elles
permettent aux faibles de faire face aux
puissants et de s’en sortir avec quelque
chose qui ne devrait pas être possible
si la faiblesse et la force étaient tout
ce qui importait (…). Les parties les
plus faibles ont tendance à rechercher
des instances de négociation plus
formelles et à se renforcer par le biais
d'organisations (…). Les États faibles
peuvent se permettre plus facilement un
comportement erratique ou irresponsable
que des partis puissants, en particulier
lorsque les comportements de régularité
et de responsabilité favorisent les
forts (…). Les États faibles font mieux
en récompensant les concessions des
États plus forts plutôt qu'en
«persistant» et en commençant
haut pour indiquer leurs besoins et
faciliter les récompenses (…). Les
tactiques de ténacité et de douceur
varient selon la force des parties : en
cas de symétrie, la ténacité tend à
conduire à la ténacité et inversement
l'asymétrie à la douceur, les parties
les plus faibles suivant le chef des
parties les plus fortes.
Il y a beaucoup à
cogiter ici, et il y a beaucoup plus
dans ce livre que je recommande
fortement à tout le monde !
Premièrement,
comparons et contrastons les approches
de la Russie et des États-Unis en
matière de création de forums de
négociation. Les États-Unis ont concocté
le forum des «Amis de la Syrie»,
qui a été le plus remarquable sous deux
aspects uniques. Premièrement, malgré le
fait de s’appeler «Amis de la Syrie»,
ce groupe ne contenait que les noms des
ennemis de la Syrie, de l’Iran et de la
Russie – comme « Amis de la Libye »
était une corne d’abondance de pays
hostiles à la Libye. Deuxièmement, le
but évident et la fonction de ce groupe,
même pas vraiment niée, était de
contourner le Conseil de sécurité des
Nations Unies. Il n’y a rien de nouveau
ici. Les États-Unis essaient de
remplacer l’ONU et son rôle dans le
respect du droit international par
toutes sortes de gadgets, dont la
«coalition des volontaires» ou des
appels à un «ordre international
fondé sur des règles [les leurs !]».
Il va sans dire que, à l’exception
peut-être de quelques propagandistes
vraiment louches, toutes ces astuces
sont conçues pour éviter les forums
internationaux déjà existants, à
commencer par les Nations Unies. La
Russie, en revanche, a non seulement
utilisé l’ONU pour toute ses capacités –
même avouées limitées – et a réussi à
forcer les États-Unis à accepter des
résolutions sur la Syrie, ou l’Ukraine
d’ailleurs, auxquelles les États-Unis ne
souhaitaient pas adhérer, mais non
plus opposer leur veto pour des
considérations politiques. De plus, la
Russie a également créé le processus de
paix d’Astana qui, contrairement aux
fantasmes américains, a réuni
différentes parties, y compris des
parties hostiles les unes aux autres. La
démarche la plus brillante des Russes a
été d’imposer à toutes les parties la
notion que «ceux qui veulent négocier
sont des parties légitimes dont les
intérêts doivent être pris en compte,
tandis que ceux qui refusent de
s’asseoir sont tous des terroristes».
Bien sûr, les nombreuses franchises
d’Al-Qaïda ont essayé de jouer au
«jeu du caméléon», mais cela n’a pas
aidé : vous pouvez changer de nom toutes
les 24 heures si vous le souhaitez, mais
si vous ne vous asseyez pas à la table
des négociations, vous êtes un
terroriste et, par conséquent, la cible
légitime des attaques russes /
iraniennes / syriennes. Une fois que
l’empire a dû accepter ces conditions,
appuyées par une résolution du Conseil
de sécurité, il s’est enfermé dans un
processus qu’il ne pouvait arrêter que
par le biais d’une victoire militaire.
Et nous revenons
ici à la question des bottes sur le
terrain. Malgré toute sa puissance
militaire combinée, l’Axe du Bien
ne dispose pas d’une force terrestre qui
puisse être déployée. Considérant que
les Syriens, le Hezbollah, l’Iran et la
Russie ont très nettement et
efficacement – même de manière
informelle – accepté la répartition
suivante des tâches :
Les Syriens
laisseront les Russes réorganiser
leurs forces armées, en particulier
quelques unités d’élite, et
libéreront lentement et
progressivement leurs terres.
Les Iraniens
et le Hezbollah agiront comme une
brigade de pompiers et soutiendront
directement les opérations syriennes
avec leurs propres forces dans des
secteurs cruciaux de la ligne de
contact.
Les Russes
prendront le contrôle de l’espace
aérien et fourniront aux Syriens, à
l’Iran et au Hezbollah une
protection contre les missiles et
les bombardements anglo-sionistes.
Enfin, les forces d’opérations
spéciales russes participeront à des
opérations hautement prioritaires
dépassant les capacités de l’Iran ou
du Hezbollah.
Quel a été le plus
gros obstacle aux projets
syro-iraniens-Hezbollah-Russes ?
La Turquie, bien
sûr. Les Turcs ont toujours détesté les
Assad , père et fils, et leurs délires
néo-ottomans leur donnent encore,
dirons-nous, un «désir spécial»
d’intervenir au-delà de leurs propres
frontières. En outre, la Turquie a
également beaucoup perçu la Syrie comme
un facteur contribuant à son
«problème kurde». Enfin, la Turquie
avait le genre d’armée qui lui
permettait de menacer d’une
intervention, voire d’intervenir en Irak
et en Syrie – évidemment pas contre
l’Iran. La Russie devait donc sortir la
Turquie de l’équation ou, du moins,
l’affaiblir autant que possible. Et
c’est exactement ce que la Russie a
fait.
Pour le Kremlin,
abattre son Su-24 équivalait à une
déclaration de guerre. Sauf que les
Russes, tout à fait conscients de leur
faiblesse relative par rapport aux
États-Unis + OTAN + CENTCOM + Turquie,
ont sagement décidé de ne pas exercer de
représailles légitimes ni, par exemple,
de frapper des installations militaires
turques. Mais Poutine a promis « que
vous ne vous en tirerez pas avec la
vente de tomates » – la Russie a
imposé un embargo sur un certain nombre
de produits d’exportation turcs. Outre
un certain nombre de sanctions
politiques et économiques, vous pouvez
être certains que les Russes ont décidé
d’utiliser toutes leurs méthodes et tous
leurs moyens pour affaiblir et
déstabiliser Erdogan personnellement et
la Turquie dans son ensemble. Ensuite,
voici ce qui s’est passé :
Le 24 novembre
2015, la Turquie a abattu un Su-24
russe
Dans les jours
qui ont suivi, la Russie a fermé
l’espace aérien nord-syrien, rompu
tout contact avec l’armée turque,
promis d’abattre tout autre avion
turc attaquant une cible syrienne –
quel que soit l’espace aérien – et
d’imposer des sanctions politiques
et économiques
En Décembre,
Poutine a déclaré sinistrement
«si quelqu’un pense qu’en commettant
un crime de guerre odieux, il s’en
tirera avec un embargo sur les
tomates ou des restrictions dans le
secteur de la construction et dans
d’autres secteurs, il se trompe
lourdement».
En juin 2016,
Erdogan a envoyé une lettre au
président russe Vladimir Poutine
pour exprimer sa sympathie et ses
«sincères condoléances».
Le 15 juillet
2016, un coup d’État a été tenté
contre Erdogan et lui a presque
coûté la vie. De toute évidence, la
Russie a joué un rôle en coulisses
et a sauvé la vie et le pouvoir
d’Erdogan.
Après le coup
d’État manqué, la Turquie s’est
engagée dans un réalignement majeur
et a jeté son dévolu sur la Russie
et l’Iran, même si cela impliquait
d’accepter Assad au pouvoir en
Syrie.
Ce que la Russie a
fait exactement dans les coulisses – les
versions vont de l’avertissement à
Erdogan à l’utilisation des forces
spéciales russes pour l’évacuer in
extremis – restera probablement
secret pendant de nombreuses années,
mais cela n’a pas d’importance non plus.
Tout ce que nous savons, c’est qu’après
le coup d’État, Erdogan a fait un virage
à 180 degrés et a complètement changé sa
mélodie. Ma conviction personnelle est
que les Russes ont utilisé leurs moyens
secrets pour convaincre les États-Unis
et ses fantoches gulénistes de la CIA
d’essayer de renverser Erdogan pour
ensuite faire échec à leur tentative de
coup d’État. Je trouve que les deux
autres options principales – les
États-Unis sont incroyablement stupides
et incompétents et la Russie est un pays
incroyablement chanceux – sont beaucoup
plus difficiles à croire. Mais même si
nous acceptions ces options, ou une
combinaison de celles-ci, la Russie
jouait encore superbement ses cartes –
en utilisant, par exemple, le prétexte
que la Turquie abattait le Su-24 pour
renforcer fortement les capacités de
défense aérienne en Syrie – et supprimer
la Turquie, «acteur hostile puissant»,
de l’équation russe du Moyen-Orient.
Après cela, il ne
restait plus qu’une sorte
« d’opération de nettoyage politique et
militaire ».
La Russie a tenté à
plusieurs reprises de faire comprendre
aux Kurdes que leur stratégie de lutte
contre tous leurs voisins était un pari
perdant qui allait inévitablement se
retourner contre eux. Hélas pour le
peuple kurde, leurs dirigeants étaient
soit trop délirants, soit trop corrompus
pour le comprendre. Pendant ce temps,
Erdogan et le reste de l’establishment
politique turc étaient catégoriques : la
Turquie ne permettrait en aucun cas aux
Kurdes syriens – ou irakiens – d’établir
leur propre État.
Aparté
Je suis vraiment
triste pour les Kurdes, mais je dois
aussi dire qu'ils se sont vraiment fait
du tort à eux-mêmes. Cela devrait être
systématiquement étudié, mais il semble
y avoir deux sortes de petites nations :
celles qui sont assez intelligentes pour
jouer un grand voisin contre l'autre,
tout en collaborant avec les deux -
disons le Kazakhstan ou la Mongolie -
puis il y a celles qui n’ont aucun sens
de l'histoire et qui finissent par
répéter les mêmes erreurs encore et
encore, comme, par exemple, les Polonais
ou les Kurdes. Ces nations ont toujours
un sentiment exagéré d'estime de soi qui
les conduit à se comporter comme si
elles étaient les plus caïds du quartier
et chaque fois qu'elles réussissent,
elles s’aliènent tous leurs véritables
voisins. Apparemment, quel que soit le
nombre de fois où ces peuples ont été
corrigés par d’autres dans l’histoire,
leur auto-grossissement narcissique et,
franchement, leur arrogance, les ont
fait envahir, puis envahir à nouveau, et
enfin envahir. On peut dire qu'ils sont
nés perdants ou qu'ils ont "omis de
tirer les leçons de l'histoire”
C'est pareil, vraiment.
Pour le Kremlin, la
solution était évidente : utiliser les
Turcs pour forcer les Kurdes à accepter
l’inévitable, mais ne pas les laisser
établir une force d’invasion permanente
dans le nord de la Syrie.
Certes, les Russes
ont exprimé leur désapprobation plutôt
molle à l’égard de l’opération turque et
ils ont appelé tout le monde à revenir à
la table des négociations. C’est un
exemple assez rare où la rhétorique
russe ne correspondait pas à ses actes,
car en réalité, l’opération turque
aurait été absolument impossible si les
Russes n’avaient pas donné à Ankara
un feu vert préalable non officiel, mais
très fiable. En outre, selon au moins un
rapport – que je trouve assez
crédible – les forces aérospatiales
russes ont même envoyé une paire de
Su-35S pour engager une paire turque de
F-16 qui, dès qu’elles ont vu ce qui
allait se passer, ont décidé de
faire demi-tour pour sauver leur peau.
Cependant, dans d’autres cas, nous
savons que les F-16 ont été utilisés
contre des cibles kurdes. Il est assez
clair que les Russes ont non seulement
dit à Erdogan ce qui était acceptable et
ce qui ne l’était pas, ils ont également
« peaufiné » l’opération turque
pour forcer les Kurdes à négocier sans
permettre aux Turcs d’établir une sorte
de présence significative dans le nord
de la Syrie.
Ce qui s’est passé
ensuite était un effet domino. Les
Kurdes ont essayé de se battre du mieux
qu’ils pouvaient, mais tout le monde
s’est rendu compte qu’ils étaient
condamnés. Les Américains, de manière
très prévisible, et très logiquement
selon moi, ont également mis leur cul à
l’abri. Trump a effectivement utilisé
cela, mais comme prétexte, pour sortir
de Syrie – du moins officiellement – non
seulement pour protéger la vie
des soldats américains, mais également
pour se sortir des sables mouvants que
la Syrie est devenue pour l‘Axe du
Bien.
Mais, last but
not least, les Israéliens étaient
absolument livides, et pour cause : il
ne fait aucun doute qu’ils sont les plus
grands perdants de tout ce processus et
se retrouvent maintenant dans la
situation de dépendre d’une prétendue
superpuissance qui ne peut rien livrer
de sérieux – sauf des tonnes de dollars
dépensés par les Israéliens pour
beaucoup de matériel inutile. Les
récents événements survenus dans la
région ont non seulement montré que les
forces terrestres américaines étaient
manifestement nulles, mais ils ont
également montré que les garanties
américaines ne valaient rien, alors que
les systèmes d’armement américains
étaient considérablement surestimés.
Nous arrivons ici à
ce que je crois être le développement le
plus important de ce conflit : tous
les nombreux plans israéliens pour
la région se sont effondrés les uns
après les autres. Le plus
pathétique c’est que tous les voyages
que Netanyahou a faits en Russie pour
tenter de convaincre les Russes de
prendre Israël au sérieux ont échoué.
Pourquoi ? Parce que les Russes ont
compris depuis longtemps qu’Israël est
un tigre en papier avec un
«rugissement» impressionnant grâce à
la caisse de résonance de l’immense
machine de propagande sioniste
internationale connue sous le nom de
«médias libres occidentaux»,
destinés aux enfants et aux personnes
simplettes, mais qui est incapable de
faire suivre son rugissement de quelque
chose de plus tangible. Oui, je sais,
plus ça va mal pour les Israéliens, plus
leur propagande se vante : après avoir
annoncé que «l’armée invincible»
avait mené «des centaines» de
frappes en Syrie et en Irak, ils ont
maintenant l’idée d’une «liste
d’assassinats» qui comprend Hassan
Nasrallah. Bon passons … Quant à leurs
« centaines » de frappes
aériennes, elles doivent être la
campagne aérienne la plus inepte et la
plus mal exécutée depuis l’échec total
de la campagne aérienne de l’OTAN,
contre la Serbie, au Kosovo. Posez-vous
cette question de base :
Si les
Israéliens ont mené «des centaines»
de frappes aériennes en Syrie, pourquoi
n’ont-elles pas eu d’effets tangibles
sur la situation militaire sur le
terrain ?
Après tout, lorsque
les Russes sont intervenus, ils ont
changé le cours de la guerre. En fait,
le très petit effectif aérospatial russe
en Syrie a inversé le cours de cette
guerre.
Pourquoi la
campagne aérienne russe a-t-elle donné
des résultats aussi phénoménaux alors
que la campagne aérienne israélienne n’a
absolument rien donné, à l’exception
d’une psychothérapie de groupe bien
nécessaire pour les nombreux sionistes
qui souffrent de ce que le journaliste
Gilad Atzmon a brillamment qualifié de
«trouble de stress pré-traumatique» ?
La réponse est
simple : l’une était une véritable
campagne militaire, tandis que l’autre
était simplement une « bonne
opération » de relations publiques.
Un très bon exemple
de la thèse de Zartman – évoquée plus
haut – selon laquelle «les États
faibles peuvent se permettre un
comportement erratique ou irresponsable
plus facilement que des partis
puissants, en particulier lorsque, à
l’inverse, les comportements de
régularité et de responsabilité
favorisent les forts» peut se
constater dans la position relative
avec, d’un côté, l’Iran, le Hezbollah et
les Houthis et, de l’autre, les
États-Unis et Israël. Non pas que l’Iran
ou ses alliés aient agi de manière
irresponsable, ils ne l’ont pas fait,
mais lorsqu’ils ont réagi, c’était
toujours avec un double message : nous
ne voulons pas de guerre, mais nous
sommes prêts à la faire. Mais lorsque
les États-Unis se lancent dans des
menaces plutôt grossières – il suffit de
penser à toutes les menaces idiotes que
Trump a faites pendant son mandat, y
compris les plus récentes pour faire la
guerre à la Turquie si nécessaire, ce
n’est pas une blague, vérifiez
ici – ces menaces, jamais
concrétisées, finissent toujours par
affaiblir davantage les États-Unis.
C’est une véritable bénédiction pour la
Russie, l’Iran, le Hezbollah et les
Syriens que leurs ennemis soient non
seulement si ineptes, mais aussi si
doués pour se bloquer eux-mêmes dans un
coin du ring. À la fin, les États-Unis
ont quand même réussi à perdre la face,
même si on ne vous en a jamais parlé.
Qu’est ce que je veux dire par là ?
Il suffit de
regarder ce qui vient de se passer :
Trump a envoyé à Erdogan une lettre si
crue et grossière – il a l’air d’un
enfant de 10 ans – qui était si
insultante pour Erdogan qu’il ne l’a pas
seulement jetée à la poubelle, mais il
s’est également assuré que ses
collaborateurs « divulgueront »
aux médias la destination qu’Erdogan a
donnée aux menaces et aux insultes
ridicules de Trump. La Turquie a
également lancé une invasion à grande
échelle et a clairement défié les
États-Unis de faire quelque chose à ce
sujet. À ce stade, les deux autres
«génies» de la Maison-Blanche,
Pompeo et le VP Pence, ont dû se
précipiter à Ankara pour une mission
désespérée de «contrôle des dégâts»,
implorer un rendez-vous, puis prier les
Turcs d’accepter un cessez-le-feu tout à
fait symbolique qui donnait juste le
temps aux Kurdes d’accepter toutes les
conditions syriennes et de laisser
l’armée syrienne prendre le contrôle de
vastes étendues de terre sans tirer un
seul coup de feu. Maintenant, voici la
beauté de tout cela :
Pompeo et Pence
ont demandé à Erdogan d’accepter
exactement le type de résultat équilibré
préconisé par les Russes depuis le
début ! Je suis stupéfait que les
médias Démocrates n’aient pas accusé
Pompeo et Pence d’être des agents
russes, car ce qu’ils ont juste
« exigé » et « obtenu » de la
Turquie est exactement ce que voulait
Poutine.
Bien sûr, tout cela
était enveloppé de toutes sortes de
menaces et de promesses d’annihiler tel
ou tel pays – y compris la Turquie, un
État membre de l’OTAN qui pourrait, en
théorie, invoquer l’Art 5 et demander à
l’OTAN de la défendre contre les
États-Unis ! Cela ne se produira pas car
cela marquerait la fin de l’OTAN – et
tout le reste des aboiements
obligatoires que nous entendons toujours
des États-Unis lorsque la «meilleure
armée de toute l’histoire de l’humanité»
ne réussit rien du tout, même si Trump
affirme sérieusement que les États-Unis
– et non la Russie – ont vaincu les
Takfiris, que l’Occident a fédérés avec
tant de tendresse et guidés pendant des
décennies. Oui, Trump a bien agi en
déclarant qu’il voulait que les forces
américaines quittent la Syrie, mais ne
soyons pas naïfs à ce sujet non plus :
il n’a pas ordonné cela parce qu’il est
un très bon humaniste, mais parce que si
les Turcs, les Kurdes, les Syriens ou
qui que ce soit d’autre avaient porté un
rude coup aux forces américaines dans la
région, cela aurait entraîné une guerre
plus importante qui aurait certainement
coûté à Trump sa réélection.
Ce qui nous amène
au groupe de travail russe en Syrie.
Comme je l’ai dit, il est fort, puis
faible et puis fort à nouveau. Tout
dépend de vos hypothèses.
Si nous ne
regardons que la force opérationnelle
russe à Khmeinim et à Tartous, nous
voyons qu’elle est protégée par des
systèmes d’armes russes de pointe,
notamment des S-400, des Su-34, des
Su-35S, des stations de guerre
électronique, des stations de gestion de
combat, etc. C’est plus que suffisant
pour repousser un missile assez puissant
et / ou une frappe de bombardement. Dans
ce cas, nous pouvons penser à la force
opérationnelle russe en Syrie comme très
puissante et capable de gérer de
nombreux types d’attaques.
Au niveau suivant,
cependant, il devient évident que la
plus grande faiblesse de la force
opérationnelle russe en Syrie a été,
depuis le premier jour, sa très petite
taille. Indépendamment de leur
sophistication, les défenses
antiaériennes russes peuvent être
submergées par une attaque déterminée
par n’importe quelle combinaison de
forces de l‘Axe du Bien, tout
simplement parce qu’en fin de compte,
les défenses antiaériennes sont toujours
soumises aux règles de l’arithmétique.
Même dans le meilleur des cas, un
missile de défense aérienne russe ne
peut engager qu’un seul missile ou avion
attaquant. Pour qu’une attaque
réussisse, il suffit aux forces de l‘Axe
du Bien de calculer le nombre de
missiles que possèdent les Russes, puis
de tirer environ 1,5 fois ce nombre de
Tomahawks – un peu dépassés – et, une
fois que les Russes auront épuisé leurs
stocks anti-missiles, enchaîner avec une
deuxième vague de missiles, cette fois
plus modernes et plus difficiles à
cibler. À ce stade, les Russes devraient
répondre avec uniquement leur
artillerie antiaérienne et leurs
capacités de guerre électronique.
Inévitablement, il arrivera un moment où
ils seront débordés. Dans ce scénario,
la Russie est la partie la plus faible
et la force opérationnelle russe est
vouée à l’échec en cas d’attaque
soutenue des États-Unis / OTAN /
CENTCOM.
Enfin, les Anglo-sionistes
doivent prendre en considération un
troisième niveau : les Russes ont
clairement indiqué qu’en cas d’attaque
de la force opérationnelle russe en
Syrie, la Russie utilisera ses capacités
de frappe stratégique pour la protéger.
Ces mesures pourraient inclure : une
attaque avec des missiles de croisière à
longue portée et des frappes aériennes –
pouvant provenir de l’espace aérien
iranien. Comme mon ami Andrey Martyanov
l’a expliqué à maintes reprises,
notamment dans son
article intitulé «La capacité de
la Russie à tenir tête à la guerre : un
gorille de 800 livres en Syrie», il
a conclu en ces termes :
Ce simple fait
opérationnel unique montre précisément
pourquoi, depuis deux ans, un contingent
militaire russe relativement petit a pu
opérer si efficacement en Syrie et
dicter en fait les conditions sur le
terrain et dans la zone de ses
opérations. La réponse est simple : de
nombreux drogués à l’adrénaline sont
plongés dans une cage dans l’eau pour
faire face aux requins. Seules des tiges
de métal les séparent de la mâchoire
mortelle des requins. Pourtant, là-haut,
dans le bateau, on peut toujours mettre
un homme avec une arme à feu qui peut
être utilisée en cas d'urgence ayant un
effet mortel si la cage était détruite.
Le contingent militaire russe en Syrie
n’est pas simplement une base militaire,
c’est une force étroitement intégrée aux
forces armées russes qui disposent de
suffisamment de portée et de capacités
pour mettre quiconque face à des choix
extrêmement déplaisants, notamment le
fait que ce soit la Russie, et non les
États-Unis, qui contrôle le seuil de
l'escalade peut expliquer l'hystérie
anti-russe non-stop dans les médias
américains depuis que l'issue de la
guerre en Syrie est devenue évidente.
Ici encore, nous
avons la même position que celle de
l’Iran : nous ne voulons pas la guerre,
mais nous sommes prêts pour cela. On
pourrait dire que la position américaine
est à l’opposé : nous voulons la guerre
– traduire : nous en avons diablement
besoin pour des raisons politiques et
économiques ! Mais nous n’y sommes
absolument pas préparés – y compris
psychologiquement.
Conclusion :
souvenez-vous de tous ceux qui se sont
trompés !
Vous souvenez-vous
de tous les gens qui ont prédit avec une
confiance absolue que la Russie
«vendait» la Syrie ? Ils ont
commencé quand la Russie a empêché une
attaque américaine contre la Syrie en
prenant les États-Unis aux mots et en
proposant de retirer toutes les armes
chimiques de Syrie. Non seulement ces
armes étaient inutiles, mais elles
constituaient un prétexte parfait pour
que l’Axe du Bien frappe la
Syrie. Les États-Unis étaient livides,
mais devaient accepter. Eh bien, tous
les «Poutine / Russie sont en train
de vendre» la Syrie ont
immédiatement affirmé que la Russie
désarmait la Syrie pour faciliter
l’attaque d’Israël.
Pourtant, en
réalité, aucune attaque israélienne
significative ne s’est jamais
matérialisée.
Ensuite, les mêmes
personnes ont affirmé que la Russie
« autorisait » Israël à frapper la
Syrie, que les Russes éteignaient leurs
S-300 / S-400, etc., etc., etc.
Pourtant, en
réalité, les États-Unis ont laissé
tomber alors que les Israéliens
réclamaient «des centaines» de
frappes. Peut-être ont-ils même frappé
quelques bâtiments vides et donc non
protégés, qui sait ?
Ensuite, il y avait
l’immense chœur de trolls déclarant que
la Russie diviserait la Syrie. Pourtant,
malgré tous les arguments convaincants,
du moins de ceux qui ne comprennent pas
la Russie ni le Moyen-Orient, les
différents fiefs de «bons
terroristes» sont tombés entre les
mains de l’armée syrienne. Maintenant,
plus de terres syriennes ont été
libérées que jamais auparavant. Quant
aux Turcs, ils peuvent rêver d’une
Turquie plus grande ou de la création
d’une sorte de zone tampon de sécurité,
mais ils comprennent qu’ils ne peuvent
le faire si la Russie et la Syrie s’y
opposent. En fait, la Turquie a
officiellement promis de respecter
l’intégrité territoriale de la Syrie
(voir
ici, en russe)
Mémorandum
d’accord entre la Turquie et la
Fédération de Russie
Le 22 octobre 2019
(soulignage ajouté par le Saker)
Le président de la
République turque, Recep Tayyip Erdogan,
et le président de la Fédération de
Russie, Vladimir Poutine, sont convenus
des points suivants:
1. Les deux parties
réaffirment leur attachement à la
préservation de l'unité politique et de
l'intégrité territoriale de la Syrie et
à la protection de la sécurité nationale
de la Turquie.
2. Ils soulignent
leur détermination à combattre le
terrorisme sous toutes ses formes et ses
manifestations et d'empêcher les
agendas séparatistes sur le territoire
syrien.
3. Dans ce cadre,
le statu quo établi dans la zone
actuelle de l'opération Peace Spring
couvrant Tel Abyad et Ras Al Ayn avec
une profondeur de 32 km sera préservé.
4. Les deux parties
réaffirment l'importance de l'accord
d'Adana. La Fédération de Russie
facilitera la mise en œuvre de l'Accord
d'Adana dans les circonstances
actuelles.
5. À partir de
midi, le 23 octobre 2019, la police
militaire russe et les gardes-frontières
syriens entreront du côté syrien de la
frontière turco-syrienne, en dehors de
la zone d'opération Peace Spring,
afin de faciliter le déplacement des
éléments des YPG et de leurs armes à une
distance de 30 km de la frontière
turco-syrienne, qui devrait être
finalisé dans 150 heures. À ce moment,
des patrouilles conjointes russo-turques
commenceront à l'ouest et à l'est de la
zone d'opération Peace Spring sur
une profondeur de 10 km, à
l'exception de la ville de Qamishli.
6. Tous les
éléments des YPG et leurs armes seront
retirés de Manbij et Tal Rifat.
7. Les deux parties
prendront les mesures nécessaires pour
empêcher les infiltrations d'éléments
terroristes.
8. Des efforts
conjoints seront lancés pour faciliter
le retour des réfugiés de manière
volontaire et en toute sécurité.
9. Un mécanisme
conjoint de suivi et de vérification
sera établi pour superviser et
coordonner la mise en œuvre du présent
mémorandum.
10. Les deux
parties poursuivront leurs efforts pour
trouver une solution politique durable
au conflit syrien dans le cadre du
mécanisme d'Astana et soutiendront les
activités de la commission
constitutionnelle.
Les éléments clés
de ce protocole sont : les États-Unis
dehors, la Russie dedans et
les frontières de la Syrie ne peuvent
être changées.
Vous pouvez voir la
conférence de presse complète de Poutine
et Erdogan en cliquant
ici.
Enfin, voici la
réaction de l’un des pires suppôts de la
propagande anglo-sioniste en Europe :
«Die
Kapitulation des Westens» (La
capitulation de l’Ouest)
Je ne peux pas dire
que je suis en désaccord avec leur
conclusion.
Enfin, ce
«discours de capitulation» ne vous
rappelle-t-il pas autre chose que nous
avons tous vu récemment ?
Oui, bien sûr, le
slogan ukronazi “Ні капітуляції!”
(non à la capitulation!).
Encore une fois,
que suggère-t-on en parlant de
«capitulation» ?
Si ce n’est pas
un triomphe de la diplomatie russe,
alors je ne sais pas ce que c’est !
Et, pour ceux qui
sont en désaccord, laissez-moi poser une
question rhétorique :
Si Poutine est
un perdant qui «vend tout» et qui
travaille avec / pour Israël et pour
Netanyahou en particulier, si la Russie
est si faible et sans intelligence,
pourquoi est-ce que ce n’est pas le
peuple russe qui dénonce une
« capitulation » mais au lieu de
cela, pourquoi tous les ennemis de la
Russie craignent-ils la capitulation ?
Et maintenant, où
allons-nous à partir d’ici ?
En fait, je suis
très prudemment optimiste car il
existe une différence énorme entre la
Russie et les États-Unis : les
États-Unis ont besoin de guerres
constantes pour survivre, alors que la
Russie a besoin de paix pour prospérer.
Maintenant que les Russes sont le
principal acteur au Moyen-Orient –
enfin, avec les Iraniens, bien sûr – ils
vont utiliser le fait qu’ils
entretiennent de bonnes relations avec
tout le monde, y compris les – anciens ?
– ennemis de la Russie comme le RSA ou
les EAU.
Bien sûr, il n’y
aura pas de paix entre Israël et le
reste du Moyen-Orient, ne serait-ce que
parce qu’Israël est par sa nature même
une menace mortelle pour tous les pays
de la région, même pour les pays qui
collaborent actuellement avec Israël
comme le RSA. Le seul moyen pour que le
Moyen-Orient, qui a longtemps souffert,
retrouve enfin la paix, ce serait que le
«régime d’occupation sioniste sur
Jérusalem disparaisse de l’arène du
temps» pour reprendre les mots
célèbres et souvent mal traduits de
l’Ayatollah Khomeiny. Le dirigeant
suprême iranien actuel a également
clairement expliqué la seule manière de
résoudre la question palestinienne pour
que la paix soit conclue au
Moyen-Orient :
La proposition de
la République islamique pour aider à
résoudre le problème palestinien et à
soigner cette vieille blessure est une
initiative claire et logique basée sur
des concepts politiques acceptés par
l’opinion publique mondiale et qui a
déjà été présentée en détail. Nous ne
suggérons pas de déclencher une guerre
classique des armées des pays musulmans,
de jeter les immigrés juifs à la mer ou
de faire office de médiation de l'ONU et
d'autres organisations internationales.
Nous proposons de tenir un référendum
avec [la participation de] la nation
palestinienne. La nation palestinienne,
comme toute autre nation, a le droit de
décider de son destin et d’élire le
système de gouvernement de son pays.
Les deux dirigeants
iraniens ont absolument raison. Il n’y
aura jamais de paix dans la région tant
qu’un régime théocratique, raciste et
fou, qui n’a que mépris pour le reste de
la planète, continue son génocide au
ralenti de la population autochtone de
Palestine.
Entre temps,
maintenant que la Syrie, la Russie,
l’Iran, les Houthis, le Hezbollah et les
forces chiites en Irak ont réussi à
montrer à l’oncle Shmuel la porte de
sortie de la Syrie, le dernier plan
israélien – un «plan Z» – s’est
maintenant effondré avec tout espoir de
créer un Kurdistan indépendant.
Israël n’est pas en
état d’assumer une coalition aussi
puissante. Je dirais que même les
États-Unis ne peuvent pas gagner contre
cette force, même si elle est toujours
capable de déclencher un bain de sang,
tout comme les Israéliens l’ont fait en
2006.
Parmi tous les
effondrements stratégiques observés sous
les présidences Obama et Trump, la perte
d’influence au Moyen-Orient est
probablement le plus grand de tous.
C’est un développement très positif pour
la région et pour le monde. Espérons
maintenant que quiconque parviendra à la
Maison-Blanche en 2020 comprendra qu’il
s’agit d’un accord conclu et qu’il ne
tentera pas de refaire «un grand
empire à nouveau» et d’inverser
cette tendance, car toute tentative de
ce type aboutira à une guerre régionale
majeure.
PS : voici une
vidéo de la «meilleure armée de tous
les temps» assaillie de pierres et
de légumes pourris par des Kurdes
dégoûtés pendant que les forces
américaines évacuent à la hâte. Cela dit
vraiment tout, n’est-ce pas ? Comment
dites-vous « Gagner les cœurs et les
esprits » en
globish ?
Il semble également
que les Irakiens partagent le même
sentiment maintenant en intentant une
action en justice pour enfin botter
le cul de Oncle Shmuel.
Encore une fois,
appréciez l’amour, le respect et la peur
The Saker
Traduit par jj,
relu par Kira pour le Saker Francophone
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