Le Saker
Que va faire l’administration Trump
quand l’Irak va lui demander de retirer
les troupes étatsuniennes du pays ?
Moon of Alabama
Dimanche 5 janvier 2020 Par
Moon of Alabama – Le 2 janvier 2019
Le récit
médiatique sur les événements actuels en
Irak passe à côté de la cause profonde
de la crise.
Au cours de
l’été dernier, plusieurs fortes
explosions ont eu lieu dans des bases
détenues par les Forces de mobilisation
populaire (FMP/PMU/Hashed) en Irak. Ces
explosions ont été causées
soit par la chaleur estivale extrême,
soit par des attaques aériennes
israéliennes lancées depuis des bases
américaines en Irak ou en Syrie. La
plupart des dirigeants des FMP penchent
pour la deuxième cause.
Des
attaques de drones ont également été
lancées sur des positions tenues par les
FMP à la frontière syro-irakienne à Abu
Kamal/Al-Qa’im. Ces attaques ont
également été attribuées à Israël qui
aurait fait voler les drones à partir de
bases américaines du nord-est de la
Syrie.
Le but présumé de
ces opérations était de perturber la
circulation terrestre de matériel en
provenance d’Iran et à destination de la
Syrie. Plusieurs dizaines de membres des
FMP ont été blessés au cours de ces
incidents.
C’est après ces
attaques qu’une petite série d’attaques
vengeresses contre des bases américaines
en Irak a commencé. Il s’agissait
surtout d’attaques au mortier ou à
l’aide de petits missiles qui ont fait
peu de dégâts. Au total, quelque 17
attaques de ce genre ont eu lieu. Les
États-Unis ont allégué, sans fournir de
preuves, que les missiles utilisés
avaient été introduits clandestinement
d’Iran et utilisés par des forces
soutenues par l’Iran contre les
États-Unis.
Les FMP/PMU sont
des troupes irakiennes et font partie de
l’establishment militaire irakien. Elles
sont sous le commandement du premier
ministre irakien. L’État irakien paie
leurs salaires. Elles ont leur propre
approvisionnement en munitions et ne
dépendent pas de l’Iran. Il est fort
possible que certains de ses membres
aient tiré sur des bases américaines
pour se venger des explosions contre
leurs bases, mais sans aucun ordre ni
appui venant d’Iran.
Le 12 décembre, le
Carnegie Middle East Center
a demandé à plusieurs « experts »
comment les États-Unis devraient réagir
aux attaques qui, selon eux, proviennent
d’Iran.
Michael Knights, un
« senior fellow » de l’Institut
Washingtonien faisant aussi partie du
lobby israélien, a répondu :
Comme les
plates-formes de lancement mobiles
peuvent se déplacer ou se trouver au
même endroit que des civils, les
États-Unis doivent maintenir à jour une
liste de cibles préétablies qui peuvent
être frappées au moment et à l'endroit
de leur choix. Les États-Unis devraient
attendre, le cas échéant, que les
quartiers généraux des milices soient
occupés, et ne pas se contenter de
frapper des bâtiments vides aussi
rapidement que possible. Toute cible en
Iran, en Irak, au Liban, en Syrie, au
Yémen ou ailleurs devrait être
considérée comme une réponse adaptée.
Lorsque, le 29
décembre, plusieurs missiles ont frappé
une base américaine en Irak et ont tué
un entrepreneur américain, c’est
exactement ce qu’a fait l’administration
Trump. Elle a bombardé cinq sites
localisés à la frontière irako-syrienne,
à des centaines de kilomètres de
l’attaque initiale. Quelque 32 personnes
sont mortes, dont seulement neuf étaient
membres du groupe Kata’ib Hezbollah,
membre des FMP. Les autres personnes
tuées étaient des gardes-frontière et
des soldats de l’armée régulière
irakienne.
Nous avons tout de
suite
anticipé que l’incident serait
susceptible de mettre fin à la présence
de l’armée américaine en Irak.
Après le deuil
officiel, les membres des familles et
les camarades des soldats décédés ont
pris d’assaut le périmètre de
l’ambassade des États-Unis à Bagdad. Ils
sont partis hier après que le premier
ministre leur ait garanti que le
Parlement irakien voterait bientôt une
loi qui expulserait toutes les forces
américaines.
Les États-Unis ont
renforcé les gardes de leur ambassade.
Ils ont aéroporté un bataillon
d’infanterie du Koweït et 4 000 autres
soldats sont sur le
pied de guerre.
L’administration
Trump n’a pas présenté d’excuses pour
son attaque contre les troupes
irakiennes. Elle a pourtant fait appel à
la souveraineté irakienne, qu’elle
n’avait pas respectée lors de l’attaque,
quand elle a exigé une meilleure
protection pour son ambassade. Même
aujourd’hui, sans aucun manifestant à
proximité, les États-Unis effectuent des
patrouilles en hélicoptère au-dessus de
Bagdad. Les Irakiens voient cela comme
une insulte supplémentaire.
Les médias
américains se
sont joints à l’administration Trump
pour
décrire les FMP comme étant
« soutenues par l’Iran ».
Il y a cinq ans,
lorsque État islamique envahissait des
pans entiers de l’Irak, l’Iran a aidé
les FMP en envoyant formateurs et armes.
Mais rien ne prouve que l’influence
iranienne sur ces groupes soit encore
forte ou même pertinente. Il n’y a
aucune preuve que l’Iran soit impliqué
dans le désordre actuel. Les États-Unis
et Israël ont attaqué ces groupes tout
au long de l’année dernière et ces
derniers étaient donc très motivés pour
se venger.
Ce sont les
intérêts américains et israéliens qui
ont fait de l’Irak un
champ de bataille contre l’Iran :
Le personnel
militaire américain est en Irak
soi-disant pour une mission anti-EI.
Sous l'administration Trump, il semble y
avoir eu un glissement de mission, en
Irak comme en Syrie, et le fait
d'affronter l'Iran fait partie de la
nouvelle mission. Cette mission n'a
jamais été justifiée. Personne n'a
expliqué exactement en quoi l'état
actuel des relations entre l'Irak et
l'Iran menaçait les intérêts américains
– sans parler d’une quelconque menace
pour le personnel militaire américain en
Irak. En plus de tout cela, on semble
oublier comment l'Iran et les éléments
irakiens qu'il soutient mènent également
une mission anti-EI.
Les États-Unis
considèrent l’Irak et la Syrie comme des
bases à partir desquelles ils peuvent
combattre l’Iran. Aucun des deux pays ne
veut assumer une telle position.
Le gouvernement
irakien, son premier ministre et son
président, les principaux érudits
religieux en Irak et les chefs des
principaux partis irakiens ont tous
condamné l’attaque américaine. Au cours
des derniers jours, l’humeur du public
irakien
est passée d’un léger sentiment
anti-iranien à un fort sentiment
anti-américain. Comme Washington ne
présente pas d’excuses, mais seulement
des menaces supplémentaires, le
Parlement irakien acceptera probablement
de demander aux forces américaines de
partir.
Mais
l’administration Trump, en particulier
les néocons Pompeo et Esper,
veut garder des troupes en Irak.
Elle en a besoin pour soutenir ses
manigances en Syrie et menacer davantage
l’Iran.
Que peut-elle, et
que va-t-elle tenter de faire pour faire
changer d’avis les Irakiens ?
Moon of Alabama
Traduit par Wayan,
relu par Jj pour le Saker Francophone
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