Russie politics
France : l'Etat en liquidation
européenne
Karine Bechet-Golovko
Vendredi 29 mars 2019
La concurrence est
le moyen et le but de cette époque
néolibérale, elle est l'instrument de
désétatisation manié avec de plus en
plus de fanatisme par l'Union
européenne. Et la présidence Macron se
prête avec enthousiasme à ce jeu de
déconstruction, à coup de privatisations
douteuses d'éléments stratégiques du
patrimoine public. Quand le Sénat tente
de bloquer dans un dernier sursaut la
privatisation cachée des Aéroports de
Paris dans la loi PACTE, le Gouvernement
s'allonge avec délice aux pieds de la
Commission européenne pour offrir au
privé les plus importants barrages
hydro-électriques, ouvrages stratégiques
construits au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale, lorsque la France était
un Etat et une puissance. C'est cette
France que l'UE et Macron veulent
définitivement renvoyer aux manuels
d'histoire, avant de les réécrire. La
France est mise en liquidation. Les nouvelles
inquiétantes s'enchaînent et se
ressemblent, ce sont les éléments
stratégiques de l'Etat qui sont offerts
au privé, dans la plus pure logique
néolibérale, si chère à Macron et à
l'UE. Pour ce faire, le dogme du tout-concurrentiel
est répété sur toutes les gammes, comme
un mantra.
Les privatisations
plus ou moins officielles ne cessent de
se succéder. Dans le désordre, on a
entendu parler d'Engie,
dans lequel l'Etat vend au fur et à
mesure ses parts, mais comme il n'est
plus majoritaire, cela n'entre pas
officiellement dans un processus de
privatisation. Pourtant, le gaz est un
domaine stratégique, mais dont l'Etat se
désengage au profit du privé. Le même
processus a été engagé pour
Renault. Ce que le ministre de
l'Economie qualifie de "succès
stratégique" (sic).
Idem avec
Air France, au profit de l'Etat
hollandais - on appréciera l'ironie du
sort - certains Etats sont donc plus
"autorisés" que d'autres. La vente des
aéroports de Nice, Toulouse et Lyon a
fait réagir la Cour des comptes (voir
ici), sans que le principe ne soit
remis en cause, et le processus de
revente continue s'amorce : la question
devenant de savoir qui va succéder aux
Chinois pour l'aéroport de Toulouse ? En
plus, ce sont des entreprises très
rentables ... Etc, etc, etc ... C'est
l'Etat qui est en cours de
privatisation, de liquidation. Et l'on
continue avec les
Aéroports de Paris, que le Sénat
tente de bloquer.
Maintenant, sous le
coup d'une procédure d'infraction lancée
par la Commission européenne contre la
France, au sujet du monopole d'EDF dans
le domaine de l'énergie
hydro-électrique, le Gouvernement
s'apprête à "ouvrir à la concurrence",
autrement dit à ouvrir au privé, la
concession d'une centaine des plus
importants barrages hydro-électriques
français. Le
principe de la privatisation avait
été acté dès 2017, juste après la prise
de fonctions de Macron, alors que la
France résistait depuis plus de 10 ans :
Le 7 février
dernier, le gouvernement Philippe, après
avoir fait savoir en automne 2017 à
l’interfédérale des salariés du secteur
hydroélectrique français qu’il ne
trouvait rien à redire au principe, a
donc acté la privatisation. D’ici 2022,
150 des plus grands barrages (plus de 20
mètres de haut) devraient être vendus,
pour une puissance totale de 4,3 GW
équivalant à celle de trois réacteurs
nucléaires de nouvelle génération. Le
reliquat du parc public, sauf
effondrement global, sera mis à l’encan
avant 2050.
Un excellent
article publié sur le site de
France Culture résume parfaitement
le fanatisme idéologique de cette
décision européenne, qui va se réaliser
sous la présidence Macron, et peut
mettre en danger la sécurité nationale
:Vous avez aimé les
Aéroports de Paris, les autoroutes et
Engie, vous allez adorer ce nouvel
épisode de la grande série de
privatisations, pour le moins
étonnantes, menée par le gouvernement
français. Cette annonce fait suite à
près de dix ans de pression de la part
de la Commission européenne pour
démanteler la gestion publique de
l’énergie hydro-électrique.Il faut dire que
Bruxelles enrage contre la position
ultra-dominante d’EDF qui, en sa qualité
d’acteur public de l’énergie, détient et
gère 85% du parc hydraulique français,
soit près de 2300 barrages en France.
Des années que la Commission aimerait
voir tomber ce monopole d’État aux
allures insupportables de vestige
socio-marxiste en plein cœur de l’Europe
de marché.
Puisqu’il était
impossible d’exiger la privatisation des
centrales nucléaires, relevant des
activités d’importances vitales de la
nation, la Commission s’est donc
reportée sur la deuxième source
française de production d’énergie, à
savoir les barrages. (...)
On peut ainsi se
demander ce que feraient des acteurs
privés s’ils venaient à détenir et à
contrôler de telles infrastructures.
D’autant que l’électricité produite par
les centrales hydroélectriques est
aujourd’hui la moins chère de France :
20 à 30 €/MWh contre 35 à 46 pour le
nucléaire. Or, comme le relève le média
en ligne Le vent se lève, « un opérateur
privé pourrait facilement maintenir les
vannes du barrage fermées et attendre
qu’un pic de consommation fasse frôler
la pénurie d’électricité pour faire
monter les prix. Sur le plan juridique,
rien ne les en empêcherait ».
Pour se donner une
idée du type de chantage financier que
peuvent exercer des acteurs privés dans
de telles conditions, il suffit de se
rappeler l’épisode qui avait opposé
General Electric à EDF il y a quelques
années. Après avoir racheté Alstom
énergie en 2016, l’entreprise américaine
avait organisé une grève de maintenance
pour obtenir d’EDF des conditions de
gestion plus avantageuses. Après une
centaine d’incidents, la direction d’EDF
avait fini céder et donner gain de cause
aux Américains.
On ose à peine
imaginer le pouvoir que donnerait le
contrôle de ces infrastructures, quand
on sait que les barrages hydrauliques
servent aussi de réserve d’eau pour
refroidir les centrales nucléaires...
Effectivement, la question
se pose ...
Mais surtout, chers
amis, allez voter aux élections
européennes, pour des députés qui ne
pourront, même si par hasard ils le
voulaient, changer le cours anti-étatique de l'UE décidé en
Commission. Par principe, l'UE ne peut
se développer qu'en absorbant les Etats
au profit d'une idéologie globaliste.
Idéologie, qui ne peut qu'avancer la loi
du marché tout-puissant, mythe
néolibéral, pour dénier tout droit à
l'intérêt national, aux intérêts
stratégiques de l'Etat. Et pendant que
vous vous escrimez au niveau européen,
où les décisions sont déjà prises
(ailleurs), nos charmants clones
nationaux s'appliquent à brader le pays.
Et y arrivent à merveille. Parfaitement
protégé par cette farce électorale.
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