Russie politics
Benalla et Heitz : le visage (répugnant)
de ce que produit notre société
Karine Bechet-Golovko
Vendredi 28 juin 2019 Le nouveau
procureur de Paris, Rémy Heitz vient de
s'acquitter de sa dette envers la
présidence, en homme d'honneur qu'il
est. Les proches du Président sont
écartés des procédures judiciaires pour
faux témoignages quant aux fonctions de
Benella, faute d'avoir été innocentés,
et les faux témoignages de Benalla
lui-même et Crase remis à des heures
plus clémentes. C'est étrange de voir
que finalement une institution
politique, le Sénat, est plus
indépendante que la justice.
Faut-il être
surpris d'apprendre par la presse que,
malgré la commission d'enquête
sénatoriale, l'affaire Benalla est petit
à petit dégonflée par la justice. Lors
des manifestations du 1er mai 2018, le
devenu très célèbre Benalla, l'homme du
Président, avait commis des violences
sur des manifestants. Alors que son rôle
n'était que celui d'un observateur, il
était violemment intervenu, jouant au
cow-boy, et dépassant les attributions
qui lui avaient été reconnues. Espérant
l'impunité due à sa grande proximité
avec le Président de la République.
Mais le Sénat avait
ouvert une commission d'enquête, ce qui
avait fortement déplu à ce si petit
monde. Les nouveaux arrivés, se croyant
au-dessus des lois d'une République
qu'ils méprisent ouvertement, avaient
tenté de minimiser le rôle de Benalla,
avaient eu des problèmes de mémoires
dignes d'un alzheimer au dernier stade.
Finalement, le président du Sénat avait
signalé les soupçons de parjure lors de
l'audition de Patrick Strzoda, directeur
de cabinet de Macron, concernant la
détermination des fonctions exercée par
Benalla, et une enquête a été ouverte
contre lui ainsi qu'à l'encontre
d'Alexis Kohler (secrétaire général de
l'Elysée) et Lionel Lavergne (ex-patron
de la sécurité de Macron). Par ailleurs,
à l'encontre de Benalla lui-même et de
son acolyte En Marche Vincent Craze, en
raison des violences exercées contre les
manifestants, une procédure de faux
témoignage avait également été ouverte.
Mais le Parquet de
Paris a bien joué le rôle qui était
attendu de lui lors de la nomination en
novembre 2018 de Rémy
Heitz, en coup de force par Macron
contre les autres candidats, choquant
les milieux de la magistrature
s'interrogeant sur la possible
indépendance du Parquet dans ces
conditions. La preuve en a été donnée,
tout est balayé, le Sénat s'est mêlé des
affaires de la justice et cela ne le
regarde pas. Très bien résumé dans cet
article de
Challenges :
Bref, P. Strzoda
n'a pas tout dit, mais comme il s'est
référé à un document plus explicite,
cela doit permettre d'écarter tout
soupçon. Quant aux deux autres, rien ne
permet de les mettre en cause. On doit
croire sur parole, le Sénat s'est
trompé. Il a mal compris ... la pensée
complexe de ces proches de Macron. Quant
aux deux sbires, Benalla et Croze, ce
n'est pas clair, il faut voir à voir ...
On va voir ...
Au fait, notre cher
Benalla se retrouve avec un autre
mensonge, après le coffre-fort volant,
le passeport diplomatique oublié, c'est
son portable personnel, qu'il avait tout
d'abord déclaré avoir perdu, mais qui
finalement a été réactivé, dont il ne
serait plus en possession mais avec une
carte SIM active, dont il aurait
sauvegardé les éléments, qu'il ne veut
pas vraiment transmettre. Et pour cause.
Il a envoyé dès le 2 mai un message à
Kohler au sujet des incidents du 1er (ce
qui aurait dû aider la mémoire de ce
dernier) :
Dans cette
correspondance du 2 mai, le jeune homme
explique avoir intégré en tant
qu'observateur « une équipe de policiers
en civils ». « Je ne me suis pas
cantonné à mon rôle et ai porté
assistance aux policiers qui essayaient
d'interpeller deux
personnes ayant jeté des projectiles et
violenté les policiers en civils,
écrit-il. La scène assez violente a été
filmée et même si l'on ne m'identifie
pas très nettement, je suis
reconnaissable. »
Or, le numéro de ce
téléphone a été retracé au moment où il
aurait dû être égaré, et a fonctionné
à l'insu de son plein gré :
Ils découvrent que
le portable prétendument égaré émet le
matin même de sa garde à vue, dans le
XVIe arrondissement de Paris. Un appel
est détecté vers le numéro de Ludovic
Chaker, conseiller de l'Élysée, puis
l'appareil est coupé. Celui-ci est
ensuite rallumé le lendemain soir, à
l'heure de la fin de garde à vue de
Benalla.Là, un appel est
émis vers le numéro du directeur de
cabinet de Brigitte Macron. Selon les
expertises techniques, Alexandre Benalla
change ensuite à deux reprises de
modèles de téléphones portables ces
derniers mois, une fois chez sa mère
dans l'Eure, une autre au Maroc, mais
conserve la carte SIM associée à son
numéro personnel. Conclusion cinglante
des policiers : « L'assertion de M.
Benalla, Cet appareil, je l'ai perdu ,
est fausse » et « ses déclarations
mensongères ».
Cela va être
difficile pour les procureurs de
blanchir complètement Benalla, mais ne
doutons pas de leurs efforts. D'autant
plus que la présidente du Parquet
national financier, dont la nomination
dépend du chef de l'Etat, doit être
remplacée cet été et que
Macron cherche un candidat bien
docile, comme au Parquet de Paris, afin
de traiter "comme il faut"
l'affaire des contrats russes de Benalla.
Nous vivons
vraiment une époque formidable. Mais
pourquoi demander aux institutions
étatiques, à la justice, à la
présidence, d'être largement au-dessus
du niveau général de dégradation de la
société ? Le président a été élu, ces
magistrats et procureurs sont issus de
la société, reprennent tous ses travers.
Qu'ils soient nommés ou élus, cela ne
change rien à la question : il est
hypocrite d'attendre une justice
efficace et compétente lorsque
l'enseignement est brisé, lorsque la
propagande primitive et massive
entre à l'école, lorsque la plupart des
gens sont confortablement installés dans
leur vision nombrillique, compensant un
égoïsme puissant par des hashtags,
des Marches, des tolérances.
D'une certaine manière, et aussi
désagréable et répugnant que cela puisse
être, Benalla et Heitz, sont nos
créatures, ils sont l'image même de ce
que peut produire cette société.
Au fait,
Strzoda veut demander des excuses au
sénateur, qui a osé mettre
sa parole en doute et son honneur à la
Une. Pourquoi s'en priver.
L'intimidation est aussi une arme.
Au prochain
épisode, les Gilets Jaunes blessés
demanderont pardon aux policiers d'avoir
dû les éborgner.
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