Tu 154: L'incompréhensible crash de
l'avion militaire russe à Sotchi
Karine Bechet-Golovko
Mardi 27 décembre 2016
Noel, cette année, a été endeuillée par
un tragique évènement: le crash d'un
avion militaire russe à Sotchi, avec à
son bord 9 journalistes, le Choeur
Alexandrov et l'humanitaire Docteur
Liza, se rendant en Syrie pour soutenir
les militaires russes et apporter des
médicaments pour les civils. A un peu
plus de 5h du matin, après 7 minutes de
vol, il s'écrase dans les eaux côtières.
92 personnes, 92 morts.
Il est
difficile de traduire l'émotion qui
s'est emparée de la société russe. Le
Choeur Alexandrov est un symbole, une
force, depuis sa première prestation en
1928. Il a accompagné les hommes au
front lors de la Seconde guerre
mondiale, a été présent sur tous les
lieux de conflits, se produit dans le
monde entier. Churchill, en 1945, disait
de lui qu'il était l'arme chantante de
l'Union soviétique.
Elizabeth Glinka est née à Moscou d'une
famille de militaire et de médecin. Elle
fait sa médecine, épouse un avocat belge
d'origine russe, Glinka, et part aux
Etats Unis avec lui en 1986, où elle va
se spécialiser dans les soins paliatifs.
Elle participe à la création de la
première unité de soins paliatifs à
Moscou, ensuite part avec son époux deux
ans à Kiev à la fin des années 90,
travaillant dans des projets américains
liés au domaine médical. En 2007, à
Moscou, elle va fonder sa Fondation
financée par le parti Russie Juste,
entrera dans l'activisme politique un
instant avec la Ligue des électeurs qui
doit surveiller les élections dans la
foulée de Bolotnaya. Toutefois, si elle
est profondément ancrée, de part son
parcours, dans le clan de d'opposition
libérale, elle ne prend pas de position
politique particulière et s'en éloigne
petit à petit. A partir de 2014, même si
son discours ne change pas, elle va
s'investir pour aider les enfants du
Donbass victimes des bombardements
ukrainiens, puis prolonge son action en
Syrie. Des centaines d'enfants lui
doivent la vie.
En
coulant au fond de la mer, cet avion a
emporté avec lui des symboles vivants,
forts, qu'il sera impossible de
remplacer prochainement.
Mais
que s'est-il passé? Ici, la
communication cahotique laisse à
désirer. Les services répètent comme une
incantation qu'il ne s'agit pas d'un
acte terroriste. Une véritable
incantation. Et aucune version n'est
totalement plausible.
Selon
le FSB et le Ministère des transports en
charge de l'enquête sur les
causes de cette tragédie, il y a
quatre explications prioritaires:
intrusion de
corps étrangers dans les moteurs -
peut être une attaque groupée de
canards sauvages pour toucher
simultanément les 3 moteurs?
essence de
mauvaise qualité - finalement, après
vérification, il a été prouvé que
tout était correct
erreur de
pilotage
problème
technique
Mais,
rien à ce jour ne permet de dire qu'il
s'agit d'un attentat.
La
première boîte noire vient d'être
retrouvée et espèrons qu'elle donnera
plus d'informations et permettra une
communication plus cohérente que ce à
quoi nous avons assisté depuis dimanche.
Rappelons certains faits:
En dehors des
13 corps
retrouvés, l'on a également
trouvé 160 morceaux de corps.
Le fuselage de
l'avion est en morceaux, notamment
de petits morceaux, en plus des
morceaux de moteurs et différents
éléments de l'appareil.
Tout s'est
passé tellement vite que les pilotes
n'ont pas pu signaler quoi que ce
soit à la tour de contrôle, ni même
appuyer sur le bouton de SOS.
Dimanche, l'on apprend que l'arrêt à
Sotchi n'a rien d'extraordinaire, cela
se fait courament lorsque l'avion doit
continuer en Syrie, un des journalistes
à bord envoie un message depuis le
départ à Moscou disant que le vol doit
prendre environ 5h, mais s'ils
s'arrêtent comme prévu à Sotchi, ça
pourra prendre plus longtemps.
Depuis
Lundi, la communication dérape. Le mot
est simple: ce n'est pas un attentat.
A aucun prix. Semblerait-il même à celui
de la réputation. Dans le désordre.
Les
médias lancent que parmi les corps
remontés, certains avaient des gilets de
sauvetage. Donc ... donc ... c'est un
accident. Le
ministère de la défense réagit
immédiatement, vertement, et qualifie
cela "d'insinuations ignobles".
Sur
les plateaux de télévision, chacun fait
son focus. Sur Rossiya 24, dans
l'émission Fakty (Les faits), l'on est
noyé sous les détails techniques des
courants marins, du relief des fonds,
des fiches techniques de l'avion, des
appareils de recherches etc. Sans aucune
analyse. Dans l'émission 60 minutes sur
Rossiya 1, les experts vantent la
qualité de la formation des pilotes, la
robustesse de l'avion, la minutie dans
le contrôle. Dès que la conversation
glisse, donc, vers l'attentat, dernière
explication possible, là aussi, c'est
impossible: les contrôles sont sérieux.
Bref, c'est impossible, car c'est
impossible.
Dans
la presse, l'on voit apparaître des
articles expliquant que l'attentat
est impossible car ... il ne devait pas
aller à Sotchi, mais à Mozdoka.
Toutefois, en raison du mauvais temps,
au denier moment, sans que personne ne
soit au courant, en cours de route, il
s'est détourné vers Sotchi.... Soit, le
journaliste qui parlait de Sotchi avant
même que l'avion n'ait décollé de Moscou
était alors visionnaire.
Et
plus le temps passe et plus l'hystérie
gagne les "sources" journalistiques.
L'on frôle la science-fiction
aujourd'hui. L'idée qui semble vouloir
être "vendue" est que les pilotes
auraient tenté de poser l'avion sur la
mer, mais sans succès.
Ainsi,
alors que dimanche soir l'on sortait
comme témoin un "pêcheur" qui n'aurait
pas du tout entendu d'explosion - donc
ce n'est pas un attentat, le plus
important - aujourd'hui, il faut aller
plus loin, le pêcheur ne fait plus le
poids. Apparaît tel un deus ex
machina un garde-frontière qui, lui,
sur son petit bateau, aurait absolument
tout vu ... mais rien dit jusqu'à
présent... Ce
témoin surprise explique que l'avion
tanguait, que les pilotes ont tenté de
le poser, mais le choc avec la surface a
fait se détacher la queue et l'avion a
coulé.
Donc,
les pilotes n'ont pas eu le temps
d'appuyer sur le bouton SOS, car nous
disait-on c'est allé trop vite et ils
n'ont pu réagir. Mais, ils ont eu le
temps de tenter un amerrissage. Sans
contacter la tour de contrôle. Et le
garde frontière, n'a pas signalé le lieu
du crash, puisqu'il a fallu plus d'une
journée pour trouver le lieu exacte.
Même si la zone des recherches ne cesse
d'être élargie. Et encore, malgré un
amerrissage, les corps sont en morceaux,
les moteurs aussi et le fuselage, n'en
parlons pas. Soit ...
Espérons que la boîte noire donnera des
explications plus plausibles. Car, pour
l'instant, ce qui s'est passé est
incompréhensible. Contre la thèse de
l'attentat: les morceaux remontés, selon
le FSB, ne portent pas de traces
d'explosifs.
Dans tous les cas, le FSB a entièrement
raison: ce n'est pas un attentat. Dans
tous les cas, cela n'a rien à voir avec
du terrorisme: soit une erreur de
pilotage ou un défaut technique, soit
c'est beaucoup plus qu'un attentat.
Car ce n'est pas un groupe extrémiste
qui pourrait faire tomber ainsi un avion
militaire partant d'un aérodrome russe.
Dans ce cas, les implications seraient
beaucoup plus graves et dépasseraient de
loin la question terroriste.
Laissons donc l'enquête se dérouler et
espèrons que la communication se
calmera, que l'on n'assistera pas à une
guerre interne des structures pour se
dédouaner de ce qui est arrivé, ce que
laisse à penser ces couacs médiatiques.
Parfois il vaut mieux ne rien dire que
sortir ce genre d'affabulations, au
minimum par respect pour les familles de
ceux qui ont péri. Dans ce qui est une
véritable tragédie, humaine et
symbolique. C'est pourquoi, qu'il
s'agisse d'un acte volontaire ou d'un
accident, dans tous les cas, la société
attend une réaction forte de l'Etat.
Vidéo
sur les morceaux sortis de l'eau:
Dernière conversation entre les pilotes
et la tour de contrôle, tout est normal:
Emission 60 minutes du 26
décembre sur les causes possibles du
crash:
Abonnement newsletter:
Quotidienne -
Hebdomadaire
Les avis reproduits dans les textes
contenus sur le site n'engagent que leurs auteurs.
Si un passage hors la loi à échappé à la vigilance
du webmaster merci de le lui signaler.
webmaster@palestine-solidarite.org