Russie politics
Forces de sécurité aux frontières : les Etats-Unis s'attaquent à l'intégrité
territoriale de la Syrie
Karine Bechet-Golovko
Lundi 15 janvier 2018
Le combat contre
Daesh ayant été perdu par la coalition
américaine en Syrie, puisque non
seulement Assad est toujours en place,
mais il va le rester, les Etats-Unis ont
mis en place un Plan B: armer une Force
de sécurité aux frontières afin de
réactiver le conflit en jouant,
notamment, la carte kurde contre la
Syrie et ses alliés.
Le journal
The Defense Post dévoilait le 13
janvier la nouvelle opération lancée par
les Etats-Unis en Syrie: créer des
Forces de sécurité aux frontières
composées à hauteur de 15 000 membres
des Forces Démocratiques Syriennes
(SDF), elles-mêmes composées de Kurdes
(YPG) et d'arabes proches de l'Armée
syrienne libre, dont on ne sait toujours
pas si elle combattait Daesh ou Assad...
S'y ajouteront les membres d'autres
groupes d'opposition soutenus par la
coalition. En tout, ces forces doivent
atteindre le nombre de 30 000 hommes,
encadrées par 2 000 militaires
américains.
En soi, l'on
pourrait penser que créer des forces de
garde-frontière est une bonne chose.
Tout Etat a besoin de frontières pour
exister et les frontières ont besoin
d'être gardées. Mais toute la question
étant de savoir quelles frontières et
dans quel but. Ici l'on voit une
tentative à peine voilée des Etats-Unis
de réactiver le conflit en provoquant
d'une part la Turquie avec les Kurdes et
d'autre part en mettant en place les
conditions d'un nouveau conflit
intérieur contre les forces de l'armée
régulière syrienne, qui doivent défendre
l'Etat contre le séparatisme.
Comme on peut le
lire, ces Forces de sécurité aux
frontières seront
situées sur les zones contrôlées par
les Etats-Unis (et leurs alliés) en
fonction de leur origine: les Kurdes le
long de l'Euphrate et les Arabes dans
leurs régions. Officiellement, elles
garderont les frontières avec la Turquie
et l'Irak. Soit. Mais qui les empêche de
garder "leurs" frontières, à l'intérieur
de la Syrie et de conduire ainsi au
morcellement du pays?
Cette démarche
n'est acceptée ni par la
Syrie, ni par la Russie et les
forces alliées concernées:
Le gouvernement du
président syrien Bachar
al-Assad, soutenu par la Russie et
l'Iran, a récemment dit considérer les
FDS comme des "traîtres" et les 2 000
soldats américains qui les encadrent
comme une force d'occupation étrangère.
Ainsi, n'ayant pu
sortir Assad de l'échiquier politique,
les Américains tentent de déstabiliser
la situation. Tout d'abord en provoquant
la Turquie pour la forcer à intervenir
contre les Kurdes du YPG, qu'elle
considère comme des terroristes liés au
PKK, mais que les Etats-Unis ont utilisé
contre Daesh. Bien que, selon The
Guardian, la Turquie ne soit pas la
seule à considérer le PKK comme
terroriste, le soutien à l'YPG n'est pas
remis en cause par la coalition
américaine. Mais les Kurdes iront-ils
jusqu'à entrer à nouveau en guerre
contre l'armée syrienne pour obtenir un
Kurdistan indépendant, ce n'est pas
évident. Au-delà du Kurdistan, réarmer
et perfectionner les forces de
l'opposition à Assad est une autre carte
lancée pour affaiblir le processus de
paix. Rappelons que l'opposition armée a
refusé de participer aux négociations de
paix à Sotchi. Les Etats-Unis jouent à
nouveau sur l'opposition, recréant les
conditions d'un conflit armé.
Par ailleurs, lors
de l'audition au Sénat, David
Satterfield, l'assistant du
Conseilller pour le Moyen-Orient a
déclaré que maintenant que Daesh est
détruit, les Etats-Unis doivent se
concentrer contre le rôle de l'Iran en
Syrie. Autrement dit, la Turquie,
l'Iran, il est important d'affaiblir les
alliés de la Syrie.
Comme l'affirme le
député russe V. Chamanov:
«Le but (de
Washington) est évident. Maintenir sa
présence sur le territoire syrien et
continuer à créer les conditions d'une
déstabilisation pour renverser le régime
d'el-Assad. (...) L'établissement de
leur présence pour défendre leurs
intérêts incompréhensibles a déjà
dépassé toutes les limites possibles de
la décence»
Le conflit syrien
entre ainsi dans une nouvelle phase.
Alors que la Russie prépare la
Conférence pour la paix en Syrie à
Sotchi, les Etats-Unis préparent une
nouvelle armée contre Assad, tentant
ainsi de redistribuer les cartes pour
une nouvelle partie. Chacun retrouvant
son rôle, en quelque sorte.
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