Le massacre de Douma : le dernier
espoir pour la coalition américaine de
ne pas perdre la Syrie
Karine Bechet-Golovko
Lundi 9 avril 2018
La Syrie est
quasiment libérée des groupes
terroristes et extrémistes soutenus par
la coalition américaine, une réunion des
chefs d'Etat russe, iranien et turc
prépare la paix, la Ghouta est libre à
95% et les terroristes quittent les
lieux avec leur famille, les derniers
ont passé un accord. C'est à ce moment
plus que délicat pour la coalition
américaine que soudain, sans aucune
raison, une attaque chimique est
soi-disant perpétrée le 7 avril dans
Douma, encore gouverné par les
terroristes pro-occidentaux. Quel
intérêt pour Assad? Aucun. Mais toute la
communauté internationale le condamne
pour cette "possible"
attaque. La machine est relancée. La
Russie est aussi coupable. C'est le
combat de la dernière chance avant
l'échec total américain. Jusqu'où
seront-ils prêts à aller pour sauver
leurs intérêts? Leur peau?
Dimanche, la
machine est lancée. Une attaque chimique
aurait été perpétrée à Douma en Syrie le
7 avril, dernier bastion extrémiste dans
la Ghouta. La
source de l'information est ... plus
que fiable, d'une objectivité
incontestable (voir ici
le rappel des fakes de Idlib et la
Ghouta). En plus des habituels
Casques blancs, l'on retrouve des ONG
proches de l'opposition à Assad et la
très américaine Syrian American Medical
Society. Mais pour garder toute
apparence d'objectivité, l'on peut lire:
L’Observatoire
syrien des droits de l’homme (OSDH),
basé à Londres, avec un réseau
d’informateurs dans toute la Syrie, a
assuré n’être pas en mesure de « confirmer
ou démentir » ces allégations.
Peu importe les
faits, le doute et le soupçon sont
suffisant pour ceux qui ont besoin ou
envie d'y croire. La presse s'emballe:
Même les vidéos
diffusées sur le sujet laissent
comprendre toute l'absurdité de
l'accusation. Ecoutez Euronews, la
voix de son maître:
La journaliste
enchaîne les éléments sans aucune
analyse pour arriver à la condamnation
d'Assad: Assad a repris la lutte contre
le groupe Jaych al-Islam (qui n'est pas
"rebelle" mais terroriste), faisant des
victimes. Rappelons que justement les
groupes islamistes se cachent au milieu
des civils qu'ils utilisent comme
bouclier humain. Passons. Un accord a
été conclu avec eux pour que sous 48 h
ils soient évacués et libèrent la
population civile prise en otage. Donc,
logique, le Conseil de sécurité de l'ONU
doit se réunir en urgence lundi (avant
les fatidiques 48 h) pour discuter de la
situation. Mais il faut un prétexte: la
lutte contre le terrorisme ne peut être
condamnée ouvertement - encore. C'est
dans ce contexte qu'une soi-disant
attaque chimique a été faite par Damas
... Quelle est la logique? Les
journalistes non plus ne la voient pas,
en tout cas s'ils la voient ils n'en
parlent pas.
Les Etats-Unis
lancent alors le combat:
Evidemment, Macron
entre dans la danse - ces derniers temps
il réagit très et trop vite, comme nous
l'avons vu avec le fantasmagorique
Novitchok. Ici aussi, faisant de la
France le chien fidèle d'intérêts
étrangers, il promet une
réponse commune avec les Etats-Unis
après un coup de téléphone avec Trump.
Les Etats-Unis
envisagent une opération au sol. Ils
sont déjà sur le sol syrien sans
autorisation de l'ONu ni du gouvernement
légitime syrien, mais c'est un détail.
Comment la Russie, l'Iran et la Turquie
vont réagir s'ils lancent véritablement
une opération terrestre? Certains ont
peur que cela n'ouvre la voie à un
conflit militaire avec la Russie:
En fait, les
hostilités ont déjà commencé.
Plusieurs fois, l'armée américaine a
déjà bombardé des bases militaires
syriennes, tué des soldats syriens pour
protéger les groupes extrémistes
notamment dans la région de Deir ez-Zor
qui luttent contre Assad. Soit elle le
fait elle-même, soit elle fait faire le
sale travail par ses Etats satellites.
Pour mettre la
pression avant la réunion du Conseil de
sécurité d'aujourd'hui (en fait des
réunions puisqu'en plus de celle demandée
par les USA et leurs satellites, la
Russie en a également demandé une), une
base militaire syrienne a été bombardée
cette nuit, près de
Homs, la base T-4, faisant 14 morts.
Des militaires, pas des terroristes.
L'armée russe accuse l'armée
israélienne d'avoir lancé 8 missiles
téléguidés depuis le Liban, dont 5 ont
été détruits.
Pourquoi cette
montée en puissance des hostilités,
pourquoi cet empressement?
Pour répondre à
cette question, il faut replacer les
derniers évènements, à savoir la
nouvelle accusation de recourir aux
armes chimiques alors que l'armée
régulière avance et le bombardement
d'une base militaire syrienne, dans un
contexte plus général.
Dans le rapport
USA/Russie, visant à discréditer la
Russie pour en faire un Etat paria si
elle ne veut pas se plier aux règles du
jeu atlantiste, l'opération Skripal fut
un énorme échec, qui restera comme une
tache sombre dans l'histoire britannique
comparable à celle de Colin Powell à
L'ONU secouant un échantillon de sucre
en poudre. Non seulement la Russie n'en
est pas ressortie discréditée, mais à
l'inverse, sa crédibilité a été
augmentée. Les Skripal vont être
exfiltrés par la CIA aux Etats-Unis, où
ils changeront d'identité et l'affaire
s'arrêtera là, sauf quelques petits
sursauts médiatico-politiques de temps
en temps. Un bon scandale chimique à la
syrienne permet de faire passer la
pilule et tourner les projecteurs sur un
autre objet: la diabolisation du
"Boucher Assad" permettant d'accentuer
celle de la "Russie de Poutine".
Par ailleurs, la
question syrienne, elle, risque
d'échapper totalement aux Etats-Unis et
ces provocations ont été annoncées
depuis le mois de mars par les officiels
russes.
Cela a été rappelé
par le Président russe il y a quelques
jours, lors de sa visite officielle en
Turquie:
Et pourquoi tous
ces bruits? Parce qu'en Turquie, s'est
passé un évènement qui a perturbé les
plans américains sur la Syrie. La
Russie, l'Iran et la Turquie se sont
réunies pour envisager la paix en Syrie,
malgré leurs divergences. Sans les
Etats-Unis, totalement isolés et
impuissants. Impuissants à pacifier une
région, tellement prompts à la détruire.
Et le
Washington Post l'a souligné:
The leaders of
Iran, Russia and Turkey met Wednesday
for high-level talks on ending the
Syrian war, cementing their influence on
the outcome of the conflict and
isolating the United States from the
region’s most crucial diplomacy.
Comment laisser
passer un tel affront? Ce n'est pas
possible. D'où cette attaque chimique
qui tombe à point, les condamnations
tombant avant même une enquête. Il est
vrai que c'est devenu une habitude. Pour
la
Russie, aucune arme chimique n'a été
utilisée et elle propose de faire venir
des enquêteurs dès que la zone sera
sécurisée. Qui croire? Ceux qui accusent
sans preuves et sans enquête ou ceux qui
proposent d'attendre que les faits
soient établis pour tirer les
conclusions?
Finalement, que les Etats-Unis défendent
leurs intérêts becs et ongles, c'est
dans leur logique, celle de menacer de
la politique de la terre brûlée ceux qui
ne veulent pas se plier, leur faire peur
et jouer sur leur culture pour qu'ils
soient plus rationnels et se plient - et
perdent. Mais que vient faire la France
dans ce jeu qui ne la concerne pas? Dans
un jeu qui se joue contre nos intérêts
nationaux?
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