Russie politics
Macron: quel est
ce nouveau Président
Karine Bechet-Golovko
Lundi 8 mai 2017
Hier, 7 mai 2017,
les français ont choisi un nouveau
Président, Emmanuel Macron, pur produit
du système de communication, du système
financier et de la globalisation. L'euro
est reparti immédiatement à la hausse,
les marchés aussi. Le système
idéologique dominant respire, mais
quelle est cette victoire au goût amère,
d'une France comme laissée sans voix,
absente des rues, concentrée sur
l'Esplanade du Louvre? Quel Président
s'est-elle choisi?
Un Président
ultra-minoritaire
Selon les résultats
officiels, E. Macron a largement
remporté ces élections:
Mais pourtant,
lorsque l'on reporte son score au nombre
total d'inscrits, les
résultats sont déjà largement revus
à la baisse, notamment en raison du
chiffre jamais atteint à ce jour de
votes blancs, vote contestataire, pour
plus de 4 millions de citoyens.
L'abstention a elle aussi atteint des
sommets oubliés depuis l'élection de
1969, lorsque la gauche avait boudé le
vote.
Le chiffre tombe
alors à 43% des votes pour E. Macron, en
fonction du nombre d'inscrits. Pourtant,
après l'élection, il faut encore
gouverner. Etre élu n'est pas un but
en soi, ce n'est qu'un moyen pour mettre
en oeuvre une politique. Or, pour
cela, il faut trouver pouvoir regrouper
autour d'une certaine vision politique,
d'un programme. Ici, deux chiffres font
peur quant à l'importance du risque de
crise sociale profonde qu'ils
comportent.
Seuls 18% des
électeurs de Macron ont voté pour son
programme. Donc la volonté de changement
affichée par le vote, ne se reconnaît
pas entièrement dans le programme et
encore moins dans la personnalité de
Macron:
Ce qui confirme
qu'une grande partie de son électorat
n'est que le reflet d'un vote anti- Le
Pen. Pour Ipsos, 43%, d’autres chiffres
montent à 57%.
En faisant la
moyenne des chiffres avancés, disons
qu'environ la moitié des 43% des
électeurs qui ont voté pour Macron ne
soutiennent pas son programme. Que se
passera-t-il lorsqu'il mettra son
programme en oeuvre, par ordonnances
comme il l'a affirmé?
Un Président
néolibéral
La France s'est
doté d'un Président néolibéral, ce qui a
plusieurs implications sur le plan
économique, institutionnel et
géopolitique.
Sur le plan
économique, son programme
d'ordonnances vise donc à contourner le
Parlement - et donc le problème du 49-3
- pour faire passer ce qui n'a pu être
fait lorsqu'il était au Gouvernement,
les députés n'étant pas prêts au suicide
politique car ils doivent se faire
réélire. Aller plus loin dans la
dérégulation du droit du travail,
réformer les retraites et la fiscalité
dans une logique de désengagement de
l'Etat et de protection du capital,
voici quelques axes du programme
néolibéral qui avait mis tant de
personnes dans les rues et qui va encore
être radicalisé.
Sur le plan
institutionnel, utiliser les
ordonnances (qui sont des actes
normatifs adoptés par le Gouvernement
dans le domaine de la loi) montre
l'urgence et donc l'aspect secondaire du
dialogue social. Il est intéressant que
le dialogue social est important tant
que les tenant de ce système idéologique
ne sont pas au pouvoir. Lorsqu'ils y
arrivent, à quoi bon discuter avec la
société, puisqu'ils sont la
société. Ceux qui contestent sont
rétrogrades, peureux, consevateurs -
l'insulte suprême.
Cette méthode
montre aussi la nécessité de
marginaliser le Parlement, car l'on
ne sait pas encore comment il sera
constitué et cette inconnue perturbe
pour l'instant la détermination du mode
de gouvernance. Macron a finalement
décidé de ne pas constituer de parti
politique à partir de son mouvement En
Marche. Ce qui fut un excellent conseil
pour totalement perturber le jeu
politique intérieur. Imaginez des
candidats PS ou LR ou autres qui seront
en même temps des candidats En Marche,
mais ce sera le PS ou LR qui devront
prendre sur eux l'organisation de la
campagne, sans pouvoir leur opposer des
candidats non- En Marche dans leurs
circonscription puisqu'officiellement
ils sont membres de leur parti.
Totalement ubuesque. Les partis
politiques traditionnels pourraient
exclure les candidats à double
casquette, mais auront-ils le courage
politique de le faire réellement? A
voir, mais sans illusions. Ils risquent
surtout de jourer le jeu en espèrant
recevoir une miette du pouvoir, la
médiocrité dont ils ont fait preuve lors
de ces élections ne présage rien de bon.
Dans de telles
conditions, de quelle opposition
politique s'agira-t-il au Parlement?
Elle sera encore plus marginale
qu'aujourd'hui. Ce Parlement sera
inefficace, totalement bloqué par ses
conflits intérieurs: car s'ils sont
médiocres, les hommes politiques ne
peuvent accepter de l'être notoirement.
C'est pour cela que pour instaurer la
vague de dérégulation prévue par Macron
et son équipe, le nouveau Président n'a
pas besoin des parlementaires. De toute
manière, les textes nécessaires sont
écrits ailleurs.
Sur le plan
géopolitique, la France va continuer
le mouvement atlantiste et européiste.
L'intervention directe de B. Obama, qui
n'a choqué personne, dans ce qui se
transforme en république bananière, les
attaques contre la Russie, l'ennemi avec
lequel il faudra bien parlé, en sont le
signe précurseur. Toute remise en cause
de ce cadre est impossible. L'UE a
trouvé un allié de choix en Macron,
l'image de la France sera mise à
contribution, prostituée, pour
renforcer, autant que cela soit
possible, l'atlantisme de l'UE - dans le
sens néoconservateur.
Le Président de
la peur
E. Macron a été élu
sur une mécanique de la peur, qui a
poussé les gens dans l'irrationnel et
son comportement de prédicateur
en était le signe extérieur.
Il y a eu
effectivement la peur du FN, qui
devait faire passer toutes les
faiblesses du système Macron: la
faiblesse de la lutte contre le
terrorisme pour laquelle il n'est pas
prêt, la remise en cause du rôle de
protecteur social de l'Etat par la
dérégulation, le renforcement de l'UE au
détriment de l'identification d'intérêts
nationaux, la noyade de l'identité
française dans la vague migratoire ...
Sans le FN, Macron n'aurait pas pu
berner la population, qui sortira dans
les rues à la première ordonnance.
C'est-à-dire lorsque ce sera trop tard.
E. Macron a joué
aussi sur la peur de l'avenir et la
peur de la réalité. Il a servi aux
électeurs un discours adapté à chaque
besoin, à chaque demande, sans aucune
vision d'ensemble pour ne pas montrer
leur impossible coexistence. Ainsi, il
nie la culture française et s'attache à
sa grande histoire. Il prend en compte
l'intérêt de chacun et dérégule au-delà
de l'imaginable, renforçant la
précarité. Il sert la République et la
noie dans l'immigration incontrôlée.
Pour cacher cela, il a voulu rester sur
le plan technique, pour pouvoir peindre
un avenir en rose auquel les gens
avaient envie de croire, avec des
mots-clés et des slogans vendeurs. Mais
le vendeur lui-même est un peu faible:
rappelons que 33% de ses électeurs sont
pour le renouvellement, mais 8% pour sa
personnalité. Or, la présidentielle est
une élection d'homme. La rencontre
d'un homme et d'un peuple dit-on. Le
rendez-vous est un peu glauque.
Il pourrait rester
quelques espoirs: que la fonction oblige
l'homme, mais elle a été tellement
fragilisée par ses derniers détenteurs,
qu'il y a peu de chances; que des
mouvements populaires de masse
contraignent la politique envisagée, ce
qui est fantastique sauf que, dans le
meilleur des cas, ça ne résoudra pas les
problèmes énomiques réels du pays, ni
sociaux, ni les choix de société qui
nous attendent. Dans le meilleur des
cas, ce sera une élection pour rien.
Dans le pire des cas ... le danger de
dilution du pays est réel par la
radicalisation du cours politique déjà
mené.
La République ne
peut être globalisée: la promesse de
Macron de la défendre n'est qu'un
mensonge de plus. Et c'est en priorité
ce qu'il nous faut défendre aujourd'hui,
la République, faute d'avoir les
instruments pour construire.
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