Iran
Quand la France foulait aux pieds ses
intérêts en Iran
Karim Mohsen
Photo:
D.R.
Mardi 21 juillet 2015
Par suite de l’accord historique sur
le nucléaire iranien, du 14 juillet
dernier, le chef de la diplomatie
française avait annoncé sa prochaine
visite à Téhéran.
Chose tout à fait légitime et allant
de soi.
Ce qui l’est moins, c’est la
précipitation apportée par Paris à
renouer les liens avec l’Iran.
En effet, ce qu’il faut savoir est que
ledit accord a été retardé de près de
deux ans du fait de l’intransigeance… de
la France, la plus engagée des P5+1 à
faire rendre gorge à Téhéran. Ce qui, en
termes prosaïques, s’appelle insulter
l’avenir. Plus que cela, la France dans
son jusqu’au-boutisme a surtout ignoré
ou négligé ses intérêts intrinsèques
avec l’Iran. Cela ne s’invente pas,
d’autant plus que Paris a de ce fait
perdu de vue l’adage qui dit qu’ «en
diplomatie il n’y a pas d’amis, il n’y a
que des intérêts», d’où la nécessité de
toujours laisser entrouverte la porte.
La France, dans son exaltation à
défendre prioritairement les intérêts
d’Israël avait omis les siens propres.
En effet, dans les diverses phases des
difficiles négociations sur le nucléaire
iranien, la France, particulièrement son
chef de la diplomatie Laurent Fabius,
s’est le plus durement illustrée envers
l’Iran. C’est ainsi que Paris s’est
signalée à l’attention générale en étant
pratiquement seule contre tous en
novembre 2013 quand elle a opposé son
veto au pré-accord qui se dessinait
induisant l’échec des négociations de
Genève. L’étrange intransigeance du
ministre français des Affaires
étrangères y a été décisive.
Cela avait à l’époque suscité
l’étonnement, voire déconcerté les
observateurs y compris l’ennemi déclaré
de l’Iran: les Etats-Unis.
Paradoxalement, seul Israël avait
approuvé et applaudi ce fanatisme,
inconcevable, venant d’un pays aussi au
fait des arcanes de la diplomatie et de
ses interactions qui auraient dû lui
imposer de savoir raison garder. Cela
n’a pas été le cas, M.Fabius se
félicitant même d’avoir «empêché» un
«mauvais» accord.
A quelques variantes près, l’assise de
l’accord auquel sont parvenus, mardi
dernier, les P5+1 et l’Iran, est
celle-là même refusée à l’époque par la
France qui a fait perdre à tout le monde
près de deux années. En effet, beaucoup
d’experts voyaient alors dans le
document de Genève «une authentique
percée vers un apaisement des relations
entre l’Occident et l’Iran» et un
règlement négocié de cette difficile
impasse nucléaire.
En vérité, à l’époque, donc en novembre
2013, personne n’avait compris
l’attitude négative prise par la
diplomatie française. Même les Iraniens
les plus hostiles au pouvoir des
ayatollahs n’avaient pas admis le fait.
D’ailleurs, les réseaux sociaux s’en
sont donnés à cœur joie, allant jusqu’à
accuser Laurent Fabius d’être «l’âne des
Israéliens». C’est dire, jusqu’où la
France, singulièrement son représentant
officiel Laurent Fabius, obnubilée par
la haine de l’Iran – que l’on supputait
à l’aune du seul Israël – a gravement
nui à ses propres intérêts alors que des
dizaines de sociétés françaises ont ou
avaient eu pignon sur rue à Téhéran. En
se faisant le porte-voix zélé d’Israël,
la France aura surtout foulé aux pieds
ses propres intérêts en Iran.
C’est, dès lors, d’un cocasse incongru,
que ce soit ce même Laurent Fabius –
alors que l’encre des signatures de
l’accord de Vienne n’a pas encore séché
– qui annonce sa prochaine visite dans
la capitale de cet Iran honni. Hier,
dans son ardeur vengeresse, la France a
négligé le fait que l’Iran est un riche
pays disposant des quatrième et deuxième
réserves mondiales de pétrole et de gaz.
Aujourd’hui, toute honte bue, Paris est
le premier à se précipiter vers un Iran
redevenu fréquentable. Honteux!
Gageons que l’Iran et les Iraniens ont
la mémoire longue et se feront un devoir
de rappeler au chef de la diplomatie
française, s’il atterrit un jour à
Téhéran, son ostracisme malvenu envers
leur pays.
Karim MOHSEN
Source : L’Expression
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