Opinion
Peut-on utiliser les propos du Ramban
pour
soutenir le sionisme ?
Judaïsme contre Sionisme
Illustration : Un portrait en
peinture du Ramban
זצ״ל
Samedi 9 mai 2015
De nombreux sites
de propagande sioniste citent les propos
que le Ramban זצ״ל (également
connu sous le nom de « Nahmanide »)
a tenus dans son Séfèr Hammiswôth,
à savoir : « Il nous a été ordonné de
prendre possession du pays que D.ieu a
promis à nos ancêtres, à `Avrohom, à Yishoq
et à Ya´aqôv, et de ne pas le laisser
entre les mains de quelque peuple que ce
soit, ni le laisser désolé... Nous ne
devons pas laisser le pays entre leurs
mains1,
ni entre celles de tout autre peuple en
toute génération ». Les sionistes
utilisent donc ces mots du Ramban comme
la preuve qu'il est donc permis de
conquérir la Terre Sainte par la force
en toute génération et que c'est bien la
preuve que les Trois Serments n'ont pas
de valeur halakhique.
Mais lorsqu'on se
penche plus sérieusement sur
l'intégralité des propos du Ramban, il
est clair et évident qu'il ne soutient
pas qu'une telle conquête soit permise
en période d'exil. En effet, il commence
par rapporter une preuve des propos de
nos Sages selon quoi Dowid
Hammèlèkh ע״ה eut tort de
conquérir la Syrie avant d'avoir achevé
la conquête de la Terre Sainte, et il
termine donc cette partie en disant « Nous
voyons donc qu'il nous a été ordonné de
la conquérir dans toutes les générations ».
Puis, il déclare
ceci : « Et j'affirme que la Miswoh
dont parle nos Sages de mémoire bénie
avec grande estime, à savoir, vivre en `Èrès
Yisro`él... fait intégralement partie de
cette Miswoh Positive, car il
nous a été ordonné de prendre possession
du pays afin d'y vivre. S'il en est
ainsi, c'est une Miswoh Positive
pour toutes les générations à laquelle
chacun d'entre nous est astreint, même
durant l'exil ».
Nous voyons
clairement que le Ramban avait besoin
d'une seconde preuve (le fait que nos
Sages de mémoire bénie parlent de `Èrès
Yisro`él avec une grande estime) pour
attester que la Miswoh
s'appliquait même durant l'exil. Sa
première preuve (que Dowid
Hammèlèkh devait d'abord entièrement
conquérir la Terre Sainte avant de
conquérir la Syrie, et qu'il commis une
faute en conquérant d'abord la Syrie)
n'était pas suffisante car elle ne
s'appliquait pas à l'exil (puisqu'il n'y
avait pas d'exil du temps de Dowid
Hammèlèkh).
Pourquoi dit-il
donc que « il nous a été ordonné de
la conquérir dans toutes les générations » ?
C'est un argument qu'il donne pour
répondre au Rambam זצ״ל
(également connu sous le nom de
« Maïmonide »), qui, lui, ne compte pas
la conquête de `Èrès Yisro`él
comme l'une des 613 Miswôth de la
Tôroh et estime que cette Miswoh
ne s'appliquait que du temps de
Yéhôshoua´ bin Noun ע״ה. D'après
la troisième règle du décompte des Miswôth
effectué par le Rambam, une Miswoh
qui ne s'appliquait qu'une seule fois
dans l'histoire ne peut compter parmi
les 613 Miswôth de la Tôroh. Mais
pour le Ramban, le fait que cette
obligation de conquête s'appliquait
aussi du temps de Dowid Hammèlèkh
prouve que ce n'était pas une Miswoh
qui ne s'appliquait qu'une seule fois
dans l'histoire. Pour reprendre les
termes halakhiques, cette Miswoh
s'applique לדורות « Lédôrôth
– pour les générations » et non « Lésho´oh
– uen seule fois dans le temps ». En
d'autres mots, c'est une Miswoh
permamente. Et c'est ce que veut dire le
Ramban en écrivant qu'il nous a été
ordonné de conquérir la Terre Sainte
dans toute génération. Mais bien que ce
soit une Miswoh permanante, il y
a bel et bien des périodes où cette Miswoh
de conquête est suspendue, à savoir,
durant les périodes d'exil ! À cet
égard, cette Miswoh est
comparable à toutes les Miswôth
liées à l'existence du Temple et des
sacrifices ; bien que la Tôroh décrive
ces Miswôth comme s'appliquant « Lédôrôth
– pour les générations », et que ce
soient donc bien des Miswôth
permamentes comptées parmi les 613 Miswôth,
tout le monde sait très bien et voit de
lui-même qu'elles sont suspendues en
périodes d'exil, où nous n'avons pas le
droit d'avoir un Temple, ni d'offrir des
sacrifices. Il en est de même ici ; bien
que la conquête de la Terre Sainte soit
une Miswoh permanante, elle est
suspendue durant les périodes d'exil, où
il est interdit de monter en masse en
Terre Sainte et d'y établir une
souveraineté juive !
À la fin de son
exposé, le Ramban démontre qu'il y a
bien une Miswoh qui s'applique
même durant l'exil. Mais de quelle Miswoh
parle-t-il ? Cette question est
essentielle, car c'est là que les
sionistes s'égarent. Le Ramban prouve
que la Miswoh de vivre
en `Èrès Yisro`él s'applique même
durant l'exil, mais pas celle de
conquérir `Èrès Yisro`él ! Vous
devez attentivement lire les propos du
Ramban pour ne pas tomber dans le piège
des sionistes, qui les interprètent
d'une façon tordue. Jusque là, le Ramban
parlait de la Miswoh de לרשת
« Larèshèth – prendre possession » du
pays. À présent, il aborde un point
supplémentaire, à savoir, que la Miswoh
de vivre en Terre Sainte, dont nos Sages
de mémoire bénie ont parlée avec une
grande estime, fait également partie de
cette même Miswoh, « car il
nous a été ordonné de prendre possession
du pays afin d'y vivre ». En
d'autres mots, la vraie Miswoh
est celle de vivre en Terre Sainte,
tandis que prendre possession de la
Terre Sainte n'est qu'un הכשר מצווה
« Hèkhshér Miswoh » (une étape
préliminaire pour l'accomplissement de
la Miswoh). Par exemple, rédiger
les parchemins des Téfillin est une
étape préliminaire nécessaire pour
pouvoir ensuite attacher les Tafillin,
mais la Miswoh n'est pas de
rédiger les parchemins mais de mettre
les Téfillin ! Ainsi, si quelqu'un a des
Téfillin dotées de parchemins déjà
rédigés, il n'a aucune obligation de les
rédiger ! Autre exemple : construire une
Soukkoh est une étape préliminaire
nécessaire pour pouvoir ensuite
s'asseoir dedans, mais la Miswoh
n'est pas de la construire mais de
s'asseoir dedans. Par conséquent, si
quelqu'un achète une Soukkoh
pré-construite, il n'a pas à en
construire une autre ! Il en est de même
ici. Du fait que nos Sages de mémoire
bénie aient parlé avec une grande estime
du fait de vivre en Terre Sainte même
durant l'exil, le Ramban conclut que la
vraie Miswoh consiste à y vivre,
et non pas à la conquérir. Les conquêtes
ayant eu lieu aux époques de Yéhôshoua´
bin Noun et Dowid Hammèlèkh
n'étaient qu'une préparation rendant
possible le fait d'y vivre. Mais si
quelqu'un peut y vivre sans la
conquérir, il accomplit également la Miswoh.
Par conséquent, même durant l'exil, où
toute conquête est strictement interdite
en vertu des Trois Serments, il est
possible d'y vivre et d'accomplir la Miswoh.
En fait, il y a toujours eu des Juifs en
Terre Sainte, même en période d'exil.
De par le fait
qu'il n'applique pas l'expression « même
durant l'exil » à la conquête mais au
fait de vivre en Terre Sainte, le Ramban
indique clairement qu'il est lui aussi
d'accord sur le fait qu'il y ait un
serment qui interdit la conquête durant
l'exil. Autrement, pourquoi devait-il
rapporter une autre preuve que la Miswoh
s'applique durant l'exil, et quelle
différence y a-t-il entre l'époque de
Dowid Hammèlèkh et la nôtre, si
ce n'est le décret de l'exil et les
serments qui s'y rattachent ? Et le
Ramban n'exprime aucune surprise sur le
fait que nos Sages de mémoire bénie, à
leurs époques déjà, n'ont parlé que de
la Miswoh de vivre en Terre
Sainte, et non de la conquérir. Il dit
juste qu'en dépit de la suspension du
Hèkhshér Miswoh de la conquête,
il est néanmoins toujours possible
d'accomplir la Miswoh en
elle-même en vivant en Terre Sainte.
Prêtez également
attention aux mots suivants, qu'il
emploie : « c'est une Miswoh
Positive pour toutes les générations à
laquelle chacun d'entre nous est
astreint, même durant l'exil ».
Pourquoi dit-il « chacun d'entre
nous » ? Tout le monde sait que dans la
terminologie halakhique, « chacun
d'entre nous » est une expression
désignant une Miswoh
individuelle, et non collective. Le
Ramban l'emploie ici parce qu'il sait
que si cette Miswoh incombait à
l'ensemble du peuple Juif,
collectivement, il serait tout bonnement
impossible de l'accomplir durant l'exil
sans conquête. En effet, il n'y a aucune
chance qu'une puissance dominante en
Terre Sainte ne permette à l'entièreté
des Juifs de s'installer en masse en
Terre Sainte. Les non Juifs dominant et
vivant dans le pays verraient cela comme
une menace à leur autorité et
domination. Ils ne permettraient qu'à un
nombre limité de Juifs de s'y installer.
Par conséquent, le Ramban dit que c'est
une Miswoh que chaque Juif,
individuellement, peut accomplir s'il en
a la possibilité, c'est-à-dire, si la
domination non juive le lui permet !
En outre, faîtes
également attention aux mots suivants du
Ramban : « Et j'affirme que la Miswoh
dont parle nos Sages de mémoire bénie
avec grande estime, à savoir, vivre en `Èrès
Yisro`él, au point d'avoir affirmé dans
[le traité] Kéthoubbôth que ''Quiconque
la quitte et vit en-dehors de la Terre
[Sainte] doit être à tes yeux comme
quelqu'un qui adore des idoles... ».
Or, si on jette un coup d’œil dans le
traité Kéthoubbôth 110b (la page
du Talmoud qui vient juste avant
l'énonciation des Trois Serments, dans
Kéthoubbôth 111a), nous voyons
que le Talmoud ne dit pas du tout
que « Quiconque la quitte ». Il
dit plutôt « Quiconque vit en-dehors
de la Terre [Sainte] est comparable à
quelqu'un qui n'a pas de D.ieu..., il
est comme quelqu'un qui adore des
idoles ». Pourquoi le Ramban
déforme-t-il donc les propos de nos
Sages tenus dans le Talmoud ?
La réponse est
qu'il y a en réalité deux déclarations
différentes faites par nos Sages de
mémoire bénie : l'une se trouve dans le
Talmoud, et la seconde se trouve
dans Tôrath Kôhanim2.
Sur le verset suivant de la Tôroh3,
לתת לכם את-ארץ כנען להיות לכם לאלהים
« afin de vous donner la terre de
Canaan, pour devenir pour vous un D.ieu »,
nos Sages de mémoire bénie disent ceci :
« Chaque Juif qui vit en `Èrès
Yisro`él accepte sur lui le Royaume des
Cieux. Et quiconque la quitte et vit
en-dehors de la Terre [Sainte] doit être
à tes yeux comme quelqu'un qui adore des
idoles ». Rashi זצ״ל
mentionne ce passage dans son
commentaire sur la Tôroh. D'après cette
déclaration, seul quelqu'un qui est
né en `Èrès Yisro`él et la
quitte est considéré comme un idolâtre,
mais quelqu'un qui est né en-dehors de `Èrès
Yisro`él n'a aucune obligation
religieuse d'aller s'installer en `Èrès
Yisro`él ! C'est cette déclaration que
le Ramban voulait citer. Par conséquent,
il apparaît clairement que le Ramban ne
voulait même pas dire qu'un Juif qui est
capable de s'installer en `Èrès
Yisro`él devrait le faire. Ce qu'il
voulait réellement dire est que c'est
une Miswoh optionnelle qui
s'applique en tout temps et que l'on
peut accomplir en s'y installant (avec
l'accord de la nation juive qui domine
la Terre Sainte), mais qu'elle n'est pas
obligatoire ! Bien que le Ramban écrit
qu'il cite le traité Kéthoubbôth, il
voulait peut-être dire que ce passage de
Kéthoubbôth devait se comprendre de la
même façon que celui de Tôrath Kôhanim,
c'est-à-dire, comme ne s'appliquant qu'à
celui qui est né en `Èrès Yisro`él
et s'en va. Ou alors, il voulait citer
Tôrath Kôhanim, mais comme les deux
passages se ressemblaient, il a cru que
cette déclaration se trouvait dans
Kéthoubbôth 110b. (Ce sont des
choses qui peuvent arriver, et qui sont
plus fréquents qu'on ne le pense.)
Les sionistes font
croire que leur lecture du Ramban est la
bonne (vous avez bien vu que c'est faux)
et que c'est toujours ainsi que les
propos du Ramban furent compris. Mais on
ne peut pas être plus loin de la
vérité ! En fait, toutes les
explications qui ont été données
ci-dessus furent données par d'éminents
rabbins de toutes époque qui, citant les
propos du Ramban, expliquèrent et
démontrèrent que le Ramban ne parlait
pas d'une Miswoh obligatoire,
mais d'une Miswoh optionnelle.
Citons par exemple le Rov Môshèh
Feinstein זצ״ל4,
le Rashbash זצ״ל5,
Rabbi Shémou`él Salant ז״ל6,
Rabbi Yéhôshoua´ de Koutna ז״ל7,
ou encore Rabbi Dowid Smith
ז״ל8.
C'est ainsi que les propos du Ramban
furent compris durant des siècles avant
l'avènement du sionisme, qui tort le
sens des Écritures et des propos de nos
Sages de mémoire bénie. Et qu'est-ce qui
l'a rendu optionnelle si à l'origine
elle était obligatoire ? À l'évidence,
les Trois Serments, car si tous les
Juifs s'installaient en masse en Terre
Sainte, ils transgresseraient alors les
serments !
Pour finir,
mentionnons le fait que l'on ne peut pas
conclure des propos tenus par le Ramban
dans son Séfèr Hammiswôth qu'il
ne considérait pas que les Trois
Serments avaient une valeur halakhique,
car autrement cela créerait une
contradiction par rapport à d'autres
propos tenus par le Ramban dans d'autres
de ses écrits. En effet, dans son Séfèr
Haggé`ouloh9,
il écrit que la raison pour laquelle la
majorité es Juifs ne montèrent pas en
Terre Sainte au début de l'ère du Second
Temple (après la fin de l'exil à
Babylone) est que les Juifs avaient un
doute quant à savoir si le Roi Cyrus
avait donné la permission à toutes les
douze tribus de revenir en Terre Sainte,
ou si cette permission ne s'adressait
qu'à la seule tribu de Judah. Et quand
bien même il aurait donné cette
permission à l'ensemble des douze
tribus, les Juifs ne voulaient quand
même pas forcer la fin de leur exil, car
ils savaient que la prophétie faite par
Yirméyohou Hannovi` ע״ה selon
quoi l'exil à Babylone durerait 70 ans
ne se référait qu'aux Juifs vivant à
Babylone-même, mais pas à l'intégralité
des 127 provinces perses ! Nous voyons
donc que le Ramban considérait que les
Trois serments avaient bel et bien une
valeur halakhique ! (C'est comparable à
ceux qui concluent que le Rambam ne
considéraient pas que les Trois serments
avaient une valeur halakhique simplement
parce qu'il ne les mentionne pas dans
son Mishnéh Tôroh, alors que la vérité
est que bien qu'il ne les mentionne pas
dans son Mishnéh Tôroh, il le fait dans
ses lettres qu'il rédigea à l'adresse de
la communauté juive yéménite.)
Les sionistes ne
sont rien d'autres que des menteurs et
des falsificateurs !
1En référence aux Cananéens
2Parashath Béhar
3Wayyiqro` 25:38
4`Iggérôth Môshèh,
`Évén Ho´èzèr 1:102
5Sha`alôth
Outhéshouvôth Rashbash, Simon 2
6Cité dans Séfounôth,
2ème année, n°1, page 46
7Yéshou´ôth Malko`,
Yôréh Dé´oh 66
8Dèrèkh HaHayyim,
p. 25
9À la fin du Sha`ar 1,
page 274 dans l'édition Chavel
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