Opinion
L’Egypte à la tête des régimes arabes
qui facilitent l’assaut d’Israël contre
Gaza
Jean Shaoul
Abdoul
Fattah al-Sissi - Photo: D.R.
Mercredi 30 juillet 2014
L’hécatombe
organisée par Israël à Gaza ne pourrait
se faire sans la complicité des régimes
arabes. L'Egypte, l’Etat arabe le plus
peuplé et le plus puissant, a joué un
rôle crucial pour ce qui est de rendre
possible le lancement de cette offensive
génocidiaire contre une population
palestinienne sans défense.
Depuis qu’il a
chassé le président Mohamed Morsi des
Frères musulmans (FM) et commencé en
juillet dernier un régime de terreur, le
dictateur militaire égyptien Abdoul
Fattah al-Sissi a suivi l’exemple de ses
prédécesseurs, Hosni Moubarak et Morsi
quant au contrôle du point de passage de
Rafah à la frontière Sud de Gaza. En
bloquant l’unique point d’entrée de
l’enclave appauvrie qui ne soit pas
contrôlé par Israel, il a transformé
Gaza en une prison à ciel ouvert pour
ses 1,8 millions d’habitants.
Ce régime
tributaire des Etats-Unis a collaboré
avec Israël pour durcir encore plus le
blocus en déclarant qu’Hamas était une
organisation terroriste et en faisant
exploser ou en inondant les tunnels
reliant Gaza à l’Egypte. Cette
suppression d’un lien vital utilisé pour
faire passer en contrebande de la
nourriture, des fournitures médicales,
du matériel de construction et de
l’essence dont dépendent les
Palestiniens de Gaza, a fait monter les
prix en flèche.
En début d’année,
les forces de sécurité égyptiennes
avaient mis en place une zone tampon ou
zone vide près de Rafah, s’étendant sur
300 mètres dans des zones habitées et
sur 500 mètres dans des zones ouvertes
et détruisant des maisons dans cette
zone. Le but avéré était d’empêcher que
des activistes islamistes du Sinaï Nord
se servent de Gaza comme d’une base pour
attaquer le Sinaï.
La péninsule du
Sinaï a connu une série d’attaques
montées par des djihadistes, qui
visaient les gazoducs reliant l’Egypte,
Israël et la Jordanie, ainsi que des
forces de sécurité égyptiennes. Vu que
les intérêts égyptiens correspondent
dans une large mesure à ceux d’Israël,
l’Egypte a étroitement collaboré avec
Tel Aviv pour réprimer les djihadistes.
La pénurie de
carburant pour l’approvisionnement en
courant est telle en Egypte que le
gouvernement est en train d’envisager
que les sociétés énergétiques qui y
exercent leurs activités soient
autorisées à importer du gaz auprès de
compagnies israéliennes. BG,
anciennement British Gas, a entamé des
négociations avec Israël pour fournir
pendant 15 ans 7 milliards de mètres
cubes de GNL (gaz naturel liquéfié) par
an à l’Egypte.
La dernière
agression d’Israël contre Gaza,
cyniquement et à tort nommée Opération
Bordure de Protection a été coordonnée
de près avec l’Egypte – qui avait fait
évacuer la veille ses gardes-frontières
à Rafah pour qu’ils ne soient pas
atteints par le bombardement israélien.
L’armée a intensivement patrouillé la
frontière du Sinaï pour empêcher que des
groupes militants n’y lancent des
attaques aux côtés du Hamas, la branche
des Frères musulmans qui contrôle Gaza.
Rien que la semaine passée, des
militants du Sinaï avaient tiré des
roquettes sur Israël. Les forces de
sécurité égyptiennes ont dit avoir
empêché que des militants ne tirent deux
roquettes supplémentaires sur Eilat,
station balnéaire du Sud d’Israël.
Le bombardement
israélien a touché des bâtiments situés
du côté égyptien de la frontière sans
que ceci ne provoque de réaction hostile
de la part du Caire. Selon un article
paru sur le site web Al-Monitor,
des avions de combat ont ciblé à l’aide
de bombes à concussion hautement
explosives les points d’entrée de
tunnels situés dans le Sud de Gaza dans
le but de détruire les entrées du côté
palestinien et une partie des tunnels
souterrains. Un habitant a dit que le
bombardement intensif avait été bien
pire que lors de n’importe quelle guerre
précédente contre Gaza et d’un type
différent car il a causé des «
tremblements de terre anormaux dans le
sol et ensuite à nos maisons » et l’a
comparé à un séisme de force 5. Il
craignait que si le bombardement
continuait, le sol pourrait s’effondrer,
vu que sous leurs maisons il existe plus
d’un millier de tunnels.
Par deux tirs très
précis en direction de l’immeuble
abritant Al-Jazeera, qui a son
siège au Qatar, Israël a aussi touché le
bureau local de cette chaîne. Cela eut
lieu le jour qui a suivi l’interdiction
par le ministre israélien des Affaires
étrangères, Avigdor Lieberman, d’Al-Jazeera,
l’accusant d’être l’organe de Hamas.
L’Egypte, pour sa part, a fermé le
bureau d’Al-Jazeera au Caire et
un tribunal fantoche a condamné quatre
de ses journalistes à de longues peines
d’emprisonnement pour avoir soi-disant
soutenu les Frères musulmans et le
terrorisme en Egypte. Ceci est conforme
à son opposition actuelle aux Frères
musulmans et à ses soutiens au Qatar où
se trouve aussi le chef du bureau des
Affaires extérieures du Hamas, Khaled
Meshaal.
Le Caire a fermé le
passage de Rafah pour empêcher que les
Palestiniens ne fuient devant l’armée
israélienne. Il a refusé de permettre
aux blessés de se faire soigner dans des
hôpitaux en Egypte et empêché des
délégations médicales et un convoi
d’aide de parvenir aux habitants de
Gaza.
L’attaque d’Israël
avait pour but de faire capoter toute
perspective d’unité politique entre la
faction de l’Organisation de libération
de la Palestine dirigée par le Fatah de
Mahmoud Abbas et gouvernant la
Cisjordanie pour le compte d’Israël et
le Hamas qui contrôle Gaza, sous le
nouveau Gouvernement d’unité nationale
convenu il y a quelques mois. L’objectif
initial, tel qu’il a été établi par
Israël, de détruire les tunnels de Gaza,
s’est désormais élargi de façon à
inclure la destruction du Hamas même.
Tout cela a lieu
alors qu’Israël fait preuve d’une
attitude belliqueuse croissante.
Celui-ci avait dernièrement lancé des
attaques contre la Syrie à partir du
plateau du Golan qu’il occupe depuis
1967. Il travaille en étroite
collaboration avec l’Arabie saoudite qui
a joué un rôle crucial dans le
renversement du régime des FM en Egypte
et dans l’arrivée au pouvoir d’al-Sissi;
et il a, dans le cadre d’une stratégie
plus générale d’endiguement de l’Iran,
appuyé les forces islamistes sunnites en
Syrie et en Irak.
La guerre contre
Gaza ne vise pas simplement à réprimer
les Palestiniens, mais aussi à forger
une plus grande unité au Moyen-Orient
contre l’Iran et ses partisans. Durant
de nombreuses années, l’Iran a agi comme
le principal bailleur de fonds du Hamas.
Alors que le Qatar avait tenté de briser
cette alliance, l’offensive d’Israël
pousse une fois de plus le Hamas à se
rapprocher de Téhéran – tandis que
Jérusalem cherche à créer au
Moyen-Orient les conditions d’une
offensive plus large, dirigée ou
approuvée par les Etats-Unis, contre la
Syrie et l’Iran.
Le porte-parole
iranien, Ali Larijani, et le commandant
des Gardes révolutionnaires, le général
Mohammad Ali Jafari, se sont vantés
cette semaine d’avoir fourni au Hamas la
technologie nécessaire pour fabriquer
ses propres armes tandis que le guide
suprême Ayatollah Ali Khamenei a demandé
aux Palestiniens d’étendre leur
résistance de Gaza à la Cisjordanie
occupée. Mercredi, la porte-parole du
ministère iranien des Affaires
étrangères, Marzieh Afkham, a dit lors
d’une conférence de presse que l’Iran
avait tenu des consultations politiques
avec d’autres pays, dont des Etats non
alignés, pour trouver un moyen d’aider
la population de Gaza.
Avec ses
négociations d’une proposition bidon de
cessez-le-feu après discussion avec
l’Arabie saoudite, la Ligue arabe et
Washington, Al-Sissi a fourni une
couverture essentielle à l’attaque
terrestre d’Israël. Un élément clé de la
proposition égyptienne a été la fin du
régime du Hamas à Gaza et le retour de
l’Autorité palestinienne (AP) dirigée
par le Fatah, expulsée suite à une
tentative de coup d’Etat contre le Hamas
vainqueur des élections de janvier 2006
en Cisjordanie et de 2007 à Gaza.
L’Egypte a insisté sur le fait qu’elle
ne voulait pas rouvrir le point de
passage de Rafah tant qu’il ne serait
pas gardé par une AP sous contrôle de
l’homme fort Mohammed Dahlan, le
successeur préféré par Israël d’un Abbas
affaibli.
Le cessez-le-feu a
été rejeté par le Hamas qui souligne ne
pas vouloir mettre un terme aux
hostilités sans la levée du blocus, sans
la libération des prisonniers convenue
en échange du soldat israélien Gilad
Shalit et celle des prisonniers détenus
en Cisjordanie après le meurtre des
trois jeunes israéliens, et sans
l’extension à la limite précédemment
fixée du droit de pêche de Gaza.
Les agissements des
dirigeants de la région prouvent une
fois de plus que l’acquisition des
droits les plus élémentaires et
l’accomplissement des tâches nationales
dans les pays opprimés ne peuvent se
faire qu’au moyen de la mobilisation
politique indépendante de la classe
ouvrière sur la base d’une perspective
socialiste et internationaliste. La
question palestinienne est liée au
succès de la révolution socialiste. Elle
pose la nécessité d’unifier la classe
ouvrière arabe et juive dans une lutte
pour le renversement des régimes vénaux
et sclérosés de la région et
l’établissement des Etats socialistes
unis du Moyen-Orient.
(Article original
paru le 28 juillet 2014)
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Publié le 31 juillet 2014 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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