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Politique

Macron :
La fin du système des partis

Jean-Claude Paye


© Jean-Claude Paye

Jeudi 20 avril 2017

La déclaration d’Emmanuel Macron, se présentant comme le candidat « anti-système », a surpris les  Français, car il avait été nommé secrétaire général adjoint auprès du Président Hollande en 2012, puis ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique dans le gouvernement Manuel Valls II en 2014. Il n'a d'ailleurs démissionné de cette dernière fonction que pour avoir les mains libres, afin de se présenter à l'élection présidentielle. Cette auto-désignation nous dit cependant quelque chose d'important sur l'évolution de la structure politique. Que E. Macron se sépare du régime des partis politiques comme mode de gouvernance du pays est une évidence. Pourtant, cette prise de distance, vis à vis des partis constitués, ne fait pas de lui un candidat anti-système, car le « système » qui se met en place n’est plus celui des partis, mais bien celui d’une gouvernance politique directe des  États nationaux par les acteurs économiques dominants et les structures politiques internationales.

D’ailleurs l’intervention de l’« anti-système » apparaît de plus en plus prégnante dans le déroulement des élections françaises. Le scénario initié par François Hollande se répète, une candidature qui apparaît d’abord comme prématurée, puis la liquidation inespérée de son concurrent, Dominique Strauss Khan, contre lequel il n’avait aucune chance. Cette fois, c’est le candidat de la droite François Fillon, grandissime favori de l’élection présidentielle, qui voit sa réussite subitement impactée par une affaire d’emploi fictif, existant depuis des dizaines d’années, mais que l’on vient inopinément de découvrir. Dans les deux cas, ces interventions providentielles, destinées à rétablir la morale ou les bonnes mœurs et incidemment à liquider le politique, remettent en selle des candidats qui n’ont aucune velléité de se démarquer, même d’un cheveu, de la politique impériale. Ce sont les candidats les plus malléables qui bénéficient de ces actions du destin. Dans le cas de Macron, on a même un candidat parfaitement « liquide », entièrement construit par l’anti-système et ses médias. Ainsi, « l’anti-système » se montre avant tout comme une restructuration, par le haut, de la représentation politique.

La liquidation programmée du PS.

Le positionnement du candidat Macron s'inscrit dans une tendance forte, particulièrement visible au sein du parti socialiste Français, celle de l'auto-implosion. Sa candidature posée en dehors du parti socialiste n’est que le dernier avatar d’une série d’événements qui montrent une volonté interne de liquidation du parti. François Hollande ne disait-il pas déjà en 2015 : "Il faut un acte de liquidation. Il faut un hara-kiri. Il faut liquider le PS pour créer le parti du Progrès"[1]. Le premier ministre Manuel Valls s’est également présenté comme partisan d’un « front républicain », pour une fusion des listes électorales au niveau des primaires dans les circonscriptions ou le front national risquerait de l’emporter[2]. On ne peut donc être étonné de sa dernière déclaration selon laquelle il voterait  Emmanuel Macron, pour barrer la route à l'extrême droite.

Invité par Matteo Renzi à la fête de l’Unità, le premier ministre français avait aussi déclaré : « Il n’y a pas d’alternative à gauche, la seule autre donne c’est le Front National. C’est ça et rien d’autre qui doit occuper l’esprit de tous les socialistes. ». Ou encore, au micro de BFM-TV :« A chacun de se dire : est-ce qu’il y a une politique alternative à ce que nous faisons ? Oui, il y en a, il y a ce que propose l’extrême-droite .»[3]

L’organisation de la légitimation repose sur la diabolisation d’un parti politique, le Front National,  devenu pourtant semblable aux autres, depuis son aggiornamento de parti fasciste en organe du meilleur des mondes. Le programme n'a plus d'importance, seule compte la capacité, auto-proclamée et authentifiée par les médias, d’empêcher le front national d’arriver au pouvoir. Macron s’inscrit dans cette ligne politique. Il en est son point d’aboutissement. Cette hypostase lui assure sa légitimité et enlève toute crédibilité à toute autre candidature.

La fin du système des partis.

La tendance à l’effacement du système des partis, particulièrement explicite en ce qui concerne le PS, se vérifie aussi au niveau du parti républicain, même si le processus de décomposition est moins avancé et a dû faire l’objet d’une aide extérieure par le biais de l’opportune affaire Fillon. Cependant, le processus était déjà bien engagé, comme nous le montre le système des « primaires ».

Le candidat d’un parti n’est plus désigné par ses militants, mais peut être élu par tout un chacun, et ainsi par les membres d’un parti concurrent. Le candidat n’est donc plus celui d’un parti, mais celui de l’ensemble des Français, même celui de ses opposants. Ce ne sont plus les organisations politiques qui s’affrontent, mais de simples personnalités, non plus porteuses d’un programme, mais d’une image façonnée par les médias. Du choc des idées, on passe à la concurrence des images.

Nous nous trouvons dans une nouvelle configuration de la « scène politique »[4], de l’espace de la représentation politique. Nous passons d’un système organisé autour d’un parti de masse dominant ou d’une structure binaire de deux organisations « alternatives », gauche et droite, à un mode de gouvernance qui abandonne le système des partis et qui, dans les faits et dans le langage, rejette le politique.

Une crise de représentation partisane n’est pas un phénomène unique dans le paysage politique français. Il existe plusieurs références historiques, dont celle du bonapartisme instaurant le second empire, ou, plus près de nous, l’instauration de la cinquième république en 1958 par le général de Gaule. Cependant, le phénomène actuel est autre. Les deux exemples relevés relèvent d’un coup de force extérieur face à l’appareil législatif. Aujourd’hui, nous assistons à un processus interne d’auto-démantèlement de l'ensemble de la structure d'État.

Si hier, la crise de représentation des partis a conduit à un renforcement effectif de l'exécutif, aujourd'hui, l'augmentation de ses prérogatives aboutit à un accroissement purement formel de son pouvoir, car il ne travaille pas pour son propre compte, mais pour celui d’organisations supra nationales, des structures intermédiaires de l'Empire,  tels l’UE, le Conseil de l'Europe ou de l'OTAN. L’appareil exécutif national, dans son viol permanent du Parlement, apparaît comme un simple relais. Ainsi, parler de crise de représentation des partis politiques n’est pas suffisant. Il ne s’agit plus d’un fait lié à une conjoncture politique particulière, mais d’un événement d’ordre structurel .

Primauté de l’image.

Le phénomène de la candidature Macron révèle une mutation dans l'exercice du pouvoir d'État, à savoir la fin de toute médiation avec la société civile. Les différents lobby se substituent aux partis. Les grandes entreprises ont la capacité de défendre directement leurs intérêts, contre la grande majorité de la population, sans que la décision prise prenne la forme d'une défense de l'intérêt collectif.

Autrement dit, la classe,  économiquement et politiquement dominante, devient également la classe régnante, celle qui occupe les devants de la « scène politique », de l'espace de la légitimation. La classe dominante gère directement ses intérêts et promotionne ouvertement ses candidats. Le processus de légitimation de cette procédure ne relève plus de la représentation, mais du marketing, la scène politique se confondant avec celle des médias.

La candidature Macron est ainsi le symptôme d'une société capitaliste avancée, dans laquelle les  rapports sociaux sont complètement transformés en rapports entre choses, entre marchandises. Les divergences exprimées par les différents candidats se réduisent à la compétition des images, à la concurrence des marchandises.  Ainsi, Macron se place hors langage. Chacun peut mettre ce qu’il veut entendre dans ce qui est dit. Il ne nous demande pas d’adhérer à un discours, mais de regarder son image et d’être en fusion avec elle. 

Il n'y a plus de place pour la politique et la confrontation de points de vue divergents, mais à un abandon de sa vie privée et publique, afin de s'adapter aux changements permanents des rapports de production et à la fluidité renforcée des forces productives, c'est à dire aux exigences, constamment renforcées de la rentabilité du capital.

« En marche » vers une société « moderne-liquide ».

Comme un inventaire à la Prévert ne forme pas un programme, rien n’est déterminé. Au nom de la nécessaire adaptation à la « modernité », est promue la propension à tout accepter, à renoncer à tout acquis social. Ainsi, tous les espoirs sont permis pour ses commanditaires, aucune limite n'étant fixée à priori à leurs futures exigences.

Macron s’inscrit dans une idéologie de la « société moderne-liquide »[5], telle qu’elle a été saisie par le sociologue Zygmunt Bauman, celle du changement permanent en vue de s’adapter à la fluidité des choses. Alors, l’absence de cohérence interne du « programme » se présente positivement, comme une possibilité d’adaptabilité constante, comme une fluidité, à priori préexistante à la conscience des choses, permettant d’intégrer toute mutation. La réforme du code du travail[6] réalisée par le gouvernement Hollande, dans lequel il occupait un poste clé, en est une première étape. Casser le rapport de force et la capacité de résistance des travailleurs, est la condition préalable pour réaliser l’adaptabilité permanente des travailleurs aux exigences du patronat. Non seulement E. Macron s’inscrit dans la continuité de l’action du gouvernement sortant,  mais il la magnifie, lui donnant sa véritable dimension, celle de la « société liquide ». Cette dernière se caractérise par l’absence de projet précis, sinon de gouverner pragmatiquement[7]. Ce type de gouvernementalité ne peut que donner une place encore accrue aux « experts », renforçant la tendance déjà bien affirmée de gestion de la chose publique par ordonnances, ainsi que par l'emploi de la procédure du 49/3[8], déjà abondamment utilisée par le gouvernement sortant.

Ici, point d'alternative, le « hors-système » se résume à une capacité revendiquée d’adaptabilité à toute mutation sociale, quelle qu’elle soit. La fluidité exprimée se reflète dans le nom même de son mouvement « En marche », une injonction qui ne précise aucunement vers quoi elle se dirige, mais qui nous indique qu'il s'agit d'abandonner toute résistance à la machine économico-politique.

[1]    "Un président ne devrait pas dire ça..." : François Hollande se confie, RTL.fr, http://www.rtl.fr/actu/politique/sarkozy-gayet-sans-dents-islam-les-confidences-choc-de-francois-hollande-7785236552

[2]     « Valls prêt à liquider le PS pour ses ambitions », NPA.org, le 13 novembre 2015, https://npa2009.org/actualite/politique/valls-pret-liquider-le-ps-pour-ses-ambitions

[3]    Julien Lacassagne, « L’obsolescence programmée du Parti Socialiste », Médiapart.fr, le 20 décembre 2015, https://blogs.mediapart.fr/julien-lacassagne/blog/201215/l-obsolescence-programmee-du-parti-socialiste 

[4]     Sur la notion de scène politique, lire Nicos Poulantzas, Pouvoir politique et classes sociales II, pp. 148-152, FM/ Petite collection Maspéro, Paris 1952.

[5]    Lire : André Tosel, « La société liquéfiée du capitalisme global », l’Humanité, le 20 janvier 2006, http://www.humanite.fr/node/342856

[6]      Lucas Jakubowicz,« Loi Travail (Loi El Khomri) : ce qu'elle va changer pour vous », Journal du net, le 25/7/2016, http://www.journaldunet.com/management/ressources-humaines/1165976-loi-travail/
          LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels,
http://ec.ccm2.net/droit-finances.commentcamarche.net/download/files/joe_20160809_0003-PDF.pdf

[7]     Jean-Michel Servet, « Emmanuel Macron, l’homme de la société liquide », Le Temps, le 10 avril 2017, https://www.letemps.ch/economie/2017/04/10/emmanuel-macron-lhomme-societe-liquide

[8]     L'article 49 alinéa 3, dit d'« engagement de responsabilité », permet au gouvernement de faire passer le texte qu'il présente, sans vote, en engageant sa responsabilité, sous couvert du rejet de la motion de censure que l'opposition se doit de déposer. Si celle-ci a lieu, la majorité fait bloc pour soutenir le gouvernement et le texte législatif est ainsi adopté sans vote des assemblées.

 

 

   

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