RussEurope
Cinq thèses sur l’euro
Jacques Sapir

© Jacques
Sapir
Vendredi 11 mars 2016
Le problème que soulève l’euro est
aujourd’hui de plus en plus évident, en
particulier dans le contexte des
manifestations et de la mobilisation
contre la loi « Travail ». Il est
désormais évident que l’économie de
cette loi est dictée par l’appartenance
à la zone euro. A partir du moment où
l’on retire à des états la possibilité
d’ajuster leurs situations économiques
par des dépréciations (ou des
appréciations) du taux de change, et où
l’on n’a pas construit au préalable
le cadre d’importants transferts
budgétaires entre ces pays, l’effort
d’ajustement ne peut reposer que
sur le facteur travail. C’est là la
triste vérité qui désormais se profile
de manière de plus en plus nette
derrière la loi « Travail » dite encore
loi El Khomri du nom de la Ministre qui
est contrainte de la porter sans l’avoir
conçue. Le problème que pose donc l’euro
peut être décrit en cinq points.
I.
L’euro n’est pas une monnaie car elle ne
correspond pas à une autorité politique
unique et à une volonté politique assise
sur une légitimité populaire.
L’euro est un système qui bloque les
changes relatifs entre pays. C’est un
régime de changes fixes, qui peut
s’apparenter, dans les faits, à
l’étalon-or. Il n’y a donc plus de
flexibilité. Les pays n’ont plus la
possibilité d’ajuster leur taux de
change. Ce serait pourtant nécessaire,
compte tenu des différences
structurelles, tout à fait normales,
entre ces pays, et de l’absence de
budget européen, c’est-à-dire de flux de
transferts au sein de la zone euro.
Il n’y a ici que deux solutions. La
première consisterait à organiser des
flux de transfert massifs tout comme
ceux qui existent au sein de l’économie
d’un même pays. Il y a par exemple une
forte hétérogénéité entre régions
françaises, mais ceci s’accompagne de
flux de transfert nets d’un montant de
300 milliards d’euros, tandis que ces
flux ne représentent en Europe qu’un peu
moins de 40 milliards. Il faudrait donc
multiplier ces flux par 7 ou 8, ce qui
implique un saut important. De plus, ces
flux devraient être payés pour
l’essentiel par les pays qui profitent
de l’euro, de même qu’en France les flux
sont pour l’essentiel payés par la
région parisienne et la vallée de la
Seine. Cela ne pose pas de problèmes en
France, car nous sommes tous français et
la redistribution entre régions semble
normale, mais en ce qui concerne la zone
euro, cela voudrait dire qu’il faudrait
prélever entre 8 et 10 % du PIB de
l’Allemagne et le transférer vers la
Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Italie,
voire la France. Or on ne peut demander
cela aux Allemands. Il ne s’agit même
pas de savoir s’ils voudront bien le
faire. Ils ne le peuvent pas. Cela
détruirait leur économie.
L’autre solution consiste en
l’organisation de dévaluations internes
compétitives. C’est dans cette voie que
la zone euro s’est engagée depuis 2010.
Concrètement, cela revient à appliquer
dans notre pays la politique suicidaire
de Brüning en Allemagne entre 1930-1932.
C’est cette politique qui a été le
terreau du nazisme, et non pas
l’hyperinflation. Et il convient de
rappeler qu’elle a été menée au nom du
sauvetage des banques allemandes.
Celles-ci ont bien été sauvées, mais à
un prix économique monstrueux en termes
de chômage et de misère sociale. Ces
politiques de dévaluation internes sont
celles que l’on met actuellement en
place : baisse nominale des prestations,
que ce soit le chômage ou les retraites,
et baisse du salaire nominal par
différents artifices. Ces politiques
précipitent les pays qui les mènent dans
des logiques de concurrence profondément
destructrices pour l’économie
européenne. On parle ainsi beaucoup
d’une reprise espagnole. Non seulement
il faut être très prudent à ce sujet,
mais il faut voir que cette reprise se
fait aussi au détriment de la France et
de l’Italie.
Il faut enfin rappeler ce qu’a dit la
Cour de Karlsruhe en 2011, à savoir
qu’il y a des peuples européens mais pas
de « peuple européen », et que c’est
dans le cadre national que se
construisent réellement les processus
démocratiques. Autrement dit, un système
fédéral poserait un énorme problème de
démocratie.
II.
L’euro, en conséquence de ce qui vient
d’être dit, est un facteur de récession
à la fois structurelle et conjoncturelle.
C’est aussi un facteur de régression
car, quand on empêche les ajustements de
se faire par le taux de change cet
ajustement se fait par le chômage qui,
déprimant le niveau général d’activité,
engendre du chômage. Le vote du TSCG par
le parlement en octobre 2012 est venu
cadenasser cet état des choses en
retirant aux Etats la possibilité de
mener des politiques budgétaires
adaptées. De fait, et on peut le voir
dans les chiffres, la croissance dans la
zone Euro a été bien plus faible que
dans les pays de l’Union européenne qui
ne sont pas membre de la zone Euro. Il y
a eu, de 2000 à 2015, un écart d’environ
1% par an, soit un écart de plus de 17%
sur l’ensemble de la période. C’est un
fait, et un fait considérable.
Tableau 1
Comparaison entre la
croissance des pays de la zone Euro et 5
autres pays de l’OCDE
|
PIB en
2015, indice 100=1999 |
Taux de
croissance moyen sur 1999-2015 |
Taux
moyen sur 1999-2007 |
Taux
moyen sur 2008-2015 |
PIB par
habitant en 2015, indice
100=1999 |
Taux de
croissance moyen du PIB par
habitant 2015 |
Belgique |
125,6% |
1,43% |
2,23% |
0,6% |
114,1% |
0,8% |
Finlande |
128,2% |
1,56% |
3,73% |
-0,6% |
118,0% |
1,0% |
France |
122,2% |
1,26% |
2,11% |
0,4% |
111,3% |
0,7% |
Allemagne |
121,5% |
1,23% |
1,64% |
0,8% |
122,7% |
1,3% |
Grèce |
104,7% |
0,29% |
4,07% |
-3,4% |
103,6% |
0,2% |
Italie |
102,9% |
0,18% |
1,48% |
-1,1% |
97,2% |
-0,2% |
Pays-Bas |
121,6% |
1,23% |
2,28% |
0,2% |
113,6% |
0,8% |
Portugal |
106,2% |
0,38% |
1,52% |
-0,8% |
104,3% |
0,3% |
Espagne |
130,6% |
1,68% |
3,74% |
-0,3% |
112,4% |
0,7% |
Total 9
pays de la zone Euro |
119,1% |
1,10% |
2,18% |
0,0% |
|
|
Total
sans Allemagne |
118,1% |
1,05% |
2,40% |
-0,3% |
|
|
Canada |
142,3% |
2,23% |
2,80% |
1,7% |
120,5% |
1,2% |
Suède |
140,2% |
2,14% |
3,24% |
1,0% |
126,4% |
1,2% |
Royaume-Uni |
134,9% |
1,89% |
3,00% |
0,8% |
122,0% |
1,1% |
Etats-Unis |
137,5% |
2,01% |
2,65% |
1,4% |
119,5% |
1,2% |
Source : base de données du FMI

Il faut ici voir les choses en face :
les grands projets européens ont été le
fruit d’une coopération entre des États,
pas de l’Union européenne. Airbus n’a
pas été mis en place par l’Europe. C’est
un consortium né d’une coopération
franco-allemande, rejoint par les
Espagnols et les Britanniques. Ariane
n’est pas un projet européen, c’est, là
encore, un projet né de la coopération
entre la France, l’Allemagne et le
Royaume-Uni, où la France a réussi par
un coup de force en 1971 à imposer
l’idée qu’il fallait un maître d’œuvre,
pour en finir avec les échecs répétés de
la fusée Europa. Tous ces grands projets
ont été des réussites car ils étaient
portés par une volonté politique d’une
pays, et non pas par l’addition des
volontés des bureaucraties bruxelloises.
De même, le CERN a une existence bien
antérieure à l’Union européenne. Il est
donc tout à fait possible de se
coordonner et même plus, de coopérer,
sur de grands dossiers industriels, sans
les institutions européennes et encore
moins l’euro. Par contre, ce que l’on
peut constater, c’est la chute des
investissements depuis la mise
en place de l’euro.
Tableau 2
Chute de l’investissement
productif
|
Investissement global |
Investissement par
habitant |
|
Niveau de 2015
en pourcentage de 1999 |
Taux de
croissance annuel moyen |
Niveau de 2015
en pourcentage de 1999 |
Taux de
croissance annuel moyen |
Belgique |
120,8% |
1,2% |
109,8% |
0,6% |
Finlande |
114,9% |
0,9% |
107,9% |
0,5% |
France |
122,9% |
1,3% |
111,9% |
0,7% |
Allemagne |
96,2% |
-0,2% |
97,1% |
-0,2% |
Grèce |
47,2% |
-4,6% |
46,7% |
-4,7% |
Italie |
77,2% |
-1,6% |
73,0% |
-2,0% |
Pays-Bas |
97,0% |
-0,2% |
90,6% |
-0,6% |
Portugal |
53,6% |
-3,8% |
52,6% |
-3,9% |
Espagne |
100,5% |
0,0% |
86,5% |
-0,9% |
9 pays de
la ZE |
98,3% |
-0,1% |
92,5% |
-0,5% |
Canada |
163,2% |
3,1% |
138,2% |
2,0% |
Suède |
157,8% |
2,9% |
142,2% |
2,2% |
Royaume-Uni |
123,8% |
1,3% |
111,9% |
0,7% |
Etats-Unis |
120,2% |
1,2% |
104,4% |
0,3% |
Source : base de données du FMI
Que l’euro soit un facteur de
récession structurelle était connu dès
avant la crise financière de 2007. Dans
un ouvrage publié en 2007, et donc
rédigé un peu auparavant, plusieurs
économistes montraient ainsi que l’euro
est un facteur de freinage de la
croissance au niveau mondial.[1]
En effet, l’euro est un facteur de
récession dans plusieurs pays et, en
outre, affaiblit de façon générale la
demande de l’ensemble de la zone euro,
ce qui pèse d’un poids important sur la
conjoncture mondiale. On constate que
depuis le début des années 2000, la
croissance agrégée des pays de la zone
euro est significativement inférieure à
la croissance américaine, à la
croissance britannique ou à celle des
autres membres de l’OCDE qui n’ont pas
l’euro. On peut ainsi attribuer en
partie à l’euro les déséquilibres qui se
sont révélés depuis 2007.
L’euro est aussi un facteur de
récession conjoncturelle. « Il faut
sauver l’euro » : en raison de ce
slogan, on a imposé à tout une série de
pays des politiques d’austérité qui ont
directement aggravé la crise, que ce
soit en Espagne, en Grèce, au Portugal,
ou encore en Italie. En ce qui concerne
l’Italie, par exemple, il faut bien voir
que la crise récente des banques
italiennes provient essentiellement de
l’accumulation de mauvaises dettes, qui
ne sont pas liées à l’immobilier, mais
sont à 90 % liées à des dettes
d’entreprise, de petites entreprises
déstabilisées par la politique récessive
menée dans les années précédentes. Le
gouvernement Renzi cherche désespérément
à relancer la machine économiques, mais
il est obligé d’affronter les problèmes
hérités du passé qui prennent la forme,
aujourd’hui, de bilans très dégradés de
quatre à cinq banques (on parle de plus
de 400 milliards d’euros de mauvaises
dettes), ce qui a lourdement pesé dans
la chute des cours à Milan. L’euro
rajoute donc de la crise à la crise.
Certes, de 2000-2001 à 2006-200, la
France a connu une croissance supérieure
à bien des pays de la zone euro,
notamment à l’Allemagne. Mais quelles en
ont été les raisons ?
- La forte dépréciation de l’euro
durant ces années, qui nous
avantageait.
- L’ampleur des exonérations de
cotisations sociales. Ce système
n’est pas juste, au sens où il
profite essentiellement aux grandes
entreprises, et où il pose toute une
série de problèmes, mais il existe.
Et si la France a eu une croissance
supérieure à l’Allemagne, c’est
uniquement en renforçant constamment
ce système d’exonérations,
c’est-à-dire en redonnant aux
entreprises d’une main ce qu’on leur
enlevait de l’autre du fait de
l’euro.
- Une politique budgétaire
relativement expansive durant cette
période, ce qui a eu des effets
positifs, mais a aussi entraîné
l’aggravation importante de notre
endettement public.
III. L’euro
est un facteur de financiarisation de
l’économie.
Il a permis à l’Allemagne et à la
France de parachever cette
financiarisation en ce qui les concerne.
Mais paradoxalement, l’euro n’est dans
le même temps pas capable de résister à
une crise financière. On voit très bien
que les règles de fonctionnement de la
BCE et les règles qui ont été
internalisées dans les différents pays
visent à faire des activités financières
le pivot réel de l’activité économique.
Ceci est profondément malsain. Je suis
en train pour le compte des Russes de
travailler sur une restructuration
possible de leur système financier, et,
pour ma part, je suis partisan d’un
retour à des formes de contrôle
dirigiste sur la finance. Certains
appellent cela de la « répression
financière », mais ça n’a pas de sens.
On parle de répression pour des
individus ou des populations. En ce qui
concerne la finance, il s’agit de
réglementation, tout simplement. Or
mettre en place une réglementation de la
finance, ce qu’il faudrait faire non
seulement en France, mais aussi en
Europe, n’est pas possible dans le cadre
de l’euro. Vouloir réglementer la
finance est incompatible avec les modes
de fonctionnement de l’euro.
Il faut ici rappeler que la
financiarisation tend à ramener les
acteurs dans des raisonnements de court
voire de très court terme. Il y a eu un
débat très important à ce sujet entre
von Mises[2]
et Neurath dans les années 1920. C’est
le débat dont est issu le thème de la
planification Neurath, de tendance
socialisante, pose la question de savoir
si l’on veut produire de l’électricité
avec des centrales hydrauliques ou avec
du charbon. Von Mises, qui défend une
position libérale, soutient qu’il suffit
de regarder le coût marginal du capital,
et on trouvera la solution. Pour Otto
Neurath[3],
en revanche, il existe des coûts cachés
qui ne sont pas immédiatement apparents,
mais qui se révéleront dans les 20 ou 30
prochaines années. Par exemple, le coût
de la silicose sur les mineurs, celui de
la pollution produite par le fait de
brûler du charbon, etc. Il faut par
conséquent une décision politique, en
l’occurrence un choix entre charbon ou
hydroélectricité, parce que cette
décision politique créera ses propres
conditions de validation économique.
C’est pour cette raison que Neurath
était partisan de la planification
économique. Et c’est aujourd’hui l’un
des problèmes majeurs auxquels nous
sommes confrontés, mais nous ne pourrons
le résoudre qu’en sortant de la
globalisation financière. D’ailleurs, et
de manière paradoxale, Hayek, dans son
texte de 1945 sur la conaissance[4],
donnait raison à O. Neurath contre von
Mises, comme le soutient J. O’Neill[5].
Le problème majeur posé par la
financiarisation est celui de la perte
de la connaissance implicite ou tacite[6],
qui joue un rôle très important dans la
relation entre l’emprunteur et le
prêteur, dès lors que l’emprunteur porte
un projet entrepreneurial. Un registre,
comme celui qui se met en place entre
les banques de la zone euro, aussi
parfait soit-il, n’est pas capable de
fournir la totalité des informations
nécessaires pour qu’un prêteur s’engage
auprès d’un emprunteur. Pour cette
raison, le contact direct ou indirect
entre l’emprunteur et le prêteur reste
essentiel. Pourquoi croit-on que
l’aviation d’affaires s’est tellement
développée depuis 40 ans, si ce n’est
pour maintenir ce lien direct et
personnel entre les grands emprunteurs
et les grands préteurs. C’est un
problème, quand on souhaite unifier un
marché de capitaux. Il se pose aussi
pour les pays de très grande taille, et
c’est pour cela notamment que ceux-ci
ont des banques locales ou régionales.
On peut ensuite mettre ces banques en
réseau, les subordonner à une caisse
centrale, comme cela était le cas de
l’ancien Crédit Agricole. Mais, en
particulier pour les PME, il est
important de maintenir le contact, cette
connaissance particulière, qui ne peut
être contenue dans aucun registre. Cela
signifie que si l’on juge important, au
niveau macroéconomique, d’avoir une
unification, au moins partielle, des
marchés de capitaux, alors cette
unification partielle doit plutôt
prendre la forme de banques
d’investissement nationales chapeautées,
le cas échéant par une caisse européenne
leur offrant des conditions de meilleur
refinancement. C’est l’une des raisons
qui font que l’existence d’un système de
réglementations bancaires et financières
est absolument indispensable. Or, un tel
système est aujourd’hui contradictoire
avec l’existence de l’euro. Si l’on veut
sortir de la financiarisation il faut
être décidé à sortir de l’euro.
IV. L’euro est une machine de guerre au
profit de l’Allemagne.
C’est une réalité qui peut déranger
mais qu’il faut bien affronter. Dire
cela n’implique nulle germanophobie,
mais la reconnaissance réaliste du
projet portée par l’élite politique et
économique allemande. C’est l’euro a
permis à celle-ci de profiter depuis
1999 d’une monnaie largement dépréciée
par rapport à ce que devrait être
normalement le taux de change du
deutschemark. Les travaux qui ont pu
être réalisés sur la question sont sans
appel : s’il n’y avait l’euro, le taux
de change du deutschemark se situerait
actuellement entre 1,35 et 1,50 $, alors
que l’euro est à 1,08 ou 1,09 $. Plus
important encore, l’euro garantit à
l’Allemagne que les pays de la zone euro
qui commercent avec elle ne pourront pas
s’ajuster à leurs différences
structurelles au moyen de dépréciations.
La dépréciation est pourtant un
mécanisme économique essentiel : les
pays ont des logiques de formation des
coûts divergentes, et il faut à certains
moments que leurs rapports soient
rééquilibrés par le biais du taux de
change. Les politiques de dévaluation
interne conduisent à des politiques de
dévaluations compétitives qui sont en
réalité pires dans leurs effets que ces
dernières car elles combinent des effets
destructeurs très importants sur
l’économie interne. Il serait pourtant
possible d’arriver à des formes de
coordination si on retrouvait la
flexibilité de l’instrument monétaire.
On pourrait alors se mettre d’accord
pour savoir de combien certains pays
doivent dévaluer ou réévaluer leur
monnaie, c’est à dire mettre en place
des méthodes de coordination.
Et pourtant, il est vrai que
l’Allemagne a des besoins considérables
en matière d’équipements collectifs. Pas
seulement pour les migrants. Une partie
du système ferroviaire allemand, des
ponts, est en train de tomber en
morceaux. Mais, en même temps, l’arrivée
de plus d’un million de personnes va
tirer à la baisse les salaires. Il y
aura, c’est juste, le salaire minimum,
mais on peut être persuadé que dans les
cinq années à venir la proportion de
personnes qui seront payées au salaire
minimum va très fortement augmenter.
Alors que le salaire minimum a été conçu
au départ comme un plancher qui ne doit
concerner que 10 % des salariés, la
proportion sera de 25 ou 30 %, ce qui
continuera à tirer les coûts salariaux,
et la demande interne, à la baisse.
V.
L’euro est aujourd’hui un facteur de
conflit majeur en Europe.
Il est la principale raison de la
montée des antagonismes entre les
peuples européens. Il suffit d’aller à
Athènes, à Rome voire en Espagne pour
mesurer à quel point le sentiment des
peuples les uns vis-à-vis des autres
s’est très profondément dégradé depuis
trois ou quatre ans. On peut entendre
aujourd’hui en Grèce ou en Italie des
choses sur les Allemands qui
correspondent à peu près à ce qu’on
disait d’eux dans les années 50. Au-delà
des questions économiques, il y a là un
véritable problème politique : faire
survivre l’Europe. Or que la survie de
l’Europe (qu’il faut ici dissocier de
l’Union européenne) ne peut se faire que
par la dissolution de l’euro. Il est
aujourd’hui peut-être trop tard pour
« sauver » l’UE, ce que l’on voit avec
la désintégration des accords de
Schengen. Et il est vrai que l’UE porte
aujourd’hui la marque indélébile de
politiques anti-démocratiques dans
différents pays. Mais, l’esprit
européen, cette réconciliation des
peuples qui ne néglige pas le fait que
les Etats comme les peuples peuvent
avoir des intérêts divergents doit,
elle, être préservée. Or, ceci ne sera
pas possible si nous gardons l’euro.
[1] Bibow, Jörg et Terzi, Andrea (dir.),
Euroland and the World Economy,
Londres, Palgrave MacMillan, 2007.
[2] Von Mises L. (1921), “Economic
calculation in the Socialist
commonwealth”, publié initialement en
allemand in Archuv fûr
Soziamwissenschafen und Sozialpolitik
, vol. 47, avril 1921, reproduit in F.A.
Hayek, Collectivist Economic
Planning , Routledge, Londres, 1935
[3] Neurath O., Empiricism and
Sociology, Cluwer Publishers,
Dordrecht, 1973
[4] Hayek F.A., « The Use of
Knowledge in Society », in American
Economic Review, , vol. 35,
n°4/1945, (septembre), pp. 519-530
[5] O’Neill J. (1996), « Who won the
socialist calculation debate », in
History of Political Thought, vol.
XVII, n°3, automne 1996, pp. 431-442
[6] Polanyi M., The Tacit
Dimension, Univ. Of Chicago Press,
1966.
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