Monsieur Manuel Valls était ce vendredi
10 avril au Portugal et il y a tenu des
propos scandaleux. Il s’y est exprimé
sur la situation d’un pays tiers. On
pourrait ici remarquer que c’est montrer
bien peu de respect pour la souveraineté
de ce dit pays tiers, la Grèce pour ne
pas la nommer. Mais, ce qui retient
l’attention c’est le sens, explicite
comme implicite des propos. Et cela
réveille de vieux souvenirs… Alors
pourrait on reprendre, en s’inspirant de
l’usage qu’en fit le regretté Pierre Dac[1],
sur l’air de la
Cucaracha
[2] la phrase suivante…
Monsieur Manuel Valls ment
Notre Premier-ministre s’est donc
rendu au Portugal, d’où il a exhorté le
gouvernement grec à faire le contraire
de ce pourquoi il a été élu. Certes, il
ne l’a pas présenté ainsi. Il s’est
contenté de demander à la Grèce, dans
l’interview qu’il a donnée au Diario
Economico[3]
un liste de réformes plus profondes[4].
On sait ce dont il est question. Il
s’agit d’imposer au gouvernement en
place depuis les élections du 25 janvier
des « réformes » du marché du travail et
de nouvelles réductions des montants des
retraites, toutes choses auxquelles ce
gouvernement est clairement opposé,
ayant dit, et redit, que les
conséquences humanitaires en seraient
insupportables. Par ailleurs, si le
« marché du travail » en Grèce a certes
besoin d’une profonde réforme, ce que
Syriza reconnaît d’ailleurs, c’est non
pas de la réforme imposée par l’Eurogroupe
mais bien plus d’une réforme
introduisant des institutions dans la
jungle qui prévaut aujourd’hui. Comme le
dit un collègue, Bruno Amable :
« Pour le marché du travail, il
est prévu de développer des négociations
centralisées, à rebours de la
déréglementation passée, ainsi que
l’établissement d’un code du travail.
L’augmentation du salaire minimum est
maintenue dans son principe, soumise aux
exigences de compétitivité. Une partie
des réformes concerne l’extension de la
protection sociale, notamment la
couverture maladie, ce qui est
indispensable dans un pays où
l’austérité a accru la misère et la
précarité »[5].
En fait, les réformes imposées par l’Eurogroupe
se sont avérées contre-productives.
Censées rapporter plus de 20 milliards
d’euros dans les caisses de l’État,
elles n’en n’ont réellement rapporté que
2,6 milliards, et elles ont provoqué une
contraction de la production économique
qui a rendu la Grèce encore plus
insolvable qu’elle n’était avant ces
réformes.
On comprend que le gouvernement grec
s’oppose à ces réformes, et présente une
liste de mesures très différentes,
centrée sur des mesures de luttes contre
la fraude fiscale et contre la
corruption. Ces mesures ont été
chiffrées, et elles promettent de
rapporter l’argent nécessaire pour que
le gouvernement grec mette aussi en
œuvre des politiques de relance, tant de
l’investissement que de la consommation,
qui s’avèrent aujourd’hui absolument
nécessaires.
Monsieur Manuel Valls ment (bis)
Ces mesures sont en réalité rejetées
par le Premier ministre français. En
fait, il craint bien entendu qu’un
succès de la politique de Syriza ne soit
compris en France (et ailleurs) comme un
succès de la politique anti-austérité.
On peut comprendre son souci ; au moment
où il cherche à mettre en place des
mesures d’austérité en France, cela
montrerait qu’il y a bien un autre
chemin possible. Quand il prétend parler
de la Grèce, en réalité Manuel Valls ne
parle que de la France, ou plus
exactement de la vision austéritaire,
comptable et répressive qu’il a de la
France. Manuel Valls prétend parler de
l’économie, mais en fait il ne parle que
de politique. Et c’est là que se situe
un second mensonge. Il n’a jamais
cherché à explorer d’autres voies et il
est terrifié que la Grèce montre que ces
voies existent et sont en réalité bien
plus praticables que celles qu’il a
choisies. Il est terrifié car il
s’accroche à la fiction d’être un homme
de « gauche » et il sent bien que la
réussite de Syriza les dépouillerait,
lui et le Président de la République,
des derniers oripeaux d’une « gauche »
agonisante[6].
Monsieur Manuel Valls est Allemand
Si l’on se fait une certaine idée de
la France, alors il faut aussi
reconnaître que la France est une idée,
que l’on peut être français parce que
l’on se reconnaît dans des principes,
dans des combats, qui ont été, et qui
sont encore menés, par les Français.
C’est le sens de la chanson « Ma
France » que chantait Jean Ferrat[7].
C’est en cela que
notre droit de la nationalité s’avère
supérieur au « droit du sang ». Et là,
il faut reconnaître que Manuel Valls,
mais avec lui Emmanuel Macron et
François Hollande, ne sont pas, ne sont
plus, français tout comme ne l’étaient
plus les sinistres personnages de Vichy.
Car le problème n’est jamais l’origine.
On se souvient que les premières troupes
de la 2ème DB à entrer dans
Paris, celles du Capitaine Dronne[8],
étaient des Républicains espagnols… Le
problème est pour qui, et pour quoi l’on
se bat. Et là, Manuel Valls a clairement
choisi le camp de Bruxelles, mais aussi
celui de l’Allemagne et en général de
tous ceux qui ont choisi l’austérité
contre les peuples et l’Union Européenne
contre la Démocratie. Car, ce à quoi
Monsieur Manuel Valls tend, ce à quoi il
conspire, c’est tout simplement de
forcer un gouvernement légalement élu,
et représentant la souveraineté du
peuple, d’appliquer une autre politique,
une politique décidée à Bruxelles, à
Francfort et à Berlin. Cela fait de lui
un complice de Jean-Claude Junckers,
l’homme qui déclarait que les
institutions européennes étaient plus
importante qu’une élection, d’une Madame
Merkel, d’un Wolfgang Schäuble.
Il a fait ces déclarations, lui,
Premier ministre de la république
française, héritier d’une tradition qui
associe liberté et souveraineté,
dépositaire, tout comme le Président de
la République, d’une Constitution qui
dit bien que « la République est
sociale ».
Et c’est cela qui rend les
déclarations de Manuel Valls
insupportables.
[1]
Voir Pessis J,, Radio Londres, la
guerre en direct,
Albin Michel, 2014, p. 127.
[8]
9ème
compagnie du régiment de marche du
Tchad, compagnie surnommée « La Nueve »
en raison de son effectif consistant
essentiellement en Républicains
espagnols. La Jeep du Capitaine Dronne
portait sur son capot « Mort au cons »,
ce dont le Général de Gaulle disait que
c’était tout un programme…
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