Un non-événement
qui a retenu l’attention de la presse
mondiale
La véritable histoire de la synagogue
qui (n’) a (pas) été attaquée
Jacques-Marie Bourget
Jeudi 17 juillet 2014
Une version, caviardée, de ce
texte est paru ailleurs. Sur
proposition de l’auteur, LGS publie
la version originale. Le titre et
l’illustration sont du GS - LGS
Quand un journal aussi
sérieux que le quotidien
britannique « The Independant »
titre : « Conflit Israël-Gaza :
Des synagogues attaquées quand
une manifestation
pro-palestinienne à Paris tourne
à la violence », c’est qu’il y a
danger. Danger pour deux vertus
qui n’en sont qu’une : la vérité
et l’exercice des libertés. Sur
cette seule base, celle d’un
texte publié dans un journal qui
fait autorité, tous les
confrères du monde peuvent « sourcer »
sans conteste leurs papiers sur
ce sujet. Et faire naître dans
l’esprit de leurs lecteurs des
images de barbares antisémites
commettant en France les
attaques les plus graves.
Comment se fait-il que « The
Independant », véritable
institution du journalisme
international, publie une
information si capitale qu’elle
laisse à penser qu’être juif en
France serait vivre entre « la
valise et le cercueil » ? C’est
simple, comme beaucoup de médias
le quotidien anglais a été
victime de la rapidité lapidaire
d’Internet. Faut-il rappeler la
piteuse histoire de Timisoara en
Roumanie, à l’heure de la chute
de Ceausescu où, en chœur, la
presse a rapporté des
« massacres »… alors que les
victimes étaient mortes
d’accident ou de maladie… Comme
un boomerang, sur leurs
téléphones portables les envoyés
spéciaux recevaient de leurs
rédacteurs en chef le buzz
Internet : « La « toile » est
remplie d’infos sur ce massacre…
qu’est-ce que tu attends pour
nous envoyer ton papier ». La
machine à mensonges était en
marche.
A propos des « hordes à
l’assaut de deux synagogues
parisiennes », la fumée des
lacrymogènes n’était pas encore
au ciel que des sites larguaient
leurs bombes d’oxygène sur le
feu. Presqu’au hasard prenons
« Slate » : « Des centaines de
types hurlant « Allahou Akbar »
en chargeant contre des
policiers. Une synagogue
assiégée. Des menaces et
des insultes antisémites lancées
à des passants terrorisés. » Ou
encore « Des Infos.com » :
« Alors que des hordes
antisémites attaquent des
synagogues à Paris ou en
Île-de-France sous couvert d’une
prétendue solidarité avec les
Palestiniens… ». « Dreuze Info »
n’est pas le plus en retrait et
publie en instantané des textes
aujourd’hui introuvables sur le
site : « Alerte
info : attaque violente de deux
synagogues à Paris – des Juifs
retenus en otage ». Alarme
qui sera bientôt suivi d’un
constat à propos du rôle joué
par la Ligue de Défense Juive :
« La
LDJ, tant critiquée par la
gauche juive, en protégeant la
synagogue a sauvé de nombreuses
vies ». A lire cela à Hong
Kong ou Miami, Paris et la rue
de la Roquette, où se trouve une
des synagogues « attaquées »,
sont en guerre. Cette
information immédiate, qui
tourne le dos à la vérité froide
et apaisée, a le pire pour
objectif : une dramatisation qui
finira par marquer l’histoire,
peut importe la réalité. Selon
cette « information/slogan »,
reprise par des milliers de
tweets et SMS qui rajoutent au
passage leur couche de
fantasmes, c’est en France que
se joue la vengeance de Gaza.
Pourtant, comme toujours, la
vérité est la première victime
de ce conflit. Elle dépasse la
fiction mais par le bas,
décrivant des faits qui n’ont
jamais existé.
Laissons la parole à Frédéric
Ploquin, inconnu pour une
quelconque passion pour la cause
palestinienne, il est
journaliste à Marianne un
hebdomadaire qui n’est pas « La
France Juive » de Drumont.
Ploquin rapporte :
« Place de la Bastille,
la dispersion commence,
accélérée par une ondée,
lorsque des jeunes décident
de s’en prendre aux forces
de l’ordre. De petites
grappes s’engouffrent vers
les rues adjacentes. Se
donnent-ils le mot ? Ils
sont entre 200 et 300 à
marcher en direction de la
synagogue de la rue de la
Roquette… où se tient un
rassemblement pour la paix
en Israël, en présence du
grand rabbin. Les
organisateurs affirment
avoir alerté le commissariat
de police, mais
l’information n’est
apparemment pas remontée
jusqu’à la Préfecture de
police. Détail important :
s’ils avaient su, les
responsables du maintien de
l’ordre auraient forcément
barré l’accès à la rue.
Les choses se compliquent
très vite, car les
manifestants ne sont pas les
seuls à vouloir en découdre.
Une petite centaine de
membres de la LDJ (Ligue de
Défense Juive) sont
positionnés devant la
synagogue de la rue de la
Roquette, casques de moto
sur la tête et outils (armes
blanches) à portée de main.
Loin de rester passive, la
petite troupe monte au
contact des manifestants,
comme ils l’ont déjà fait
lors d’une manifestation
pro-palestinienne organisée
Place Saint-Michel quelques
jours auparavant. On frôle
la bagarre générale, mais la
police parvient à
s’interposer. Les
assaillants refluent vers le
boulevard, tandis que les
militants juifs reviennent
vers la synagogue. »
Passons au compte rendu
publié sur son site par RTL :
« Selon la préfecture de
police, ces heurts étaient
dus à de petits groupes de
jeunes gens qui ont été
’facilement contenus’. Il y
a eu six interpellations. Un
certain nombre de
manifestants
pro-palestiniens ont
toutefois tenté de se rendre
vers des synagogues
voisines, rue de la Roquette
et rue des Tournelles,
a-t-on dit à l’AFP de source
policière. Des CRS sont
intervenus pour les
repousser et mettre fin à un
’début
d’échauffourée’
avec des membres de la
communauté juive devant la
synagogue de la Roquette, ce
qui a permis d’éviter toute
intrusion dans les lieux de
culte, a-t-on ajouté. »
Cet appel à « contre »
manifester lancé par la LDJ,
celui évoqué par Frédéric
Ploquin ne fait aucun doute, on
le trouve sur Twitter et, le 9
juillet, lors d’une
manifestation pro-palestinienne
à Saint Michel, la faible troupe
présente a bien été attaquée par
la LDJ. Dans l’affaire de la rue
de la Roquette il faut se
demander pourquoi les « forces
de l’ordre » n’ont pas été plus
préventives en barrant la rue de
la Roquette afin d’éviter les
affrontements ? Mais voici la
copie d’un de ces tweets
invitant à la bagarre. :
Rapporté par Abdelkrim Branine,
pilier de Beur FM et journaliste connu
pour sa rigueur, voici le témoignage
d’un membre du service d’ordre de la
manif « pro Palestine » :
« Hier en fin de manifestation,
nous nous sommes postés sur la place
de la Bastille côté rue de la
Roquette en prévision d’une attaque
de la Ligue de Défense Juive suite
aux mises en garde de la police.
Après l’agression ayant ciblé un
rassemblement de soutien à la
Palestine mercredi dernier à
Saint-Michel, la milice sioniste
avait promis, via ses réseaux
sociaux de ’s’en prendre à toutes
les manifestations
pro-palestiniennes’. Nous étions une
vingtaine, tous identifiés et
membres du service d’ordre. Suite à
la fermeture du métro Bastille,
plusieurs manifestants ont décidé de
s’orienter vers le métro Voltaire.
Nous leur avons conseillé de prendre
plutôt la direction de Ledru-Rollin
mais certains ne nous ont pas
écoutés. A peine arrivés au milieu
de la rue de la Roquette, ces
personnes (essentiellement des
familles), identifiées par leurs
keffiehs et drapeaux, se sont faites
accueillir par des insultes et des
projectiles provenant du
rassemblement sioniste derrière deux
lignes de CRS. Deux personnes sont
revenues nous prévenir. Nous avons
donc décidé d aller ramener ceux qui
stagnaient encore à proximité de la
synagogue de la Roquette afin
d’éviter tout débordement. Nous y
sommes allés discrètement pour
éviter que les centaines de jeunes,
déjà échaudés par les précédentes
provocations ne nous suivent. Ce qui
serait devenu incontrôlable. Arrivés
à une cinquantaine de mètres du
rassemblement, une femme, la
quarantaine, nous traite de ’sales
pro palos’, hurle ’Israël vaincra’
s’empare d’une chaise d’une terrasse
de café et la jette sur notre ami T.
Elle s’enfuit ensuite en courant
vers le rassemblement de la LDJ et
passe, sans difficultés les deux
lignes de CRS. Nous ne répondons pas
à la provocation et continuons à
avancer. Nous nous retrouvons alors
sous une pluie de projectiles
(tessons de bouteille, bouts de
bois, casques etc.). Surexcitée, la
cinquantaine de militants de la LDJ
’mime’ de forcer le barrage de
police en agitant des drapeaux
israéliens. Une première altercation
a lieu. La police les laisse faire.
En revanche, les CRS nous matraquent
et nous gazent. Un autre groupe de
CRS arrive en provenance de la
place. Encerclés par la police nous
n’avons d’autre alternative que de
prendre les rues adjacentes qui
débouchent à nouveau vers le lieu
des échauffourées. Les CRS
continuent de tirer des gaz. »
Poursuivons avec un autre point de
vue, qui n’est pas forcément faussé au
seul prétexte qu’il est donné par un
témoin lié au site
« Saphirnews.com » ayant appelé au
soutien des palestiniens de Gaza :
« Le traquenard est bien ficelé :
ceux de la LDJ finissent par se
réfugier dans la synagogue, faisant
ainsi croire que ces « hordes de
jeunes », qui n’étaient pour la
plupart pas au courant qu’ils se
laissaient amener vers le lieu de
culte, sont venus s’en prendre aux
« juifs ». C’est sur les réseaux
sociaux que les mensonges de la LDJ
prennent forme. Sous forme de tweets
alarmistes, elle déclare que « 60
juifs à mains nues » ont fait face à
« 300 casseurs armés », dans un
autre post, « de haches, de
couteaux, de lacrymos, de battes de
baseball criant ’Mort aux juifs’ ».
Pour finir voilà ce qu’a vu et vécu
Michèle Sibony, membre de l’Union Juive
Française pour la Paix :
« Alors je vais vous dire ce que
j’ai vu, moi, pauvre juive infidèle
(mais il n’y a de Dieu que Dieu)
dans cette manif : sur le boulevard
Beaumarchais à peu près à la hauteur
de Chemin vert, 4 ou 5 types de la
Ligue de Défense Juive [2]
montés sur un banc, complètement
entourés et protégés par deux rangs
serrés de CRS qui jetaient
projectiles et insultes sur la
foule, et les services d’ordre, et
les responsables calmant les
manifestants : ne vous énervez pas
ne répondez pas aux provocations,
c’est ce qu’ils attendent... et bien
sûr lors de la dispersion il y a eu
des courses et des bagarres à
l’entrée de la rue de la Roquette...
comme prévu si j’ose dire.
Et surtout j’ai aussi entendu la
foule des manifestants crier depuis
Barbès jusqu’à la Bastille :
« médias français montrez la
vérité », « le peuple français veut
la vérité. »
Et j’étais fière aujourd’hui de ce
peuple là, de mon peuple. »
Moralité, vieille loi de presse
perdue de vue, avant que l’encre ne
coule et que les titres annoncés sur les
écrans et leurs « bandes passantes »
provoquent leurs déchirures, il serait
mieux d’écouter et de réfléchir. De
s’informer. Aujourd’hui, alors que de
multiples vidéos et le travail de la
presse anglaise (sauf le si pressé The
Independant) viennent conforter la
version donnée par les différentes
témoins que nous venons de citer, ni
Hollande ni Valls n’en tiennent compte.
Veulent-ils dire que les hommes et
femmes qui s’indignent du sort fait à la
Palestine sont des menteurs ? Certes,
parfois, ils ne sont pas « français de
souche », voire musulmans… Hollande et
Valls ont préféré prendre le sombre
chemin, la voie liberticide désignée par
Estrosi, le « motodidacte » maire de
Nice. Ils ont décidé d’interdire toute
manifestation de soutien aux damnés de
Gaza. C’est comme une deuxième mort.
Jacques-Marie Bourget
© LE GRAND SOIR - Diffusion
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Merci de mentionner les sources.
Publié le 18 juillet 2014
Le
dossier complot dans la République
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