Opinion
Les cadeaux de Noël
Israël Adam Shamir
Israël
Adam Shamir
Mardi 26 décembre 2017
Joyeux Noël à vous,
mes chers lecteurs ! C’est le temps de
l’espoir, clair et serein, car les jours
les plus sombres de l’année sont
désormais derrière nous. La lumière
n’est peut-être pas encore perceptible,
mais nous savons, nous sentons que
désormais le changement arrive.
Le tout récent vote
aux Nations Unies a été une telle
fulgurance, une telle annonce du soleil.
Les peuples du monde entier ont rejeté
en masse la reconnaissance par
l’administration US de Jérusalem comme
partie de l’Etat juif, que pouvait-il
arriver de mieux ? Ils l’ont fait en
dépit de menaces explicites de
l’émissaire fou Nikki Haley qui a menacé
la communauté mondiale mobilisée, en
promettant de dresser une liste noire de
tous ceux qui voteraient contre la
décision américaine, ce à quoi
l’ambassadeur de Bolivie a superbement
répondu : « veillez à bien faire figurer
la Bolivie en tête». Trump a suggéré en
outre que les US pouvaient couper les
vivres aux pays qui se sont opposés à
lui à l’Onu. Ces menaces ont été
contreproductives ; neuf Etats
seulement, les habituels suspects qui
incluent les ex dépendances des US dans
le Pacifique ont voté pour les
sionistes. Même le Canada, qui soutient
toujours Israël et qui est aussi
lourdement sionisé que les autres, n’a
pas voté pour les US et pour Israël,
parce que les menaces de Trump rendaient
cela pratiquement impossible pour le
moindre Etat indépendant. Si les
sionistes croyaient qu’ils dirigeaient
maintenant le monde, le vote leur a
prouvé que leurs rapports triomphalistes
étaient encore quelque peu prématurés.
« Nous ne sommes pas les esclaves des
sionistes », voilà ce que le monde a
clamé d’une seule voix.
J’adore ces
embardées de Trump: elles sabotent la
main mise impériale sur le monde mieux
que tout ce que pourrait faire Poutine.
L’aurait-il, ce bon Trump, planifié ?
Est-ce que la pluie entend faciliter la
croissance du blé ? Ce qui compte, c’est
que Trump le fait très bien. Couper les
contributions US au budget de l’Onu est
aussi une excellente chose, parce que
cela nous promet une époque bénie ou ce
ne sont plus les US qui commanderont aux
autres nations.
Est-ce qu’il y a un
mauvais côté des choses
La décision US sur
Jérusalem est désormais nulle et non
avenue. Les Palestiniens sont en colère,
à juste titre, mais ils se sentent aussi
encouragés par le soutien mondial. Avant
la reconnaissance trumpienne, ils
étaient condamnés au silence, et
maintenant leur combat est à nouveau
sous les projecteurs. Les Turcs ont
assumé leur rôle à la tête de l’Oumma
musulmane, qui est l’équivalent
islamique de la chrétienté. L’Iran est
réconcilié avec ses voisins sunnites.
Bref, on a rarement vu une décision
présidentielle US qui ait marqué une
rupture aussi positive que la décision
de Trump sur Jérusalem.
Même le ministre de
la Défense israélien Lieberman, bien
connu pour sa rhétorique farouche, est
devenu accommodant. Il s’est retenu de
bombarder Gaza malgré quelques
égratignures à la roquette, et il a
contemplé placidement les troupes de
Bachar al Assad nettoyer les poches de
jihadistes sur le versant syrien de la
ligne d’armistice, le long des hauteurs
du Golan. Excellente nouvelle, parce
qu’en temps normal, il aurait envoyé sa
flotte aérienne les mitrailler.
La nullification
des protestations palestiniennes aussi a
été moins féroce que d’habitude. Un
manifestant invalide et sans jambes dans
sa chaise roulante a été tué par un
sniper juif qui l’a visé, une
gamine qui avait giflé un officier
israélien a été mise sous les
verrous, on a balancé beaucoup de gaz
lacrymo à Bethléem, mais par rapport aux
standards israéliens, ce sont des
réactions modérées, et, comme je l’avais
prédit, la troisième intifada ne s’est
pas matérialisée.
La bête de Ryad a
été oblige de voter contre ses meilleurs
amis, l’Amérique et l’Israël. Il a de
nouveau essayé de convaincre Abou Mazen,
autrement dit Mahmoud Abbas, le
président de l’Autorité palestinienne,
d’accepter le « plan de paix
américain », mais en vain. Même avant la
reconnaissance trumpienne, Abbas avait
décliné l’offre ; maintenant ce serait
suicidaire.
Mais ne versez pas
une larme pour MBS. Il continue de
ponctionner ses proches et ses notables
bouclés au Ritz Carlton. L‘un d’entre
eux, le général de division de la Garde
royale
Ali Alqahtani est mort sous la
torture. Sa famille a eu du mal à
reconnaître le corps, qui avait reçu
trop de décharges électriques. La rançon
d’al-Walid
bin Talal, le plus riche des détenus, a
été fixée à Six millions de dollars,
quelque 30% de ses revenus nets, mais
plus probablement 70% de ses biens non
imposés. Le chien
n’aboie pas encore, autrement dit
les médias ne bronchent pas, et c’est
une bonne nouvelle pour MBS. (et
alors... ?)
Si vous avez marché
et que vous avez cru au baratin de
Thomas Friedman selon lequel cet argent
allait servir à développer une économie
alternative en Arabie, rassurez-vous :
MBS s’est acheté
un palace en France pour 300
millions, une toile attribuée à Léonard
de Vinci pour 450 millions, et un
nouveau yacht pour 500 millions, mais il
a encore énormément de liquide à
claquer.
Va-t-il en profiter
pour déclarer une nouvelle guerre à
l’Iran? MBS a trouvé mieux. Vous pouvez
suivre une superbe
animation ici: https://youtu.be/9selhGBPdek ,
en 3D, illustrant la victoire saoudienne
sur l’Iran : ce sera sa participation à
l’effort de guerre.
Faites des dessins
animés, pas des guerres, j’approuve de
tout mon cœur. Laissons Trump en prendre
de la graine et se contenter de
commander quelque cartoon sur son
éclatante victoire en Corée du Nord
(Trump atterrit, Trump abat son Kim
« Rocket Man » dans un glorieux corps à
corps, les Coréens applaudissent Trump
comme leur sauveur) au lieu de faire le
déplacement, où est le problème ?
Le monde déborde de
bonnes nouvelles tout à fait de saison.
Bonnes nouvelles de Russie, car les
communistes russes, la principale force
d’opposition sur le papier, jadis un
soutien timide pour Poutine, ont choisi
un nouveau visage pour concourir aux
élections présidentielles de mars 2018.
Pavel Grudinine, gérant d’une ferme
collective prospère près de Moscou.
Cette ferme qui porte le nom de Lénine a
survécu à l’effort de Boris Eltsine pour
éliminer toutes les entreprises
socialistes, et elle a prospéré, c’est
elle qui approvisionne Moscou en
fraises. Sa nomination a été saluée
avec un enthousiasme inattendu, et
certains prédisent déjà qu’il va gagner
la course.
Les gens étaient
réticents pour faire élire le vieux
dirigeant communiste Guennadi Zyouganov.
Les Russes croient qu’il avait gagné les
élections présidentielles en 1996, mais
qu’il avait accepté de reconnaître la
« victoire » d’Eltsine pour sauver sa
peau, ou pour épargner une nouvelle
guerre civile à la Russie. Il était
devenu un opposant de poche depuis lors,
et la gauche se cherchait un nouveau
dirigeant indépendant. Pavel Grudinine
et Youri Boldyrev étaient les favoris ;
Boldyrev est meilleur dans la polémique,
tandis que Grudinine est un économiste
plus pratique. Tous les deux auraient
fait des concurrents sérieux, mais le
parti et la gauche qui s’y associe ont
choisi Grudinine.
La Russie est mûre
pour un retour du communisme. Vous ne
vous en souvenez probablement pas, car
ces évènements sont tombés dans l’oubli
depuis des années, mais juste avant la
désignation de Poutine comme prochain
président russe par son prédécesseur
Boris Eltsine, la Russie s’était trouvée
sur le point d’élire pacifiquement les
communistes pour diriger le pays.
Le commandement par
les anticommunistes à tout crin (de 1990
à 1998) avait été désastreux. Vers 1998,
tous les capitaux et l’or (et tous les
emprunts jamais souscrits par la Russie
auparavant) avaient été détournés, volés
par la famille d’Eltsine et les
oligarques qui les soutenaient au nom de
la lutte contre le communisme ; et
l’Etat russe s’était retrouvé en
faillite, précipité dans la banqueroute.
Pour sauver sa peau, Eltsine avait nommé
Evgueni Primakov, ancien ministre des
Affaires étrangères, porte-parole du
Parlement, et chef du Service
d'intelligence (le NSA russe) comme
premier ministre, et avec le soutien
communiste, Primakov avait sauvé le
pays. Il était presque certain que
Primakov allait devenir le prochain
président de la Russie, parce que le
mandat d’Eltsine touchait à sa fin.
Primakov avait été
très populaire; il s'était opposé
fermement au bombardement de Belgrade
par l’Otan et avait fait demi-tour avec
son jet au milieu de l’Atlantique pour
rentrer à Moscou alors qu’il se rendait
à Washington. On lui attribuait
volontiers le redressement de
l’économie, la mise au pas des
oligarques et la restauration de la
gloire russe. Mais, dans un coup
de théâtre, l’apparition d’un Deus
ex-machina, Eltsine passa le relai au
lieutenant-colonel Vladimir Poutine,
qu’il avait choisi sans en référer à
quiconque comme successeur. Primakov ne
prit pas part à la course ; les
communistes soutinrent Poutine, avant de
se retrouver bernés et mis au rencart
par le nouveau président. Depuis lors,
ils se contentaient d’observer,
impuissants, comment leur rôle avait été
minimisé ; mais leur soutien à la base
est resté solide. Poutine et ses
assistants ont promu une opposition d’un
autre acabit : une opposition ultra
libérale, dirigée par Mm. Navalny et
Sobchak. Les médias propriété de l’Etat
leur ont donné la plus grande
visibilité, tandis que les communistes
n’ont qu’un accès restreint aux médias
en Russie, comme aux US. Et pourtant,
les ultra-libéraux n’ont jamais dépassé
10% des votes. Les communistes
pourraient en obtenir bien plus, s’ils
savent jouer de leurs atouts. Et là, la
nouvelle tête va constituer un facteur
décisif.
Poutine se
débrouille bien en politique extérieure,
et les gens sont généralement satisfaits
de ses prestations, même s’ils
préfèreraient une attitude de
confrontation plus franche avec
l’Occident. C’est la politique
intérieure de Poutine qui est
généralement désapprouvée. Elle reste
néo-libérale. Le taux d’imposition
forfaitaire est le plus bas au monde
(13%) ; les travailleurs russes ont des
pensions et des salaires très bas,
tandis que les milliardaires sont
florissants.
L’insatisfaction
publique suinte, mais ne trouve pas à se
canaliser, parce que la seule opposition
audible, qui est ultra-libérale, est
bien pire que Poutine, du point de vue
des classes basses et moyennes russes
(si tant est que les classes existent
encore). L’opposition communiste peut
devenir un vrai défi pour ce pouvoir. Un
infléchissement en dehors du
néolibéralisme monétariste, un brin de
socialisme ou au moins de social
démocratie, voilà ce que réclament même
les conseillers les plus âgés de Poutine
Les anticommunistes
russes ont eu leur projet sentimental :
faire revivre l’empire tsariste.
Baudrillard aurait appelé cela un
simulacre d’empire. Des monuments
commémoratifs à la mémoire des tsars
Alexandre Ier et Alexandre III ont été
érigés ces temps-ci, et le souvenir du
dernier tsar Nicolas II a été intégré au
menu médiatique de tous les jours.
Chaque jour, on oblige les Russes à
mettre le nez dans un débat sur un film
à propos de la maîtresse du tsar
(« N’a-t-on pas manqué de respect ? – Et
comment, c’était un saint ! ») ou sur
quelque détail sordide de l’exécution du
tsar (« A-t-il été assassiné par les
juifs pour un rite macabre ? - Oui, bien
sûr, mais ne dites pas ‘les juifs’). Les
hommes de Poutine vivent et se
conduisent comme les nobles du tsar,
comme ce
courtisan qui a fait voyager les
Welsh Corgis de son épouse en jet privé.
Poutine a été
prudent, peut-être trop prudent en
refusant de répudier son prédécesseur
qui l’avait nommé. Les gens ne
supportent plus de voir le Centre
Eltsine qui a coûté plusieurs millions
de dollars, parce qu’Eltsine reste un
personnage universellement détesté, tout
autant que Gorbatchev.
Mais les gens
ordinaires apportent des tonnes de
fleurs rouges sur le tombeau de Joseph
Staline, le héros de la classe ouvrière
et l’ennemi des riches, l’homme qui
était né et qui avait grandi dans
l’appartement en sous-sol de ses
parents, un cordonnier et une
blanchisseuse. La Russie officielle de
Poutine tolère Staline parce qu’il avait
battu l’Allemagne nazie, mais la classe
ouvrière russe, non officielle, l’aime
parce qu’il avait écrasé les riches et
les puissants en les empêchant de
prendre leur revanche pendant des
années. On fête l’anniversaire de sa
naissance le 21 décembre, et c’est pour
cette occasion que les Russes font venir
les fleurs par wagons entiers. Voyez
la photo, elle a été prise cette
année par un ami.
Même si la
restauration du régime soviétique est
très improbable, on peut s’attendre à un
relatif virage à gauche. Souvenons-nous
que les sympathisants communistes sont
tout à fait favorables à Poutine (même
si certains le considèrent comme un
héritier d’Eltsine et un protecteur des
oligarques). Il y a des voix, parmi les
plus loyales à Poutine, pour dire qu’il
pourrait prendre Grudinine comme premier
ministre. Si cela devait arriver, la
Russie virerait à gauche en politique
intérieure, et cette possibilité
est déjà, en soi, une bonne nouvelle.
Et cerise sur le
gâteau de Noël, le parlement suédois n’a
nullement approuvé le projet de loi
draconien sur le et="_blank" href="http://www.cnewsmatin.fr/monde/2017-12-21/viol-la-suede-va-introduire-le-consentement-explicite-dans-la-loi-771432" class="style46">
consentement sexuel, contrairement à
ce que prétendent les médias. Il s’agit
d’une loi affreuse qui crée un nouveau
délit, le viol par négligence. Un homme
devrait impérativement recevoir le
consentement formel, sans équivoque et
sans retour d’une personne du sexe
opposé, en vue de la commission d’un
acte sexuel, faute de quoi il
commettrait un viol par négligence, même
s’il n’a pas usé de la force ou de
chantage. C’est une loi contre la pudeur
féminine et les usages.
Mais j’ai entendu
dire que le gouvernement actuel est en
train de promouvoir cette loi parce
qu’elle pourrait servir à en finir
définitivement avec les campagnes style
« Balance ton porc », et qu’ils n’ont
pas l’intention d’aller jusqu’à la faire
voter. Et voilà encore une excellente
nouvelle, même si on aimerait être plus
rassuré en la matière.
En tout cas, que
cela nous suffise pour le moment, et
Joyeux Noël à tous !
Pour joindre
l'auteur, adam@israelshamir.net
Traduction:
Maria Poumier
Original anglais
publié sur The
Unz Review.
Le sommaire d'Israël Shamir
Le
dossier Monde
Les dernières mises à jour
|