Opinion
Crimée : le triomphe de Poutine
Israël Adam Shamir
Israël
Adam Shamir - Photo: D.R.
Jeudi 17 avril 2014
Personne ne s'attendait à ce que les
choses bougent à une vitesse pareille.
Les Russes prenaient leur temps; ils
avaient l'air d'être au spectacle,
tandis que les troupes d'assaut des
Bruns s'emparaient de Kiev, et au
spectacle tandis que Victoria Nuland et
son pote Yatsenyuk, dite Yats, se
tapaient dans le dos et se
congratulaient pour leur victoire en
deux temps trois mouvements. Au
spectacle toujours, tandis que le
président Yanukovich sauvait sa peau en
se réfugiant en Russie. Ils ont regardé
les bandes brunes se déplacer vers l'Est
pour aller menacer les Russophones au
Sud-Est. Ils ont écouté patiemment Mme
Timochenko, fraîchement relâchée des
geôles, promettre de désavouer les
traités signés avec les Russes et de
chasser la Flotte russe en Mer Noire de
Sébastopol, leur port principal. Ils
n'ont pas bronché quand le nouveau
gouvernement a embauché des oligarques
pour gouverner les provinces de l'Est.
Ils ne réagissaient toujours pas quand
les écoliers ukrainiens ont reçu l'ordre
de chanter: "Les Russkoffs on les
pendra, haut et court on les pendra", à
quoi répondait le représentant du
gouverneur oligarque qu'il promettait de
pendre tout Russe mécontent à l'Est dès
que la Crimée serait pacifiée. Tous ces
funestes événements se déroulaient sous
ses yeux, et Poutine gardait le silence.
C'est un animal à sang froid, ce
Poutine. Tout le monde, y compris votre
serviteur, se disait qu'il était bien
négligent, alors que l'Ukraine
s'effondrait. Il attendait son heure, il
patientait. Les Russes ont fait quelques
pas hésitants, au ralenti, presque
furtivement. Les marines que la Russie
avait basés en Crimée en vertu d'un
accord international (tout comme les US
ont des marines à Bahreïn) sécurisaient
les aéroports et les barrages routiers,
apportaient des renforts aux volontaires
de la milice, qui s'appellent Force
d'autodéfense de la Crimée, mais
restaient à couvert. Le parlement
criméen assurait son autonomie et
promettait un plébiscite un mois plus
tard. Et puis tout s'est brusquement
accéléré.
Le référendum a été avancé au dimanche
16 mars. Avant même, le parlement
proclamait l'indépendance de la Crimée.
Les résultats ont été spectaculaires:
96% de oui en faveur du rattachement à
la Russie; avec un taux de participation
exceptionnellement élevé, plus de 84%.
Non seulement les Russes ethniques, mais
les Ukrainiens de souche et les Tatars
ont également voté pour la réunification
avec la Russie. Un referendum symétrique
en Russie donnait plus de 90% de voix en
faveur de la réunification avec la
Crimée, malgré les avertissements
effrayants des libéraux: "cela va coûter
trop cher, les sanctions vont ruiner
l'économie ruse, les US vont bombarder
Moscou", etc.
Même à ce moment, la majorité des
experts et commentateurs décisifs
s'attendaient à ce que la situation
reste bloquée pendant un bon moment. Les
uns pensaient que Poutine pourrait
reconnaître l'indépendance de la Crimée,
tout en calant sur un statut définitif,
comme il l'avait fait pour l'Ossétie et
l'Abkhazie après la guerre d'août 2008
avec Tbilissi. D'autres, tout
particulièrement les libéraux russes,
étaient convaincus que Poutine lâcherait
la Crimée pour sauver les
investissements russes en Ukraine.
Mais Poutine a corroboré le proverbe
russe: les Russes sont lents à seller
leurs montures, mais une fois dessus,
ils sont rapides comme la foudre. Il a
reconnu l'indépendance de la Crimée le
lundi, l'encre des procès verbaux
électoraux n'avait pas fini de sécher.
Le lendemain, mardi, il réunissait tous
les parlementaires et vieux renards de
la politique dans le plus grand salon du
Kremlin, la somptueuse et élégante
galerie Saint-Georges, rutilante de sa
gloire impériale de jadis, tout juste
restaurée, et il déclarait que la Russie
acceptait la demande de réunification de
la Crimée. Aussitôt après son discours,
le traité entre Russie et Crimée était
signé, et la presqu'île était rendue à
la Russie comme avant 1954, l'année où
Khroutchev, secrétaire du Parti
Communiste, l'avait transférée à la
République soviétique d'Ukraine.
C'était l'allégresse, parmi les
politiques, et dans chaque foyer où l'on
suivait les choses en direct à la télé.
Le salon Saint-Georges croulait sous les
applaudissements, à peu près aussi
intensément que lorsque le Congrès US
avait applaudi Netanyahu. Les Russes
étaient immensément fiers: ils se
souviennent encore de leur humiliante
défaite de 1991, quand leur pays s'était
vu rabaissé. Regagner la Crimée, c'était
une revanche extraordinaire. Il y a eu
des festivités dans toute la Russie et
particulièrement en Crimée. On exultait.
Les historiens ont comparé ces
événements avec la restauration de la
souveraineté russe sur la Crimée en
1870, presque vingt ans après que la
Guerre de Crimée s'était achevée par la
défaite de la Russie, et que la France
et la Grande Bretagne victorieuses
eurent imposé des limites sévères aux
Russes en Crimée. La Flotte en Mer Noire
va pouvoir se déployer librement à
nouveau, ce qui permettra de défendre la
Syrie lors du prochain round. Les
Ukrainiens ont laissé se dégrader les
installations navales et ont fait de la
base de sous-marins de Balaklava un
abattoir, mais le potentiel est toujours
là.
Outre le plaisir de récupérer ce bout de
territoire, il y avait le plaisir
d'avoir roulé l'adversaire. Les néo-cons
avaient bricolé le coup d'État en
Ukraine, et ont poussé le malheureux
pays à la catastrophe, mais le premier
fruit tangible de cette initiative,
c'est la Russie qui l'a récolté.
Une nouvelle histoire juive fait le tour
du pays depuis la semaine dernière:
Le président israélien Shimon Peres
demande au président russe:
- Dis donc, Vlady, tu as des ancêtres
juifs?
- Poutine: Qu'est-ce qui te fait penser
une chose pareille, mon Shimon?
- Peres: Tu es arrivé à faire raquer
cinq milliards de dollars* aux
Américains pour qu'ils livrent la Crimée
à la Russie. Même pour un juif, c'est
gonflé!
(*allusion à l'aveu de Victoria "Fuck
UE" Nuland, selon laquelle c'est la
somme investie par les US pour
"démocratiser" l'Ukraine, autrement dit
la déstabiliser.
Le président Poutine a arraché la
victoire des crocs de la défaite, et
l'hégémonie Us en a pris un coup.
Les Russes ont adoré voir leur
représentant à l'Onu Vitaly Churkin
riposter à une agression de la part de
la représentante US Samantha Power.
Cette Irlandaise de naissance était à
deux doigts de lui tomber dessus à bras
raccourcis, lui vieux diplomate à
cheveux gris, et lui criait: "la Russie
a été battue (on suppose qu'elle se
référait à 1991) et elle est censée en
subir les conséquences!... La Russie
menace les US avec son armement
nucléaire!"; Churkin la priait alors de
ne pas le toucher et de cesser de lui
postillonner au visage. Ce n'était pas
leur première rencontre hostile: un mois
plus tôt, Samantha accueillait un duo de
Pussy Riot, et Churkin s'est moquée
d'elle, lui suggérant de se joindre à
elles pour leur prochaine tournée en
concert.
Le rôle des néo-cons dans le coup d'Etat
de Kiev a été mis en lumière par deux
déballages indépendants. Le merveilleux
Max Blumenthal et Rania Khalek ont
montré que la campagne anti-russe de ces
derniers mois (manifestations de gays,
affaire Wahl, etc.) avait été organisée
par le PNAC néo-con et sioniste
(maintenant rebaptisé FPI) que dirige
Robert Kagan, le mari de Victoria "fuck
UE" Nuland. Il semblerait que les
néo-cons soient bien décidés à couler la
Russie par tous les moyens, alors que
les Européens seraient beaucoup plus
souples; n'oublions pas que les troupes
US restent stationnées en Europe, et que
le Vieux continent n'est pas tellement
libre d'agir comme il le voudrait.
Le second dévoilement, on le tient dans
une interview donnée par Alexander
Yakimenko, chef des Services secrets
ukrainiens (SBU) qui s'était sauvé en
Russie tout comme son président.
Yakimenko a accusé Andrey Parubiy,
l'actuel tsar de la sécurité, d'avoir
passé un accord avec les Américains. Sur
instructions US, il a livré les armes et
fourni les snipers qui ont tué environ
70 personnes en quelques heures. Ils
avaient tiré sur la police anti-émeutes
et sur les manifestants, sans
distinction.
Le complot ourdi par les néo-cons
américains visait à empêcher les
Européens de s'entendre avec le
président Yanoukovich, voilà ce qu'a
déclaré le chef du SBU. Ils étaient
d'accord sur presque tout, mais c'est
Victoria Nuland qui voulait saboter
l'accord d'association, ce qu'elle a
fait, avec l'aide de quelques snipers.
Et les snipers ont resservi à nouveau en
Crimée: un sniper a abattu un soldat
ukrainien, et quand les forces
d'auto-défense criméennes ont commencé à
le prendre en chasse, il a tiré sur eux,
en a tué un et blessé un autre. Même
schéma; les snipers sont utilisés pour
provoquer des ripostes et déclencher une
fusillade généralisée.
Novorossia
La Crimée, c'était une promenade de
santé, mais les Russes ne sont pas au
bout de leurs peines. La confrontation
s'est déplacée dans les provinces de
l'Est et du Sud-Est de l'Ukraine
continentale, qui s'appelait
Nouvelle-Russie jusqu'à la Révolution
communiste de 1917. Soljenitsyne dans
ses vieux jours avait prédit que la
désintégration de l'Ukraine viendrait de
la charge excessive constituée par les
provinces industrielles qui n'avaient
jamais appartenu à l'Ukraine avant
Lénine, en d'autres termes, la
Nouvelle-Russie russophone. Cette
prédiction est en passe de réaliser.
Qui se bat contre qui, par là-bas? C'est
une grave erreur que de considérer qu'il
s'agit d'un conflit tribal, entre Russes
et Ukrainiens. Ce bon vieux Pat Buchanan
est tombé le panneau quand il a dit
"Poutine est un ethno-nationaliste qui
croit au sang et à la terre, au trône et
à l'autel, qui se voit en Protecteur de
toutes les Russies et voient les Russes
à l'étranger comme les Israéliens voient
les juifs du monde entier, comme des
gens dont la sécurité dépend d'Israël."
Rien n'est plus loin de la vérité:
quoique peut-être il soit encore plus
aberrant d'imaginer Poutine en
restaurateur de l'empire russe.
Poutine n'est pas un bâtisseur d'empire
du tout (ce que regrettent tant les
communistes que les nationalistes). Pour
son hold-up sur la Crimée, ce sont les
habitants de la Crimée, décidés à tout,
qui lui ont forcé la main, avec
l'agression sans fard du régime de Kiev.
Je le tiens de quelqu'un de sérieux;
Poutine espérait qu'il n'aurait pas à
prendre de décision. Mais une fois qu'il
se décide, il y va.
L'idée d'un "ethno-nationaliste" selon
Buchanan nous égare encore plus. Les
ethno-nationalistes en Russie sont les
ennemis de Poutine; ils soutiennent les
ethno-nationalistes ukrainiens, et
marchent main dans la main avec les
libéraux juifs dans les manifestations à
Moscou. L'ethno-nationalisme est aussi
étranger aux Russes qu'aux Anglais. On
peut s'attendre à rencontrer des
nationalistes gallois ou écossais, mais
un Anglais nationaliste c'est une
rareté. D'ailleurs la Ligue de Défense
Anglaise avait été créée par un juif
sioniste. De même, on trouve facilement
des nationalistes ukrainiens, ou
biélorusses, ou cosaques, mais
pratiquement jamais russes.
Poutine promeut un monde russe non
nationaliste. Mais qu'est-ce donc que le
monde russe?
Le monde russe
Les Russes embrassent dans leur propre
vaste univers plusieurs unités ethniques
d'origine variée, depuis les Mongols et
les Caréliens, jusqu'aux Juifs et aux
Tatars. Jusqu'en 1991, ils peuplaient un
territoire encore plus étendu, appelé
alors l'Union soviétique, et auparavant
l'empire russe, où le russe était la
lingua franca et la langue d'usage
courant pour la majorité des citoyens.
Les Russes ont pu constituer leur énorme
empire parce qu'ils ne discriminaient
pas et ne tiraient pas la couverture à
eux. Le tribalisme leur est étonnamment
étranger, quelque chose d'inouï dans
d'autres pays plus petits d'Europe, mais
c'est comparable à ce qui se passe dans
d'autres nations impériales d'Orient,
les Chinois de la dynastie Han et les
Turcs avant l'ère des Jeunes Turcs et
d'Atatürk. Les Russes n'assimilaient pas
leurs voisins, mais les acculturaient
partiellement, de sorte que la langue et
la culture russes devenaient leur
fenêtre sur le monde. Les Russes
protégeaient et défendaient les cultures
locales, même à leurs dépens, parce
qu'ils aiment cette diversité.
Avant 1991, les Russes défendaient une
vision du monde universaliste et
humaniste; le nationalisme était
pratiquement banni, et avant tout
l'ethno-nationalisme. Personne n'était
persécuté ou discriminé à cause de son
origine ethnique (d'accord, les juifs se
plaignaient, mais ils se plaignent
toujours). Il y avait une certaine
discrimination positive dans les
républiques soviétiques, par exemple un
Tadjik avait la priorité pour étudier la
médecine dans la république du
Tadjikistan, avant un Russe ou un Juif;
et il avait plus de chance de promotion
dans le parti et la politique en
général. Mais l'écart restait faible.
Après 1991, cette vision du monde
universaliste s'est trouvée combattue
par un ethno-nationalisme de clocher
dans chacune des républiques
soviétiques, à l'exception de la Russie
et du Belarus. La Russie n'était plus
soviétique, mais elle gardait son
universalisme. Dans les républiques, les
gens de culture russe étaient sévèrement
discriminés, souvent chassés de leurs
emplois, et même parfois pourchassés ou
abattus. Des millions de Russes, des
autochtones dans ces républiques,
devinrent des réfugiés; avec eux, des
millions de non-russes qui préféraient
la culture universaliste à leur "propre"
nationalisme chauvin partaient
s'installer en Russie. Voilà pourquoi la
Russie moderne a des millions d'Azéris,
d'Arméniens, de Géorgiens, de Tadjiks,
de Latviens et d'autres groupes
ethniques plus petits de toutes les
républiques. Malgré la discrimination,
des millions de Russes et de gens de
culture russe sont restés dans ces
républiques où leurs ancêtres avaient
vécu depuis des générations, et la
langue russe est devenue un territoire
commun pour toutes les forces
non-nationalistes.
Si l'on veut faire la comparaison avec
Israël, comme le fait Pat Buchanan, ce
sont les républiques comme l'Ukraine, la
Géorgie, l'Ouzbékistan, et l'Estonie qui
suivent le modèle israélien de
discriminations et de persécutions
contre leurs "minorités ethniques",
tandis que la Russie suit le modèle
égalitaire de l'Europe occidentale.
France contre Occitanie
Si l'on veut comprendre le problème
entre Ukraine et Russie, il faut faire
la comparaison avec la France. Imaginez
le pays divisé en France du Nord et
France du Midi, le Nord gardant le nom
de France, et le Midi choisissant de
s'appeler "Occitanie", ses habitants
devenant des Occitans, et sa langue
l'occitan. Le gouvernement d'Occitanie
forcerait les gens à parler provençal, à
apprendre les poèmes de Frédéric Mistral
par cœur, et on apprendrait aux enfants
à détester les Français, qui avaient
dévasté la merveilleuse Provence lors de
la Croisade des Albigeois en 1220. En
France on grincerait des dents,
forcément. Imaginez maintenant qu'au
bout de vingt ans, le pouvoir en
Occitanie se trouve violemment confisqué
par quelques fascistes romantiques et
méridionaux souhaitant "éradiquer 800
ans de domination franque", et
prétendant discriminer tous ceux qui
préféreraient parler la langue de Victor
Hugo et d'Albert Camus. La France se
trouverait bien obligée d'intervenir
pour défendre les francophones, ne
serait-ce que pour contenir une
inondation de réfugiés. Il est probable
que les francophones de Marseille et de
Toulon choisiraient de soutenir le pays
d'Oïl contre leur "propre" gouvernement
d'Oc, sans pour autant constituer des
immigrés en provenance de Normandie.
Poutine défend tous les russophones,
toutes les minorités ethniques, telles
que les Gagaouzes ou Abkhazes, et pas
seulement les Russes ethniques. Il
défend le monde russe, tous ces
russophones qui veulent et requièrent sa
protection. Ce monde russe inclut, qu'on
le veuille ou non, une majorité des
habitants de l'Ukraine, les Russes
ethniques, les juifs, de petits groupes
ethniques et des Ukrainiens ethniques,
en Nouvelle Russie comme à Kiev.
Oui, le monde russe était et reste
attirant. Les juifs y étaient heureux
d'oublier leur schtetl et leur patois
yiddisch; leurs meilleurs poètes
Pasternak et Brodsky écrivirent en russe
et se considéraient eux-mêmes comme des
Russes. Ce qui n'empêchait pas d'autres
poètes mineurs de s'exprimer à titre
personnel en yiddisch. Les Ukrainiens,
de même, se servaient du russe pour la
littérature, mais gardèrent longtemps
leur patois dialectal à la maison, entre
eux. Il y eut quelques Romantiques
mineurs pour créer en patois, comme
Taras Chevtchenko et Lesya Ukrainka.
Soljenitsyne lui-même écrivit jadis:
"Même les Ukrainiens ethniques
n'utilisent pas et ne savent pas
l'ukrainien. Pour promouvoir l'usage de
cette langue locale, le gouvernement
ferme les écoles russes, interdit la
télévision russe, et les bibliothécaires
ne sont pas autorisés à parler russe
avec leurs lecteurs. Cette position
anti-russe de l'Ukraine, c'est
exactement ce que veulent les USA pour
affaiblir la Russie."
Poutine dans son discours sur la Crimée
a souligné qu'il voulait protéger le
monde russe partout en Ukraine. En
Nouvelle Russie le besoin est grand,
parce qu'il y a des confrontations
journalières entre les habitants et les
gangs envoyés par le régime de Kiev.
Alors que Poutine ne veut pas encore
s'emparer de la Nouvelle Russie (ce que
souhaitait Soljenitsyne et ce qui est le
sentiment général en Russie) il se
pourrait qu'il s'y trouve forcé, comme
il l'a été en Crimée. Il y a un moyen
d'éviter cela: que l'Ukraine rejoigne le
monde russe. Tout en gardant son
indépendance, l'Ukraine doit garantir la
pleine égalité à ses russophones. Ils
devraient pouvoir rouvrir leurs écoles
en russe, leurs journaux et télévisions
en russe, avoir le droit de parler russe
partout. La propagande anti-russe doit
cesser, et les velléités de rejoindre
l'OTAN aussi.
Il n'y a rien d'extraordinaire dans
cette revendication: les Latinos aux USA
ont le droit de parler espagnol. En
Europe, l'égalité des langues et des
cultures n'est pas négociable. Il n'y a
que dans les républiques ex-soviétiques
que ces droits sont bafoués, pas
seulement en Ukraine, mais aussi dans
les républiques baltes. Pendant vingt
ans, la Russie se contentait d'objecter
faiblement, lorsque les russophones (la
majorité d'entre eux ne sont pas des
Russes ethniques) se trouvaient
discriminés dans les États baltes. Ceci
devrait changer. La Lituanie et La
Lettonie ont d'ores et déjà payé le prix
pour leur position anti-russe, en
perdant leur rôle su la route du
commerce avec la Russie. L'Ukraine est
beaucoup plus importante pour la Russie.
A moins que le régime actuel soit
capable de changer (ce qui est peu
probable), ce régime illégitime sera
renversé par les habitants, et la Russie
se prévaudra du droit d'ingérence
humanitaire contre les éléments
criminels au pouvoir s'ils ne cèdent
pas.
La majorité des Ukrainiens seraient
probablement d'accord avec Poutine,
quelle que soit la catégorie ethnique où
ils se rangent. Car de fait, lors du
référendum de Crimée, les Ukrainiens et
les Tatars ont voté en masse avec les
Russes. Ce qui est un signe positif: il
n'y aura pas de conflit ethnique en
Ukraine orientale, malgré les efforts US
en ce sens. Le moment des choix se
rapproche: certains experts estiment que
vers la fin mai la crise ukrainienne
sera derrière nous.
Traduction: Maria Poumier
Le sommaire d'Israël Shamir
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