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Opinion

Poutine préfère une mauvaise paix

Israël Shamir


Israël Adam Shamir

Lundi 16 février 2015

[Le présent article est basé sur une longue conversation privée que j'ai eue avec un des principaux officiels russes. C'est la réponse à la question sur laquelle tout le monde bute: que veut vraiment Poutine en Ukraine ? Eh bien voilà, en deux mots : il veut la fédéralisation de l’Ukraine entière plutôt que l’annexion de ses provinces orientales par la Russie. Il préfère un peu d'influence dans la totalité de l’Ukraine à beaucoup d’influence dans une de ses parties. Les dramatiques accords de Minsk-2 sont tout à fait logiques, si on sait cela. Alors que Kiev combattaient pour éliminer les rebelles et rien d’autre, les rebelles se battaient, eux, pour forcer Kiev à accepter le fédéralisme. Minsk-2 a établi que les gens au pouvoir à Kiev n’obtiendraient ce qu’ils veulent (des frontières, etc.) qu’après avoir mis en application les réformes constitutionnelles prévues par les précédents accords, mais il est certain que la junte évitera le fédéralisme aussi longtemps qu’elle n’y sera pas forcée par les armes. La guerre continuera donc, jusqu’à ce que ce point constitutionnel soit réglé d’une manière ou d’une autre, avec ou sans cessez-le-feu.]

Israël Adam Shamir, le 16 février 2015

« En février, on est encore loin du printemps », déplorait Joseph Brodsky, le poète. De fait, la neige tombe toujours lourdement sur Moscou et sur Kiev, tout comme sur les steppes vallonnées qui forment la frontière entre la Russie et l’Ukraine, mais là, elle est teintée de rouge. Les soldats ne sont guère disposés à combattre en hiver, quand simplement vivre est déjà si difficile sous ces latitudes, mais les combats se sont remis à flamber dans le Donbass ravagé par la guerre, et les États-Unis y préparent une autre escalade en fournissant davantage encore de matériel sophistiqué à Kiev. Fatigués du siège et des bombardements intermittents, les rebelles ont fait fi de la neige et pris l’aéroport stratégique de Donetsk. Cet aéroport, avec ses tunnels construits sous Staline, symbole des solides travaux de défense soviétiques, représentait un énorme défi pour une milice sous-équipée. Ses multiples étages d’installations en sous-sol avaient été conçus pour résister à une attaque nucléaire ; et pourtant, après des mois de durs combats, les rebelles ont réussi à en déloger l’ennemi et à s’en emparer.

Au cours d’une offensive encore plus importante, ils ont réussi à prendre au piège les troupes de Kiev dans la poche de Debaltsevo, et Kiev a aussitôt demandé un cessez-le-feu. Les rebelles espèrent déloger complètement l’ennemi de leur territoire, dont il n’occupe plus qu’un tiers, mais le président de Russie continue à tripoter les freins. Il préfère une mauvaise paix à une bonne guerre. Pour lui, l’Ukraine est importante mais elle n’est pas un sine qua non et le seul problème qu’il y ait au monde. Cette façon de voir est partagée par le président US, mais il existe, entre les deux, une grande différence : la Russie préfère une Ukraine en paix, les USA veulent une Ukraine en guerre.

La Russie préférerait voir l’Ukraine unie, fédérale, paisible et prospère. L’alternative consistant à en détacher le Donbass n’est pas très engageante : le Donbass est très fortement connecté au reste de l’Ukraine et il n’est pas facile de rompre les liens qui les attachent. La guerre a déjà envoyé des millions de réfugiés du Donbass et du moignon restant d’Ukraine en Russie, surchargé ses infrastructures sociales. Poutine ne peut pas s’affranchir du problème en se désintéressant du Donbass. Son peuple ne le lui permettrait pas. Homme prudent, il ne veut pas aller à la guerre ouverte. Il doit donc louvoyer ver l’une ou l’autre forme de paix.

J’ai pu rencontrer récemment une importante personnalité russe bien informée, qui a accepté de partager avec moi, à votre profit et sous couvert d’anonymat, quelques-unes de ses réflexions. Alors que l’Occident se dit sûr que Poutine veut restaurer l’Union Soviétique, le Président russe a véritablement fait tout ce qu’il a pu pour sauver l’Ukraine de la désintégration. Voici, selon mon interlocuteur, ce que la Russie a fait pour sauvegarder la paix dans ce pays :

- La Russie a soutenu l’accord du 21 février 2014 négocié par les Occidentaux, mais les USA ont, simultanément, continué à pousser au coup d’état qui s’est produit le jour suivant (2 février 2014), c’est-à-dire ont « mis en place un pouvoir de transition en Ukraine », selon les propres mots d’Obama.

- Après le coup d’état, le Sud-est de l’Ukraine ne s’est pas soumis aux putschistes de Kiev et a fait sécession. Pourtant, Moscou a demandé aux rebelles du Donbass de renoncer à leur référendum du mois de mai. (Ils n’ont pas tenu compte de l’appel de Poutine.)

- Moscou a accepté les résultats des élections-bidon organisées par Kiev après le coup d’état et reconnu Porochenko comme président de toute l’Ukraine, bien qu’il n’y ait pas eu d’élections dans le Sud-est et que les partis d’opposition n’aient pas été autorisés à participer au scrutin.

- Moscou n’a pas reconnu la légitimité des élections de novembre 2014 dans le Donbass, au grand chagrin de beaucoup de nationalistes russes.

Ces mesures ont été très impopulaires dans la société russe, mais Poutine les avait prises pour promouvoir une solution pacifique en Ukraine. Certains dirigeants militaires du Donbass ont même pu être persuadés de se retirer. En vain : Les États-Unis et l’Union Européenne ont traité par le mépris les actes et les intentions de Poutine. À Kiev, ils ont sans cesse encouragé le « parti de la guerre ». « Ils n’ont jamais rien trouvé de répréhensible chez les gens de Kiev, quoi qu’ils aient fait ou fassent » a commenté mon interlocuteur.

« La paix en Ukraine est possible par le fédéralisme », estime-t-il. C’est pourquoi les deux paramètres les plus importants des accords de Minsk (entre Kiev et le Dontesk) sont ceux dont on n’entend jamais parler : ceux sur les réformes constitutionnelles et socio-économiques. La Russie tient à assurer la sécurité territoriale de l’Ukraine (moins la Crimée), mais cela ne peut s’accomplir que par la fédéralisation de l’Ukraine, un certain degré d’autonomie étant accordé à ses différentes régions. Ses parties occidentale et orientale parlent des langues différentes, vénèrent des héros différents, ont des aspirations différentes. Elles pourraient quand même cohabiter - tout juste – si l’Ukraine était un état fédéral comme les États-Unis, la Suisse ou l’Inde.

À Minsk, les participants s’étaient mis d’accord pour désigner une commission commune chargée de réformer les institutions. Mais le régime de Kiev est revenu sur sa parole. À la place, il a créé unilatéralement un petit comité constitutionnel secret de la RADA (Parlement). Ceci a été condamné par la Commission de Venise, organe consultatif européen qui fait autorité sur les matières constitutionnelles. Le peuple du Donbass ne l’a pas accepté non plus, car ce n’est en rien ce qui avait été accepté de part et d’autre à Minsk.

Pour ce qui est de l’intégration, il avait été décidé à Minsk de réintégrer le Donbass dans l’Ukraine, ce qui avait fortement déçu les populations qui préféreraient s’intégrer à la Russie, mais cela avait été accepté, alors même que Kiev assiégeait militairement la région, suspendait les banques, cessait d’acheter le charbon du Donbass et cessait de payer les retraites de ses habitants. Les troupes de Kiev bombardent quotidiennement Donetsk, une ville d’un million d’habitants (en temps de paix !). Au lieu de l’amnistie pour les rebelles prévue par les accords de Minsk, on voit de plus en plus de troupes gouvernementales affluer vers l’Est.

Les Russes n’ont pas renoncé aux accords de Minsk. Ces accords pourraient apporter la paix, à condition d’être mis en application. Peut-être le président Porochenko de Kiev le voudrait-il, mais le parti de la guerre et ses soutiens occidentaux renverseront Porochenko s’il va trop loin. Paradoxalement, le seul moyen de le forcer à faire la paix est de lui faire la guerre, même si les Russes préféreraient que ce soit l’Occident qui fasse pression sur ses clients de Kiev. Les rebelles et leurs soutiens russes se sont servis de la guerre pour forcer Porochenko à signer les accords de Minsk. Leur offensive en direction de Mariupol sur la Mer Noire a été un énorme succès, et Porochenko est allé à Minsk pour pouvoir garder Mariupol. Depuis lors, il y a eu quelques cessez-le-feu entre Kiev et le Donetsk, il y a aussi eu échange de prisonniers de guerre, mais Kiev refuse toujours de mettre en œuvre les réformes constitutionnelles et socio-économiques ratifiées parles accords de Mins.

Or, un cessez-le-feu n’a pas de sens, si Kiev s’en sert juste pour regrouper ses forces et repartir à l’attaque. Mon interlocuteur insite sur le fait qu’un cessez-le-feu n’a de sens que s’il conduit à une réforme constitutionnelle négociée par un dialogue transparent entre les gens de Kiev et ceux des régions. S’il n’y a pas de réformes, le Donbass (ou la Novorossia) fera la guerre. C’est pourquoi l’opération Debaltsevo peut être considérée comme un moyen de forcer Porochenko à faire la paix.

« La Russie n’a pas l’intention de participer à la guerre ni aux négociations de paix » a précisé ma source. Les Russes tiennent absolument à rester en dehors du coup, tandis que les États-Unis, en revanche, tiennent par-dessus tout à présenter la Russie comme partie prenante dans le conflit.

Entretemps, les relations russo-américaines sont revenues quarante ans en arrière, c’est-à-dire à l’amendement Jackson-Vanik de 1974, grâce au décret de « Soutien à la liberté de l’Ukraine » de 2014. Le Secrétaire d’État John Kerry considère ce décret comme un développement malheureux mais temporaire. Les Russes ne partagent pas son optimisme : pour eux, ce décret entérine des « sanctions » anti-russes. Les USA font tous leurs efforts pour qu’un maximum de pays se retournent contre la Russie et le font avec un certain succès. D’un seul revers de manche, la chancelière allemande Angela Merkel a éliminé toutes les organisations, toutes les structures et tous les liens tissés entre l’Allemagne et la Russie pendant de longues années. Chaque visite de Joe Bidden provoque une conflagration.

Par ailleurs, les Russes sont très mécontents de l’histoire du Boeing malaisien. À chacune des rencontres au plus haut niveau avec des officiels US, ils rappellent la campagne d’accusations hystériques dont ils ont été l’objet pour l’avoir prétendument laissé abattre par les rebelles du Donbass utilisant « des missiles russes ». Six mois ont passé depuis la tragédie et les Américains n’ont toujours pas présenté la moindre preuve d’une implication soit russe soit des rebelles. Ils n’ont toujours présenté aucune des photos prises par leurs satellites, ni aucun rapport de leurs avions SDCA (Système de détection et de commandement aéroporté, NdT) qui patrouillent en permanence au-dessus de l’Europe de l’Est. Selon mon interlocuteur, les officiels de haut rang US ont cessé de faire allusion aux Russes et aux rebelles, mais refusent obstinément de s’excuser pour leurs accusations infondées. « Ces gens-là ne s’excusent jamais».

Et les Américains tiennent toujours à conduire le bal. Ils répètent avec insistance qu’ils ne veulent pas obtenir la « reddition » des Russes, qu’ils trouvent la confrontation coûteuse et malvenue, au moment où les USA ont besoin de la Russie pour négocier avec l’Iran sur son programme nucléaire, pour mener à bien le retrait des armes chimiques syriennes et pour affronter le problème palestinien. Les Russes répondent qu’ils ont déjà entendu tout cela à propos de la Libye et que cela ne les impressionne pas.

Les différences d’opinion entre la Russie et les USA sont énormes dans presque tous les domaines. Il existe un point commun à toutes les affaires - de la Syrie au Donbass – la Russie préconise partout la paix, les Américains poussent partout à la guerre. Les Russes ont invité à Moscou des représentants de l’opposition et des représentants du gouvernement syrien, pour qu’ils y discutent. Ils sont venus, se sont parlé, et reviendront. Ils pourraient très bien arriver à un accord, mais les représentants des États-Unis disent que, pour leur part, ils n’accepteront jamais la présidence de Bachar al-Assad et qu’ils poursuivront la guerre jusqu’au dernier Syrien s’il le faut, pour obtenir sa démission. Ce n’est pas que les Américains soient des sanguinaires, c’est que la guerre a pour eux un sens : chaque guerre de la planète aide le dollar à se soutenir et fait remonter l’indice du Dow Jones, tandis que le capital apatride cherche un havre sûr et le trouve aux États-Unis.

Ils ne pensent pas une seule seconde aux Syriens qui fuient vers la Jordanie ni aux Ukrainiens qui cherchent asile en Russie en nombres de plus en plus grands. Quel malheur pour deux pays merveilleux ! La Syrie était paisible et prospère, la perle du Moyen Orient, jusqu’à ce qu’elle soit détruite par les islamistes qu’avaient armés les USA ; l’Ukraine a été la partie la plus riche de l’ancienne URSS, jusqu’à ce qu’elle soit ruinée par l’extrême-droite néo-nazie et les oligarques de Kiev. Joseph Brodsky a prédit avec amertume, en 1994, au moment où l’Ukraine a proclamé son indépendance vis-à-vis de la Russie, que les transfuges ukrainiens évoqueraient la poésie russe à l’heure de leur mort. Cette prophétie est en cours de réalisation.

On peut joindre Israël Shamir à l’adresse e-mail : adam@israelshamir.net

Traduit par c.l. pour Les Grosses Orchades

Source : http://www.israelshamir.net/English/UkrFeb.htm

 

 

   

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Source : Entre la plume et l'enclume
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