Opinion
Poutine entre Cersis et Daenerys
Israël Adam Shamir
Israël
Adam Shamir
Lundi 7 août 2017
Signera, signera
pas? Les clients du John Bull à Moscou
se sont essayés à deviner la décision
que prendrait le président US. Ce bar
sur le Boulevard Nikitsky au centre de
Moscou est une bonne mare aux canards
fréquentée par les sous-officiers du
Foreign Office et intelligentsias
diverses. - Il ne va pas signer sa
propre reddition, disait avec ferveur un
buveur de bière. Impossible, il ne
voudrait pas devenir un appeau pour les
chasseurs au bout de sept mois à peine à
la Maison blanche. Il a la constitution
pour lui. - Oh que si, il va signer,
insistait un autre, plus habitué au gin.
Il ne peut pas aller contre la volonté
du Congrès. Pour la constitution, les
tribunaux lui ont retiré son droit à
prendre des décisions sur l’immigration,
et maintenant c’est le Congrès qui met
le grappin sur la politique étrangère.
Il va juste avoir à décider où prendre
ses prochaines vacances, c’est tout. Et c’est exactement
ce qui s’est passé, comme chacun sait.
Donald Trump a docilement signé, en
grinçant des dents, le renforcement des
sanctions, et il a choisi d’aller jouer
au golf dans le New Jersey, pour ses
vacances, tandis que son ex-copain
Poutine partait pêcher en Sibérie, et a
même harponné un brochet géant au bout
de deux heures de poursuite dans un lac
glacé. Pas aussi grand que celui qu’il
avait capturé il y a quatre ans, mais
ça, c’était avant les sanctions US.
Le décret n’était
pas assez rude pour qu’il file se mettre
à l’abri dans un bunker. Peut-être que
c’est l’insistance de Rex Tillerson qui
avait réussi à le calmer ; d’après
celui-ci, la législation devrait être
considérée « comme un signe que les
Américains veulent que la Russie
améliore ses relations avec les US », et
quoi de plus apaisant qu’un bon canular?
Les propos de Tillerson ont certainement
été aussi hilarants que la réplique
culte "Ne courez pas, nous sommes vos
amis", dans le film Mars attaque.
Les grands films hollywoodiens annoncent
souvent des évènements à venir.
Question cinéma,
c’est Games of Thrones qui semble
le plus indiqué pour rendre compte de la
situation. Le président Trump contre le
marais, c’est la bataille ultime pour la
domination, comme entre Cersei et
Daenerys. La Russie de Poutine est un
outsider qui ne veut pas vraiment se
retrouver mêlé à l’empoignade, juste
applaudir le vainqueur. Poutine ne veut
pas plier le genou ni devant le
collectif Clinton ni devant Trump, même
si ses sympathies, et celles de bien des
Russes, allaient plutôt à Trump. Si la
sympathie et la préférence
constituent une interférence, alors les
Russes ont interféré dans les élections
US, dans le cas contraire c’est non.
Nous l’avons appris de source sûre :
c’est Seymour Hersh qui le dit, le
journaliste le plus fiable des US,
ici.
Le Premier Ministre
Medvedev a résumé la situation dans un
message bref et judicieux sur sa page
Facebook, rédigé en russe et en
anglais : « d’abord, la loi sur les
sanctions met fin à tout espoir
d’amélioration des relations de la
Russie avec la nouvelle administration
US. Ensuite, c’est une déclaration de
guerre économique a tout-va contre la
Russie. Enfin, l’administration Trump a
fait la preuve de sa faiblesse totale en
cédant le pouvoir exécutif au Congrès de
la façon la plus humiliante. Ceci change
complètement la balance dans les cercles
politiques US. »
Les opinions du
Premier Ministre comptent beaucoup. Ce
n’est pas le maillon faible que
l’opposition nationaliste russe croit
voir en lui. Tandis qu’il était
président et chef suprême des forces
armées, le 888 (le 8 août 2008) il avait
ignoré les appels US et l’opinion
publique russe divisée, avait expédié
les chars au-delà des monts du Caucase,
et mis en déroute les arrogants
Géorgiens, avec leurs instructeurs
israéliens et américains, le tout en une
guerre éclair. C'est bel et bien un
libéral, son gouvernement met en œuvre
une politique libérale, et il ne
recherche pas la confrontation. S’il dit
que c’est la guerre, même s’il s’agit
d’une guerre économique, alors c’est
bien une guerre que les US ont déclarée
à la Russie.
Mais une guerre
plus importante est en cours entre
l’establishment et le président, et elle
n’est pas finie. Trump s’est fait
humilier, c’est vrai, il a perdu une
bataille, mais non la guerre. Il est
trop tôt pour le passer par pertes et
profits, comme le suggère Medvedev.
Le président
Poutine l’a bien compris, car il a signé
son ordre d’expulsion des diplomates US
avant que Trump n'ait signé le décret,
alors qu’il avait d’abord dit qu’il ne
le ferait qu’une fois que le décret
serait entériné. Si Poutine avait
attendu quelques jours, l’expulsion
aurait été considérée comme une réponse
à la signature de Trump. Mais Poutine a
préféré rendre le Congrès responsable de
cette riposte.
Le président Trump
était bien d’accord avec Poutine quand
il a touité: “Nos relations avec la
Russie sont au plus bas, et la situation
est très dangereuse. Vous pouvez
féliciter le Congrès". Le sénateur John
McCain qui cherche à piéger la Russie a
répliqué : « Vous pouvez remercier
Poutine », mais cette accusation ne mène
à rien.
Trump est dans le
pétrin, mais jouit quand même de
soutiens solides. Je ne parle pas du
peuple, je parle du secteur du business
américain. Le marais s’est nourri de
l’économie virtuelle de Google, de
Microsoft, de Facebook, des médias de
masse, de la Réserve fédérale, et des
agences d’espionnage. Leurs ennemis, les
gens qui font la véritable industrie,
soutiennent Trump, et ils n’ont pas
l’intention de capituler. Le conflit a
traversé l’Atlantique, et il fait rage
en Europe, maintenant, où les soutiens
du collectif Clinton se retrouvent dans
une situation fort embarrassante.
Ils perdent de
l’argent, parce que le business
américain ne veut plus les soutenir. Les
élites suédoises, qui appuyaient
solidement le collectif Clinton, l’ont
découvert à leurs dépens. Leur grande
firme TNC Ericsson a subi de lourdes
pertes l’année dernière. Quad ils ont
essayé de faire certaines affaires avec
des firmes américaines sur la base de
leurs contacts précédents, ils ont
découvert que les hommes d’affaire
américains étaient déçus et les avaient
renvoyés chez eux sans avoir signé
l’accord (voir ce que j’ai écrit à ce
sujet
ici). Ce genre de signaux laisse des
impressions durables.
Il est arrivé à
Moscou ces derniers jours des émissaires
pour demander à Poutine de choisir son
camp dans la bataille, de se débarrasser
de l’aile libérale dans son
gouvernement. Mais Poutine n’est pas
chaud. Les libéraux russes continuent à
jouer le jeu, ils n’interfèrent pas dans
son action. Poutine préfère garder la
Russie en dehors du champ clos; s’il n’y
parvient pas, ce ne sera pas faute
d’avoir essayé.
Les sympathies de
Poutine et de son camp vont toujours à
Trump, aux nationalistes américains,
parce que nous pouvons imaginer un
accord qu’ils peuvent trouver ensemble,
un accord qui permettra à la Russie de
vivre paisiblement dans sa propre niche,
en termes de marché et de géopolitique.
Il est passablement difficile d’imaginer
une entente avec des dévots de la
globalisation qui veulent refaire le
monde en y incluant une Russie formatée
selon l’idée qu’ils s’en font. Mais
Poutine ne cherche pas à être mêlé aux
querelles intestines américaines. Ce
qu’il pouvait faire de mieux et au plus
près, c’était de patienter six mois
avant d’agir en représailles à
l’expulsion datant de décembre des
diplomates russes. Nous entrons
maintenant dans une nouvelle étape,
celle de la guerre froide à fond de
train.
Et là, j’avoue que
ce n’est pas mauvais du tout pour le
monde. Une grande harmonie entre Trump
et Poutine, ce serait encore mieux,
comme je l’ai écrit, mais la guerre
froide est certainement la meilleure
solution après celle-là.
Il y a trop de
menées agressives de la part des US de
par le monde. Avant 1990, ils étaient
partiellement bloqués par l’URSS. Depuis
lors, les US ont pu faire tout ce qu’ils
voulaient, avec des résultats
désastreux. Leurs interventions en
Afghanistan, au Panama, en Irak et
ailleurs n’auraient jamais eu lieu s’il
y avait eu un contrepoids face à eux. Et
la Russie de Poutine ne voulait pas
endosser le rôle de principal
contrepoids. Les Russes n’agissaient que
dans les limites de leur territoire et
de leurs moyens limités, jusqu’à
maintenant. Ils ont sauvé la Crimée, qui
aurait dû devenir une base militaire de
l’Otan ; ils ont mis un terme à la
destruction de la Syrie. C’est très
bien, mais on est très loin d’une prise
en main de la résistance mondiale contre
l’Empire. Au mieux, ils refusaient de
coopérer avec les desseins américains.
Si la guerre froide
s’intensifie, la Russie sera forcée d’en
faire plus. Paul J. Saunders, expert de
la politique étrangère US, qui a été
membre du Département d’Etat, nous en
fournit un
indice : « Il y a des différences
considérables entre refuser de coopérer
avec les US, et travailler de façon
positive pour résister à la politique US
et faire du tort à l’Amérique. Les
Américains sont-ils prêts pour une
Russie qui renverse la situation en
Afghanistan, en fournissant aux Taliban
des missiles terre-air pour descendre
les hélicoptères US et les jets ? Ou une
Russie qui signerait de nouveaux accords
commerciaux avec la Corée du Nord et qui
travaillerait à consolider l’économie du
régime de Kim ? Ou encore une Russie qui
fournirait équipement et entraînement à
des groupes terroristes
anti-américains ? »
Etrangement, de
telles actions seraient à peine
symétriques des actions US. Les US ont
fourni à Al Qaeda en Afghanistan et en
Syrie (où la chose s’appelle Al Nusra)
des missiles terre-air qui ont abattu
des avions russes et même syriens. Les
US travaillent pour consolider le régime
pourri de Kiev. Les US ont fourni
équipement et entraînement aux
terroristes anti-russes dans le Caucase,
en Syrie et en Ukraine.
Mais pourquoi
s’arrêter à de telles mesures? A la
guerre comme à la guerre : les Russes
pourraient réinstaller leurs ICBM à Cuba
et les déplacer au Venezuela, encourager
les milices blanches du Montana,
soutenir activement l’indépendance du
Texas et de la Californie, et cela
resterait de l’ordre du reflet en miroir
des actions US. Qui plus est, ces
mesures et d’autres seraient excellentes
pour les peuples du monde, y compris
pour les citoyens américains !
En votant pour le
président Trump, le peuple américain a
manifesté sa volonté d’en finir avec les
guerres étrangères, avec l’immigration
chez eux, de démanteler l’Otan (le
président Trump l’avait qualifiée
d’obsolète), d’en finir avec la pratique
des changements de régime. La volonté du
peuple américain devrait aboutir.
Les évènements des
six derniers mois aux US ont le niveau
d’un coup d’Etat. Le président élu a été
pourchassé, persécuté, dépouillé de ses
pouvoirs par le gang des néocons et des
marchands de canons. Ils ont usurpé le
pouvoir dont le président avait été
investi par le peuple américain. Ce
serait excellent si la Russie devait
aider le peuple américain à restaurer la
démocratie dans son pays.
Puisque les
usurpateurs veulent lâcher leurs chiens
de guerre sur la Corée et le Venezuela,
sur la Syrie et sur l’Iran, puisqu’ils
tiennent à maintenir leur occupation
illégale de l’Afghanistan et de l’Irak,
de l’Allemagne et de la France, et
puisqu’ils interfèrent dans les
élections dans chacun des Etats
européens et latino-américains, en
bloquant toute liberté commerciale pour
les Russes et les Européens, il serait
bénéfique de résister à leur politique,
ce serait en fait moral et légal au sens
le plus élevé du terme. Et la Guerre
froide donnera à ceux qui résistent aux
usurpateurs le bouclier nucléaire et
l’épée nucléaire.
Une guerre froide
peut sauver le Venezuela, l’Iran et la
Corée des interventions US qui les
menacent, elle peut faire reculer les
forces d’occupation US. Ce sera tout
bénéfice pour le monde.
Et ce sera
merveilleux pour les Américains. Le pire
de ce que Poutine pourrait rêver de
faire aux US serait de forcer les US à
fermer leurs bases militaires, d’en
finir avec leurs interventions et leurs
changements de régimes, de détruire la
Réserve fédérale et la position du
dollar dans le commerce international :
tout cela, ce sera bon pour vous, les
Américains. Votre pays va cesser
d’envahir tout le monde pour aussitôt
inviter tout le monde chez vous. Les
Américains retrouveront du travail, un
travail qui ait du sens. Votre pays
refleurira.
Ce sera bénéfique
aussi pour les Russes, mais pas au sens
où vous l’entendez. Le régime
autoritaire de Poutine a donné aux
nouveaux Russes l’anoblissement par
l’argent et une marge de manœuvre dans
l’Etat. Ils se sont fait construire les
plus grands yachts, ils ont jeté
l’argent par les fenêtres comme jamais,
tandis que les Russes ordinaires avaient
un niveau de vie très très modeste. Igor
Shugalov, porte-parole de l’Assemblée
nationale, promène les corgis de sa
femme dans son jet privé et
possède des biens immobiliers pour 100
millions de dollars, alors que le
salaire moyen en Russie (à l’exception
de Moscou et de St Pétersbourg) tourne
autour de 200 dollars par mois. Avant
les sanctions, les Russes riches
n’avaient pas un regard pour leurs
compatriotes moins fortunés. Ils
allaient en vacances sur la Côte d’Azur,
envoyaient leurs gosses faire leurs
études à Oxford et à Yale. Ils étaient
aussi loin des Russes ordinaires que les
nobles de Tolstoï.
Les sanctions ont
déjà porté des fruits. Certains des
officiels autour de Poutine se sont vus
interdits de voyage et ont été obligés
de découvrir les modestes inconforts de
leur mère-patrie. Si la Guerre froide
pouvait les priver de leurs propriétés
en Occident et réduire à néant leurs
magots offshore, ils contribueraient un
peu plus à l’essor de leur pays.
Ils n’en ont aucune
envie, certes; c’est la raison pour
laquelle les nouveaux riches de la
Russie de Poutine constituent la force
qui refuse la guerre froide. Ils
appellent déjà à la soumission complète
aux US. La nouvelle guerre froide rendra
ces gens insignifiants, comme les
communistes US étaient devenus
insignifiants dans le rude climat de la
Première Guerre froide.
Le décret sur les
sanctions n’est pas une mauvaise chose
non plus pour l’Europe. En se mêlant des
élections européennes, les US ont créé
une classe politique compradore. Ces
toutous aveugles des libéraux à la
« jt’envahis et après jt’invite chez
moi » ont été un vrai désastre pour les
Européens. Avec l’arrivée de Trump, le
sevrage a commencé pour eux. Les
sanctions vont toucher les Européens à
leur ventre mou, leur porte-monnaie. Ils
sont déjà consternés parce qu’ils
considèrent comme illégale la
législation extra-territoriale de
l’Amérique, appliquée sous forme de
lourdes amendes aux banques européennes
pour avoir fait des choses interdites
aux US, mais parfaitement légales en
Europe, comme de commercer avec l’Iran.
L’attaque US contre leurs importations
de gaz russe moins cher pourraient bien
les libérer de leurs principes
américains, ce qui est aussi très
positif.
Bref, cette
nouvelle Deuxième Guerre froide est une
excellente affaire. Certes, une harmonie
totale, ce serait encore mieux, mais en
attendant, donnez-nous une bonne Guerre
froide !
* * *
P.S. Je ne voudrais
pas conclure sur cette note enjouée,
mais comme je ne suis payé ni par
Poutine ni par Trump, j’ajouterai que
nous n’en sommes pas encore là. Poutine,
malgré ses manières macho, est un homme
politique très précautionneux. Il n’a
nulle hâte de se confronter aux US plus
que de juste. Il est prêt à attendre
tout ce qu’il faudra…
On l’a vu dans
l’affaire des diplomates. Obama avait
expulsé 35 diplomates, Poutine a attendu
patiemment sept mois. Pendant ce temps,
il s’est souvenu de sa dette plusieurs
fois. Mais c’est seulement mis au pied
du mur américain qu’il a décidé d’agir,
et alors il a expulse vingt fois plus de
diplomates (le nombre exact n’est pas
encore clair, mais cela tourne autour de
700 porteurs de passeports
diplomatiques).C’est ça, le style russe.
Les Russes traînent des pieds, prennent
du retard, reportent, et quand vous
croyez qu’ils ont oublié ou lâché
l’affaire, alors ils foncent et en
rajoutent.
Maintenant, après
les sanctions, la Russie de Poutine a
voté aujourd’hui 5 août au Conseil de
sécurité de l’Onu pour le train de
nouvelles sanctions voulues par les US
contre la Corée du Nord. Le projet de
résolution US interdit à la Corée du
Nord d’exporter du charbon, du fer, su
minerai de fer, du plomb, du minerai de
plomb et des produits de la mer. Il
interdit aussi à chaque pays d’augmenter
le nombre de travailleurs nord-coréens
embauchés à l’étranger, interdit tout
nouvel accord de partenariat avec la
Corée du Nord, et tout nouvel
investissement de même, selon l’agence
Reuters. De sorte que la Russie se punit
elle-même (la Russie est importatrice de
produits coréens, emploie des
travailleurs coréens, et il y a un
certain nombre de partenariats
russo-coréens) et sanctionne donc son
allié coréen en cédant au caprice
américain.
C’est une décision
que je regrette, mais Poutine est comme
ça: il ne veut pas aggraver le
contentieux entre Russie et US. Il est
prêt à lancer une contre-offensive, mais
il n’est pas pressé d’enclencher
l’apocalypse. Il ne veut pas offrir une
occasion à Cersei et à Daenerys de
s’unir contre lui.
Il préfèrera plutôt
se donner encore un délai, le temps que
les deux reines en décousent. J’aimerais
mieux, pour ma part, une bonne guerre
bien froide, avec beaucoup de glaçons et
une rondelle de citron, certes, mais ce
n’est pas moi qui ai pris en chasse un
brochet pendant deux heures dans les
eaux sibériennes glacées.
Pour joindre
l’auteur:
adam@israelshamir.net
Traduction : Maria
Poumier
Publication
originale sur
The Unz Review.
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