Analyse
Guerre mondiale contre la mort
Israël Adam Shamir
Israël
Adam Shamir
Mardi 7 avril 2020
Une folie
saisonnière s'est emparée de l'humanité.
Un jour, on s'en souviendra comme d'une
nouvelle chasse aux sorcières, mais à
l'échelle globale. L'histoire des
sorcières de Salem avait englouti une
petite ville dans une lointaine colonie
britannique, mais le confinement pour
cause de Corona virus a cassé les reins
à l'économie du monde entier, paupérisé
des millions de gens, enfermé trois
milliards de personnes, causé
d'innombrables suicides et malheurs. On
pourrait comparer cela avec la Première
Guerre mondiale, lorsque l'Ouest, au
sommet de ses réalisations historiques,
s'est précipité vers sa propre
destruction pour des raisons si ténues
qu'aucun des acteurs contemporains
n'était en mesure d'en rendre compte de
façon convaincante. Cette folie, c'est
la peur de la mort qui la nourrit. La
mort, un évènement normal pour nous
aïeux, une transformation paisible, une
fois que le corps devenu superflu repose
au cimetière, et quand l'âme a rejoint
son Créateur, est devenue la pire chose
qui puisse vous arriver, une catastrophe
à éviter à tout prix, parce qu'il n'y a
pas d'au-delà, pas de Créateur à qui
rendre son âme: ne reste que l'ici et
maintenant. "Ils se sont embarqués dans
la guerre contre la mort", comme l'a
fait remarquer notre collègue CJ
Hopkins. En cherchant à échapper à la
mort, l'humanité s'est infligé une
blessure mortelle.
Ce n'est pas une
coïncidence si le seul État occidental
sain d'esprit, la Suède, avait évité la
Première puis la Seconde Guerre
mondiale: elle échappe à la terrible
auto-destruction du Corona. J'écris ces
mots depuis la Suède, justement, où les
écoles et les jardins d'enfants restent
ouverts, dans la normalité, et où les
parents ne deviennent pas fous au
contact de leurs ados agaçants; les
magasins et les bars sont ouverts, les
églises célèbrent leurs messes et autres
services religieux, et les gens sont
libres de traîner dans les parcs et les
forêts somptueuses. Qu'il suffise de
comparer la Suède avec son grand voisin:
les Suédois passent 43% de temps en plus
que d'habitude dans leurs parcs, tandis
qu'en Allemagne, les gens y passent 50%
de temps en moins.
Les Allemands
risquent des amendes: 500 euros pour une
visite à la famille ou aux amis; même
chose si trois personnes ou plus se
rassemblent; ou encore si on se tient à
deux mètres ou moins d'une autre
personne; 75 euros si vous n'avez pas
votre Ausweiss sur vous. Les
Suédois n'ont pas besoin
d'autorisations, et ils sont libres de
se rendre visite et de mener leur vie
sociale.
La société
allemande est en train de se disloquer.
Les gens ont peur de se voir les uns les
autres. Les enfants développent
l'addiction aux jeux. La solitude se
répand plus vite que le virus. La
nouvelle génération d'Allemands et
d'Européens en général sera hikimori,
une génération d'ermites, de reclus
sociaux. Au Japon, il y a des centaines
de milliers de jeunes et de moins jeunes
qui se mettent en retrait de la société.
Et cette maladie sociale est en train de
se répandre; cela peut être le coup de
grâce pour une Europe fracassée par les
vagues migratoires, le néolibéralisme,
le politiquement correct, et les délires
homosexuels ou transgenriques.
L'union sexuelle de
l'homme et la femme a été minée par la
bataille sociétale contre la
"masculinité toxique", le "sexe
protégé", la facilité avec laquelle les
gens peuvent être traduits en justice
pour de supposés harcèlements ou viols.
On touche le fond, et la prochaine
génération va écouter avec horreur
l'histoire d'Adam et Eve. Mais en
entendront-ils seulement parler? Les
églises sont fermées, la messe est
interdite. En voulant battre la mort,
l'humanité s'est livrée à la mort. Les
Allemands ont oublié les mots de leur
grand poète, Goethe:
Und so lang du
das nicht hast, dieses Stirb und
Werde, bist du nur ein trüber Gast, auf
der dunklen Erde.
Ce qui donne en
français;
Et tant que tu ne
comprendras rien
Au sens des mots : Meurs et Deviens
Tu seras un obscur passager
Sur cette terre enténébrée.
Soit peut-être
encore mieux car concis: "Meurs et
deviens!"
De fait l'Europe
peut s'attendre à des milliers de
faillites et de suicides. Les petites et
moyennes entreprises suédoises
survivront, tandis qu'en Allemagne elles
vont mourir. La Suède se remettra de la
crise en tant qu'État démocratique,
comme elle a survécu aux deux guerres
mondiales; tandis que l'Allemagne, la
France et l'Italie se précipitent vers
une dictature style 1984 dans
leurs nations en ruines, comme les
derniers usagers de Pornhub restent
accros à l'internet tant qu'il en reste.
Cet effondrement
massif n'est même pas médicalement
inéluctable. Le Corona est dangereux,
mais ce n'est pas la peste. Le taux de
mortalité en Suède reste normal pour la
saison; ils ne font pas beaucoup de
tests et n'ont pas de confinement,
simplement on recommande aux gens de se
laver les mains et de garder leurs
distances. Les rassemblements de plus de
cinquante personnes sont interdits. Il y
a moins de gens dans les rues que
d'habitude, mais la Suède n'est pas sous
l'empire de la panique. Est-ce qu'il y a
des Suédois qui en meurent? Oui,
absolument, mais ils n'étaient pas
immortels avant le virus non plus.
Les morts liés au
virus en Suède sont de l'ordre de 40 par
million d'habitants, trois fois moins
qu'en France et deux fois autant qu'en
Allemagne, malgré le fait que ces deux
pays ont mis en place un confinement
sévère. Étant donné que la Suède, comme
tous les pays occidentaux, a voulu ces
dernières années se battre contre la
mort en soi, et a maintenu en vie des
quantités de gens malades et âgés, y
compris par des moyens excessifs, on
pourrait s'attendre à ce que cette
moisson soit plus importante. Comme pour
toutes les infections, les grandes
villes sont plus dangereuses que les
villages, et les maisons de retraite,
véritables cocons où les vieux attendent
une mort imprévue, sont les plus grands
pièges mortels. La Suède n'a pas de
grandes villes comme New York ou
Londres, mais il y a beaucoup de
gens âgés et très âgés qui pourraient
succomber au virus.
Je suis fier des
hommes politiques suédois, des
sociaux-démocrates au pouvoir qui
brandissent la torche de la liberté
malgré l'énorme pression des médias
occidentaux. Les journaux directeurs des
Maîtres du discours, le New York
Times et le Guardian,
publient presque tous les jours des
articles prédisant l'apocalypse à la
Suède, mais le Premier ministre résiste
aux prophètes de malheur. Les médias
suédois ne tombent pas dans le mode
panique, et cela fait du bien. Je ne
sais pas combien de temps les Suédois
seront capables de résister à la
pression, si les ennemis de la liberté
tentent un changement de régime ou si on
va juste les obliger à obéir de force,
mais c'est ce qu'ils risquent vraiment.
Même aux US, la
vérité toute simple a commencé à
sombrer: la crise du Corona est une
crise médiatique, comme tellement
d'évènements récents l'ont été. Le 11
septembre et la guerre contre le
terrorisme en relèvent aussi. Depuis cet
incident unique (et qui reste
mystérieux) il n'y a pas eu d'attentat
terroriste aux US. De rares attentats
individuels en Europe ont été en général
perpétrés par des gens détraqués par la
guerre US au terrorisme. Plus de gens
ont été tués par des meubles leur
tombant dessus chez eux que par des
terroristes islamistes, mais le prix
qu'on a fait payer aux Américains et aux
habitants du Moyen Orient pour cette
guerre a été stupéfiant, parce que les
médias ont su créer une vague de
panique.
Il en va de même
pour la pandémie. Même le très correct
Los Angeles Times a fait
remarquer que "la grippe a touché 36
millions d'Américains depuis le mois de
septembre, et en a tué environ 22 000,
selon le CDC, mais ces morts-là, on les
passe sous silence." Le virus est réel,
et c'est mortel pour ceux dont la survie
dépend exclusivement de la médicine de
pointe. Pour le reste des gens, non. De
temps en temps, les médias balancent une
histoire de jeune ou d'enfant ayant
succombé au virus. Ils ne mentionnent
jamais que le jeune homme souffrait
d'une leucémie (comme dans le cas de
l'entraîneur de foot Francisco Garcia)
ou que l'enfant était né avec un
handicap tel qu'il ne pouvait pas vivre
de façon autonome. Les gens malades sont
plus susceptibles de succomber, c'est
tout.
Les Russes sont
très décevants. Ils ont renoncé à leur
indépendance et franchi la ligne.
C'était un spectacle ahurissant: pendant
des semaines, les médias favorables au
gouvernement (y compris les blogueurs)
se sont moqués des mesures de
confinement occidentales. Ils ont brandi
tous les arguments que les dissidents
occidentaux du Corona soulèvent. Et
puis, d'un jour à l'autre, ils ont
basculé. Pas à cause des morts (la
Russie a en tout en pour tout 34 cas
liés au virus, un nombre infinitésimal,
mais sous le coup des pressions. Poutine
a eu beau refuser le confinement ou des
mesures comparables, il a permis aux
gouverneurs des provinces de prendre les
mesures requises localement, et tant
Moscou que Saint Pétersbourg ont craqué,
avec appétit.
Et ce n'est pas
tout, on chope de lourdes amendes si on
est dehors sans son Ausweiss, si on
conduit, si ou on promène son chien à
plus de cent mètres de chez soi. Ils ont
fermé les parcs, limité la vente
d'alcool, fermé les bureaux de tabac.
Maintenant la vie dans les villes russes
principales est aussi restrictive que
partout ailleurs sur la planète-prison,
mais ils envisagent de faire mieux, en
introduisant un QR Code pour les gens
autorisés à sortir de leur propre
domicile. Il paraît que Poutine s'y
oppose, mais Sobyanine insiste. Et comme
de juste, le FT pro-démocrate, le
journal qui a soutenu Obama et Clinton,
soutient désormais Sobyanine contre
Poutine.
Les églises sont
fermées; les chrétiens, dans ce pays
très pratiquant, se voient interdire
d'assister aux célébrations: plus de
communion, plus de liturgie. Même sous
Staline, pendant la Guerre, quand les
troupes allemandes étaient à quelques
milles du Kremlin, les Moscovites
avaient la permission d'aller aux messes
de nuit pour communier, mais pas
maintenant.
Les médias russes
et les blogueurs ont épousé le virage,
sans ciller. L'opposition
pro-occidentale libérale s'en est
réjouie parce que c'est dans le style
proprement moderne et occidental, et les
partisans d'un autoritarisme de droite
ont approuvé parce qu'ils aiment les
restrictions. C'est triste à dire, mais
les Russes, ces gens formidables, n'ont
pas de vraies convictions. Ils étaient
tous pour le communisme jusqu'au jour où
on leur a dit de laisser tomber, et ils
ont obtempéré comme on laisse tomber son
chapeau. Ils étaient pour Poutine et
pour l'indépendance, mais quand ils ont
eu l'impression que Poutine était en
train de perdre la bataille au plan
intérieur, ils ont immédiatement tourné
casaque.
Maintenant la
majorité des médias russes et des
blogueurs disent que Poutine avait fait
preuve de faiblesse, quand il n'avait
pas appelé au confinement, et nonobstant
permis au maire de Moscou Sergueï
Sobyanine de le faire à sa place. Ils
auraient voulu que le grand homme se
mette lui-même en quarantaine. C'est
stupide, mais je pense qu'il est
toujours bon de comprendre ce qui
se passe vraiment. Pour les Russes,
c'est à nouveau 1991, l'effondrement du
monde tel qu'ils l'habitaient, le monde
des vacances à l'étranger, en Turquie ou
en Égypte, en France et en Espagne, le
monde des cafés sympas et des coiffeurs.
Le nouveau monde est aussi strict et
menaçant que la sombre époque de
l'occupation allemande avec ses nombreux
interdits, mais ils essayent de
survivre.
Mais il y aura un
autre revirement, parce que le
confinement est très difficile pour les
Russes avec leurs très petits
appartements. Si cela dure, on peut
s'attendre à beaucoup de conflits
familiaux et de violences. Les familles
russes modernes travaillent
habituellement, et se retrouvent
seulement le soir. Peut-être, alors, que
Poutine pourrait arriver comme le
sauveur, pour les délivrer de leur
captivité.
Mais l'endroit le
pire, en ces temps obscurs, c'est
l'Israël. Ils ont vaincu la mort, et en
même temps tué la vie, le revers de la
médaille. Israël a très très peu de
morts en rapport avec le virus. Il
s'agit toujours de gens de plus de 80
ans, dans des maisons de retraite. Plus
une école, plus une crèche d'ouverte. On
interdit aux gens de s'aventurer dehors,
Le Mossad et la police sont à leur
trousses, tout le temps.
Et la guerre à la
mort est une guerre contre Dieu.
Les églises sont fermées par décret
gouvernemental, même la vénérable église
de la Résurrection ou celle du Saint
Sépulcre. Les mosquées sont fermées
aussi, même la mosquée Al-Aqsa. Et c'est
contre les juifs pieux que le régime
sioniste et sans Dieu s'est déchaîné.
Leurs meutes militaires ont scellé les
synagogues avec les techniques mises au
point contre l'Intifada palestinienne,
quand ils avaient bouclé les échoppes
palestiniennes dans la vielle ville de
Jérusalem.
Ils ont envoyé
leurs
meilleurs combattants, les unités de
commandos, pour arracher des vieillards
à leurs familles oules extraire de leurs
foyers, et ont traîné ces vieux juifs
pieux dans des hôtels réquisitionnés,
pour les séquestrer dans la solitude. La
ville principale des juifs orthodoxes,
Bene Brak, a été cernée et mise sous
blocus comme la Bande de Gaza. Leurs
voisins sionistes à Ramat Gan demandent
à ce que Bene Brak soit encerclée par un
mur, pour que les juifs religieux ne
s'aventurent pas à l'extérieur. Les ados
défient bravement la police et l'armée,
en les traitant de nazis, et ils leur
toussent ostensiblement à la figure. Les
hommes vont prier dans des synagogues
souterraines, juste pour se voir
dénoncer par des voisins dévots de
l'intérêt public supérieur, comme à
l'époque d'Anne Frank. Cette répression
des juifs croyants est probablement ce
qui est arrivé de pire en bien des
années d'histoire juive.
La religion juive a
beaucoup de défauts, aucun doute
là-dessus, mais l'attachement juif à la
foi, leurs nuques raides, leur
propension à se rebeller plutôt qu'à se
soumettre, constituent un bel exemple
pour le monde. Je me sens fier de ces
rebelles orthodoxes dans leurs défroques
médiévales, qui défendent leur droit à
prier Dieu et à faire face à la
puissante armée, exactement comme leurs
concitoyens les Palestiniens qui ont
combattu la même armée pour Al- Aqsa.
Quand les juifs
sont bons, ils sont très bons. Quand ils
sont mauvais, ils sont vraiment mauvais.
Et les juifs sans Dieu sont souvent dans
la deuxième catégorie. Ils poussent leur
envie de vivre trop loin, et leur guerre
à la mort est une guerre totale, comme
le bombardement de Dresde. Israël est
probablement la seule nation au monde où
des patients de 90 ans sont branchés de
force à des respirateurs. Le prix à
payer, c'est une quarantaine totale; ce
qui n'empêche nullement les banques de
monter leurs taux d'intérêt, et de
forcer les sans emploi à continuer à
payer leurs loyers exorbitants à leurs
propriétaires absents.
Aux US, il y a deux
forces qui s'affrontent, pour la riposte
au virus. Les financiers, et les
industriels, soit la monnaie d'autrefois
et la nouvelle, ou Hollywood contre la
Rust Belt [les zones industrielles
périmées], les appellations sont
variables. Il semble que les deux seront
vaincus, comme l'Angleterre et
l'Allemagne avaient toutes deux perdu,
dans la guerre mondiale précédente. Le
président Trump veut sauver son pays, et
on se souviendra de son beau geste,
quand il a refusé de porter un masque,
mais il n'est pas assez fort pour faire
les changements nécessaires.
Je ne sais pas s'il
y a encore moyen de faire marche arrière
vers un peu de normalité, et si le monde
d'hier est mort pour ne plus
ressusciter. Mais avant de sombrer dans
cette affreuse dystopie, il y a encore
une chance. Le Carême est presque fini,
et voici Pâques qui arrive. Ce serait
une bonne chose d'en finir avec ces
restrictions et de laisser les gens en
liberté sur la merveilleuse terre que
Dieu nous a donnée. Et pour ce qui est
de la guerre à la mort, le président
Trump et le président Poutine peuvent
déclarer qu'ils l'ont gagnée, en
laissant les gens se retrouver dans
leurs églises, et déclarer que le Christ
est ressuscité, et que la mort a été
battue à son propre jeu.
Pour joindre
l'auteur:
adam@israelshamir.net
Traduction: Maria
Poumier
Source:
https://www.unz.com/ishamir/fighting-the-worldwide-war-on-death/
Le sommaire d'Israël Shamir
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