Opinion
Aymeric Caron critique l’armée
israélienne :
France 2 censure la séquence
Hicham Hamza
Lundi 28 avril 2014
Tabou français. Relative aux
enfants palestiniens tués par l'armée
israélienne, une altercation verbale
entre le journaliste Aymeric Caron et le
réalisateur Alexandre Arcady est passée
à la trappe. Décryptage.
Alexandre Arcady venait
parler de son film, les propos
d’Aymeric Caron étaient hors sujet
et n’avaient rien à faire dans cette
discussion.
Tel est le
commentaire laconique délivré par
France 2 à propos du vif échange qui
s'est déroulé sur le plateau de Laurent
Ruquier.
Samedi 26 avril, l'émission
On n'est pas couché avait
convié le réalisateur Alexandre Arcady,
actuellement en promotion de son dernier
film intitulé 24 jours et
consacré à
l'affaire Halimi racontée du point
de vue de la mère de la victime.
Tout téléspectateur de
l'interview menée conjointement par
Laurent Ruquier,
Natacha Polony et Aymeric Caron
pouvait constater la faible présence (à
peine deux minutes) du chroniqueur
visiblement tendu au cours
d'un débat d'une demi-heure. Pour cause:
le soupçon d'un montage ayant réduit ses
interventions s'est confirmé dimanche
soir lors d'une interview -sur
Europe 1- de l'acteur Pascal Elbé
qui se félicitait que "les
dirigeants de l'émission" aient
"coupé au montage" les remarques
jugées scandaleuses de "l'un des
journalistes" lors de l'entretien
avec Alexandre Arcady.
Ce matin, l'éditorialiste
Elisabeth Lévy
apportait -via son site Causeur-
des précisions sur ce passage à la
trappe: il s'agissait du chroniqueur
Aymeric Caron et la séquence censurée
portait sur les agissements de l'armée
israélienne (passages en gras soulignés
par Panamza).
Consultant ses fiches
soigneusement préparées, il
[Aymeric Caron] déplore, chiffres à
l’appui, que le film passe sous
silence les actes islamophobes qui
ont bien plus augmenté que les actes
antisémites (…)
Le ton monte (…)
Arcady ne sait plus
comment la discussion en arrive à
Merah. Si on interrogeait
Merah, déclare alors Caron, il
dirait qu’il a tué des enfants juifs
parce que l’armée israélienne tue
des enfants palestiniens (…)
D’ailleurs, là encore, il a les
chiffres. Sous le regard
médusé des invités, il
brandit ses notes, puisées dans le
rapport d’une ONG. J’ai les
chiffres !
Qu’est-ce que vous
répondez à ça ?
Arcady
s’étrangle. Vous osez dire que
l’armée israélienne tue des enfants
!, hurle-t-il (…)
Polony demande à son
partenaire s’il n’a pas perdu la
tête : tu viens à une émission sur
Ilan Halimi avec des données sur les
Palestiniens tués par l’armée
israélienne, est-ce que tu te rends
compte de ce que tu fais?".
Quelques heures après la mise
en ligne du papier de Causeur,
Alexandre Arcady était l'invité de
RMC: interrogé sur ces révélations,
le réalisateur en confirma la teneur et
assimila les affirmations d'Aymeric
Caron à de la "désinformation
abjecte" à caractère "antisioniste".
Aymeric Caron,
un "désinformateur"? C'est
faire fi des nombreux documents
officiels (comme
celui de l'UNICEF datant de mars
2013 et
celui du comité onusien des droits
de l'enfant datant de juin 2013)
ou journalistiques relatifs à la
question soulevée par le
chroniqueur. Le 5 avril, l'Autorité
palestinienne avait évoqué, comme le
rapporta le quotidien israélien
Haaretz, le chiffre de 1520
mineurs palestiniens tués par l'armée
israélienne depuis l'année 2000. Sur les
cinq dernières années, l'organisation
israélienne B'Tselem
a
comptabilisé et identifié 81 jeunes
palestiniens morts dans les territoires
occupés à la suite d'une intervention
des forces israéliennes de sécurité.
L'ONG Defence for Children International
a récemment donné le
chiffre de 1402 jeunes enfants ou
adolescents palestiniens tués par des
soldats israéliens sur la période
2000-2014.
En novembre dernier, invitée
par une chaîne de télévision
ukrainienne, une militaire israélienne
reconnaissait nonchalemment avoir
tué des enfants palestiniens.
Le 10 février, une chaîne
australienne a également diffusé un documentaire accablant pour
le régime de Tel Aviv. Le sujet: le
kidnapping arbitraire et la
séquestration illégale d'enfants
palestiniens par les militaires
israéliens.
Qui est à l'origine de la
censure de France 2?
Catherine Barma, productrice de
l'émission.
Panamza avait déjà évoqué cette
personnalité éminente du paysage
audiovisuel français dans un
article relatif à l'humour
anti-arabe de l'écrivain Yann Moix.
Extraits:
Tout sur l'écran est la société présidée par
Catherine Barma et gérée par Simon
Najmann (un fan des
éditos de BHL). C'est cette
compagnie qui rémunère les
chroniqueurs diffusés
quotidienemment par la chaîne du
service public.
Qui est Catherine
Barma? Une célèbre et redoutable productrice
de télévision qui avait tenu
à défendre la réputation de l'islamophobe
Éric Zemmour, brocardé en
2012 par un ex-associé de Laurent
Ruquier.
"C'est vrai qu'Éric Zemmour
est réac. On est d'accord. Mais il y
a plusieurs niveaux (…). J'ai
travaillé avec Éric Zemmour. Il a
quand même beaucoup de qualités et
je ne veux pas cautionner ça".
Catherine Barma est
également celle qui avait proposé à
une autre personnalité islamophobe
– Véronique
Genest- de devenir chroniqueuse
dans l'une de ses émisssions avant
de rétro-pédaler au lendemain du
passage désastreux de la comédienne
dans On n'est pas couché.
La productrice
affirma ne pas s'être "rendue
assez compte de la force de ses
propos".
Enfin, il convient de
souligner ici que Catherine Barma avait
fait appel, en 2011, à BHL,
parrain éditorial de Yann Moix, pour
incarner l'expert "emblématique" dans
une émission consacrée aux "droits
de la femme dans le monde".
BHL, référence
intellectuelle du féminisme à
travers la planète? Comme
le suggère le titre d'une émission
antérieure de Barma, "on
n'demande qu'à en rire".
Le présent article sur le clash
Caron/Arcady ne serait pas complet sans
le rappel d'un aspect biographique du
réalisateur passé sous silence par les
critiques de cinéma: son sionisme
radical.
Né en 1947,
l'homme originaire d'une famille
algérienne de Pieds-Noirs est parti,
à l'âge de
18 ans, dans un
kibboutz israélien
situé à la frontière libanaise. Il
fut d'ailleurs sur place lors de la
Guerre des Six-Jours de juin 1967. Chose
intéressante, son expérience était le
prolongement de son engagement dans un
mouvement de jeunesse
sioniste dénommé
Hachomer Hatzair.
Les lecteurs de Panamza se
souviennent peut-être de ce groupe: une
antenne parisienne a récemment reçu une
subvention de 25 000 euros de la part de
la député socialiste Danièle Hoffman-Rispail.
Plus important, ce mouvement, dit de
gauche et dont Arcady a parrainé -l'an
dernier- la
soirée du cententaire, s'est
pourtant caractérisé -comme le
souligna le journaliste israélien
Uri Avnery- par sa participation à
l'expulsion et l'expropriation des
Palestiniens au lendemain de la guerre
de 1948.
Préoccupé par la prétendue
montée d'un antisémitisme spécifiquement
"musulman" en
provenance des "banlieues"
(à l'instar de la thèse promulguée par "Les
territoires perdus de la République",
livre encensé par le trio
Finkielkraut-Fourest-Polony et
supervisé par un
auteur sioniste sous pseudo),
Alexandre Arcady a cautionné, de par
son passé assumé aujourd'hui,
le colonialisme israélien. Nulle
surprise, dès lors, à le voir
régulièrement participer aux campagnes
de diabolisation des adversaires du
régime de Tel Aviv (comme ce fut le cas
notamment, en 2007/2008, contre l'Iran
et des propos mensongèrement imputés à
l'ex-président Ahmadinejad).
Nul étonnement, non plus, à
voir le réalisateur des films
propagandistes L'union
sacrée et
Pour Sacha cotôyer Manuel
Valls et Bernard-Henri Lévy sur
l'estrade lors d’un "rassemblement
contre l'antisémitisme" (rapidement
transmuté en réunion pour le soutien
inconditionnel d'Israël). Rappelons ici
que l'ex-ministre de l'Intérieur avait
tenu à se
rendre sur le tournage de son
dernier film.
Quelque soit sa
qualité cinématographique et son souci
de véracité sur l'affaire Halimi, 24
jours a déjà bénéficié d'un
lancement idéal. Le 7 avril, le film
scénarisé par
Émilie Frêche et coproduit
par
Frédérique Dumas-Zajdela (ex-directrice
générale d'Orange Studio, filiale du
groupe Orange
dirigé par
Stéphane Richard) était
diffusé à l'Élysée en compagnie de
François Hollande et du nouveau Premier
ministre. Quelques heures plus tôt, il
était projeté dans une salle de
St-Germain-des-Prés à l'initiative de
BHL.
Ilan Halimi, histoire d’un crime antisémite... par laregledujeu
Deux semaines plus tôt, le
président du Crif, la
présidente de la Fondation
France-Israël et le
PDG de Publicis eurent également
droit à une
séance spéciale.
Pendant ce temps, un ouvrage à
contre-courant était en cours
d'impression. Un connaisseur
du dossier Fofana, l'avocat
Gilles Antonowicz, à rédigé un livre à
ce sujet -publié
le 2 mai- pour dénoncer,
comme l'avait fait l'ex-avocat Guillaume
Weill-Reynal,
l'instrumentalisation de la lutte contre
l'antisémitisme dans cette affaire.
Triste constat: huit ans après,
le calvaire vécu par Ilan Halimi n'a
visiblement pas fini d'être exploité par
la frange la plus radicale de la
communauté juive dont les fantassins -et
leurs alliés non juifs- continuent, à la
fois, d'attiser la stigmatisation des
citoyens musulmans vivant en banlieue et
de défendre un régime
colonialiste pratiquant
"le nettoyage ethnique".
HICHAM HAMZA
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